(Beyrouth) – La coalition dirigée par l’Arabie saoudite et le groupe armé houthi sont engagés au Yémen dans un conflit qui a transformé la crise humanitaire dans le pays en véritable catastrophe, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui dans son Rapport mondial 2019.
Depuis l’escalade du conflit armé en mars 2015, les belligérants ont commis de multiples violations des lois de la guerre, aggravé la situation humanitaire du pays et n’ont pas établi les responsabilités pénales des auteurs de crimes de guerre. Les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et d’autres fournisseurs d’armes risquent d’être complices de ces abus via leurs ventes d’armes à l’Arabie saoudite et à d’autres États de la coalition. Les Nations Unies ont prévenu que si la situation ne changeait pas radicalement, près de la moitié de la population yéménite serait exposée à la famine.
« La coalition menée par l’Arabie saoudite et les forces houthies ont lancé des attaques sans discernement, causé des disparitions forcées et bloqué l’arrivée de nourriture et de médicaments destinés aux civils yéménites », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « Les États de la planète peuvent soit ne rien faire, tandis que des millions de personnes s’enfoncent encore plus dans la famine, soit utiliser les moyens de pression à leur disposition pour pousser les belligérants à mettre fin à leurs abus et pour infliger des sanctions à ceux qui entravent l’acheminement de l’aide. »
La coalition a effectué des centaines de frappes aériennes sans discernement et disproportionnées, tuant des milliers de civils et frappant des infrastructures cruciales et d’autres cibles civiles, en violation des lois de la guerre. Les forces houthies ont recruté des enfants, posé des mines terrestres et effectué des tirs d’artillerie et de roquettes sans distinction sur des villes comme Taïz et Aden, ainsi que vers l’Arabie saoudite. Aussi bien les forces houthies, les forces progouvernementales que les forces émiraties ou yéménites soutenues par les Émirats arabes unis, ont causé la détention arbitraire ou la disparition forcée de centaines de personnes. Les forces houthies ont pris des personnes en otages. Des agents yéménites des forces d’Aden ont battu, violé et torturé des migrants et demandeurs d’asile détenus originaires de la Corne de l’Afrique, dont des femmes et des enfants.
La coalition n’a toujours pas mené d’enquêtes crédibles sur les abus, et ses pays membres ont cherché à fuir leur responsabilité vis-à-vis du droit international en refusant de fournir des informations sur le rôle de leurs troupes dans les attaques illégales. Le groupe armé houthi, lui non plus, n’a pas puni ses commandants responsables de crimes de guerre. Les officiers impliqués dans ces abus occupent toujours des postes de commandement dans tout le pays.
L’un des coûts de la guerre au Yémen a été la fermeture de l’espace disponible pour la société civile. Les belligérants ont arrêté, harcelé, menacé et causé la disparition forcée d’activistes, de journalistes, d’avocats et de défenseurs des droits yéménites. Des défenseures des droits des femmes, qui ont joué un rôle important en documentant les abus et en plaidant pour qu’ils cessent, ont été menacées, diffamées, frappées et détenues. Des travailleurs humanitaires ont également été tués, blessés et détenus.
« Plutôt que de risquer d’être complices de la prochaine frappe aérienne qui touchera un mariage ou un bus rempli d’enfants, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France devraient dire à l’Arabie saoudite que les ventes d’armes seront interrompues jusqu’à ce que les crimes de guerre cessent et que leurs auteurs soient poursuivis », a conclu Sarah Leah Whitson.