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Eric Goldstein, directeur-adjoint de la division Moyen-Orient à Human Rights Watch, souligne dans cette interview avec Al-Ahram Hebdo que les pratiques menées par l’Etat contre les médias en Égypte ont amené le Comité pour la protection des journalistes à désigner ce pays parmi les trois pays les plus meurtriers pour les journalistes.

Al-Ahram Hebdo : Après la mort de plus d’une dizaine de journalistes sur le terrain, pensez-vous que les journalistes en Egypte soient visés de manière systématique ?

Eric Goldstein : La récente flambée dans le nombre de journalistes tués ou blessés pendant qu’ils couvraient des manifestations est le résultat d’une intensification de la violence exercée par les forces de l’ordre pour mettre fin à ces manifestations. Les journalistes ne sont pas spécifiquement ciblés, mais sont victimes des mêmes pratiques qui ont entraîné la mort de plus d’un millier de manifestants depuis que le gouvernement intérimaire soutenu par l’armée a pris le pouvoir le 3 juillet. Tant que le gouvernement ne met pas fin à l’impunité dont jouit la police, les journalistes ne seront pas à l’abri du danger.

— Pourquoi le nombre de journalistes tués ou blessés a-t-il surtout augmenté après la chute du régime des Frères musulmans ? A qui incombe la responsabilité de ces violences ?

— Le nombre de journalistes tués ou blessés a augmenté en parallèle avec l’augmentation du nombre de manifestants tués ou blessés depuis que Mohamad Morsi a été chassé du pouvoir le 3 juillet. L’Etat est responsable en premier lieu, car il continue à donner carte blanche aux forces de sécurité pour recourir à la force excessive afin d’empêcher les manifestations.

— Comment l’Etat devrait-il protéger les journalistes égyptiens et étrangers sur le terrain ?

— La façon la plus efficace de protéger les journalistes sur le terrain est d’arrêter l’utilisation des balles réelles contre les manifestants et de se conformer aux normes internationales par rapport à l’utilisation de la force. Les autorités devraient aussi mener des enquêtes sur les cas d’utilisation de la force illégale. La proposition faite par le ministère de l’Intérieur de fournir aux journalistes des gilets pare-balles, qui a été annoncée quelques jours après que Mayada Achraf eut succombé d’une balle dans la tête, révèle l’incohérence de la réponse du gouvernement. Les journalistes n’auront pas de sécurité tant qu’on ne règle pas les problèmes de base, à savoir la force excessive et l’impunité.

— Existe-t-il, selon vous, une faille dans la législation égyptienne relative à la protection des journalistes ?

— Les organisations de défense des droits de l’homme exigent depuis des années que les autorités égyptiennes révisent le code pénal, qui est utilisé pour incarcérer abusivement des opposants et des dissidents. Or, la nouvelle Constitution renferme des aspects positifs, tels que l’article 70, qui garantit la liberté de la presse, et l’article 71, qui affirme que personne ne devrait être emprisonné pour un délit d’opinion. Il reste aux autorités à mettre en oeuvre ces articles et à assurer la liberté d’expression.

— Quelles sont les répercussions de ces pratiques menées par l’Etat contre les journalistes sur la liberté d’expression en Egypte ?

— La fermeture des médias audiovisuels et des journaux jugés proches des Frères musulmans et d’autres courants islamistes et la poursuite des journalistes d’Al-Jazeera, pour avoir discuté avec des sources d’informations et pour avoir diffusé de l’information, sont des indices révélateurs d’un Etat qui ne connaît pas de frontières dans sa détermination à mater la contestation. Ce sont ces pratiques qui ont amené le Comité pour la protection des journalistes à désigner l’Egypte parmi les trois pays les plus meurtriers pour les journalistes en 2013.

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