(Genève, le 5 octobre 2012) – La présidente suisse Eveline Widmer Schlumpf devrait profiter de la visite imminente de son homologue turkmène pour condamner la situation déplorable des droits humains au Turkménistan et pour appeler à des améliorations concrètes dans ce domaine, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Le président Gurbanguly Berdymukhamedov doit en effet entamer une visite de travail en Suisse le lundi 8 octobre 2012.
Au cours de sa visite, le président Berdymukhamedov rencontrera de plus Johann Schneider-Ammann, membre du Conseil fédéral suisse. Une déclaration du gouvernement turkmène en date de juillet indiquait que cette visite aurait pour thème central la coopération énergétique.
« Accueillir le président du Turkménistan constitue une occasion unique de faire pression sur lui afin d'obtenir des améliorations concrètes en matière de droits humains », a déclaré Veronika Szente Goldston, directrice du plaidoyer auprès de la division Europe et Asie centrale de Human Rights Watch. « La présidente Eveline Widmer Schlumpf doit envoyer un message clair selon lequel le respect des droits humains est fondamental dans le cadre de l'engagement de la Suisse avec le Turkménistan. »
Le Turkménistan est riche en gaz naturel, et nombre de gouvernements le considèrent comme un partenaire stratégique important. Or, c'est l'un des pays les plus répressifs au monde. Des prisonniers politiques languissent dans les prisons turkmènes, et le droit à la liberté d'expression, d'association, de réunion, de circulation et de religion est soumis à des restrictions draconiennes. La société civile et les médias indépendants ne peuvent y œuvrer en toute transparence, si tant est qu'ils puissent y œuvrer tout court. Le gouvernement menace, harcèle et arrête quiconque conteste sa politique, ne fût-ce que timidement.
Le Turkménistan demeure fermé aux défenseurs des droits humains, notamment à Human Rights Watch. En 2008, la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la liberté de religion est devenue la première observatrice de l'ONU à visiter le pays, mais le gouvernement a refusé d'accorder des invitations à dix autres observateurs de l'ONU, et ce malgré leurs demandes d'accès formulées de longue date.
Ces dernières années, le bilan déplorable du Turkménistan en matière de droits humains s'est retrouvé sous le feu nourri des critiques de l'ONU. En mars, le Comité des droits de l'homme des Nations unies a rendu publique une évaluation très critique soulignant la répression gouvernementale sur la liberté d'expression et les condamnations auxquelles sont soumis les militants de la société civile, les actes de torture et les mauvais traitements infligés dans les lieux de détention, ainsi que le manque d'indépendance du système judiciaire. Un an auparavant, le Comité des Nations unies contre la torture avait établi de « nombreuses allégations fondées sur la pratique très répandue de la torture et des mauvais traitements » et avait exprimé son inquiétude face aux disparitions forcées.
Dans une présentation commune adressée au Conseil des droits de l'homme des Nations unies pour l'examen du Turkménistan dans le cadre de l'examen périodique universel tous les quatre ans du bilan de chaque pays en matière des droits humains, Human Rights Watch, Initiative turkmène pour les droits humains et Freedom Now ont expliqué en détail la manière dont le gouvernement turkmène avait fait fi des recommandations du Conseil des droits de l'homme des Nations unies lors de l'examen de 2008. L'examen invitait instamment le gouvernement à libérer les prisonniers politiques et à mettre un terme au harcèlement et aux persécutions dont sont victimes journalistes, défenseurs des droits humains et dissidents dans ce pays.
Ce document expose en détail le cas de prisonniers politiques, documente la manière dont le gouvernement a détenu de force en établissement psychiatrique un journaliste d'âge mûr, et décrit la façon dont les autorités mettent les dissidents et leurs proches sur liste noire, les empêchant de voyager à l'étranger.
« Les autorités turkmènes tentent d'empêcher les pays d'observer la situation à l'intérieur du Turkménistan, quand bien même la situation désastreuse en matière des droits humains y est notoire », a affirmé Veronika Szente Goldston. « La Suisse devrait envisager l'occasion qui lui est donnée de s'entretenir avec le président Gurbanguly Berdymukhamedo comme un élément essentiel pour faire pression sur lui afin qu'il mette un terme au harcèlement et à la persécution. »