(Washington) – Les États-Unis ont adopté des politiques inconsidérées, discriminatoires et dangereuses envers les personnes venues chercher refuge dans ce pays en 2015, ou y rejoindre leur famille, a affirmé aujourd'hui Human Rights Watch dans son Rapport mondial 2016 (version abrégée en français).
« Le message adressé par l'administration Obama aux familles qui fuient les violences et les persécutions dans leur pays d'origine est le suivant : détention, discrimination et défiance, » a affirmé Alison Parker, co-directrice du programme États-Unis chez Human Rights Watch. « Les décideurs américains devraient changer de cap et cesser de traiter les nouveaux arrivants sans papiers comme des criminels. »
Dans son Rapport mondial 2016, dont la version anglaise de cette 26e édition comprend 659 pages, Human Rights Watch passe en revue les pratiques de droits humains dans plus de 90 pays. Dans son essai introductif, le directeur exécutif Kenneth Roth explique que la propagation des attaques terroristes au-delà du Moyen-Orient ainsi que les flux massifs de réfugiés cherchant à fuir la répression et les conflits ont conduit de nombreux gouvernements à restreindre les droits humains en tant que stratégie peu judicieuse visant à protéger la sécurité de leurs pays. Dans le même temps, des gouvernements autoritaires partout dans le monde, craignant la contestation pacifique dont l’effet est souvent amplifié par les médias sociaux, ont entamé à l’encontre d’organisations indépendantes la plus intense vague de répression de ces dernières années.
En décembre 2014, les États-Unis ont ouvert la plus grande prison du pays destinée aux familles migrantes nouvellement arrivées, un centre de rétention prévu pour accueillir plus de 2 400 parents et enfants – en majorité des demandeurs d'asile originaires du Guatemala, du Honduras et du Salvador. Un an auparavant, les États-Unis ne disposaient que de 85 lits spécialement dédiés à la rétention des familles. Cette nouvelle politique consistant à placer un grand nombre de familles originaires d'Amérique centrale en rétention a vu le jour en réaction à un afflux de nouveaux arrivants, cherchant à échapper aux violences perpétrées par les gangs armés qui échappent à tout contrôle dans leurs pays d'origine.
A la fin de l'année, plus de la moitié des sénateurs américains avaient proclamé leur opposition à la réinstallation de réfugiés originaires de Syrie dans leur État, en réaction aux attentats commis à Paris en novembre. Le Congrès américain a débattu par la suite de plusieurs mesures qui rendraient la réinstallation de réfugiés syriens et irakiens aux États-Unis quasiment impossible, en dépit d'un système actuel imposant déjà de nombreuses étapes successives de contrôle, sur une période de deux ans.
Les États-Unis ont mis en place en décembre 2014 un programme pour la réinstallation d'enfants réfugiés originaires d'Amérique centrale, venant directement depuis leur pays de naissance et possédant un parent résidant légalement aux États-Unis. Plus de 5 000 enfants ont soumis une demande dans le cadre de ce programme, mais en novembre 2015, seuls six enfants salvadoriens avaient obtenu l'autorisation d'entrer sur le territoire américain. Des milliers d'autres restaient ainsi menacés de violences et de persécutions, pendant qu'ils attendent dans leur pays d'origine que leur demande soit examinée dans le cadre du programme.
Le Département de la sécurité nationale (« Homeland Security ») a réagi à une série de décisions de justice en annonçant en juin la suppression de la rétention prolongée des familles capables de prouver leur éligibilité au droit d'asile. Cependant, le Département a précisé qu'il continuerait à enfermer de nombreuses personnes pour une période initiale, en contradiction avec les normes internationales qui imposent des limites à la rétention de demandeurs d'asile et d'enfants. Les États-Unis continuent à appliquer à leurs frontières des procédures d'expulsion défaillantes et expéditives qui entraînent le refoulement de nombreuses personnes venues chercher une protection.
Les États-Unis continuent à bafouer le droit international en retenant prisonniers 107 hommes, sans chefs d'inculpation et pour une durée indéterminée, dans le centre de détention de Guantanamo Bay. L'administration Obama a transféré 20 détenus vers leurs pays d'origine ou des pays tiers en 2015, tandis que le Congrès s'efforçait de mettre en place de nouveaux obstacles législatifs à ce type de transferts, et une interdiction totale des transferts vers les États-Unis.
« Il reste un an au Président Obama pour tenir sa promesse de fermer Guantanamo, » a souligné Alison Parker. « Il devrait accélérer le processus, malgré les efforts du Congrès pour prolonger l'injustice qui prévaut dans ce centre de détention. »
Les États-Unis sont toujours détenteurs du record mondial de population incarcérée, avec 2,3 millions de personnes dans les pénitenciers ou les prisons. Chaque année, environ 12 millions de personnes sont détenues pendant une certaine période dans les prisons d’État ou des comtés.
Les États-Unis ont cependant connu certaines avancées importantes dans le domaine des droits humains en 2015, a observé Human Rights Watch. Parmi celles-ci figure la reconnaissance historique du mariage entre personnes de même sexe par la Cour suprême, qui s'applique à tous les États. Le Congrès a par ailleurs adopté des lois renforçant l'interdiction de la torture et a mis fin à la collecte massive des données téléphoniques des Américains, même si d'autres réformes sont encore nécessaires. Mettant un terme à des années de litiges, la Californie a commencé à démanteler son système de détention illimitée à l'isolement.
« Les déclarations profondément choquantes et discriminatoires de certains candidats à l’élection présidentielle sur un certain nombre de problématiques soulèvent de nouvelles préoccupations en ce qui concerne les droits humains aux États-Unis, pour les douze mois à venir », a ajouté Alison Parker.