Le gouvernement marocain doit garantir un procès équitable à huit défenseurs des droits humains originaires du Sahara occidental (sous contrôle marocain) et actuellement emprisonnés, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Le procès de sept d'entre eux, qui font l'objet du chef d'inculpation douteux d'incitation et de participation à des actes de violence, doit reprendre mardi dans la ville principale du dit territoire, Laâyoune.
Dans une lettre envoyée au Roi Mohammed VI, Human Rights Watch a souligné que les procédures suivies jusqu'à présent indiquaient que le droit des accusés à un procès équitable était menacé. Aux termes de la constitution marocaine, le roi préside le Conseil Supérieur de la Magistrature.
“Les preuves rassemblées dans les dossiers de ces militants du Sahara occidental soulèvent en premier lieu la question du bien-fondé de ces poursuites en justice,” a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la Division Moyen-Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch. “Il faut que le gouvernement marocain fasse en sorte que ces procès soient équitables, transparents et qu'ils aient lieu sans délai.”
Les autorités marocaines poursuivent ces militants des droits humains, ainsi que sept jeunes hommes, du chef d'incitation et de participation à des attaques perpétrées contre la police et la propriété publique au cours de la vague de protestation de Sahraouis qui touche Laâyoune et d'autres villes depuis le mois de mai. Les manifestations, au cours desquelles les contestataires ont scandé des slogans prônant l'indépendance du Sahara occidental, étaient en grande partie pacifiques. Néanmoins, à quelques occasions, les manifestants ont lancé des pierres et des cocktails Molotov sur la police, laquelle a utilisé à maintes reprises la force arbitraire et excessive aussi bien contre les manifestants que contre des passants innocents.
En juin et juillet, la police marocaine a arrêté Aminatou Haidar, H’mad Hammad, Ali Salem Tamek, El-Houcine Lidri, Brahim Noumria, Larbi Messaoud et Mohammed El-Moutaouakil. En octobre, elle a arrêté Brahim Dahane, qui sera vraisemblablement jugé séparément. Ces huit personnes avaient recueilli et diffusé des informations sur les atteintes aux droits humains commises par les autorités marocaines à l'encontre des Sahraouis. Dahane est président de l'Association sahraouie des Victimes de Violations Graves des Droits de l'Homme commises par l'Etat Marocain, organisation que ces mêmes autorités ont à ce jour refusé de reconnaître. El-Moutaouakil, Lidri, Messaoud et Noumria appartenaient à la Section Sahara du Forum Vérité et Justice avant qu'un tribunal marocain ne dissolve cette section en 2003.
Les huit militants sont également connus pour leur plaidoyer pacifique en faveur de l'indépendance du Sahara occidental. Six d'entre eux ont déjà été condamnés auparavant pour des activités politiques non violentes ou détenus secrètement pendant des années sans procès, apparemment pour leur opposition à l'administration marocaine de leur territoire.
Le Roi Mohammed VI envisagerait au cours des prochains jours de présider une cérémonie en l'honneur de la Commission Equité et Réconciliation du Maroc pour le travail qu'elle vient de clôturer. Ce travail consistait à recueillir des informations circonstanciées sur les graves violations des droits de l’Homme commises dans le pays entre 1956 et 1999, à indemniser les victimes et à recommander des mesures pour prévenir de futures atteintes aux droits de l'homme. La Commission a effectué des missions de recherche au Sahara Occidental et y a rencontré des victimes de violations du passé et leurs ayants droit.
Les autorités marocaines font souvent valoir que la Commission constitue un pas important vers un respect plus grand des droits humains au Maroc.
“Les résultats obtenus par la commission vérité du Maroc méritent d'être soulignés,” a reconnu Whitson. “Mais ces arrestations et ces procès montrent que la répression est encore la règle au Sahara occidental.”
Le Sahara occidental a été effectivement annexé par le Maroc après que l'Espagne se fut retirée de la zone qu'elle contrôlait (zone connue sous le nom de Sahara espagnol) en 1976 et que la Mauritanie se fut retirée du reste du territoire en 1979. La guérilla menée par le Front Polisario qui contestait la souveraineté de Rabat a pris fin en 1991 avec un cessez-le-feu parrainé par les Nations Unies. Depuis lors, le référendum devant être organisé par l'ONU pour déterminer le statut définitif de cette région disputée a été reporté à maintes reprises.