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UE : Interdire le commerce avec les colonies de peuplement illégales

Les échanges commerciaux avec les colonies situées dans des territoires occupés contribuent à des violations des droits

La colonie israélienne de Maale Adumim en Cisjordanie occupée, située à proximité de Jérusalem-Est, territoire également occupé dont les quartiers palestiniens sont visibles en arrière-plan. © 2020 Reuters

(Bruxelles) – La Commission européenne devrait interdire les transactions commerciales de l’Union européenne avec les colonies de peuplement dans tous les territoires occupés dans le monde, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui en devenant signataire d’une Initiative citoyenne européenne (ICE). Cette initiative citoyenne, enregistrée auprès de la Commission européenne en septembre 2021 et lancée officiellement le 20 février 2022, appelle à l'adoption d’une loi européenne interdisant d’importer dans l’UE des produits originaires de colonies illégales et d’exporter des produits de l’UE vers ces territoires.

Le transfert d’une population civile par une puissance occupante vers un territoire occupé militairement constitue une violation de la Quatrième Convention de Genève et constitue un crime de guerre aux termes du Statut de Rome, le traité fondateur de la Cour pénale internationale (CPI). Acheter des produits originaires de colonies installées dans des territoires occupés ou exporter vers elles facilite la poursuite de ces violations du droit international humanitaire. Cela enracine également les violations des droits humains qui souvent émanent des colonies illégales, notamment les confiscations de terres, l’exploitation des ressources naturelles et le déplacement des populations locales ou la discrimination à leur encontre.

« Les colonies de peuplement confisquent illégalement aux populations locales leurs terres, leurs ressources et leurs moyens d’existence », a déclaré Bruno Stagno, responsable principal du plaidoyer à Human Rights Watch. « Aucun pays ne devrait permettre le commerce de biens produits grâce à des vols de terres, des déplacements de population et des actes de discrimination. »

L'UE devrait également interdire les transactions commerciales qui contribuent à l’extraction illégale de ressources dans des territoires occupés, ce qui constitue aussi une violation du droit international humanitaire, a affirmé Human Rights Watch.

Human Rights Watch se joint à plus de 100 organisations de la société civile, mouvements populaires, syndicats et politiciens en apportant son appui à l’Initiative. Celle-ci repose sur une disposition visant à permettre aux citoyens européens de demander à la Commission européenne de prendre en considération une proposition d’action législative. Si l’Initiative recueille au moins un million de signatures, la Commission sera juridiquement dans l’obligation d’envisager une interdiction des importations de biens en provenance de colonies illégales.

Les instigateurs de l’ICE ont tout d’abord sollicité son enregistrement en juillet 2019, mais la Commission a initialement refusé de l’enregistrer, au motif que l’Initiative cherchait à imposer une sanction. La Cour de Justice européenne a annulé cette décision en mai 2021, statuant que la Commission aurait dû considérer l’Initiative comme une mesure commerciale générale. Cette prise de position a incité la Commission à changer d’avis, à enregistrer l’Initiative et à reconnaître sa propre compétence pour réglementer le commerce avec les colonies.

L’UE et ses États membres devraient interdire les transactions commerciales avec les colonies afin de se mettre en conformité avec leur obligation, aux termes des Conventions de Genève, d’assurer que le droit international humanitaire soit respecté, a déclaré Human Rights Watch. L’illégalité des colonies au regard du droit international humanitaire est bien établie et découle en partie du rapport étroit existant entre elles et la discrimination et les dommages économiques subis par les populations locales, comme l’a énoncé le Comité international de la Croix-Rouge en 1958 dans un commentaire sur la Convention de Genève.

Human Rights Watch a documenté ce phénomène dans le Territoire palestinien occupé (TPO), où les autorités israéliennes imposent depuis des décennies un régime militaire strict à des millions de Palestiniens, tout en gouvernant des centaines de milliers de colons israéliens juifs en s’appuyant sur le droit civil israélien. Pour établir et perpétuer l’entreprise de colonisation, les autorités israéliennes ont confisqué plus de deux millions de dunams (2 000 kilomètres carrés) de terres palestiniennes. Elles ont contraint les Palestiniens à vivre dans des dizaines d’enclaves déconnectées les unes des autres, démoli des milliers de maisons palestiniennes et imposé de sévères restrictions à la liberté de mouvement et aux droits civils fondamentaux de millions d’entre eux, entre autres graves abus.

Une telle répression systématique est à la base des crimes contre l’humanité d’apartheid et de persécution commis par Israël, comme l’ont documenté Human Rights Watch et beaucoup d’autres organisations de défense des droits humains palestiniennes, israéliennes et internationales.

Il incombe aux autres pays, en vertu du droit international humanitaire, de ne pas légitimer, même indirectement, le transfert de civils dans des colonies de peuplement installées sur un territoire occupé. Ils ne doivent pas non plus nier la réalité d’occupations militaires prolongées et, par conséquent, l’application du droit international humanitaire, quelles que soient les prétentions de la puissance occupante.

Les colonies de peuplement prennent des formes variées : dans certains territoires occupés, elles sont séparées géographiquement de la population locale ; dans d’autres, les colons ne sont pas officiellement séparés de la population locale. Cependant, le droit international humanitaire s’y applique de la même manière. L’Initiative utilise indifféremment les termes d’« entités occupantes » et de « colonies », soulignant leur applicabilité à des situations dans lesquelles les colonies ne sont pas clairement délimitées ou dans lesquelles l’occupation implique d’autres violations du droit international humanitaire.

L’Initiative s’applique sans ambiguïté à la situation en Cisjordanie occupée par Israël, où des biens destinés à l’exportation sont produits dans des colonies de peuplement illégales exclusivement israéliennes qui fonctionnent selon un système juridique distinct de celui des Palestiniens, mais elle s’appliquerait également à des biens d’exportation produits par des entreprises liées au transfert illégal, par le gouvernement d’une puissance occupante, de civils dans un territoire occupé, même si ces civils ne vivent pas dans des communautés isolées du reste de la population. 

Les gouvernements ont également l’obligation de ne pas contribuer à l’extraction de ressources naturelles dans des territoires occupés, en violation du droit international humanitaire. Par exemple, au Sahara occidental, les autorités marocaines exploitent des ressources naturelles, comme les produits de la pêche, de l’agriculture et de l’extraction des phosphates, mais elles n’ont pas démontré qu’elles ont obtenu le consentement explicite du peuple sahraoui et que les ressources découlant de ces exploitations bénéficient uniquement aux Sahraouis.

Reconnaissant son obligation au regard du droit international humanitaire, la coalition dirigée par les États-Unis qui a occupé l’Irak en 2003 a créé le Fonds de développement pour l’Irak, un fonds contrôlé de manière indépendante qui conservait les revenus tirés de l’exportation du pétrole irakien pour l’usage exclusif de la population irakienne. Mais l’exportation de quantités inconnues de pétrole en dehors de ce système et les milliards de dollars qui, de ce fait, ont été perdus indiquent que les autorités d’occupation ont failli à leurs responsabilités au regard du droit international humanitaire.

Les États-Unis avaient précédemment appliqué, en 1977, le principe selon lequel l’exploitation des ressources naturelles dans un territoire occupé doit bénéficier uniquement à la population locale. Le département d’État américain avait alors conclu, dans un mémorandum, que l’extraction de pétrole par Israël au large de la péninsule du Sinaï, occupée à l’époque par Israël, était contraire au droit international humanitaire.

Les entreprises ont aussi la responsabilité, selon les normes internationales en matière de droits humains, telles que les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, de ne pas contribuer à des violations des droits humains ou du droit international humanitaire et de ne pas faciliter de telles violations.

Étant donné l’illégalité intrinsèque des colonies de peuplement et leur contribution à des violations des droits humains, tous les pays et toutes les entreprises devraient mettre fin à leurs relations d’affaires avec les colonies, y compris au commerce des biens à destination et en provenance de ces colonies, a déclaré Human Rights Watch.

L'UE s’est exprimée au sujet de l’illégalité des colonies et d’autres abus liés à une occupation mais n’a pas uniformément réglementé les échanges commerciaux avec les territoires occupés. Les importations de l’UE en provenance des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée se sont chiffrées à environ 300 millions de dollars en 2012, selon une estimation du gouvernement israélien citée par la Banque mondiale. Les importations en provenance du Sahara occidental en 2020 ont dépassé les 500 millions d’euros (567 millions de dollars), selon la Commission européenne.

« L’UE considère, à juste titre, les colonies comme étant illégales mais elle s’abstient de réglementer le commerce des biens en provenance de ces colonies », a affirmé Bruno Stagno. « Si l’UE veut que ses positions soient prises au sérieux, après des décennies d’occupation militaire et de colonisation illégale dans des lieux comme le Sahara occidental et la Cisjordanie, elle devrait mettre ses actes en accord avec ses paroles. »

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