(New York) – Le gouvernement birman a commis de graves abus contre les musulmans rohingyas et d’autres minorités ethniques tout au long de l’année 2018, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui, dans son Rapport mondial 2019. L’espace démocratique s’est réduit sous l’effet des mesures du gouvernement, toujours plus nombreuses, visant à étouffer la libre expression et la réunion pacifique.
Une enquête des Nations Unies a constaté que l’armée birmane avait commis « les plus graves crimes aux yeux du droit international » lors de ses opérations dans les États de Rakhine, Kachin et Shan depuis 2011, et appelé à traduire les officiers en justice pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.
« De multiples preuves ont mis à nu la stupéfiante brutalité des forces de sécurité birmanes », a déclaré Brad Adams, directeur de la division Asie de Human Rights Watch. « Pourtant, au lieu de prendre des mesures contre les atrocités de l’armée, le gouvernement d’Aung San Suu Kyi s’est accroché à ses démentis, trahissant les idéaux de justice et de liberté qu’embrassait naguère la Ligue nationale pour la démocratie, aujourd’hui au pouvoir. »
Dans la 29e édition de son Rapport mondial annuel (version intégrale en anglais 674 pages – version abrégée en français 233 pages), Human Rights Watch examine les pratiques en matière de droits humains dans plus de 100 pays au cours de l’année 2018. Kenneth Roth, le directeur exécutif, affirme dans son essai introductif que les populistes qui répandent la haine et l'intolérance dans de nombreux pays sont confrontés à une résistance croissante. De nouvelles alliances de gouvernements respectueux des droits, souvent inspirées et rejointes par des organisations de la société civile et par le public, sont en train d’accroître le prix à payer pour les abus commis par des dirigeants autocratiques. Les succès de leurs démarches illustrent la possibilité de défendre les droits humains - voire la responsabilité de le faire – y compris aux heures les plus sombres.
Plus de 730 000 Rohingyas ont fui vers le Bangladesh voisin – dont 15 000 nouvelles arrivées en 2018 – pour échapper à la campagne de nettoyage ethnique lancée par l’armée birmane en août 2017. Les Rohingyas demeurés dans l’État de Rakhine, dont le nombre est estimé à un demi-million, vivent dans des conditions terribles, subissant de la part du gouvernement des persécutions, des violences, de strictes restrictions de leurs déplacements et une privation de nourriture et de soins médicaux. Des réfugiés qui étaient retournés au Myanmar ont subi des arrestations et des tortures infligées par les autorités.
Tout au long de l’année 2018, le gouvernement birman a affirmé qu’il était prêt à accepter le rapatriement de réfugiés, mais n’a montré aucune volonté de créer les conditions assurant des retours sûrs et dignes ou de s’attaquer aux causes profondes de la crise. Le Bangladesh et le Myanmar ont tenté de démarrer les rapatriements en novembre, malgré la réprobation générale, sans consulter la communauté réfugiée rohingya. Aucun Rohingya n’acceptant de repartir, les autorités du Bangladesh ont reporté l’opération.
Les autorités birmanes ont nié à de multiples reprises que les forces de sécurité aient commis des abus, mettant en place des enquêtes successives sans aucune indépendance ni crédibilité. Les autorités ont empêché des enquêteurs indépendants d’entrer dans l’État de Rakhine et puni des journalistes locaux qui avaient rapporté les abus de l’armée. En septembre, un tribunal de Rangoun a condamné des journalistes de Reuters, Wa Lone et Kyaw Soe Oo, en vertu d’une loi datant de la colonisation (l’Official Secrets Act), à sept ans de prison pour avoir réalisé un reportage sur un massacre de Rohingyas par les militaires dans le village d’Inn Din. Ils ont été reconnus coupables même si les récits des témoins ont révélé que leur arrestation en décembre 2017 était un coup monté de la police, et malgré les nombreuses incohérences et irrégularités du dossier d’accusation.
Dans tout le pays, le gouvernement a eu recours de plus belle à des lois répressives afin d’arrêter et emprisonner des individus pour s’être exprimés ou rassemblés pacifiquement, notamment via des poursuites pénales pour diffamation. La capacité des journalistes à couvrir les zones de conflit a nettement diminué, tandis que l’augmentation des poursuites judiciaires avait un effet dissuasif sur les médias du pays.
Les conflits armés entre l’armée et les groupes ethniques armés se sont intensifiés au cours de l’année dans les États de Kachin, Shan et Karen, attisés par des projets de développement de grande échelle et des litiges autour des ressources naturelles. De plus en plus, les civils ont été mis en danger par les graves blocages de l’aide humanitaire, les attaques sans distinction et les déplacements forcés. Le processus de paix national s’est englué, ne parvenant pas à gagner la confiance ou l’adhésion des groupes ethniques armés.
Les atrocités de l’armée ont valu au Myanmar la condamnation croissante de la communauté internationale. L’Union européenne, le Canada, les États-Unis et l’Australie ont sanctionné plusieurs officiers des forces de sécurité au cours de l’année et le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a établi un mécanisme pour collecter les preuves de crimes graves et préparer des dossiers en vue de poursuites judiciaires. Pourtant, les actions qui pourraient se révéler cruciales pour l’établissement des responsabilités pénales, notamment une saisine de la Cour pénale internationale par le Conseil de sécurité, sont restées hors de portée, a déclaré Human Rights Watch.
« On en attend davantage de la communauté internationale pour commencer à démanteler les murailles d’impunité qui protègent l’armée birmane depuis des décennies », a conclu Brad Adams. « Justice ne pourra être rendue aux Rohingyas et aux autres victimes que grâce à des mesures décisives et concertées permettant de traduire en justice les responsables des atrocités. »
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Tweets
Rapport Mondial 2019 de Human Rights Watch : "Myanmar : La catastrophe des droits humains prend de l’ampleur"#Birmanie@hrw_frhttps://t.co/keK76ePmfk
— Info-Birmanie (@InfoBirmanie) 21 janvier 2019
Mars 2019
#Birmanie #Myanmar : Des millions de personnes risquent d'être chassées de leurs terres en vertu d'une nouvelle loi qui pénalise les minorités ethniques, selon HRW qui appelle au respect de leurs droits fonciers. Article à ce sujet >> https://t.co/YwGdM8cZUr via @RFI
— HRW en français (@hrw_fr) 11 mars 2019
Mai 2019
En #Birmanie, l'armée coupable de nouveaux "crimes de guerre" selon Amnesty International. Par ailleurs la libération anticipée de sept soldats impliqués dans le meurtre de #Rohingyas a été dénoncée par @Reaproy @hrw. https://t.co/JhPubS0QnG via @FRANCE24 #Myanmar #Crimesdeguerre
— HRW en français (@hrw_fr) 30 mai 2019