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(Bruxelles)- Le Parlement européen a demandé aujourd’hui au Sénégal que Hissène Habré, l’ex-dictateur tchadien, soit traduit en justice ou extradé vers la Belgique afin qu’il y réponde d’accusations de crimes contre l’humanité. Les victimes de Habré et les organisations de défense des droits de l’homme qui les soutiennent ont applaudi la décision du Parlement européen.

Habré, qui s’était réfugié au Sénégal en 1990 après huit années de règne (1982-1990) marquées par de graves violations des droits de l’Homme, a d’abord été inculpé au Sénégal en 2000. Après que la justice sénégalaise se soit déclaré incompétente pour le juger, ses victimes ont poursuivi leurs efforts en vue d’obtenir justice en se tournant vers la Belgique. En septembre 2005, après quatre années d’enquête préliminaire, la Belgique a inculpé Habré pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et actes de torture.

Pourtant, au mois de novembre suivant, la justice sénégalaise s’est à nouveau déclarée incompétente, cette fois pour statuer sur l'extradition de Habré vers la Belgique. Le gouvernement sénégalais a alors saisi ses pairs de l’Union africaine pour déterminer le sort réservé au dossier. En janvier, l’Union africaine a mis en place un Comité de juristes afin d’examiner le cas Habré et de soumettre ses propositions lors du prochain Sommet de l’Union africaine en Juillet. Le Parlement Européen a demandé à l’Union africaine de « veiller […] à ce que le Sénégal honore ses engagements internationaux ».

« La Communauté internationale ne se rend pas compte pas que quinze années se sont écoulées depuis la perpétration de ces crimes et que Hissène Habré n’a toujours pas été traduit en justice », a déclaré Jacqueline Moudeïna, Présidente de l’Association tchadienne pour la Promotion et la Défense des Droits de l’Homme, et avocate des victimes. « La Belgique est prête, disposée et apte à rendre justice aux victimes d’Hissène Habré, ce que le Sénégal leur a jusqu’ici refusé ».

« L’Union Européenne n’a fait que rappeler au Sénégal ses engagement internationaux aux termes de la Convention contre la torture l’obligeant soit a juger soit a extrader Hissène Habré », a déclaré Alioune Tine, Président de la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDHO). «Le Sénégal ne peut à la fois se déclarer incompétent pour juger Habré et refuser de l’extrader sous prétexte qu’il a référé le dossier à l’Union africaine. Ce n’est pas en se dérobant sans cesse devant ses responsabilités que l’Afrique fera face au cancer de l’impunité qui la gangrène ».

La résolution du Parlement Européen invite le Sénégal « à garantir à Hissène Habré un procès équitable en l’extradant vers la Belgique faute d’alternative africaine, conformément à la Convention des Nations unies contre la torture et autres traitements ou punitions cruels, inhumains ou dégradants ». La résolution invite, d’autre part, l’Union africaine « à veiller, dans le cas d’Hissène Habré, à ce que le Sénégal honore ses engagements internationaux en tant qu’État signataire de la Convention contre la torture ».

«L’Europe appuie fermement la demande d’extradition de Hissène Habré vers la Belgique », a déclaré Ana Maria Gomes, membre portugais du Parlement européen et co-auteur de la résolution. «L’extradition de Habré représenterait une avancée significative dans la lutte contre l’impunité des responsables des pires atrocités, mais également un signal fort avertissant les autres dictateurs du risque d’être traduits en justice s’ils commettent des crimes contre l’humanité ».

Conformément à la Convention des Nations Unies contre la Torture, le Sénégal est tenu juridiquement soit de poursuivre soit d’extrader Hissène Habré. Le gouvernement belge a annoncé qu’il porterait son différend avec le Sénégal devant la Cour internationale de Justice si ce dernier manquait à ses obligations internationales.

Le Parlement Européen a, par ailleurs, renouvelé ses appels au Nigéria afin qu’il livre Charles Taylor, l’ancien Président du Libéria, au Tribunal Spécial pour la Sierra Leone. Le Parlement a antérieurement adopté une résolution en février 2005 appelant à la livraison de Taylor au tribunal, qui a retenu 17 chefs d’inculpation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Pour lire la résolution «Impunité en Afrique, en particulier le cas de Hissène Habré» du Parlement Européen, veuillez cliquer ici.

Rappel des faits

Hissène Habré a dirigé le Tchad de 1982 à 1990 jusqu’à son renversement par l’actuel président Idriss Déby et sa fuite vers le Sénégal. Son régime de parti unique fut marqué par une terreur permanente, de graves et constantes violations des droits de l’homme et des libertés individuelles et de vastes campagnes de violence à l’encontre de son propre peuple. Habré a périodiquement persécuté différents groupes ethniques dont il percevait les leaders comme des menaces à son régime. Les archives de la police politique de Hissène Habré, la DDS (Direction de la Documentation et de la Sécurité), découvertes par Human Rights Watch en 2001, révèlent les noms d’au moins 1,208 personnes mortes en détention. Les noms de plus de 12,321 victimes d’abus de toute sorte y sont par ailleurs mentionnés.

En février 2000, un juge sénégalais a inculpé Hissène Habré pour complicité de crimes contre l’humanité et complicité d’actes de torture et de barbarie, et l’a placé en résidence surveillée. Mais en mars 2001, la Cour de Cassation du Sénégal s’est déclarée incompétente pour juger de crimes commis à l’étranger. Les victimes de l’ancien dictateur ont immédiatement annoncé qu’elles chercheraient à faire extrader Habré vers la Belgique, où des plaintes avaient été déposées contre lui par 21 de ses victimes, dont trois de nationalité belge. Le Président du Sénégal, Abdoulaye Wade, a alors déclaré qu’il acceptait de garder Habré sur le sol sénégalais et que « Si un pays, capable d’organiser un procès équitable-on parle de la Belgique-le veut, je n’y verrais aucun obstacle ».

Suite à l’enquête menée par un juge belge pendant quatre ans, un mandat d’arrêt international a été délivré à l’encontre de M. Habré le 19 septembre 2005 et les autorités sénégalaises ont procédé à son arrestation au Sénégal le 15 Novembre 2005. Le 25 novembre dernier, la Cour d’appel de Dakar s’est déclarée incompétente pour statuer sur la demande d’extradition déposée par Belgique. Le 27 Novembre, le Ministre sénégalais des affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio, a déclaré « qu’il appartient au sommet de l’Union Africaine d’indiquer la juridiction compétente pour juger cette affaire ».

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