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Occupation, Inc. : Questions et réponses au sujet des entreprises dans les colonies

Explications sur la manière dont ces entreprises contribuent aux violations par Israël des droits des Palestiniens

Plus d’un demi-million de colons israéliens vivent dans 237 colonies dans la Cisjordanie occupée par Israël, y compris Jérusalem-Est. Les gouvernements israéliens qui se sont succédés ont favorisé ce processus, bien que les colonies soient illégales selon le droit international humanitaire et fassent partie intégrante des politiques israéliennes qui dépossèdent les Palestiniens, violent leurs droits humains et leur font subir diverses formes de discrimination.

Mais ce système n’est pas seulement propagé par le gouvernement israélien ; il repose également sur l’implication d’une multitude d’entreprises qui opèrent au sein des colonies. Human Rights Watch a examiné le rôle des entreprises qui opèrent dans les colonies, financent leur construction, fournissent des services aux colons ou font du commerce avec les entreprises localisées dans les colonies. L’organisation a évalué pareilles activités selon les responsabilités des entreprises en matière de droits humains, telles qu’énoncées dans les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.

La colonie israélienne Barkan, située à proximité du village palestinien de Qarawat Bani Hassan (à l’arrière-plan) en Cisjordanie, territoire occupé, est une zone industrielle regroupant 120 usines qui exportent environ 80 % de leurs produits vers l'étranger. © 2004 David Silverman
  1. Qu’est-ce que Human Rights Watch demande aux entreprises de faire et pourquoi?

Les entreprises ont des responsabilités en matière de droits humains au regard des normes internationales. Par exemple, les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme imposent aux entreprises du monde entier de faire preuve de diligence raisonnable et d’atténuer tout impact nuisible de leurs activités sur les droits humains. Ces principes s’appliquent aux entreprises exerçant leurs activités partout dans le monde de même qu’à la totalité de leurs chaînes d’approvisionnement. Tous les États sont tenus de respecter ces normes et d’élaborer des directives pour les mettre en œuvre.

Human Rights Watch a constaté que les activités des entreprises opérant au sein des colonies contribuent aux violations commises par Israël contre les droits des Palestiniens et le droit international humanitaire et en bénéficient. Puisque les violations sont intrinsèquement liées aux politiques et aux pratiques israéliennes abusives et nocives, mises en œuvre depuis longtemps en Cisjordanie, la seule façon dont les entreprises pourraient éviter ou atténuer leur contribution à ces abus conformément à leurs responsabilités selon les Principes directeurs des Nations Unies serait de mettre fin à leurs opérations localisées au sein des colonies ou liées à des activités commerciales en rapport avec les colonies.

Les études de cas menées pas Human Rights Watch montrent comment les entreprises des colonies font partie intégrante du système abusif des colonies parce qu’elles :

  • contribuent à la viabilité des colonies en fournissant des services et des emplois aux colons et en payant des impôts aux municipalités des colonies ;
  • dépendent de et contribuent à la confiscation illégale des terres et des ressources palestiniennes en finançant, développant et commercialisant des logements au sein des colonies ; et
  • sont inextricablement liées aux et bénéficient des politiques israéliennes discriminatoires qui encouragent l’établissement de colonies et répriment sévèrement les Palestiniens, tel que l’accès privilégié aux permis et licences de construction, émises par Israël, pour extraire des ressources naturelles qui devraient seulement être utilisés pour le bénéfice de la population palestinienne des territoires occupés.
  1. Qu’est-ce que Human Rights Watch demande aux États de faire et pourquoi?

Selon le droit international humanitaire, les États ont le devoir de ne pas légitimer (même par inadvertance) le transfert par Israël de ses citoyens vers des colonies situées dans les territoires occupés ou toute revendication de souveraineté sur les colonies. Dans la pratique, cela signifie que les États ne doivent pas traiter les marchandises produites dans les colonies comme si elles étaient fabriquées en Israël, par exemple en les important avec un label sur lequel est marqué « Fabriqué en Israël » ou selon des accords tarifaires préférentiels applicables aux produits israéliens. De même, ils ne doivent pas reconnaître l’autorité légale des fonctionnaires israéliens de certifier des marchandises produites dans les colonies comme étant conformes avec des réglementations en vigueur, telles que celles concernant les produits organiques.

Un étiquetage erroné des produits comme étant « Fabriqués en Israël » peut également enfreindre les règlements relatifs à la protection des consommateurs en vigueur dans les pays importateurs qui interdisent la duperie des clients. Les consommateurs devraient avoir accès aux informations nécessaires, tel que le pays d’origine des produits, pour être en mesure de prendre des décisions éclairées.

En novembre 2015, l’Union européenne a publié un avis d’interprétation défendant l’importation des marchandises en provenance des colonies et étiquetées « Fabriquées en Israël », citant son devoir de ne pas reconnaître la souveraineté israélienne sur les territoires palestiniens occupés ainsi que les exigences des lois de l’UE relatives à la protection des consommateurs. Pour des raisons similaires, les règlements de l’UE stipulent que les marchandises produites dans les colonies ne peuvent pas bénéficier de l’accord de libre-échange avec Israël ; ainsi, les exportateurs doivent payer 7 % de frais de douane.

Depuis 1995, les règlements douaniers des États-Unis ont exigé que les marchandises en provenance de la Cisjordanie soient étiquetées comme telles – et ils ont spécifiquement défendu qu’elles soient étiquetées comme « Fabriquées en Israël ». Cependant, les inspecteurs des douanes aux États-Unis ne sont pas en train d’appliquer ces règlements aux marchandises en provenance des colonies.

Les Principes directeurs de l’ONU exhortent les États à respecter les principes et à développer des directives pour les mettre en œuvre. Un certain nombre de pays sont en train d’élaborer des plans d’action nationaux à cet effet. Les États devraient fournir des conseils aux entreprises opérant dans des régions affectées par des conflits, y compris dans les situations d’occupation militaire comme c’est le cas pour les territoires palestiniens occupés.

  1. Quelles sont en pratique les implications pour les entreprises ?

Les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, qui ont fourni le cadre de la recherche menée par Human Rights Watch, s’appliquent aux entreprises opérant partout dans le monde et à travers leurs chaînes d’approvisionnement, leur imposant de garantir ou de certifier que leurs relations avec d’autres entreprises ne sont pas entachées par des abus. C’est pour cette raison que Human Rights Watch recommande que les entreprises à la fois mettent fin à leurs activités en rapport avec les colonies et fassent preuve de diligence raisonnable en ce qui concerne les droits humains afin de garantir que leurs relations d’affaires sont exemptes de tout investissement ou produit en rapport avec les colonies.

La Société A n’a pas besoin d’arrêter de faire des affaires avec la Société B juste parce que la Société B produit certaines des marchandises qu’elle vend à l’intérieur d’une colonie ou emploie des apports en provenance des colonies. Cependant, la Société A a le devoir de vérifier que les marchandises qu’elle achète à la Société B n’ont pas été produites dans une usine localisée dans une colonie et ne comportent pas des apports en provenance des colonies.

  1. En quoi la recommandation de Human Rights Watch, adressée aux entreprises, de suspendre leurs activités en relation avec les colonies est-elle différente d’une recommandation de boycott, et quel est son rapport au mouvement BDS ?

Human Rights Watch n’a pas pris une position pour ou contre les appels de certains groupes aux consommateurs pour qu’ils boycottent les produits des colonies ou ceux d’Israël dans leur ensemble. Ces groupes, qui soutiennent un mouvement ayant vu le jour en Palestine et qui sont collectivement désignés comme le « mouvement BDS », ont préconisé le boycott, le désinvestissement et les sanctions pour exercer des pressions sur Israël afin de mettre fin à son occupation militaire et atteindre d’autres objectifs politiques.

Les recommandations de Human Rights Watch se bornent à exhorter les entreprises concernées à mettre fin à leurs activités ayant un rapport direct avec les colonies. Human Rights Watch ne s’est pas adressée aux entreprises situées à l’intérieur de la ligne verte et n’a pas recommandé que des entreprises mettent fin à leurs relations avec d’autres entreprises simplement parce qu’elles ont des rapports avec les colonies, mais seulement de vérifier que leurs propres chaînes d’approvisionnement n’impliquent pas des activités en rapport avec les colonies.

En outre, les recommandations de Human Rights Watch ne s’adressent pas aux consommateurs ou aux investisseurs individuels et ne prônent ni un boycott de la part des consommateurs, ni un désinvestissement ou des sanctions. Ces recommandations ne sont pas conçues comme un moyen de faire pression sur Israël en vue d’une fin particulière. Elles reflètent plutôt ce que les entreprises devraient faire pour agir en conformité avec leurs responsabilités en matière de droits humains.

Finalement, Human Rights Watch s’est abstenu d’émettre des recommandations concernant l’éventuelle collaboration culturelle ou académique de la part d’une entreprise avec Israël ou les colonies.

  1. Human Rights Watch a-t-elle auparavant jamais fait appel aux entreprises pour qu’elles mettent fin à leurs activités ?

Human Rights Watch enquête et produit des rapports sur la contribution des entreprises aux abus en matière de droits humains à travers le monde. Dans la plupart des cas, les entreprises sont en mesure d’aborder ou de mettre fin aux abus dans lesquels elles sont impliquées sans suspendre leurs activités, ce qui est reflété par les recommandations et les plaidoyers de Human Rights Watch.

Cependant, dans les cas où cela s’avère impossible, Human Rights Watch préconise que certains types d’entreprise mettent fin à toutes leurs opérations. C’est le cas des entreprises engagées dans des activités en rapport avec les colonies israéliennes, puisque les résultats des enquêtes menées par Human Rights Watch montrent que de telles activités contribuent à des violations dont la possibilité de les atténuer échappe au contrôle des entreprises.

Il existe un certain nombre d’autres exemples. En 2009-10, Human Rights Watch a exhorté les sociétés commerciales à ne pas s’approvisionner en diamants provenant de Zimbabwe en raison de violations graves et persistantes touchant ce secteur. En 2007-08, Human Rights Watch a recommandé aux sociétés opérant en Birmanie et desquelles l’armée profite substantiellement ou qui sont associées à de graves violations des droits humains – y compris dans les trois secteurs pétrolier, minier et forestier – de geler leurs opérations. Et puis en 2003, Human Rights Watch a fait appel aux sociétés pétrolières, aux entrepreneurs et aux sous-traitants travaillant au Soudan pour suspendre leurs activités en raison de graves violations liées à l’exploitation du pétrole sur le terrain de même qu’à l’emploi des revenus pétroliers par le gouvernement.

  1. Les Palestiniens perdraient-ils une importante source d’emplois si ces entreprises quittaient les colonies ?

Les entreprises des colonies ne remédient pas à leur contribution aux graves violations en matière de droits humains et de droit international humanitaire en fournissant des emplois aux Palestiniens. En pratique, de nombreux Palestiniens que Human Rights Watch a interrogés se décrivent comme étant piégés dans un cercle vicieux. Ils reconnaissent qu’en travaillant pour le compte des entreprises des colonies, ils contribuent à entériner une situation qui viole leurs droits et les prive de leurs moyens de subsistance antérieurs ; mais ils ne voient pas d’autre choix. Human Rights Watch a cherché à décrire ce piège en démontrant comment les restrictions discriminatoires d’Israël étouffent l’économie palestinienne, entravent les activités des entreprises et appauvrissent les individus. La Banque mondiale estime que la levée des restrictions israéliennes à l’encontre des Palestiniens qui vivent dans la zone C (la zone sous le contrôle exclusif d’Israël) générerait 3,4 milliards de dollars, augmentant le PIB palestiniens d’un tiers.

En effet, certains des Palestiniens employés par les entreprises des colonies travaillaient précédemment sur leurs propres terres ou dans des entreprises palestiniennes ; mais en raison des confiscations des terres, de l’accès insuffisant à l’eau et des restrictions discriminatoires, ils ont perdu leurs moyens de subsistance et ont ainsi été relégués à travailler pour le compte des compagnies mêmes qui ont entrainé le déplacement des entreprises et des fermes palestiniennes.

De plus, étant donné la proximité entre Israël et la Cisjordanie, les employés palestiniens pourraient être en mesure de conserver leurs emplois au cas où une compagnie localisée dans une colonie délocaliserait en Israël. En effet, le rapport de Human Rights Watch comprend une étude de cas concernant un fabricant de textile travaillant dans une zone industrielle située dans une colonie qui a délocalisé à l’intérieur d’Israël tout en retenant ses employés palestiniens.

  1. Quelle est la taille de l’économie représentée par les entreprises des colonies et comment Human Rights Watch définit-elle une entreprise de colonie ?

Près de 1 000 entreprises exercent leurs activités au sein des colonies dans 16 à 20 zones industrielles, sur 93 000 hectares de terres agricoles ainsi que dans 11 carrières autorisées. Cela ne représente qu’une partie de l’économie des colonies, qui comprend également les entreprises finançant les colonies et les fournissant en services.

Les carrières et les concasseurs administrés par Israël en Cisjordanie produisent 10 à 12 millions de tonnes de pierres par année. Ces carrières transfèrent 94 % de leur production vers le marché israélien, et, selon le Plan national en matière d’exploitation des mines et des carrières préparé par le ministre de l’Intérieur israélien, elles fournissent à l’économie israélienne environ un quart de la consommation totale en matériaux de carrières. Israël perçoit des redevances à un taux 1,20 $ par tonne des propriétaires des carrières et les municipalités des colonies perçoivent des impôts.

Selon le ministre des Finances israélien, Israël a exporté en 2013 des produits industriels manufacturés dans les colonies, y compris Jérusalem-Est et le Golan, dont la valeur dépasse 600 millions de dollars. Les produits en provenance des colonies représentent environ 0,5 % des exportations industrielles d’Israël et 1,5 % de de l’ensemble des exportations agricoles mondiales, selon le ministère des Finances.

Selon la Banque mondiale, les exportations israéliennes annuelles vers l’Union européenne, le plus grand partenaire commercial d’Israël, comprennent environ 300 millions de dollars en produits ayant pour origine des colonies. Le ministère des Finances d’Israël affirme que 2,5 % des exportations agricoles vers l’UE proviennent des colonies.

Néanmoins, la valeur des exportations en rapport avec les colonies devient significativement plus élevée en prenant en compte les produits partiellement produits au sein des colonies ou ceux qui comprennent des apports en provenance des colonies.

  1. Les constatations de Human Rights Watch s’appliquent-elles à tous les cas d’occupation ?

Les principes utilisés dans cette recherche s’appliquent à toute autre situation d’occupation.

Les entreprises opérant à l’intérieur de territoires occupés devraient faire preuve de diligence raisonnable pour s’assurer qu’elles sont en train d’agir conformément à leurs devoirs en matière de droits humains et ne sont pas en train de contribuer à des violations du droit international humanitaire. Par exemple, elles devraient veiller à ce que leur utilisation des ressources se fasse avec le consentement et en vue du bénéfice de la population protégée et qu’elles ne sont pas en train de contribuer aux violations du droit international humanitaire et des droits humains, comme en transférant la population civile de la puissance occupante vers les territoires occupés. Si elles ne peuvent s’assurer de cela, elles devraient alors mettre fin à leurs activités dans l’endroit en question.

De même, les États devraient déterminer si leurs relations commerciales avec ces territoires sont en conformité avec leur devoir de ne pas reconnaître la souveraineté de la puissance occupante sur les territoires qu’elle occupe. Par exemple, les États ne devraient pas importer des produits manufacturés au Sahara occidental et étiquetés comme « Fabriqués au Maroc » ou selon des accords tarifaires préférentiels avec le Maroc.

Les gouvernements et les tribunaux ont eu recours aux mêmes principes dans d’autres situations d’occupation. Suite à l’occupation par la Russie de la Crimée et de Sébastopol, l’UE a adopté des restrictions sur les échanges économiques avec la Crimée, y compris une interdiction de toute importation de produits en provenance de la Crimée ou de Sébastopol, sauf s’ils sont dotés de certificats ukrainiens, et une interdiction pour les entreprises siégeant en Europe ou en UE d’investir là-bas. La règlementation justifie spécifiquement ces restrictions sur la base de « la politique de non-reconnaissance par l’UE de l’annexion illégale de la Crimée et de Sébastopol. »

De même, en décembre 2015, le Tribunal de l’Union européenne a estimé que l’accord UE-Maroc relatif à l’agriculture, l’agriculture transformée et la pêche ne s’applique pas au Sahara occidental. L’UE considère le Sahara occidental comme un territoire non autonome administré par le Maroc, plutôt que sous occupation militaire, mais le tribunal a néanmoins estimé que l’accord pourrait « encourager indirectement » les violations des droits fondamentaux du peuple sahraoui ou que l’UE pourrait « en profiter [des violations] », contrevenant ainsi aux responsabilités de l’UE conformément à la charte des Nations Unies.

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