(Berlin, le 17 janvier 2019) – Il existe une tendance mondiale croissante à lutter contre les abus des autocrates qui défraient la chronique, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui, à l’occasion du lancement de son Rapport mondial 2019. Que ce soit au sein de l’Union européenne, aux Nations Unies ou ailleurs dans le monde, des coalitions d’États, souvent appuyés par des organisations de la société civile et par des mouvements de protestation populaires, résistent aux dirigeants populistes qui bafouent les droits humains.
Dans la 29e édition de son Rapport mondial annuel (version intégrale en anglais 674 pages – version abrégée en français 233 pages), Human Rights Watch examine les pratiques en matière de droits humains dans plus de 100 pays au cours de l’année 2018. Dans son essai introductif, le directeur exécutif Kenneth Roth affirme que la vraie nouveauté de l’année écoulée, ce n’est pas la continuation des tendances autoritaires, mais plutôt l’opposition croissante qu’elles rencontrent.
Cette résistance a pu être observée dans les efforts qui visaient à repousser les attaques contre la démocratie en Europe, prévenir un bain de sang en Syrie, traduire en justice les responsables de la campagne de nettoyage ethnique visant les musulmans rohingyas au Myanmar, mettre fin aux bombardements et au blocus que fait subir la coalition dirigée par l’Arabie saoudite aux civils du Yémen, convaincre le président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila d’accepter les limites que la constitution impose au mandat présidentiel, ou encore exiger une enquête exhaustive sur le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.
« Les mêmes populistes qui répandent la haine et l'intolérance dans de nombreux pays alimentent une résistance qui continue à gagner des batailles », a déclaré Kenneth Roth. « Certes, la victoire n’est pas acquise, mais les succès de l’année passée indiquent que les abus des régimes autoritaires déclenchent une puissante riposte de la part des défenseurs des droits humains. »
En Europe, le soutien aux droits humains a pris des formes multiples, que ce soit dans la rue ou au sein des institutions. Ils sont nombreux à être descendus dans la rue à Budapest pour protester contre le Premier ministre hongrois Victor Orbán, qui voulait fermer l’Université d’Europe centrale, un bastion de la recherche et de la pensée progressiste, et faire passer une loi dite « esclavagiste » qui allonge les heures supplémentaires autorisées et accorde un délai de trois ans pour les payer.
L’UE a connu un moment fort en septembre, lorsque le Parlement européen a réagi face à l’autoritarisme croissant du régime d’Orbán en votant le lancement d’un processus qui pourrait aller jusqu’à des sanctions politiques, conformément à l’article 7 du traité européen. Près de 70 % des membres du Parlement européen, issus de divers partis, ont soutenu cette décision sans précédent. Alors que des discussions sont en cours sur le fait de lier le prochain budget quinquennal de l’UE – qui doit être présenté avant fin 2020 – au respect des règles démocratiques, la décision du Parlement signifie que la Hongrie, un des pays recevant le plus de fonds européens par habitant, pourrait ne plus pouvoir compter sur les largesses de l’Europe si elle continue à porter atteinte aux libertés démocratiques européennes fondamentales.
Des dizaines de milliers de Polonais sont descendus à plusieurs reprises dans la rue pour défendre leurs tribunaux des tentatives du parti au pouvoir de saper leur indépendance. Les juges polonais ont refusé d’abandonner leurs postes malgré les efforts menés par le leader du parti Droit et justice, Jarosław Kaczyński, pour se débarrasser d’eux. Par la suite, la Cour de justice de l’Union européenne les a soutenus dans leur refus, suite à quoi les autorités les ont réintégrés.
En dehors de ses frontières, l’UE et certains de ses États membres ont fait preuve d’un leadership notable sur les questions de défense des droits humains. Les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et l’Irlande, aux côtés du Canada, ont pris la tête d’une initiative pour veiller à ce que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU rejette la tentative musclée de l’Arabie saoudite d’éviter l’examen des crimes de guerre présumés au Yémen. Suite à l’assassinat de Khashoggi, l’Allemagne a interdit à 18 responsables saoudiens de pénétrer dans l’espace Schengen, qui réunit 26 pays. Par ailleurs l’Allemagne, le Danemark et la Finlande ont cessé de vendre des armes au royaume. (Les États-Unis et le Canada ont également infligé des sanctions ciblées à l’encontre de plusieurs Saoudiens impliqués dans le meurtre.) Cette pression a sans doute contribué à ce que, lors des négociations conduites par l’ONU, la coalition menée par l’Arabie saoudite accepte un cessez-le-feu autour du port de Hodeida au Yémen, point d’accès vital pour la population menacée de famine.
La chancelière allemande Angela Merkel et son ministre des Affaires étrangères Heiko Maas ont critiqué publiquement le président russe Vladimir Poutine, le président chinois Xi Jinping et le président turc Recep Tayyip Erdogan pour leurs atteintes aux droits humains et leur répression à l’égard d’opposants politiques, d’activistes et de journalistes. Au cours des deux prochaines années, l’Allemagne sera un membre non-permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, ce qui fournira à Berlin d’autres occasions de montrer l’exemple.
Aux États-Unis, le président Donald Trump a voulu mobiliser sa base en s’efforçant de dépeindre l’arrivée de demandeurs d’asile fuyant la violence en Amérique centrale comme une crise. Si ses opposants du Parti démocrate ont pris le contrôle de la Chambre des représentants lors des élections de mi-mandat, c’est entre autres parce que les électeurs ont rejeté ce type de propos alarmistes.
D’autres passations de pouvoir dans le monde ont mis en évidence des préoccupations liées aux droits humains. Les électeurs de Malaisie et des Maldives ont ainsi chassé leurs Premiers ministres corrompus. De même, le Premier ministre arménien a démissionné à la suite d’un mouvement massif de protestation contre la corruption. Quant à l’Éthiopie, sous la pression populaire, elle a remplacé un gouvernement responsable d’abus par un Premier ministre qui s’est attelé à un impressionnant programme de réformes. Au Sri Lanka, les législateurs, les tribunaux et la population ont contrecarré le « coup d’État constitutionnel » que tentaient le président actuel et son prédécesseur.
Certes, la tendance n’est pas uniquement positive. Les autocrates d’aujourd’hui essaient de porter atteinte à la démocratie en prenant les minorités vulnérables comme boucs émissaires et en les diabolisant, afin de se forger un soutien populaire, a déclaré Human Rights Watch. Ils affaiblissent les contrepouvoirs qui contrôlent leurs gouvernements, notamment l’indépendance de la justice, la liberté des médias et le dynamisme de la société civile. Le coût humain est parfois énorme, comme le montrent la crise humanitaire au Venezuela, qui fut jadis un État pétrolier prospère, les milliers d’exécutions extrajudiciaires dans le cadre de la « guerre contre la drogue » aux Philippines, ou le placement en détention arbitraire par la Chine de près d'un million d’Ouïghours et d’autres musulmans – selon des estimations crédibles – afin de leur faire subir un endoctrinement forcé.
Au cours de l’année écoulée, la Chine a intensifié sa répression, atteignant des niveaux jamais vus depuis le massacre des manifestants du mouvement démocratique de la place Tiananmen en 1989. Xi a éliminé les limites au nombre de mandats présidentiels et largement étendu la surveillance des personnes ordinaires par l’État chinois. Les autorités ont accru leur assaut contre la liberté d’expression, arrêtant des journalistes, poursuivant des activistes, resserrant le contrôle idéologique exercé sur les universités et étendant la censure d’Internet.
Le non-respect des droits humains fondamentaux par les autocrates, a permis à des dirigeants brutaux de s’en tirer sans avoir à rendre de comptes pour leurs atrocités de masse, comme les attaques de civils dans les zones tenues par les forces antigouvernementales en Syrie ainsi que les bombardements indiscriminés et disproportionnés et les blocus que la coalition menée par l’Arabie saoudite fait subir aux civils yéménites. Mais à plusieurs reprises, l’opposition mondiale grandissante a fait augmenter à plusieurs reprises le coût de tels actes, a déclaré Human Rights Watch.
Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a voté à une large majorité une résolution capitale, présentée conjointement par l’Organisation de la coopération islamique et l’UE, qui met en place un mécanisme pour collecter, préserver et analyser les preuves des crimes internationaux les plus graves commis au Myanmar depuis 2011, afin de constituer des dossiers en vue de futures poursuites judiciaires.
En Syrie, les forces gouvernementales, appuyées par la Russie, l’Iran et le groupe armé Hezbollah, ont repris la majeure partie du pays. La pression de l’Europe sur la Russie a contribué à endiguer une offensive brutale contre la province d’Idlib au nord-ouest, où un nouveau bain de sang semblait probable, l’alliance militaire syro-russe menaçant de bombarder à nouveau sans discernement ses 3 millions d’habitants civils. En septembre, Poutine a accepté un cessez-le-feu qui reste en vigueur, même s’il est précaire, ce qui montre que même dans une situation aussi compliquée, une action internationale concertée peut sauver des vies.
La pression d’autres pays africains a été essentielle pour persuader le président congolais Kabila d’organiser enfin les élections pour sa succession, deux ans après l’expiration de son double mandat, même si désormais une polémique fait rage autour des résultats des élections annoncés par la commission électorale, contrôlée par le gouvernement. La menace d’un retrait massif de nations africaines de la Cour pénale internationale (CPI) s’est encore amoindrie suite à la réaction de la part des pays et des groupes de la société civile africains.
Cette contre-attaque s’est en grande partie jouée à l’ONU, alors même que des dirigeants autocratiques cherchaient affaiblir son multilatéralisme et les normes internationales qu’elle établit. En plus de ses actions importantes en Birmanie et au Yémen, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a adopté pour la première fois une résolution condamnant la répression sévère au Venezuela sous la présidence de Nicolás Maduro. Cinq États latino-américains et le Canada ont demandé à la CPI d’ouvrir une enquête sur les crimes commis au Venezuela – c’est la première fois que des États demandaient à la Cour d’enquêter sur des crimes entièrement commis en-dehors de leur territoire.
« Le terrain de la lutte pour la protection des droits humains s’est déplacé, car de nombreux pays qui participaient autrefois à cette lutte manquent aujourd’hui à l’appel, ou ont même changé de camp », a conclu Kenneth Roth. « Mais des coalitions efficaces sont apparues, s’opposant aux gouvernements qui ne rendent pas de comptes à leurs peuples et ne respectent pas leurs droits. »
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