Le Président Emmanuel Macron reçoit le Président Donald Trump pour les célébrations du 14-juillet, à l'occasion de la commémoration du centième anniversaire de l'entrée en guerre des États-Unis pendant la Première Guerre Mondiale. Cette invitation est à la fois hautement symbolique et d'une ironie grinçante: Trump, qui n'a de cesse de critiquer l'UE et l'OTAN, va assister à un défilé militaire qui célèbre la fin de l'isolement qui a tenu les Etats-Unis à l'écart de l'effort de guerre allié jusqu'au 6 avril 1917, date à laquelle le Congrès a déclaré la guerre à l'Allemagne.
Le projet nativiste et isolationniste que porte Trump pour les Etats-Unis est en rupture totale avec l'héritage qui sera commémoré vendredi sur les Champs-Élysées. Les prises de position de Trump dénigrent des alliés historiques et ternissent les valeurs et les principes qui constituent les assises de l'ordre multilatéral d'abord inauguré par les alliés victorieux à la fin de la Grande guerre. Son projet est aussi en rupture avec les valeurs et les principes qui seront au cœur du conseil des ministres franco-allemand tenu conjointement par Macron et la Chancelière Angela Merkel la veille du 14-juillet, pour marquer l'entente accrue entre la France et l'Allemagne sur des enjeux clés, du changement climatique aux droits humains, en passant par l'avenir de l'UE et des Nations Unies. Sur tous ces sujets, comme Merkel l'a suggéré dans une allusion voilée à Trump, « l'époque où nous pouvions compter entièrement les uns sur les autres est quasiment révolue ».
Macron sera en terrain favorable lorsqu'il recevra Merkel, mais la rencontre avec Trump comporte plus de risques. Elle intervient aussi dans la foulée d'un sommet du G20 sans éclat mais secoué de manifestations la semaine dernière à Hambourg, en Allemagne, où, d'après Merkel, « les divergences n'ont pas été occultées, elles ont été clairement exprimées ». Macron a déjà su naviguer une rencontre également périlleuse avec Vladimir Poutine avec beaucoup de doigté – espérons qu'il saura s'imposer et qu'il soutiendra fidèlement les principes et les valeurs qu'il a si souvent défendus par ses paroles, à défaut de l'avoir fait encore par son action.
Dans un long et lyrique discours devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles le 3 juillet, Macron a présenté les principes directeurs de sa politique. Depuis, son attachement à ces principes n'a pas été mis à l'épreuve sur le terrain des affaires étrangères en l'absence d'autres alliés jusqu'à sa rencontre aujourd'hui avec Trump. Au sujet du changement climatique et de notre bien commun universel, Macron insistera sans doute sur la nécessité de « défendre la planète face au réchauffement climatique », comme il l'a fait lorsque Trump s'est retiré de l'Accord de Paris sur le climat. Mais mettra-t-il en garde plus généralement contre "le vice qui empoisonne depuis trop longtemps notre débat public : le déni de réalité" qu'il a évoqué à Versailles, et reprochera-t-il à Trump de propager et de se nourrir de ce vice ?
Au sujet des réfugiés, Macron fustigera-t-il que l'on les voie « comme un fardeau et non comme une chance », et défendra-t-il « un traitement humain et juste » et une protection pour « accueillir les réfugiés politiques courant un risque réel », y compris aux États-Unis ? Au sujet des organisations multilatérales telles que les Nations Unies, affirmera-t-il que « l'ordre multilatéral est sans doute aujourd'hui plus nécessaire que jamais » et appellera-t-il les États-Unis à cesser leurs efforts réguliers pour l'affaiblir ? Au sujet des droits humains, restera-t-il fidèle à son appel pour « l'application concrète, tangible, visible, des principes qui nous guident (...), la liberté, l'égalité, la fraternité » ?
Fera-t-il clairement comprendre à Trump que la mise en œuvre par son administration de la draconienne et extensive « règle du bâillon » contre l'avortement aura des conséquences désastreuses pour la lutte contre le sida, les efforts pour endiguer la propagation de maladies infectieuses, et la santé mondiale ?
En somme, Macron jouera-t-il l'apaisement avec Trump, ou le confrontera-t-il à la « résistance et la cohérence » dont il a promis que ce serait son seul « cap » ? Macron aura-t-il le courage et la volonté de percer les murs nativistes et isolationnistes que Trump tente d'ériger, sous le piètre prétexte d'une plus grande sécurité pour les États-Unis ? Ce n'est pas la symbolique belliqueuse du défilé militaire, mais plutôt le face-à-face entre Macron et Trump qui déterminera quelles valeurs domineront ce 14-juillet.