Des habitants de Marzé devant leur maison brûlée. Des miliciens de la Séléka et des combattants peuls ont attaqué cette localité de la province de Ouham, en République centrafricaine, en juillet 2015.

Meurtres impunis

Crimes de guerre, crimes contre l’humanité et la Cour pénale spéciale en République centrafricaine

Des habitants de Marzé devant leur maison brûlée. Des miliciens de la Séléka et des combattants peuls ont attaqué cette localité de la province de Ouham, en République centrafricaine, en juillet 2015.  © 2015 William Daniels/Panos Pictures

Résumé

Il n'est pas surprenant que la violence continue car le message est clair : vous pouvez tuer sans conséquence.

                – Défenseur des droits humains, Bangui, le 17 juin 2016.

Ce rapport documente les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis par les forces de la Séléka et les combattants anti-balaka dans les régions centrales de la République centrafricaine entre la fin de l’année 2014 et avril 2017.

Basé sur des centaines d'entretiens avec des victimes et des témoins, principalement dans les provinces de Nana-Grébizi, Ouaka, Ouahm et Haute Kotto, ce rapport fournit un compte rendu détaillé des exactions généralisées commises à l'encontre de civils dans ces régions du pays.

Le rapport souligne également deux besoins urgents qui nécessitent un soutien international. Premièrement, il faut améliorer la protection des civils fournie par les quelques 12 800 membres des forces de maintien de la paix des Nations Unies actuellement présentes en République centrafricaine. Comme les crimes détaillés ici le montrent, les Casques bleus ont trop souvent été incapables de protéger les civils contre les meurtres et les déplacements forcés. Les civils vulnérables ont désespérément besoin de protection en raison des combats dans les régions centrales qui ont éclaté à la fin de 2016 et se poursuivent en 2017, même après la signature d’un accord de paix en juin.

Deuxièmement, il faut renforcer l'attention et le soutien apportés à la Cour pénale spéciale (CPS) récemment créée, qui offre une chance unique pour que les responsables de ces crimes graves soient tenus de rendre des comptes. Une institution hybride au sein du système judiciaire centrafricain avec des juges et des procureurs nationaux et internationaux, la CPS est mandatée pour mener des enquêtes et des poursuites sur les graves violations de droits humains commises en République centrafricaine depuis 2003. Tout comme la Cour pénale internationale, qui est compétente et mène des enquêtes dans le pays, la CPS a le potentiel de briser la longue tradition d'impunité du pays pour les atrocités.

Toutefois, pour être efficace, la CPS exige un engagement soutenu de la part du gouvernement du président Faustin-ArchangeTouadéra, ainsi qu'un soutien pratique, politique et financier de la part des Nations Unies ainsi que des gouvernements individuels, notamment pour la protection des témoins et la sécurité du personnel judiciaire.

Le rapport démontre également comment les meurtres de civils, les agressions sexuelles et la destruction des villages ont été au cœur des tactiques de combat des forces de la Séléka et anti-balaka. Dans ce rapport, Human Rights Watch a documenté les meurtres d'au moins 566 civils au cours d’attaques entre novembre 2014 et avril 2017, ainsi que la mort de 144 personnes dans la brousse après qu'elles aient fui les combats, principalement des enfants et des personnes âgées, des suites de blessures, de maladies, d'exposition au froid ou de faim. Pendant ce temps, des groupes armés ont détruit au moins 4 207 maisons. Tous ces chiffres sont susceptibles de ne représenter qu’une fraction des totaux au cours de cette période, car il n'existe aucun bilan exhaustif des décès et des destructions.

Pour citer quelques exemples, les combattants de la Séléka ont tué au moins 37 civils, en ont blessé 57 et ont obligé des milliers de personnes à fuir lorsqu'ils ont rasé un camp pour personnes déplacées à Kaga-Bandoro le 12 octobre 2016. Des combattants ont détruit au moins 175 maisons dans les environs du camp et 435 huttes au sein même du camp, en dépit de la présence des forces de maintien de la paix des Nations Unies. Le mois suivant, les combats entre groupes de la Séléka à Bria ont entraîné la mort d’au moins 14 civils en huit jours, dont certains étaient des femmes et des enfants. En décembre 2016, les combattants de la Séléka ont exécuté au moins 32 civils et capturé des combattants suite à des affrontements avec un autre groupe de la Séléka dans la province de Ouaka. Entre février et avril 2017, les factions belligérantes de la Séléka ont tué au moins 45 civils dans la province de Ouaka, dont 15 enfants.

Les abus graves ont été généralisés et souvent systématiques dans des zones sous le contrôle des forces de la Séléka qui, avec les combattants peuls, ont commis des crimes de guerre et des crimes potentiels contre l'humanité. Lors d’un incident en décembre 2014, les forces de l'Union pour la paix en Afrique centrale (UPC) — une ramification de la Séléka qui contrôle de vastes étendues de la province de Ouaka — ont tué 14 hommes non armés dans le village de Kanga qu'ils ont accusés d'être anti-balaka. Après avoir ordonné aux hommes de s’allonger par terre à plat ventre, les soldats de l'UPC leur ont tiré dans le dos et dans la tête.

Les combattants anti-balaka, ayant repoussé la plupart des musulmans hors de la partie ouest du pays, ont attaqué et tué des civils qu'ils soupçonnaient d'avoir collaboré avec des musulmans. À Ngbima, des combattants de Pende ont tué 28 civils en novembre 2014, notamment un grand nombre de Peuls qui vivaient à la périphérie du village. En mars 2015, les forces anti-balaka ont tué au moins 14 bergers appartenant à l’ethnie peule près de Kaga-Bandoro, dont 10 âgés de moins de neuf ans.

Dans aucun des cas mentionnés ci-dessus, pas un seul combattant ni un commandant n'a été détenu, arrêté ou autrement tenu de rendre des comptes. Au contraire, les personnes responsables poursuivent toujours leurs activités librement, souvent dans la région où elles ont commis leurs crimes.

Dans tout le pays, des groupes armés ont forcé des dizaines de milliers de personnes à quitter leurs maisons pour se réfugier dans la brousse, où des centaines d’entre elles sont mortes de froid, de maladie ou de faim. Dans certains cas, les combattants de la Séléka ont attaqué des camps de personnes déplacées.

Les personnes en situation de handicap ont été particulièrement exposées au risque d'abus, notamment les meurtres, parce qu'elles ne pouvaient pas fuir les attaques à temps. Lorsqu'elles ont atteint des sites pour les personnes déplacées, elles ont été confrontées à des obstacles pour accéder aux installations sanitaires, à la nourriture et aux soins médicaux.

Les crimes de guerre commis par diverses parties documentés dans ce rapport relèvent de la compétence de la Cour pénale internationale (CPI). Le gouvernement centrafricain a d'abord renvoyé la situation portant sur des crimes graves à la Cour en 2004 après que les violences ont éclaté en 2002 et 2003. En mai 2014, la présidente par intérim qui dirigeait alors le gouvernement a renvoyé la situation depuis 2012 à la CPI ; des enquêtes sont en cours.

En même temps, la CPI n'a que la capacité de cibler les personnes portant la plus grande responsabilité pour des crimes graves. Un grand nombre d’autres commandants, qui sont également responsables d’atrocités commises ou commandées, dont certains sont mentionnés dans ce rapport, pourraient ne jamais être tenus de rendre des comptes. Pour combler cette lacune, en juin 2015, le gouvernement a créé la Cour pénale spéciale avec du personnel national et international. Si les ressources sont correctement financées et soutenues, la Cour pourrait aider à servir la justice en République centrafricaine et créer un précédent pour d’autres pays.

Le président Touadéra et son gouvernement ont félicité et soutenu la Cour, notamment par la nomination d’un procureur spécial en février 2017. Mais le gouvernement a à plusieurs reprises retardé les étapes pour rendre la Cour opérationnelle. Une mesure utile serait de désigner un interlocuteur ou une interlocutrice au sein du cabinet du président qui pourrait coordonner les travaux sur la Cour pénale spéciale. Le Parlement devrait également accepter de lever l'immunité de tout membre impliqué de manière crédible dans la commission d’exactions.

À ce jour, les gouvernements partenaires ont promis seulement 5,2 millions de dollars US sur les 7 millions de dollars nécessaires pour les 14 premiers mois de la Cour. Les bailleurs de fonds et l'ONU devraient s'engager à soutenir la Cour sur le long terme, notamment par un soutien technique et logistique. Ils devraient également veiller à ce que les amnisties pour crimes graves ne fassent partie d'aucun accord de paix négocié par l'ONU ou d'autres. L’accord signé par le gouvernement et les groupes armés le 19 juin 2017 reconnaît à juste titre les efforts de la CPS et de la CPI afin de mener des enquêtes criminelles et des poursuites pour les crimes graves.

La force de maintien de la paix de l'ONU — la Mission multidimensionnelle de stabilisation intégrée en République centrafricaine (MINUSCA) — peut faire davantage pour protéger les civils menacés par toutes les forces qui commettent des abus, à la fois dans les provinces de Haute Kotto, Nana-Grébizi, Ouaka et Ouham ainsi que dans d'autres parties du pays. Dans des villes comme Bambari et Bria, les combattants de la Séléka circulent ouvertement avec des armes. Le conflit entre les factions de la Séléka s'est également poursuivi en 2017, comme à Bria, entraînant des décès de civils.

En fin de compte, les recommandations de ce rapport ne permettront pas d’instaurer la stabilité ni l’État de droit de façon immédiate dans un pays pauvre et divisé, dévasté par de graves violences. Mais elles aideront à protéger les civils et à promouvoir le devoir de rendre des comptes là où le meurtre sans conséquence a été la norme.

Recommandations clés

Au gouvernement

  • Respecter l'indépendance du procureur spécial de la Cour pénale spéciale, d'autres magistrats et du personnel judiciaire, tout en apportant son soutien pour leur travail.
  • Désigner un interlocuteur ou une interlocutrice au sein du cabinet du président pour s'occuper des questions liées à la Cour pénale spéciale.
  • Établir et mettre en place un nouvel organe pour superviser l'opérationnalisation rapide de la Cour pénale spéciale, qui œuvre en collaboration avec les comités établis dans des buts spécifiques, par exemple les recrutements.

À la mission de l’ONU (MINUSCA)

  • Accroître le soutien technique et logistique à la Cour pénale spéciale afin d'assurer son ouverture rapide ainsi que des enquêtes et poursuites efficaces.
  • S'assurer qu'aucun accord de paix à venir ne comprenne d'amnistie pour les auteurs présumés de crimes graves, mais soutienne des procès équitables et crédibles pour ces crimes conformément aux normes internationales.
  • Veiller à ce que les responsables des droits humains enquêtent sur toutes les allégations crédibles d'abus et aident les victimes à déposer des plaintes auprès des autorités concernées. Fournir des rapports publics en temps opportun sur les violations des droits humains dans tout le pays.
  • Veiller à ce que les troupes soient correctement équipées et soutenues et, conformément à leur mandat, fassent usage de la force lorsque nécessaire pour protéger les civils sous la menace imminente des combattants de la Séléka ou des forces anti-balaka.

Aux dirigeants de la Séléka et des forces anti-balaka

  • Immédiatement cesser les attaques contre les civils et prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que les forces de la Séléka et anti-balaka ne commettent pas d'autres violations des droits humains ainsi que des lois de la guerre.

À l’Union européenne, à la France, aux États-Unis et aux autres bailleurs de fonds internationaux

  • Fournir un soutien politique et financier adéquat pour que la Cour pénale spéciale remplisse son mandat et puisse mener à bien d’autres efforts pour rétablir le système judiciaire national.

Méthodologie

Les principales recherches de terrain pour ce rapport ont été menées en avril, juin, juillet et août 2015, puis en janvier, mars, mai et novembre 2016, ainsi qu’en janvier et avril 2017. Un chercheur de Human Rights Watch a mené des entretiens dans la capitale Bangui ainsi que dans les provinces de Haute Kotto, Kémo-Grebingui, Nana-Grébizi, Ouaka et Ouham. Human Rights Watch a interrogé plusieurs sources pour chaque cas et, dans la mesure du possible, a enregistré le nom et l'âge des victimes. Tous les entretiens ont été effectués en personne, dans la mesure du possible dans un contexte privé, et principalement en sango, avec traduction en français.

Human Rights Watch a interrogé plus de 400 personnes pour ce rapport, dont 312 ont été victimes ou témoins d'attaques par des hommes armés. Human Rights Watch a également parlé avec des proches et des amis de survivants, des journalistes, des membres d'organisations de la société civile et d’organisations internationales non gouvernementales. Dans la mesure du possible, des commandants de la Séléka et des forces anti-balaka ont été interrogés sur des incidents dans lesquels leurs forces étaient accusées d'exactions. Human Rights Watch a également interrogé des autorités locales, des membres du gouvernement de transition et des membres du gouvernement national, ainsi que des diplomates étrangers et des fonctionnaires des Nations Unies travaillant dans le pays.

La plupart des noms des personnes interrogées ont été omis pour des raisons de sécurité. Les personnes interrogées ont été pleinement informées de la nature et du but de la recherche et de l'utilisation des informations fournies. Human Rights Watch a obtenu un consentement oral pour chaque entrevue et n'a offert aucune récompense financière.

Dans la mesure du possible, Human Rights Watch a visité les endroits où les attaques ont eu lieu. Les violences en cours dans la région centrale ont limité notre capacité à visiter tous les sites.

Human Rights Watch s'est concentré sur les cas où les forces armées ont ciblé des civils. Les meurtres qui semblent résulter d'un combat ne sont pas traités dans ce rapport. Les cas documentés ici ne sont probablement qu'une fraction de ceux qui ont compris de graves violations des droits humains dans les provinces centrales. À ce jour, aucune personne ni institution n'a mené une évaluation approfondie de ce qui s'est passé dans les provinces de Haute Kotto, Kémo-Grebingui, Nana-Grébizi, Ouaka et Ouham au cours des deux dernières années et demi.

Dans l'ensemble, Human Rights Watch a enregistré beaucoup plus d'attaques commises par la Séléka que par les forces anti-balaka. Human Rights Watch attribue ceci au moins en partie au fait que la Séléka est mieux armée et, du fait de son contrôle sur de nombreuses villes, qu’elle est mieux positionnée pour lancer des attaques.

I. Contexte

Séléka et forces anti-balaka

L'origine du conflit actuel en République centrafricaine remonte à fin 2012 avec la création du groupe rebelle Séléka dans la région nord-est, une région qui abrite une grande partie de la population minoritaire musulmane du pays. La Séléka (ou « alliance » en sango, principale langue nationale) était une coalition informelle d'acteurs armés majoritairement musulmans qui se sentaient lésés par des années d'appauvrissement ainsi que par l'absence presque totale de sécurité et de services sociaux assurés par le gouvernement du président de l’époque, François Bozizé. L'accès facile aux armes, des frontières nationales poreuses et un gouvernement fragile à Bangui ont permis à la Séléka de se développer rapidement.[1]

En plus des Centrafricains du nord-est marginalisé, les groupes Séléka étaient constitués de mercenaires du Soudan et, plus significativement, du Tchad. Le Tchad joue un rôle important dans la politique de la République centrafricaine et a parfois assumé le rôle de « faiseur de rois ». En 2003, Bozizé a été installé au pouvoir avec l’appui du président tchadien Idriss Déby. Cependant, en 2012, Bozizé a commencé à perdre le soutien de Déby, qui a rappelé les membres tchadiens de la garde présidentielle de Bozizé et a libéré certains individus qui avaient été gardés sous surveillance au Tchad, leur permettant de rejoindre la Séléka. En 2013, Human Rights Watch a documenté la présence de combattants soudanais et tchadiens à travers le territoire contrôlé par la Séléka.[2]

Le 24 mars 2013, la Séléka a pris par la force le contrôle de Bangui, la capitale, et a évincé Bozizé et son gouvernement, de nombreux hauts responsables fuyant vers le Cameroun et la République démocratique du Congo voisine. Des membres de l'armée nationale, les Forces Armées Centrafricaines (FACA) et de la Garde présidentielle (GP) ont fui le pays ou se sont cachés. Le chef de la Séléka, Michel Djotodia, a suspendu la constitution et s'est installé comme président intérimaire, affirmant qu'il organiserait de nouvelles élections. Les Séléka ont déclaré que leur but était de libérer le pays et d'apporter la sécurité et le développement. Ce qu’ils n'ont pas fait. En quelques jours, les combattants de la Séléka ont déclenché des vagues de violence contre ceux qu'ils ont perçus comme des partisans de Bozizé, tuant des centaines de civils, peut-être beaucoup plus, à Bangui et dans tout le pays.[3] Dans la capitale, le Séléka a pillé des quartiers entiers. Dans certains villages à l'extérieur de Bangui, ils ont pillé et brûlé toutes les constructions. Des portions du pays - en particulier des régions riches en minéraux dans le sud-ouest et le centre - ont été divisées et soumises au contrôle de groupes semi-autonomes de la Séléka. La domination de la Séléka s’est exercée de façon violente, désorganisée et a été marquée par une impunité totale pour des crimes graves.

Tout au long de l'année 2013, les responsables de la Séléka, notamment le président intérimaire Michel Djotodia et l'ancien ministre de la Sécurité publique et directeur des services des renseignements, Nourredine Adam, ont nié que la Séléka ait joué un rôle quelconque dans les attaques contre des civils, bien que la preuve du contraire soit flagrante.[4]

Le 13 septembre 2013, dans une tentative apparente de se démarquer des abus commis par la Séléka, Djotodia a officiellement démantelé la Séléka. Les anciens rebelles Séléka ont été intégrés symboliquement à une nouvelle « armée nationale », mais un commandement et un contrôle indépendants restaient douteux. La Séléka, alors appelée « ex-Séléka », a continué à commettre des abus dans tout le pays.[5]

À la fin 2013, des milices chrétiennes et animistes connues sous le nom d'anti-balaka ont commencé à organiser des contre-attaques contre la Séléka. (Le terme « anti-balaka » signifie « anti balles », ou anti balle AKA, de fusil d'assaut Kalachnikov).[6] Les forces anti-balaka avaient pour origine les groupes locaux d'autodéfense qui existaient sous Bozizé. En réponse aux attaques de la Séléka, et avec le soutien d'anciens soldats du gouvernement, ces forces sontrapidement devenues une milice désorganisée et violente. Le groupe a fréquemment ciblé des civils musulmans, associant tous les musulmans à la Séléka.[7]

Les forces anti-balaka

La violence et la faiblesse d'un gouvernement centralisé en République centrafricaine ont conduit à une dépendance croissante des communautés à l’égard des groupes d'autodéfense, en particulier dans les années 80 et 90, en grande partie en réponse aux menaces de bandits armés appelés « zaraguinas » ou « coupeur de routes ». Sous Bozizé, des groupes d'autodéfense ont été formés pour neutraliser les « zaraguinas » et d'autres groupes armés dans le pays. S'appuyant sur ces structures fragiles, certains membres de ces groupes se sont transformés en anti-balaka après que les forces de la Séléka ont pris le contrôle en 2013. D'autres membres et dirigeants anti-balaka étaient issus de l'armée nationale dont les membres avaient été particulièrement ciblés par la Séléka.

À mesure que les forces anti-balaka émergeaient, les différents groupes avaient souvent des structures localisées dotées d’un commandant militaire, d’un secrétaire général et d’un porte-parole.  Certains dirigeants ont déclaré que leur but principal était de réinstaller Bozizé en tant que président.

Alors que la Séléka et des milliers de civils musulmans ont fui le sud-ouest après des attaques anti-balaka, les combattants anti-balaka se sont de plus en plus tournés vers des activités criminelles. Le pillage de bétail peul est devenu une source principale de revenus rapides pour certains groupes anti-balaka.  D'autres groupes sont passés aux enlèvements ou aux extorsions aux barrages routiers. 

Depuis la mi-2014, l'établissement d'une chaîne de commandement précise pour les anti-balaka a été un défi. Au cours des violences qui se sont déroulées à Bangui à la fin de 2013 et au début de 2014, Human Rights Watch a identifié le Colonel Dieudonné Oranti comme l'un des fondateurs de l'anti-balaka.  Depuis lors, Patrice-Edouard Ngaïssona, un fidèle de Bozizé, ancien président de l'association nationale de football et ancien ministre de la Jeunesse et des Sports sous le gouvernement de transition contrôlé par la Séléka, est largement considéré comme un coordinateur politique de l’ensemble des forces anti-balaka. Ngaïssona a annoncé sa candidature aux élections présidentielles le 22 octobre 2015, mais elle a été jugée inadmissible par la cour constitutionnelle pour des raisons techniques. En mai 2015, Maxim Mokom  et Joachim Kokaté, d’anciens chefs anti-balaka, ont annoncé une scission formelle avec Ngaïssona. Sébastien Wenezoui, l'ancien ministre de l'Environnement, est également un leader anti-balaka.

Alors que les Séléka et les anti-balaka se sont combattus et ont mené des attaques de représailles de plus en plus brutales contre ceux qu'ils ont perçus comme soutiens de leurs ennemis, des civils se sont retrouvés pris au milieu. La situation humanitaire s'est rapidement détériorée. Entre décembre 2013 et octobre 2014, 187 000 personnes ont fui le pays. Au total, à la fin de 2014, 850 000 personnes, soit 20% de la population, étaient déplacées soit à l’intérieur du pays, soit en tant que réfugiées. Beaucoup des personnes qui ont fui étaient des musulmans, cherchant refuge dans les pays voisins ou dans des dizaines d’enclaves éparpillées dans la région occidentale du pays.[8] Avec le départ massif de la population musulmane minoritaire du pays, les anti-balaka se sont retournés contre les chrétiens et d'autres qu'ils croyaient s'être opposés à eux ou avoir pris parti pour leurs voisins musulmans. Au fil du temps, les anti-balaka s’en sont pris à n'importe qui pour voler ou piller.

En juillet 2013, alarmée par l'escalade de la violence et le renversement du gouvernement Bozizé, l'Union africaine (UA) a autorisé la transformation d'une force existante dans le pays, la MICOPAX, en MISCA, une mission de maintien de la paix chargée de protéger les civils et de restaurer la sécurité. 2 500 membres des forces de l’UA ont été déployés en décembre et ont été rejoints par environ 1 600 soldats de la paix français, déployés dans le cadre de l'opération Sangaris,[9] autorisée par le Conseil de sécurité de l'ONU. Les deux forces ont effectivement repoussé la Séléka hors de Bangui et de la région sud-ouest du pays.[10] Après avoir été expulsés de Bangui, la plupart des combattants de la Séléka se sont déplacés vers l'est, à Birao, Bria, Ndele, Kaga-Bandoro, Batangafo, Bambari et d'autres endroits, où ils cherchaient à établir des bastions, et d'où le groupe s’est divisé en plusieurs factions. Lors d'une réunion à Ndélé, dans la province de Bamingui-Bangoran, en mai 2014, la Séléka a installé un nouveau commandement militaire à Bambari, une ville importante dans le centre du pays. Mais l'effort pour se regrouper sous un commandement central a succombé à des divisions ethniques, des rivalités, des désaccords sur le contrôle des ressources et à des disputes sur la stratégie.[11]Peu de temps après la réunion de Ndélé, la Séléka s'est scindée en plusieurs factions contrôlant chacune sa propre zone. En août 2016, la Séléka a annoncé une conférence pour unifier les factions.[12] Cette unification a été de courte durée et, en novembre 2016, le Front Populaire pour la Renaissance de la Centrafrique (FPRC) et l'Union pour la Paix en Centrafrique (UPC) ont mené des batailles féroces dans Bria qui ont causé la mort d’au moins 115 combattants et de cinq civils.[13]

Depuis que les combats entre les deux factions ont commencé, les anti-balaka dans le centre du pays ont formé des alliances avec le FPRC. En janvier 2017, Human Rights Watch a vu les forces anti-balaka et Séléka collaborer ouvertement à Bakala. Cette alliance, connue dans le pays comme « la coalition », a rendu encore plus complexe la dynamique de la violence dans les régions centrale et orientale et a accru le ciblage de la minorité peule.

Groupes Séléka

Les divisions au sein de la Séléka ont rendu le groupe presque complètement inefficace en tant que mouvement politique. Peu de temps après l'accord de Ndélé en mai 2014, destiné à consolider la rébellion après sa chute de Bangui, la Séléka s’est scindée en plusieurs groupes :

Le Front Populaire pour la Renaissance de la Centrafrique (FPRC)

Les anciens chefs de la Séléka, Michel Djotodia et Noureddine Adam, sont les leaders de ce groupe. En août 2014, le FPRC a annoncé son intention de séparer le nord-est du pays pour en faire un état indépendant. Après cette annonce, d'autres groupes se sont séparés du FPRC. En août 2015, le chef militaire du FPRC, le général Mahamat Al Khatim, a quitté le groupe pour créer le Mouvement patriotique d'Afrique centrale (MPC, voir ci-dessous). Le général Arda Hakoum a assumé le commandement de l'armée du FPRC, basé à Birao avec le général Saleh Zabadi en tant que commandant en second, qui se trouve plus à l'ouest aux environs de Kaga Bandoro.[14]

Le Rassemblement Patriotique pour la Réconciliation des Centrafricains (RPRC)

Le RPRC a été formé en novembre 2014 à Bria avec l'ancien commandant Séléka Zacharia Damane servant de commandant clé dans la ville. Le général Zoundeko était le commandant militaire basé à Bambari jusqu'à sa mort en février 2017. Gotran Herbert Djono-Ahaba, ancien parlementaire de Birao et ministre des Mines sous la Séléka, est le président du groupe. Le groupe prétend avoir plus de 8 000 soldats dans les provinces de Ouaka, de Haute-Kotto, de Vakaga et de Bamingui-Bangoran, mais ces chiffres sont probablement gonflés. Le secrétaire général du RPRC, le Dr Hamat Mal-Mal Essene, a déclaré à Human Rights Watch que le RPRC a été créé parce que des membres clés du FPRC n'étaient pas d'accord avec le plan de partitionnement du pays.[15]

Le Mouvement Patriotique pour la Centrafrique (MPC)

Le MPC est un autre groupe dissident du FPRC, créé en juillet 2015. La scission s'est produite après des luttes au sein du FPRC entre le général Mahamat Bahar, l'ancien directeur des services des renseignements sous la Séléka, et Moussa Maloud, coordinateur adjoint du FPRC. Bahar a été remplacé par Idriss Ahmned el Bachar en octobre 2015[16]. L’ancien général du FPRC, Mahamat Al Khatim, est le commandant militaire. 

La Séléka Rénovée

Le troisième homme le plus puissant de la Séléka après Djotodia et Adam, Mohamed Moussa Dhaffane, a fondé ce parti politique en janvier 2015. Le parti, qui porte aussi le nom de Matabissi Ti Siriri (Récompenser la paix), n'a pas d'armée officielle. Dhaffane a été nommé ministre en charge des Eaux et Forêts après que la Séléka a pris Bangui en 2013, mais il a été accusé par le gouvernement de transition sous Djotodia de recruter des mercenaires et d’acheter des armes. Il a été arrêté par la Séléka et emprisonné pour la durée de sa courte domination.  

L'Union pour la Paix en Centrafrique (UPC)

L’UPC est un groupe dissident du Front populaire pour le redressement (FPR) qui était dirigé par le Tchadien Babba Laddé.[17] Le FPR était principalement composé de Peuls d'origine tchadienne et centrafricaine. Le commandant en second de Laddé, Ali Darassa Mahamant, a créé officiellement l'UPC en septembre 2014, et il en est le président et le commandant.[18] Jusqu'en février 2017, le groupe était basé à Bambari, la capitale de la province de Ouaka, et contrôlait de vastes étendues de la province. Darassa est un Peul du sous-groupe Ouda.[19] L'UPC sous Darassa contrôle une grande région à l'extérieur et autour de Bambari. Le Groupe d'experts des Nations Unies sur la République centrafricaine a écrit en août 2016 que l'UPC étendait son contrôle au sud-est de la province de Ouaka, pour des raisons stratégiques et économiques.[20] Pour garder le contrôle de la ville et des routes stratégiques qui la relient à d'autres régions du pays et à des routes commerciales lucratives vers le Soudan, les combattants de l'UPC ont ciblé les personnes qu'ils croyaient être membres ou soutiens des forces anti-balaka. L'UPC de Darassa s’est également livrée à des attaques de représailles dans lesquelles les musulmans ont été ciblés, contribuant au cycle vicieux des attaques de représailles contre des civils.

L'UPC a des liens étroits avec l’ethnie peule et des Peuls armés ont souvent combattu avec l'UPC lors des attaques, en partie parce que les Peuls se battaient de plus en plus avec des anti-balakas dans la région.

Les Peuls

Depuis 2013, le conflit a été compliqué et exacerbé par des tensions de longue date relatives aux droits de pâturage, aux itinéraires de migration et à l'accès à l'eau entre les bergers musulmans et les agriculteurs non musulmans. 

Les Peuls, ou Fulanis, sont des peuples nomades ou semi-nomades musulmans qui déplacent le bétail entre les pâturages dans de vastes étendues d'Afrique centrale. Les groupes de Peuls les plus courants en République centrafricaine comprennent les Mbororo, les Fulbe et les Mbarara. Même avant que ne débute le dernier conflit en 2012, les Peuls et les agriculteurs sédentaires s’étaient périodiquement affrontés. Par conséquent, certains Peuls portent des armes, notamment des arcs et des flèches, qu'ils ont traditionnellement utilisées pour protéger leur bétail, mais ils les ont également employées lors d’affrontements avec des ennemis présumés.  

Les Peuls ont subi de graves abus de la part des anti-balaka qui les considèrent comme associés à la Séléka. Des civils parmi les Peuls ont été attaqués et tués, ils se sont fait voler leur bétail et ont vu leurs moyens de subsistance détruits. Certains Peuls ont été capturés et détenus en otage par des combattants anti-balaka pour des périodes allant de plusieurs mois à plus d'un an pour extorquer des rançons. Des forces anti-balaka ont enlevé et violé des femmes et des filles peules, les gardant comme esclaves sexuelles.[21]

Certains Peuls ont participé avec la Séléka à ses attaques et ont commis de graves violations des droits humains, y compris le meurtre délibéré de civils et l'incendie de villages.[22]

MINUSCA

Le 5 décembre 2013, dans le vide créé par le départ de la Séléka, les forces anti-balaka ont intensifié leurs attaques contre les quartiers habités par les musulmans à Bangui. L'UA et les soldats de la paix français ont été incapables de contenir la violence et des milliers de civils sont morts ou ont fui le pays.

En avril 2014, l'ONU a autorisé une mission de maintien de la paix, la MINUSCA, avec 11 820 militaires, afin de prendre la relève de la MISCA dans le but de protéger les civils, de faciliter une transition politique et de créer un environnement sécurisé pour l'assistance humanitaire.[23] Elle a été déployée en septembre 2014, et depuis son déploiement, les civils en République centrafricaine espèrent que la MINUSCA leur apportera une protection cruellement nécessaire.

En vertu du « Chapitre VII » de la charte de l’ONU, la MINUSCA est autorisée à utiliser tous les moyens nécessaires pour s'acquitter de son mandat, dans les limites de ses capacités et de ses zones de déploiement.[24] L’une des priorités du mandat de la MINUSCA est « de protéger la population civile du risque d’atteinte à l’intégrité physique… notamment grâce à des patrouilles actives » et de « mettre en œuvre une stratégie de protection à l’échelle de la mission ».[25]

En mars 2015, le Conseil de sécurité de l'ONU a augmenté le nombre de soldats des forces de maintien de la paix à 10 750 et de policiers à 2 120. Le déploiement actuel, jusqu'en novembre 2017, est de 10 750 soldats des forces de maintien de la paix et de 2 080 policiers. 

Si travailler avec les services de sécurité en Afrique centrale fait partie du mandat de la MINUSCA, le rétablissement des forces de sécurité de l'État n’a connu qu’un succès limité. Avant que la Séléka ne prenne le contrôle, la police, les gendarmes et l'armée avaient été affaiblis par des décennies de mauvaise gestion et de corruption. Ceci, conjugué à l'extrême pauvreté, à l'instabilité politique prolongée et à des dissensions internes, a conduit à des services de sécurité mal formés, abusifs et inadaptés. Les différentes forces n'ont pas été en mesure de protéger les personnes dans le nord-est au cours des années précédant la prise de contrôle de la Séléka, répondant au contraire aux attaques des rebelles par des représailles brutales contre les civils. Les pratiques abusives menées par les services de sécurité de l'État, notamment le meurtre de civils, ont continué dans le cadre du gouvernement de transition ainsi que du nouveau gouvernement.[26]

Human Rights Watch a documenté la collaboration entre les anti-balaka et les membres des forces armées centrafricaines (ou anciens membres), depuis la création des forces anti-balaka en 2013 jusqu’aux violences de septembre 2015 à Bangui.[27]

Afin d'établir rapidement la MINUSCA, la plupart des pays qui fournissent des contingents à la mission de l'UA ont simplement réaffecté leurs militaires à la force de l'ONU le 15 septembre 2014. Cela s'est passé rapidement et sans porter une attention suffisante aux exigences logistiques et aux capacités de réponse rapides nécessaires pour remplir le mandat de protection des civils.

Malgré ces défis et ces lacunes, la MINUSCA a sans aucun doute sauvé des vies.[28] Dans les provinces de Ouaka et de Ouham, les Casques bleus de la MINUSCA ont établi un niveau de sécurité de base dans les grandes villes et ont assuré un certain degré de sécurité pour les camps de personnes déplacées.

Échec des pourparlers de paix

Diverses parties au conflit ont conclu des accords dans les années précédant la prise de pouvoir de la Séléka, dont la majorité n’a pas été respectée. Cette tendance s'est poursuivie tout au long de 2014 et de 2015 avec trois accords majeurs signés et rapidement ignorés. Bien que l'un des accords (Accords de Brazzaville de juillet 2014) ait conduit à la démobilisation de certains enfants soldats, les autres accords ont révélé des divisions internes au sein des groupes armés.

Accords de Brazzaville : juillet 2014

Signés par 40 représentants centrafricains et internationaux, les Accords de Brazzaville prévoyaient, entre autres, la cessation des hostilités et la fin de la violence contre les civils ; le cantonnement des éléments armés ; la levée des barrages routiers et la libre livraison d'aide humanitaire ; le rapatriement de mercenaires étrangers ; et la fin du recrutement d'enfants soldats. Mais le FPRC a retiré son approbation après que Moussa Dhaffane ait signé au nom de la Séléka.[29]Dhaffane a ensuite été suspendu du mouvement et le FPRC a continué à insister sur la partition du pays.[30]

Accords de Nairobi : avril 2015

Après des mois de négociations, la cérémonie de signature d'un accord entre les combattants anti-balaka et la Séléka a eu lieu à Nairobi, au Kenya, sous l'égide du président kenyan Uhuru Kenyatta. Prononcés sur trois textes négociés, datant de janvier 2015, les Accords de Nairobi comportaient deux engagements : un cessez-le-feu et la création d'une feuille de route de transition. Djotodia et Bozizé ont signé une déclaration d'engagement. Kenyatta a dit de l’accord qu’il était « la marque d'une direction mature capable d'apporter le progrès et le bonheur aux habitants de la République centrafricaine. »[31] Mais le gouvernement intérimaire et la communauté internationale travaillant en République centrafricaine ont fermement rejeté les accords comme illégitimes et ils n'ont jamais été mis en œuvre.

Forum de Bangui : mai 2015

En 2014, le gouvernement de transition a organisé une consultation nationale qui a abouti au Forum de Bangui sur la réconciliation nationale. Tenu en mai 2015 pour lancer des initiatives de réconciliation, de désarmement et de réaffirmation du contrôle de l'État, le forum a manqué d'impact et de suivi. Un aspect crucial du forum, le désarmement, la démobilisation et la réinsertion (DDR) des combattants, en est toujours à sa phase initiale. L'accord relatif au DDR a été affaibli dès le départ par le retrait de la signature du FPRC. En outre, le partisan de Bozizé, Patrice-Edouard Ngaïssona, a signé au nom du groupe à Bangui alors qu'un autre dirigeant anti-balaka, Joachim Kokaté, avait signé le projet original des Accords de Nairobi.  

Élections

Un gouvernement de transition a été formé en janvier 2014, dirigé par l'ancienne maire de Bangui, Catherine Samba-Panza. L’un des objectifs principaux du gouvernement était de préparer les élections. Des dates ont été fixées et annulées à maintes reprises en raison de la violence, du manque de financement et des préparatifs chaotiques. Les élections ont finalement eu lieu le 13 décembre 2015 pour voter sur un référendum constitutionnel. Le référendum été voté à une majorité écrasante et a préparé le terrain pour les élections législatives et présidentielles. Le 30 mars 2016, le nouvel élu Faustin-Archange Touadéra a été assermenté en tant que nouveau président.[32]

Human Rights Watch a documenté la participation de huit dirigeants anti-balaka aux élections législatives. Parmi ces huit dirigeants, trois ont finalement été élus, notamment Alfred Yékatom, également connu sous le nom de « Rombhot », identifié par le Groupe d'experts des Nations Unies sur la République centrafricaine comme un candidat intimidant les électeurs et harcelant des concurrents politiques à Mbaïki, sa circonscription.[33] Des rapports antérieurs ont relié Yékatom à la participation et au commandement de meurtres de civils.[34] Un autre candidat victorieux, le chef de milice Eric Pogola, a menacé les collaborateurs d'un rival politique et a envoyé des combattants armés dans les bureaux de vote le jour de l'élection dans les provinces de Sangha-Mbaéré. Un témoin a indiqué à Human Rights Watch que Pogola a déclaré aux représentants d'un village : « Si le village ne vote pas pour moi, je le réduirai en cendres ».[35]

Situation humanitaire

En mai 2017, 2,2 millions de personnes sur 4,6 millions d’habitants avaient besoin d'aide humanitaire. La réponse humanitaire, qui comprend des programmes essentiels tels que la sécurité alimentaire, la santé, l'éducation et l'eau, n’avait atteint que 30% de ses besoins de financement.[36]

En mai 2017, 481 000 réfugiés de la RCA vivaient au Cameroun, au Tchad, en République démocratique du Congo et en République du Congo. Il y avait 503 600 personnes déplacées à l’intérieur du pays, dont une grande partie dans les régions centrales citées dans ce rapport.[37]

Accords de paix de juin 2017

Le 19 juin, le gouvernement et 13 des 14 groupes armés actifs dans le pays ont signé un accord de paix arbitré par la Communauté de Sant'Egidio à Rome, qui comporte un cessez-le-feu et une représentation politique pour les groupes armés. L’accord reconnaît le travail de la Cour pénale spécial et de la Cour pénale internationale, et comprend une commission vérité et réconciliation.[38] Au lendemain de la signature de l’accord, près de 100 personnes auraient été tuées à Bria dans des affrontements entre combattants anti-balaka et le FPRC.[39]

II. Attaques de la Séléka dans les provinces de Nana-Grébizi, Ouaka et Ouham

Attaques des miliciens de l’UPC dans la province de Ouaka

Lorsque la Séléka a fait scission, l’UPC a pris le contrôle de l’importante ville de Bambari, capitale de la province de Ouaka, qui compte environ 40 000 habitants, dont plusieurs milliers de musulmans.

Attaques contre des villages sur la route reliant Ngakobo à Boykotta : décembre 2014 à juin 2015

Se dirigeant vers l’est à partir de Bambari, la route reliant Ngakobo à Boykotta est la route principale vers Bangassou, dans la province de Mboumou, l’une des principales villes du pays. Selon les déclarations de témoins et de victimes, les combattants de l’UPC ont tué au moins 37 personnes sur cette portion de route entre décembre 2014 et juin 2015. Parmi les victimes, 16 personnes ont été tuées à Kanga le 7 décembre 2014 et 10 à Kossambaon le 20 février 2015. D’autres villages, par exemple Boykotta, Baraga, Djama et Romamaja, ont également été attaqués.

Meurtres à Kanga : 7 décembre 2014

Les meurtres commis en décembre 2014 à Kanga, que les témoins ont attribués à des combattants de l’UPC, ont été particulièrement violents. Parmi les 16 personnes tuées, 14 ont été exécutées sommairement après avoir été capturées et contraintes à s’allonger sur le sol. Six habitants de Kanga, dont quatre personnes qui avaient été témoins de l’attaque et une qui a survécu à l’exécution, ont expliqué à Human Rights Watch qu’un groupe de combattants de la Séléka appartenant à l’UPC et circulant sur six motos ont traversé le village, tirant aveuglément sur des anti-balaka et sympathisants anti-balaka présumés, sans toutefois toucher personne. Les combattants ont poursuivi leur route jusqu’au prochain village, Goya, à environ 24 kilomètres, mais ils sont revenus à Kanga dans l’après-midi.

La personne survivante a relaté à Human Rights Watch ce qui s’est passé ensuite :

Les Séléka sont venus de la brousse et ont encerclé les maisons. Ils n’ont pas tiré tout de suite. J’étais devant ma maison alors que les Séléka arrivaient. Les Séléka étaient en train de rassembler les gens. Ils allaient de maison en maison en criant : « Ne partez pas ! Sortez car nous avons juste des questions à poser. » Mais pendant qu’ils criaient ça, ils visaient avec leurs fusils. Ils pointaient leurs fusils sur toute personne qui voulait partir. Ils cherchaient seulement les hommes. Ils laissaient les femmes partir.[40]

Tandis qu’ils rassemblaient les hommes, les combattants de l’UPC ont tué deux d’entre eux. Ils ont ensuite commencé à interroger 15 hommes qu’ils avaient capturés, leur demandant s’ils étaient des anti-balaka. Un homme qui a réussi à s’échapper plus tard a expliqué à Human Rights Watch :

J’étais couché et je regardais. Je pouvais voir les Séléka qui interrogeaient les hommes en leur demandant s'ils étaient anti-balaka. Quand ils interrogeaient les hommes, ils disaient : « Est-ce que vous êtes anti-balaka ? » Et les hommes répondaient : « Non ». Les Séléka demandaient : « Est-ce qu’il y a des anti-balaka ici ? » Les hommes répondaient : « Non, il n’y a aucun anti-balaka ici. » Les Séléka disaient : « C’est un mensonge, c’est un village anti-balaka. Il y a des anti-balaka ici et vous les cachez. »[41]

Un autre témoin qui se cachait derrière une maison a déclaré à Human Rights Watch :

Les Séléka ont dit aux hommes : « Vous êtes des anti-balaka, Sortez vos armes pour que nous puissions faire la guerre comme vous le souhaitez. » Les hommes ont répondu : « Nous sommes de simples fermiers. » Les Séléka ont dit : « Taisez-vous et couchez-vous ! » Puis il y a eu un silence, et ensuite les tirs.[42]

Sur les 15 hommes couchés par terre, un seul a survécu aux exécutions, mais il a perdu quatre membres de sa famille proche. Il a relaté ce qui était arrivé :

Ils nous ont dit de nous coucher face contre terre. Je savais que nous étions déjà morts. À ce point, personne n’a demandé pardon. Une fois que nous étions couchés par terre, ils ne nous ont plus posé de questions. Il y avait deux Séléka sur le côté, prêts à tirer si quelqu’un s’enfuyait. Les autres se trouvaient derrière nous…. Tandis que nous étions au sol, mon oncle a dit : « Oh, qu’avons-nous fait pour être tués ? » Il y avait un commandant Séléka qui a donné l’ordre de tirer. Il a donné l’ordre en arabe, mais je savais ce que c’était d’après le ton de sa voix. Ils ont commencé à nous tirer dessus un par un. La première balle est entrée dans mon dos et est ressortie par mon épaule gauche. La deuxième balle est entrée et sortie de mon bras gauche. La troisième balle m'a brisé le cou. Ils pensaient que j'étais mort. J’étais traumatisé, je baignais dans mon sang. Je suis resté là en pensant à mes oncles et à mon père qui avaient été tués. Je suis resté là peut-être 20 minutes. Pendant ce temps, j’ai vu les Séléka qui pillaient notre maison. Quand ils en ont eu fini, ils sont partis.[43]

L’unique survivant s’est enfui vers une zone boisée à proximité pour se dissimuler aux assaillants. Après être resté caché pendant deux jours, il a pu enfin bénéficier de soins médicaux à Ngakobo, à 24 kilomètres de Kanga. Human Rights Watch a observé ce qui ressemblait à des blessures d’entrée et de sortie causées par deux balles sur son bras gauche et son épaule en juillet 2015. D’autres habitants de Kanga sont revenus tard dans la soirée le jour de l’attaque pour enterrer les morts, ont indiqué deux hommes qui ont aidé à creuser les tombes. Interrogés séparément, ils ont indiqué à Human Rights Watch qu’ils avaient découvert 14 hommes gisant face contre terre et ayant reçu des tirs à la tête et dans le dos.[44]

Meurtres à Kossamba : 20 février 2015

Le 20 février 2015, jour de marché, des témoins ont relaté à Human Rights Watch comment des forces de l’UPC accompagnées de combattants armés appartenant à l'ethnie peule ont attaqué le village de Kossamba, à 20 kilomètres de Ngakobo. Les témoins ont indiqué que les combattants de l’UPC étaient à la recherche de deux combattants anti-balaka qu’ils croyaient se trouver là. Quand les combattants ont trouvé et tué les deux hommes, les personnes qui se trouvaient sur la place du marché ont rapidement évacué. L’un des témoins a expliqué à Human Rights Watch :

Quand les coups de feu ont commencé, tous ont couru. Les vendeurs ont tous fui sans prendre leurs marchandises. Les Séléka ont ramassé toutes les marchandises et ont tiré sur les personnes qui s’enfuyaient. Je les ai vus tuer un garçon de 8 ans. Les Peuls ont également tiré sur des personnes avec leurs arcs et leurs flèches.[45]

Selon deux témoins et deux victimes, les habitants de Kossamba ont rapidement abandonné le village pour se cacher dans les buissons de la savane et de là tenter d’atteindre Ngakobo, mais les combattants de l’UPC et de l'ethnie peule sont restés sur la route principale et ont poursuivi les habitants qui tentaient de fuir, tuant dix d’entre eux, dont deux enfants. L’un des témoins a déclaré :

Quand le village a été attaqué, nous avons décidé de tenter notre chance dans la brousse et de rester à l’écart de la route principale. Nous sommes tombés dans une embuscade et trois hommes qui étaient avec nous ont été tués. Mon petit garçon a été tué par balle alors qu’il était sur le dos de ma femme. Nous tentions de fuir. Il est mort sur le coup. Nous avons couru nous réfugier dans la brousse et plus tard nous l’y avons enterré. Il avait 9 mois. Son nom était Célestin Yabadja.[46]

Ils ont indiqué qu’au moins trois autres personnes étaient mortes dans la brousse de maladie et de froid au cours des quatre mois suivants, mais leur nombre exact est inconnu. Un habitant de Kossamba qui a fui l’attaque a confié à Human Rights Watch :

J’ai perdu mon fils de 6 ans, Pangoula, dans les bois. Il avait mal au ventre et il est mort il y a deux jours [26 juillet 2015]. Même s’il est mort, je dois ramener ma famille dans les bois ce soir. Nous restons à proximité du chemin de Ngakobo car si quelque chose arrive nous pourrons fuir….Nous vivons ici comme ça. Ils nous laissent vivre pour l’instant, mais à n’importe quel moment ils peuvent nous tuer.[47]

Attaques contre des villages sur la route reliant Kouango à Bianga : novembre 2014 à mai 2015

De décembre 2014 à mai 2015, les récits de témoins indiquent que les combattants de l’UPC ont attaqué au moins 27 villages et tué au moins 91 civils (voir Annexe I) le long de la route entre Kouango et Bianga dans la province de Ouaka, une voie importante pour le contrôle par l’UPC du commerce du café dans la région. Les localités sont situées au sud de Bambari, près de la frontière avec la République démocratique du Congo.[48]Human Rights Watch a mené des entretiens auprès de 36 victimes d’attaques sur la route. Elles ont déclaré que les assaillants étaient des membres de l’UPC basés entre Kouango et Bianga et qui se déplaçaient entre ces deux villes. Les témoins pensaient que les villages avaient été attaqués parce que l’UPC croyait que leurs habitants protégeaient ou aidaient les combattants anti-balaka.

Les attaques de l’UPC ont entraîné des déplacements massifs de population, lorsque des milliers de personnes ont cherché refuge dans les terres lointaines et inhospitalières de la brousse. Human Rights Watch a également documenté 89 morts parmi les personnes qui ont fui les combats, décédées apparemment de maladie ou de froid (voir Annexe I). Du fait qu’il n’était pas possible de rendre pleinement compte de tous les décès, le nombre des personnes tuées dans les combats ou qui sont mortes dans la brousse est probablement plus élevé.

Lors d’une rencontre avec Human Rights Watch les 15 et 16 juin 2015, les dirigeants de l’UPC à Kouango et Bianga, Hussien Ibrahiem et Mahamat Bande, ont nié avoir mené les attaques et ont affirmé qu’elles étaient le fait des anti-balaka.[49]

Le 12 septembre 2016, le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a signalé qu’au moins 6 personnes avaient été tuées, 400 maisons détruites et au moins 2 000 personnes déplacées après les attaques entre Kouango et Bianga.[50] On soupçonne que les attaques ont été effectuées par l'UPC, mais en raison des considérations de sécurité et du manque de réseau téléphonique, Human Rights Watch n'a pas été en mesure de vérifier cette information de manière indépendante.

Attaque contre Danda I : 7 décembre 2014

Le 7 décembre 2014, des forces anti-balaka sont passées près de Danda I, poussant les habitants à fuir pour se réfugier dans la brousse. Plus tard ce même jour, les villageois ont commencé à revenir, jusqu’à ce que l’UPC attaque, à la recherche semble-t-il des anti-balaka. Un des villageois a expliqué :

Les Séléka venaient de Kouango, ils avaient des motos et un véhicule. Ils ont tué 7 personnes du village dont un garçon qui n’avait que 10 ans. Les gens du village sont désormais dans la brousse. Avec la présence de la MINUSCA, nous commençons à revenir.[51]

Lors d’une visite à Danda I en juin 2015, Human Rights Watch a compté 111 maisons détruites. Des témoins ont déclaré que ces maisons avaient toutes été détruites par des combattants de l’UPC au cours de l’attaque de décembre.

Attaque contre Ganwa : décembre 2014

Des combattants de l’UPC ont attaqué le village de Ganwa, qui comptait une population d’environ 500 personnes, en décembre 2014. Le village était toujours abandonné lorsque Human Rights Watch s’y est rendu en juin 2015, mais un chercheur a pu parler à quelques habitants qui étaient revenus travailler dans les champs pendant la journée. L’un d’eux a expliqué ce qui s’était passé au cours de l’attaque :

C’était en décembre, juste avant le Nouvel An. Les Séléka sont arrivés sur des motos depuis Kouango, ils étaient une douzaine peut-être. Ils sont entrés dans le village en tirant des coups de feu et ont enfoncé les portes de nos maisons. Ils ont tout pillé.[52]

Huit personnes ont été tuées dans le village au cours de l’attaque, dont une fillette de deux ans dont la mère a trébuché dans sa fuite et est tombée sur elle, et une femme âgée qui a été poursuivie jusqu’à une rivière proche où elle s’est noyée, selon les témoignages de deux habitants. Les combattants de l’UPC ont continué à pourchasser les gens dans les zones boisées pendant trois jours, tuant au moins une femme, d’après un troisième habitant.[53]

D’après les trois habitants interrogés par Human Rights Watch, les combattants de l’UPC ont incendié les 72 maisons détruites recensées par Human Rights Watch à Ganwa.

Attaque contre Ngbada : décembre 2014

En décembre 2014, quelques jours après l’attaque contre Danda I, des combattants de l’UPC ont attaqué Ngbada. Une autorité locale a indiqué que des combattants anti-balaka avaient été vus dans les environs avant l’attaque. Quand les combattants Séléka de l’UPC ont attaqué Ngbada, ils ont tiré sans distinction contre des civils, a-t-il dit :

Les Séléka sont venus pour combattre les anti-balaka, mais ils s’en sont pris à tout le monde, à tous ceux qu’ils voulaient. Ils ont tiré sur tous ceux qui bougeaient. Au bout de deux jours, nous pouvions sentir l’odeur des morts dans la brousse.[54]

Au total 19 civils sont morts, selon les témoins et d’après une liste fournie par une autorité. Certains ont été tués au cours de l’attaque et d’autres se sont noyés en tentant de traverser la rivière Mindou pour s’enfuir. Selon des témoins, les combattants de l’UPC ont incendié les 57 maisons détruites recensées par Human Rights Watch. Au moins huit civils sont morts peu après dans les bois des suites de leurs blessures. L’autorité locale a vérifié chaque décès figurant sur la liste avec un chercheur de Human Rights Watch. Parmi ceux-ci figuraient selon lui :

Juliene Mbassé, 8 mois, elle a été jetée par sa mère sur le côté au moment de l’attaque et elle est morte ; Gaston Ketté Manguérézon, 2 ans, il ne savait pas nager et il est tombé dans la rivière dans sa fuite et s’est noyé ; Thomas Ketté Benso, 4 ans, il a couru à la rivière, il a dégringolé d’une colline et il est mort ; Mari Ngoilicho, une vieille femme aveugle qui a été tuée chez elle ; Henri Tomago, un homme âgé, paralysé des jambes, il ne pouvait pas abandonner sa maison et il a eu la gorge tranchée ; Pauline Inavire, Therese Igbengou, Mari Rechese et Alice Indouka se sont toutes noyées lorsque leur  pirogue s’est renversée dans la rivière. Indouka était enceinte.[55]

Le commandant de zone de l’UPC basé à Bianga, Hussien Ibrahiem, a déclaré à Human Rights Watch que ses combattants étaient là pour protéger les civils et que ses hommes n’avaient pas attaqué les villages. « Ce sont les anti-balaka qui attaquent et incendient les villages, pas nous », a-t-il affirmé.[56]

Le commandant de zone de l’UPC basé à Kouango, Mahamat Bande, a également nié que des combattants sous son commandement avaient attaqué des villages. Lorsqu’un chercheur de Human Rights Watch a fourni des détails sur les attaques ainsi que les affirmations des témoins quant à l’implication de combattants de l’UPC, Bande a répliqué :

Ce ne sont que des mensonges. Les Séléka ne pourraient jamais tuer un civil. C’est nous qui avons fait la paix ici, pas les soldats congolais [MINUSCA]. Nous ne pouvons pas laisser nos combattants aller dans la brousse tuer des gens. Pour moi tous les villages incendiés et les personnes tuées sont le fait des anti-balaka. Nous voulons que les villageois retournent dans leurs villages.[57]

Attaques contre des villages sur la route reliant Ndoro à Lepca : novembre 2014

Selon des témoins, des combattants de l’UPC ont attaqué au moins 14 villages le long de la route reliant Ndoro et Lepca en novembre 2014, tuant au moins 66 personnes et incendiant au moins 689 maisons (voir Annexe I). Les habitants ont indiqué à Human Rights Watch que les attaques avaient eu lieu entre le 10 et le 13 novembre 2014, et que les combattants de l’UPC étaient venus de Bianga et de Gouya. Les attaques étaient très probablement une riposte contre l’activité des anti-balaka dans la région.

Attaque contre Bolo : 10 novembre 2014

Le 10 novembre, des combattants de l’UPC sont entrés à Bolo. Des habitants du village ont expliqué à Human Rights Watch que les combattants étaient entrés vers13h00 à moto et à pied. Ils ont immédiatement commencé à tirer sur les gens, incitant les villageois à prendre la fuite. Au moins 11 personnes ont été tuées à ce moment-là. D’autres habitants ont fui vers la rivière Ouaka, où les combattants de l’UPC ont continué à les pourchasser. Plusieurs personnes se sont noyées en tentant de traverser la rivière. Un homme, qui a perdu son épouse et leur garçon de 4 ans, a déclaré à Human Rights Watch :

Nous avons essayé de fuir en traversant la [rivière] Ouaka. Nous avions été pourchassés jusque-là. Ma femme était avec notre fils, Bertain. Les Séléka nous tiraient dessus dans nos pirogues. La pirogue s’est renversée parce que les gens essayaient désespérément de traverser. Je n’ai pas pu les sauver et ils se sont noyés.[58]

Une autorité locale du village a fait un récit concordant. « De nombreuses personnes se sont noyées en tentant de traverser la rivière Ouaka », a-t-il dit. « Elles s’entassaient dans des petites barques de pêche. Du fait que beaucoup de gens se sont éparpillés dans la brousse, il est difficile de savoir combien de personnes sont mortes. »[59]

Après avoir incendié 118 maisons à Bolo, les combattants de l’UPC sont allés à Balango II où ils ont incendié 38 autres maisons et ont tiré sur des civils qui tentaient de fuir en barque sur la rivière Ouaka. Une embarcation s’est retournée et quatre personnes se sont noyées, selon les récits de trois habitants de Balango II.[60]

Attaque contre Balango I : 10 novembre 2014

Après l’attaque contre Bolo, des témoins ont indiqué que les combattants de l’UPC étaient allés à Balango I où ils ont tué 11 personnes, dont 2 enfants. Un habitant a expliqué ce qui s’était passé :

Les anti-balaka étaient dans les environs quand les Séléka ont attaqué. Quand ils ont attaqué le village, ils nous ont pourchassés dans la brousse et ont tué tous ceux qu’ils trouvaient, dont tous les membres de la population. J’ai perdu ma fille de 18 ans. Elle était enceinte. J’ai également perdu une nièce de 9 ans.[61]

Selon deux témoins, dont une autorité locale qui enregistrait les morts, des combattants de l’UPC ont incendié les 78 maisons détruites recensées par Human Rights Watch à Balango I.

Attaque contre le camp pour personnes déplacées de Ngakobo : 3 décembre 2015

Le 3 décembre 2015, des combattants de l’UPC ont attaqué un camp pour personnes déplacées à Ngakobo, à environ 60 kilomètres de Bambari, qui abritait environ 4 500 personnes déplacées. Des témoins ont indiqué que les combattants Séléka de l’UPC soupçonnaient des combattants anti-balaka de se trouver dans le camp. Un témoin a déclaré avoir entendu des combattants de l’UPC crier : « Nous avons détruit la maison d’un anti-balaka ! » après avoir démoli un abri de fortune avec une grenade.[62] Human Rights Watch s’est entretenu avec sept témoins de l’attaque qui ont indiqué avoir vu des combattants de l’UPC tirant sans discernement sur des abris de fortune dans le camp.

Un témoin, la mère de Junior Aoukondjé, 15 ans, a déclaré :

J’étais dans la même hutte avec mon fils quand les assaillants ont ouvert le feu sur le camp. Nous nous sommes tous couchés par terre tandis que les balles sifflaient au-dessus de nous. C’était quelques minutes après le début des tirs que j’ai entendu Junior qui disait : « Je suis en train de mourir. » J’ai vu qu’il ne respirait plus et qu’il avait été touché à la tête, près de son oreille droite.[63]

Un autre témoin, l’épouse de Jean Robert Andjepayo, qui était âgé de 37 ans, a déclaré :

C’était tard le soir, aux environs de minuit peut-être. Notre bébé pleurait et j’essayais de l’allaiter. Tout à coup, j’ai entendu les assaillants crier : « Avance ! Avance ! » J’ai demandé à mon mari s’il avait entendu et il m’a dit de me coucher par terre. Puis nous avons entendu tirer de tous les côtés, certains tirs sur notre hutte…Cela a duré quelques minutes et quand c’était fini j’ai remarqué que mon mari faisait un bruit étrange quand il respirait. J’ai regardé et il était couvert de sang. Il est mort peu après.[64]

Les combattants de l’UPC ont tué huit personnes déplacées au cours de l’attaque. Les forces de maintien de la paix de la MINUSCA basées près de là sont intervenues pour arrêter l’attaque et un Casque bleu a été blessé.[65]

Le camp de Ngakobo a été attaqué de nouveau le 15 octobre 2016 par des hommes armés, entraînant la mort de 13 civils. Des représentants de l’UPC ont nié que leurs combattants étaient responsables de l’attaque. Au moment de la rédaction de ce rapport, Human Rights Watch n’était pas en mesure de vérifier de façon indépendante les circonstances de l’attaque non plus que les assaillants auteurs de cette attaque.[66]

Meurtres aux environs de Bakala : décembre 2016 et janvier 2017

Le 12 décembre 2016, des combattants de l’UPC ont exécuté au moins 32 civils et ont capturé des combattants après des affrontements avec les forces du FPRC et anti-balaka à Bakala.[67] L’UPC a exécuté 25 personnes après les avoir convoquées dans une école pour une soi-disant réunion. Plus tôt ce même jour, ils avaient exécuté sept hommes qui revenaient d’une mine d’or à proximité. Les victimes étaient accusées d’être des combattants anti-balaka ou bien d’être des sympathisants du FPRC.

Les exécutions ont eu lieu après les combats entre le FPRC et l’UPC pour le contrôle de la ville le 11 décembre. Human Rights Watch a interrogé 28 personnes à Bakala et dans ses environs en janvier 2017.

Vers 5h00 du matin le 12 décembre, un groupe de combattants de l’UPC a arrêté et tué sept hommes à Bakala alors qu’ils revenaient d’une mine d’or à proximité. Un habitant de Bakala, âgé de 55 ans, a déclaré :

Je me cachais dans une maison et j’ai vu les Peuls [combattants de l’UPC] qui rassemblaient les hommes devant la maison d’un voisin et qui les amenaient à l’intérieur. Peu de temps après j’ai entendu les hommes crier. Ils hurlaient « Pourquoi nous tuez-vous ? » et « Je meurs ! » J’ai également entendu des tirs. Tout cela se passait à 5h00 du matin. Un peu plus tard les Peuls m’ont découvert et ils m’ont obligé à les aider à jeter les corps dans un puits.[68]

Plus tard ce matin-là, les combattants de l’UPC ont envoyé un message selon lequel ils allaient tenir une réunion à l’École Sous-préfectorale, où ils détenaient déjà quelques hommes qu’ils avaient capturés la veille. Lorsque les gens s’y sont rassemblés, les combattants de l’UPC se sont emparés d’au moins 24 hommes et d’un garçon, puis ils ont ouvert le feu sur le groupe.

Un survivant des exécutions à l’école, âgé de 24 ans, a expliqué à Human Rights Watch :

Après l’attaque du 11 décembre, nous étions tous cachés dans la brousse. Nous avons été convoqués pour une réunion à l’école par des jeunes de la ville. Ils disaient : « Venez à une réunion pour voir comment les gens peuvent travailler avec la Séléka. » J’ai décidé d’aller à la réunion. Quand je suis arrivé, j'ai vu que mon oncle et mon petit frère y étaient aussi. Toutes les personnes à la réunion étaient des hommes. J’ai compris que quelque chose n’allait pas.

Personnellement, j’avais pensé que c’était une réunion pour le FPRC parce que je ne savais pas encore quel côté avait gagné le combat la veille. J’ai eu peur quand j’ai vu les Peuls. Quand je suis arrivé ils m’ont mis dans un petit groupe de neuf personnes et ils nous ont dit d’aller nous asseoir près de la gendarmerie, de l’autre côté de la rue. Mon frère et mon oncle étaient avec moi. Une fois que nous étions assis, j’ai entendu quelqu’un à l’école qui hurlait : « Vous êtes tous des anti-balaka ! » Alors ils ont commencé à nous tirer dessus. J’ai bondi et j’ai réussi à m’échapper, mais tous les autres ont été tués. Mon frère avait 17 ans. J’ai couru me réfugier dans la brousse et j’ai juste entendu des coups de feu pendant que je courais. Je pense que tous ceux qui étaient à l’école ont été tués, mais je ne l’ai pas vu.[69]

En janvier 2017, des combattants de l’UPC ont tué un homme et deux de ses enfants à Mourouba, à 18 kilomètres de Bakala. Deux autres enfants ont survécu. L’un des deux, un garçon de 15 ans, a expliqué comment sa famille avait été attaquée alors qu’ils tentaient de rentrer chez eux :

Quand Mourouba a été attaqué, nous avons couru nous cacher dans les bois à quelques kilomètres. Mais au bout de quelques jours, mon père m’a ramené au village ainsi que mes trois frères pour chercher du manioc. Au village, les UPC nous ont vus. L’un d’eux a demandé : « Avez-vous été envoyés par nos ennemis pour connaître notre position »? » Mon père a répondu : « Non, nous cherchons juste à manger. »

Mais les Peuls nous ont pris et nous ont lié les mains dans le dos. Ils nous ont emmenés dans la brousse puis nous ont mis une corde autour du cou et l’ont attachée à nos mains. Puis ils nous ont donné des coups de pied et de baïonnette. Mon père et mon frère Viviane [10 ans environ] sont morts parce qu’ils ne pouvaient plus respirer. Ils ont poignardé à mort mon frère aîné, Charlie [16 ans environ].

Après nous avoir tous poignardés ils ont dû penser que nous étions tous morts et ils ont pris nos chaussures et nous ont laissés. J’ai vu que mon père était mort et que l’un de mes petits frères ne bougeait plus. Charlie  respirait encore, mais il est mort peu après. Mon plus jeune frère était vivant alors je l’ai pris et nous nous sommes enfuis avant le retour des Peuls.[70]

Human Rights Watch a vu des cicatrices sur le garçon qui semblaient résulter de coups de couteau.

Attaque contre Yassine : 21 mars 2017

Le 20 mars, des combattants anti-balaka et du FPRC des localités de Wadja Wadja et de Agoudou-Manga dans la province de Ouaka ont contraint la population de ces villes à partir à Yassine, un centre minier de la région, de peur d’attaques en représailles après avoir tué deux civils peuls à Yassine le 19 mars. Après avoir escorté les quelque 300 civils jusqu’à Yassine, les combattants du FPRC et anti-balaka sont retournés à Wadja Wadja et Agoudou-Manga, ne laissant que quelques combattants à Yassine.[71]

Vers 5h00 du matin le 21 mars, des combattants de l’UPC ont attaqué Yassine, tuant au moins 18 personnes, dont 10 enfants.

En avril 2017, Human Rights Watch a interrogé 20 personnes à Bambari qui avaient fui le combat. Un habitant de Agoudou-Manga a déclaré à Human Rights Watch : « Les Peuls [combattants de l’UPC] ont commencé à tirer et à lancer des grenades sur nous. Ils tiraient sur tout le monde. Les anti-balaka ont juste abandonné les civils. J’ai vu des enfants morts pendant que je m’enfuyais. »[72]

Alors que l’attaque commençait, un habitant de Wadja Wadja, âgé de 55 ans, a expliqué qu’il s’était enfui dans les bois environnants :

J’ai vu des corps pendant que je courais. À moment donné, j’ai entendu une femme crier que son mari et son fils avaient été tués. Au bout d’une heure environ, l’attaque a cessé et je suis revenu lentement vers le village. J’ai vu de nombreux corps dans la brousse. Certaines personnes étaient mortes des suites de leurs blessures, d’autres semblaient avoir été tuées sur place.[73]

Un habitant de Agoudou-Manga, âgé de 47 ans, a dit avoir vu les corps de jeunes enfants morts alors qu’ils tentaient de fuir dans les bois. « Il y avait un grand cours d'eau qui n'était pas facile à traverser », a-t-il expliqué. « Alors que je revenais à Yassine après l’attaque, j’ai vu trois enfants morts dans le cours d’eau. Ils avaient essayé de traverser pendant qu’ils fuyaient en courant, mais ils ne savaient pas nager et ils se sont noyés. Ils étaient jeunes, peut-être entre 3 et 5 ans. »[74]

Un habitant de Wadja Wadja a déclaré qu’il avait perdu sa mère et quatre enfants au cours de l’attaque :

Nous étions venus de Wadja Wadja la nuit précédente. Nous étions dans une petite cabane en bordure du village et les enfants étaient devant la hutte. Il faisait chaud alors les enfants dormaient dehors sur un tapis. Tôt le matin, je suis allé parler avec d'autres hommes dans une partie différente du village. Soudain, nous avons entendu des tirs. J'ai essayé de courir vers l'endroit où se trouvait ma famille mais les tirs étaient trop intenses. Les gens tombaient devant moi, alors j’ai dû faire demi-tour et fuir. J’ai couru me cacher dans la brousse.

Ma femme m'a dit par la suite que les enfants jouaient sur le tapis avec le bébé quand l'attaque a commencé. Nous les avons trouvés là, morts sur le tapis. Ils avaient tous été abattus. J'ai perdu mon fils de 7 mois, ma fille de 3 ans, mon fils de 10 ans et ma fille de 13 ans. Ma mère, âgée de 54 ans, a été brûlée dans une hutte où elle dormait. Nous avons enterré ma famille dans un trou qui avait été creusé pour une latrine. Tout le monde était en fuite, donc nous n’avons pas pu leur donner un enterrement convenable.[75]

Réponse de l’UPC

Human Rights Watch a rencontré sept fois le dirigeant de l’UPC Ali Darassa entre 2014 et 2017. Celui-ci a constamment nié toute implication de combattants de l’UPC dans les attaques contre des civils.

Lors d’une rencontre le 27 juillet 2015, Human Rights Watch a soulevé des préoccupations auprès de Darassa à propos des attaques de l’UPC dans la province de Ouaka. Darassa a nié que ses combattants étaient responsables, affirmant :

Non, nous n’avons pas attaqué de villages. Nous respectons le droit international. C’est seulement lorsque les anti-balaka nous attaquent que nous ripostons. Les anti-balaka ont tendance à brûler des villages. Lorsque les anti-balaka attaquent la population, ils [la population] se tournent vers la Séléka en quête de protection. Quand les anti-balaka attaquent, ils ne restent pas dans le village alors ils l’incendient. Dans ce pays, il y a beaucoup de rumeurs, et vous avez parlé à ceux qui sont proches des anti-balaka. S'ils disent que nous attaquons des villages, nous ne pouvons pas l'accepter.[76]

Au sujet de l’attaque de l’UPC contre le camp de personnes déplacées à Ngakobo, Darassa a déclaré :

L’attaque s’est produite vers 23h et la MINUSCA n’a pas de preuves quant à ceux qui ont attaqué le site. Ils ont supposé que c’était l’UPC et ils ont lancé des attaques contre nous. Lorsque le site de personnes déplacées a été attaqué, tous mes hommes se trouvaient à notre base et ils ne peuvent pas sortir s’ils n’ont pas reçu d’ordres de le faire…J’ai une soixantaine d’hommes à Ngakobo, mais aucun membre de l’UPC n’a pris part à l’attaque.[77]

En janvier 2017, Darassa a continué à nier que ses hommes avaient participé à des attaques contre des civils. « Les soldats de l’UPC ne peuvent pas exécuter des civils ou des prisonniers », a-t-il affirmé. « Ce que vous avez entendu dire à propos de l’UPC, ce sont des mensonges. »[78]

Le 19 avril 2017, le coordinateur politique de l’UPC, Hassan Bouba, a nié que l’UPC avait attaqué Yassine, prétendant que les forces anti-balaka et du FPRC étaient responsables de l’attaque. « L’UPC a dû venir à sa rescousse », a-t-il affirmé.[79]

III. Attaques par des combattants du Séléka FPRC et par des Peuls armés dans les provinces de Haute Kotto, Nana-Grébizi et Ouham

Au moment où la Séléka s’est scindée en plusieurs factions, Michel Djotodia et Noureddine Adam ont créé le FPRC en août 2014. Certains Séléka ont déclaré fidélité au FPRC, tandis que d’autres groupes Séléka, comme l’UPC, ne l’ont pas fait. Le groupe a déclaré son intention de mettre en place un État indépendant dans le nord-est du pays, en bordure du Tchad et du Soudan, appelé « État de Dar el Kouti ».[80] Un an après sa création, le FPRC issu de la Séléka s’est encore divisé. Le Général Mahamat Al Khatim, également connu comme Mamhat Al Hissen, chef militaire du FPRC, accompagné de l’ancien chef du renseignement de la Séléka, Mahamat Bahar, a quitté le FPRC en août 2015 pour former son propre groupe, entraînant un certain nombre de forces Séléka avec lui.

Human Rights Watch a documenté au moins 224 personnes tuées et 1 134 maisons incendiées, ainsi que 435 abris pour personnes déplacées détruits, entre décembre 2014 et octobre 2016, par les combattants du FRPC de la Séléka et du MPC aux environs de Batangafo, dans la province de Ouham, et à Kaga-Bandoro, la capitale de la province de Nana Grébizi. Des Peuls armés attaquent parfois aux côtés des combattants Séléka FPRC, dans le cadre d'une alliance lâche entre les groupes.[81]

Attaques contre des villages sur la route reliant Batangafo à Kambakota, 27 décembre 2014

Attaque contre Bada : 27 décembre 2014

Le 27 décembre, le FPRC – seules forces Séléka dans la région à ce moment-là – et des combattants peuls ont attaqué le village de Bada, à 37 kilomètres de Batangafo. Ils ont tué six habitants au cours de l’attaque. Deux habitants de Bada ont indiqué à Human Rights Watch que des anti-balaka avaient traversé le village peu avant l’arrivée du FPRC, ce qui était sans doute la raison de l’attaque. Un habitant a expliqué à Human Rights Watch :

Il était environ 5h00 du matin lorsque des Peuls armés et des Séléka sont arrivés. Les Séléka portaient des uniformes et j’ai reconnu certains des Séléka de Kabo…. Nous savions qu’ils étaient près parce que des jeunes les avaient vus sur la rivière. Nous savions qu’ils viendraient en traversant nos champs et dans notre direction, mais nous pensions qu’ils poursuivraient leur route. J’ai été surpris de les voir entrer dans le village. Voyant cela nous avons tenté de prendre nos biens [pour fuir], mais ils nous ont tiré dessus. Le village a été totalement brûlé.[82]

Human Rights Watch n’a pas été en mesure de se rendre à Bada pour des raisons de sécurité.

Attaques contre des villages sur la route reliant Batangafo et Bouca, décembre 2014 à février 2015

Au cours de la recherche entreprise dans la province de Ouham en 2015, Human Rights Watch a confirmé que le FPRC contrôlait cette route et était le seul groupe Séléka actif au moment où se sont déroulées les attaques documentées.

Attaques contre Boudia et Bougia : 29 décembre 2014

Le 29 décembre, des combattants du FPRC ont attaqué Boudia, où trois habitants ont indiqué qu’ils avaient tué deux personnes. Un habitant qui a été déplacé après l’attaque a déclaré à Human Rights Watch :

Quand les Séléka sont arrivés, ils portaient des uniformes. J’en ai reconnu certains. Il était à peu près 14h00 et je me trouvais à la maison. J’ai aperçu un groupe de personnes arriver de la direction de Tounda et j’ai vu la fumée de maisons qui brûlaient. Les Peuls arrivaient à pied et les Séléka étaient sur des motos. Quelques Peuls arrivaient aussi de la brousse autour du village. Deux personnes ont été tuées par arme à feu au cours de l’attaque. L’une d’elles, Suzanne Ouena Teta, avait 5 enfants. Les enfants sont maintenant ici, sur le site de personnes déplacées, comme orphelins. Des maisons ont été incendiées, mais j’avais peur aussi je ne suis pas revenue les compter. Après l’attaque j’ai couru directement jusqu’ici.[83]

Les assaillants sont allés ensuite jusqu’à Boguia, à 9 kilomètres de Batangafo, où deux habitants ont indiqué qu’ils avaient tué deux personnes et incendié 34 maisons ainsi que l’église du village. Un habitant a précisé à Human Rights Watch que son neveu, un agriculteur, était l’une des personnes tuées. « [Après l’attaque] nous avons trouvé une trace de sang et l’avons suivie jusque dans la brousse, où nous l’avons découvert, la gorge tranchée », a-t-il expliqué.[84]

Attaques contre Boyo, Bouloum I et Garo : février 2015

Début février 2015, des combattants du FPRC ont attaqué le village de Boyo, tuant deux personnes et incendiant 48 maisons. Le mari de l’une des victimes, Honorine Zoungofio, a expliqué à Human Rights Watch :

L’attaque a commencé à 9h00 du matin alors que je me rendais à l’église. Ma femme est entrée dans la brousse pour chercher du bois, mais les Séléka et les Peuls l'ont trouvée. J'ai entendu des coups de feu et j'ai couru pour aller voir. Nous avons trouvé son corps près du village, elle avait été touchée par des tirs dans le dos et à l'arrière de la tête. Après l'attaque, nous l'avons enterrée le même jour. Je savais que les lieux n'étaient pas surs, alors j'ai quitté le village tout de suite.[85]

Plus tard ce même mois, les combattants du FPRC et peuls ont attaqué Boulom I et un camp de personnes déplacées, Garo, situé en bordure du village. Le camp de Garo avait été installé par des personnes vivant aux environs de Bogonon et ne bénéficiait pas d’aide humanitaire.  Neuf personnes ont été tuées à Boulom I et quatre autres personnes au site de Garo, selon les déclarations de cinq témoins. Trente-une maisons à Boulom I et la totalité du campement de Garo – des dizaines de huttes – ont été incendiées. « Il n’y a eu aucun combat, les gens ont été tués alors qu’ils tentaient de fuir », a expliqué un habitant de Boulom à Human Rights Watch. « L’attaque a commencé sur la route principale, mais le village était encerclé…La MINUSCA est venue plus tard ce jour-là mais nous étions dans la brousse. »[86]

Attaques contre des villages sur la route reliant Bouca et Marzé : février à juillet 2015

Entre mai et juillet 2015, les forces du FPRC, aux côtés de leurs alliés peuls, ont attaqué au moins 5 villages le long de la route entre Bouca et Marzé. Au moins 14 personnes ont été tuées et au moins 210 maisons ont été incendiées.

Attaques contre Boya I : février et mai 2015

Les forces du FPRC et les combattants peuls ont incendié Boya I le 27 février, détruisant 96 maisons. Six habitants de Boya I, vivant dans un camp de personnes déplacées à Kozoro I, à environ16 kilomètres de Boya I, ont expliqué qu’ils avaient tenté de reconstruire le village mais qu’ils avaient de nouveau été attaqués en mai.

Un habitant a expliqué à Human Rights Watch :

Après la [première] attaque nous sommes revenus au village. C’est alors que les Séléka ont attaqué de nouveau, le 1er mai. Pendant cette attaque, ils ont tué un homme du village, Noël. Puis, le 16 mai, ils sont revenus encore une fois et ont tué sept personnes. Il était à peu près 7h00 du matin, ils étaient environ 35 assaillants. Les Séléka portaient des uniformes militaires avec des casquettes et des bottes militaires …. Le lendemain, nous avons enterré les victimes au village. Certaines avaient été touchées par des tirs à la tête, dans le dos, à la gorge. Certaines avaient reçu plusieurs balles. Quelques-unes sont mortes de maladie par la suite.[87]

Attaques contre des villages sur la route reliant Kaga-Bandoro et Botto : février 2015

En février 2015, les forces du FPRC ont attaqué plusieurs villages le long de la route entre Kaga-Bandoro et Botto, dont Bottol III, Mba et Beguete I. Des habitants de ces villages ont expliqué à Human Rights Watch que des anti-balaka avaient emprunté la route les jours précédant l’attaque et, en représailles, les combattants du FPRC s’en sont pris aux villages parce qu’ils pensaient qu’ils avaient soutenu les anti-balaka. Sept habitants interrogés séparément ont confirmé à Human Rights Watch qu’aucunes forces anti-balaka n’étaient présentes dans les villages au moment des attaques. L’attaque s’est déroulée sur plusieurs jours à partir du13 février 2015, tuant au moins 24 personnes et détruisant au moins 126 maisons (voir Annexe II).

Human Rights Watch a mené une recherche sur la route en août 2015. À l'époque, les gens commençaient à retourner dans leurs villages pendant la journée, puis ils revenaient dans les camps de déplacements à Kaga-Bandoro pendant la soirée. Cependant, des meurtres sur la route se sont poursuivis jusque vers le milieu de 2015. En mai, un jeune homme a tenté de passer par Zefio, mais il a été vu par des combattants peuls et tué sur la route principale, a déclaré un témoin du meurtre.

Un habitant de Mba a expliqué Human Rights Watch :

La dernière attaque a eu lieu en février 2015. C’étaient les Séléka qui sont venus de Kaga Bandoro avec deux véhicules et des motos. Une femme a été tuée derrière sa maison [alors qu’elle fuyait]. Son nom était Honorie, elle avait une vingtaine d’années. Deux jeunes hommes ont également été tués. Ils travaillaient dans un champ près de leur maison lorsqu’ils ont été tués.[88]

Attaques sur la route Kaga-Bandoro–Mbrès : mars–avril 2015

Entre mars et avril 2015, des combattants du FPRC et peuls ont attaqué des villages le long de la route entre Kaga-Bandoro et Mbrès, une ville stratégique à la frontière de la province de Ouaka, tuant au moins 63 civils. Le FPRC a des combattants basés à Mbrès ainsi qu’à Kaga-Bandoro et il contrôlait à cette époque la route reliant les deux villes. Certains combattants Séléka à Mbrès étaient fidèles au FPRC et ont rejoint le MPC en juillet, mais au moment des attaques ils avaient fait allégeance aux Séléka du FPRC. Human Rights Watch avait déjà effectué des recherches sur les villages attaqués par la Séléka le long de cette même route en 2013.[89]

Début mars 2015, des combattants du FPRC et des Peuls ont attaqué le village de Kanda, tuant huit personnes. Un habitant de Kanda, qui était resté caché dans la brousse près du village depuis l’attaque, a déclaré :

Il n’y avait aucun anti-balaka dans le village, mais les Peuls sont juste entrés en tirant des coups de feu. Nous avons couru dans la brousse et nous y sommes restés. Même ce soir nous resterons dans la brousse. Les corps de ceux qui sont morts sont encore dans la brousse. Certains d’entre nous y sont allés et nous avons découvert des corps en décomposition, mais nous ne pouvons rien faire pour les morts.[90]

Une autorité locale a fourni les noms des huit victimes de Kanda.

Le 24 mars 2015, des combattants du FPRC et peuls de Mbrès ont attaqué Ngimale, tuant cinq personnes, selon les témoins. « Nous pensons qu’ils sont venus à la recherche des anti-balaka, mais il n’y en avait aucun dans le village », a expliqué un habitant à Human Rights Watch. « Quand nous les avons vus entrer dans le village nous avons pris la fuite, alors ils nous ont tiré dessus. »[91]

Le 2 avril 2015, des FPRC de Mbrès ont attaqué Maorka. Ils ont capturé six hommes dans le village et leur ont tranché la gorge, selon les déclarations de deux témoins. L’un d’eux a expliqué à Human Rights Watch :

C’était tôt le matin, peut-être vers 4h00, quand nous avons été attaqués par la Séléka. Ils sont venus de Mbrès et ils ont encerclé le village. Ils se sont mis à tirer et ont trouvé six hommes chez eux. Ils les ont capturés et les ont ligotés. Le reste du village avait pris la fuite pour se réfugier dans la brousse. Au cours des tirs pendant l’attaque contre le village, personnes n’a été tué mais ils ont pris les six hommes et ils leur ont tranché la gorge. Ce n’était pas des anti-balaka. Ils avaient entre 16 et 40 ans.

Quand j’ai entendu les tirs j’ai couru moi aussi immédiatement vers la brousse. Nous, les habitants, nous sommes retrouvés et nous y sommes restés jusque vers 17h00. Puis nous sommes allés au village chercher nos affaires. Nous avons vu que le village avait été complètement pillé. Les portes avaient été brisées. Le village n’avait pas été incendié, mais à ce moment-là nous avons vu les corps et nous les avons tous enterrés.  Nous avions vraiment très peur alors nous avons creusé seulement trois trous et nous avons placé deux corps dans chaque trou.[92]

Attaques du FPRC contre Mbrès : 16 décembre 2014

Le 16 décembre 2014, des combats ont éclaté entre anti-balaka et FPRC dans la ville de Mbrès. Des habitants de Mbrès ont expliqué à Human Rights Watch que des combattants anti-balaka se déplaçaient d’un quartier à l’autre pour attaquer le FPRC. Les habitants ont ajouté que certains combattants anti-balaka pillaient les maisons pendant les combats. Lorsque ceux-ci ont pris fin, les combattants du FPRC s’en sont pris aux civils et aux maisons. Des combattants peuls, aux côtés du FPRC, ont encerclé le village et attaqué les personnes qui tentaient de fuir pour se réfugier dans les bois aux alentours.  Au moins 107 maisons ont été incendiées et 29 civils ont été tués en deux jours. Human Rights Watch a interrogé 10 habitants de Mbrès qui ont décrit l’attaque et leur fuite. Voici ce qu’a dit l’un d’eux à Human Rights Watch :

Il y avait des combats entre les anti-balaka et la Séléka. Je voulais revenir à Mbrès quand les combats ont éclaté, mais c’était trop dangereux, alors je suis resté dans la brousse. J’y suis resté pendant une semaine, mais ensuite les Séléka nous ont suivis dans la brousse et ils tiraient sur tous ceux qu’ils voyaient, ils pensaient que tous les civils étaient des anti-balaka.[93]

Une autre habitante a déclaré :

Denis Boudenot, un homme d’une soixantaine d’années, a été tué dans la brousse. Il a été tué par balle pendant qu’il courait. Je suis restée près de son corps pendant un peu de temps, mais j’ai dû fuir. Avec un petit groupe de personnes de Mbrès j’ai couru 30 kilomètres jusqu’à un autre village. Là les Peuls nous ont poursuivis. Ils ont tué deux hommes qui étaient avec nous. Après cela, vers le 20 janvier, je suis arrivé à Kaga-Bandoro.[94]

Un autre habitant a expliqué à Human Rights Watch :

Je me trouvais dans les champs avec deux de mes enfants. Quand l’attaque a commencé les Peuls nous ont tiré dessus dans les champs alors nous avons couru vers la ville, mais en y arrivant nous avons entendu les coups de feu aussi nous sommes repartis dans la brousse près de la rivière, j’ai vu des gens qui s’enfuyaient sur la route de Bakala. Pendant que je courais j’ai vu un ami, Felix, abattu par la Séléka. Il ne faisait que s’enfuir, il était un civil, pas un anti-balaka.[95]

Après avoir passé des semaines dans la brousse, quelques habitants de Mbrès ont fui à Bakala, mais la majorité a fui à Kaga-Bandoro, distant d’environ 77 kilomètres. « Pendant le trajet des personnes sont devenues très malades et faibles », a déclaré un habitant.[96]

Des habitants de Mbrès ont décrit à Human Rights Watch à quel point le voyage était plein de dangers. Un homme, qui avait pris la fuite avec un petit groupe, a expliqué :

À la mi-janvier nous sommes allés dans un village appelé Ndeba, à une douzaine de kilomètres de Mbrès. Un jour, cinq camionnettes sont arrivées sur la route. Quand nous les avons entendues nous avons couru dans la brousse. Les Séléka ont fait le tour du village, maison par maison, et ils ont tué un homme et son fils. Après ça nous avons décidé de continuer jusqu’à Kaga-Bandoro.[97]

Un autre habitant a déclaré à Human Rights Watch :

Je suis parti pour Kaga-Bandoro peu de temps après l’attaque. Cela m’a pris trois semaines pour arriver ici [à Kaga-Bandoro]. J’étais avec un petit groupe et nous avons été attaqués par la Séléka à 18 kilomètres environ de Mbrès, près du village de Kango village. Ils ont tué un homme qui était avec nous. Son nom était Massa. Nous avons tous couru dans la brousse.[98]

Si la faction UPC de la Séléka sous le commandement d’Ali Darassa avait traversé Mbrès de temps en temps, cette zone était contrôlée par le FPRC de la Séléka pendant l’attaque.  En novembre 2014 Human Rights Watch s’est rendu à Bakala, dans la province de Ouaka, près de la frontière de la province de Nana Grébizi, et a pu vérifier que c’était la limite du contrôle de l’UPC. De plus, en avril 2015 le général coordinateur et porte-parole du FPRC, Moussa Maloud, a confirmé à Human Rights Watch la présence du FPRC dans la ville. « Nous contrôlons Kaga-Bandoro, Mbrès et la route entre les deux », a-t-il dit. « Il n’y a aucun membre de l’UPC ici. »[99]

Attaque du FPRC/MPC contre un camp pour personnes déplacées, Kaga-Bandoro : 12 octobre 2016

Le 12 octobre 2016, des combattants du FPRC et du MPC ont tué au moins 37 civils, en ont blessé 57, et ont contraint des milliers de personnes à fuir lorsqu’ils ont rasé un camp pour personnes déplacées à Kaga-Bandoro, où vivaient environ 7 000 personnes, après avoir été déplacées en raison des combats dans la région.[100] L’attaque était une réponse au meurtre d’un combattant Séléka la nuit précédente, mais les tensions à Kaga-Bandoro avaient été fortes depuis le 16 septembre 2016, lorsque des combattants Séléka ont tué des civils à Ndomete, une ville distante de 10 kilomètres.

Lors de l’attaque du 12 octobre, les combattants ont détruit au moins 175 maisons dans les quartiers autour du camp pour personnes déplacées de l’Évêché, et ils ont détruit au moins 435 huttes dans le camp lui-même.

Les combattants Séléka, sans doute avec l’assistance de civils musulmans, ont d’abord attaqué le quartier de la Mission Catholique, à la périphérie du camp. « Tandis que je courais, j’ai vu des corps sur le sol », a déclaré un résident de la Mission Catholique. « Les Séléka tiraient sur tout le monde…J’ai couru jusqu’au camp de personnes déplacées. Quelques minutes plus tard à peine le camp était attaqué lui aussi. »[101]

Même si le camp était protégé par les forces de maintien de la paix de la MINUSCA, qui ont ouvert le feu et tué 12 assaillants, les combattants de la Séléka ont malgré tout réussi à pénétrer dans le camp où ils ont tiré sur des civils et incendié des huttes. Une femme de Ngoulekpa I, qui vivait à l’Évêché depuis trois ans, a déclaré :

D’abord quand j’ai entendu les tirs, je suis retournée dans ma hutte pour me cacher. Peu de temps après, j’ai senti la chaleur qui provenait d’autres huttes qui étaient incendiées. Je suis sortie et j’ai vu la hutte de mon voisin qui brûlait. Je me suis retournée et j’ai vu que la mienne brûlait aussi. Je me suis mis à courir vers la base de la MINUSCA, mais un jeune combattant de la Séléka que j’ai reconnu m’a vue et m’a tiré dans la jambe.[102]

Un habitant de Kaga-Bandoro, qui a abandonné sa maison du quartier d’Adji début 2014 pour venir au camp de personnes déplacées, a expliqué avoir cherché après l’attaque son épouse de 17 ans, leur bébé de deux mois et la sœur de son épouse âgée de trois ans :

Quand l’attaque a commencé, j’ai couru jusqu’à la base de la MINUSCA espérant y trouver ma famille. Quand les gens ont commencé à arriver, je ne les ai pas vus alors je suis redescendu au camp pour les chercher. J’ai vu deux corps mais ce n’était pas elles. J’ai découvert ma famille près de notre maison… Mon épouse avait été touchée au ventre. Notre bébé avait été touché à la tête. La sœur de mon épouse semblait avoir été touchée à la jambe. Tout autour d’elles était brûlé et détruit. Nous avons dû les enterrer dans une fosse commune.[103]

Une mère de six enfants de Ngoulepa II, au nord de Kaga-Bandoro, indiquant qu’elle avait vécu au camp depuis mars 2014, a confié à Human Rights Watch :

On aurait dit que tout d’un coup ça tirait de tous les côtés et les enfants couraient dans tous les sens. Je me suis mise à courir en prenant les plus jeunes avec moi. J’ai su plus tard que mon fils Justin Soubanoyo avait été tué. Il avait 6 ans. Il a été tué d’une balle dans le côté.[104]

Après l’attaque contre le camp de personnes déplacées, les combattants de la Séléka ont attaqué des villages le long des routes menant à Botto, à l’ouest de Kaga-Bandoro.[105]  Un habitant de Beguete I, un village situé le long de cette route, a déclaré à Human Rights Watch :

Tard dans la matinée des gens se sont mis à courir le long de la route en disant que les Séléka avaient attaqué le centre ville. Quelques minutes plus tard des Séléka sont passés à moto, mais ils sont vite repartis. Puis ils sont revenus avec plus de combattants. Ils se sont mis à tirer sur les villages le long de la route. Nous avons entendu les coups de feu et nous avons pris la fuite. De loin, je les ai vus incendier mon village.[106]

Des images satellite analysées par Human Rights Watch indiquent qu’au moins 75 maisons sur cette route ont été détruites en octobre 2016. Des habitants ont déclaré à Human Rights Watch que quelques-unes de ces maisons avaient été reconstruites après l’attaque du village par le FPRC en février 2015.

Les attaques ont entraîné le déplacement de personnes de Kaga-Bandoro et des villages environnants. Au moment de la rédaction de ce rapport, au moins 20 000 d’entre elles se trouvaient dans des camps de fortune à proximité et autour d’une base de maintien de la paix de l’ONU près de la piste d’atterrissage de Kaga-Bandoro.

Affrontements entre le FPRC et l’UPC – province de Haute Kotto

Le 21 novembre 2016, des affrontements ont éclaté entre le FPRC et l’UPC à Bria, dans la capitale de la province de Haute Kotto.[107] Les tensions entre les deux factions avaient été fortes depuis le début de novembre, lorsque des escarmouches ont éclaté à propos du contrôle des routes menant à des mines de diamants autour de Kalaga, une ville située à 45 kilomètres de Bria. Le FPRC a attaqué l’UPC dans le quartier de Gobolo le 21 novembre, déclenchant deux jours de combat au cours duquel au moins cinq civils ont été tués. Quelques combattants du FPRC et des civils s’en sont pris également aux Peuls. Un habitant de Bria qui a été témoin du meurtre de Nouhou Badem, un entrepreneur peul, a expliqué à Human Rights Watch : 

Les combattants sont venus de la direction de l’aéroport. Ils sont arrivés devant les bâtiments et ont salué Nouhou en arabe. Ils disaient : « Ne t’en fais pas, on ne va pas te faire de mal. » Mais ensuite ils ont reculé et ont commencé à tirer sur nous tous. Cinq personnes ont été touchées par des balles, dont Nouhou, qui est mort sur le coup. Il a reçu une balle dans la poitrine.[108]

Au moins neuf civils ont été tués par des combattants et des hommes armés dans les jours qui ont suivi le combat. Le 26 novembre, un groupe de neuf Peuls a tenté de fuir les violences à Bria mais ils ont été attaqués à 10 kilomètres de la ville dans le village de Golaga. Une femme qui a survécu aux meurtres a expliqué :

Quand nous sommes arrivés à Golaga, un groupe d’hommes nous a attaqués. Ils étaient au moins 12. J’ai reçu tout de suite une balle dans le bras gauche et je suis tombée par terre. Un homme est passé en courant et il m’a encore tiré une balle dans le bras droit alors que j’étais par terre. Il pourchassait Paté (un homme du groupe). J’ai entendu Paté crier : « S’il vous plait ! Ne me tuez pas ! » et puis j’ai entendu qu’il était tué à coups de machette.

J’ai entendu ma belle-fille, Habiba, implorer pitié. Son fils de 1 an, Hamidou, était avec elle. Je l’entendais pleurer. Puis il y a eu un coup de feu et les pleurs ont cessé. J’ai entendu ma fille Salamatou qui pleurait aussi. Elle avait sa petite fille de 2 ans avec elle, Adama, qui pleurait aussi. Puis j’ai entendu qu’elles étaient tuées à coups de machette.[109]

Trois personnes de son groupe, dont un enfant de 7 ans et un autre de 3 ans, étaient toujours portées disparues en décembre 2016.

Les combats ont causé le déplacement de près de 10 000 personnes de Bria, une ville d’environ 43 000 habitants.

Réponse du FPRC/MPC

Les attaques décrites ci-dessus et figurant à l’Annexe II se sont produites alors que les combattants et les commandants du MPC étaient encore intégrés à la faction FPRC de la Séléka, sous le commandement militaire de Mahamat Al Khatim.[110] Le 4 mai 2015, Human Rights Watch a rencontré Idriss Ahmned el Bachar, président du MPC[111]. En réponse aux allégations de meurtres commis par d’anciens combattants du FPRC ayant maintenant rejoint le MPC, el Bachar a déclaré :

Il arrive que des abus soient commis, mais parfois ce que vous entendez dire n’est pas vrai. Certains des faits au sujet d’Al Khatim pourraient être vrais, mais je ne suis pas avocat et il aura sa place [devant la loi] plus tard. Nous ne devrions pas parler de ses abus, et d’aucuns abus, tant qu’il n’y a pas la paix. Je suis pour la justice, mais cela dépend du moment. Nous devons avoir la paix d’abord, et la justice ensuite.[112]

El Bachar a également cherché à faire une distinction entre les crimes commis par le FPRC et la scission postérieure du MPC. « Les crimes dont vous parlez ont eu lieu avant le MPC », a-t-il déclaré. « Je ne peux pas parler des périodes précédant le MPC. Pendant ma période il n’y a eu aucun problème. »[113]

Entre avril 2015 et mai 2016, Human Rights Watch a rencontré à six reprises le coordinateur général et ancien porte-parole du FPRC, Moussa Maloud. Maloud a régulièrement soutenu que les combattants du FPRC n’avaient pas commis d’attaques contre des civils, « Le FPRC œuvre à la cohésion sociale », a-t-il déclaré en juillet 2015. « Ce serait à l’encontre de ses intérêts d’attaquer des civils. »[114]Il a poursuivi cette affirmation en mai 2016 en indiquant : « Les Séléka [FPRC] n’ont commis aucun abus ici. Les cas dont vous parlez ne concernent pas la Séléka [FPRC], c’étaient des anti-balaka. »[115]

Human Rights Watch s’est entretenu avec le Général Mahamat Al Khatim en juillet 2015 mais celui-ci n’a pas souhaité aborder les détails relatifs aux attaques dans la région. « Ma zone avec le FPRC et aujourd’hui avec le MPC recouvre Sido, Kabo, Batangafo, Dekoa et Mbrès, et je n’ai connaissance d’aucune attaque commise par la Séléka dans la zone que je contrôle », a-t-il affirmé.[116]

En avril 2015, Human Rights Watch s’est entretenu avec al Afiz Ali, alias « le Libanais », alors commandant de zone de Kaga-Bandoro pour la faction FPRC de la Séléka (jusqu’à la scission avec le MPC). De multiples témoins ont placé Ali sur les lieux des combats aux environs de Mbrès en décembre 2014. Il a affirmé néanmoins que les combats se déroulaient entre des anti-balaka et des Peuls qui n’étaient pas affiliés à la Séléka et qu’il n’était pas présent. « Aucun Séléka n’a participé à aucune attaque », a-t-il prétendu. « Les villageois diront que tout musulman avec un fusil est Séléka mais ce n’est pas vrai. Nous n’avons pas le droit d’aller sur les routes et d’attaquer les gens. »[117] Toutefois, en ce qui concerne les meurtres autour de Botto, Ali a indiqué à Human Rights Watch qu’un combattant « incontrôlable » sous son commandement, Abdullahi Amkir, avait dirigé les combats.[118]

En avril 2015, Human Rights Watch a rencontré Mahamat Samson, alors commandant de zone pour la faction FPRC de la Séléka à Mbrès, qui a également nié tout abus de la part de la Séléka. « Vous avez entendu dire que les Séléka ont tué des gens ici, mais en réalité ce sont les anti-balaka qui tuent les Séléka », a-t-il affirmé. « Nous n’avons tué personne. »[119]

En octobre 2016, Human Rights Watch a rencontré le Général Al Khatim et Lambert Lissane, le directeur politique du FPRC. Ils ont tous deux nié que des combattants de la Séléka avaient participé à l’attaque du 12 octobre contre le camp de personnes déplacées de l’Évêché et contre les villages le long de la route de Botto.[120]

IV. Attaques contre des personnes déplacées  à Batangafo

Des dizaines de milliers de personnes qui ont fui les combats se retrouvent dans des camps pour personnes déplacées à Bambari, Kaga-Bandoro et Batangafo.  D’autres personnes déplacées vivent dans des familles d’accueil. Les camps reçoivent une assistance humanitaire limitée. Nombre des personnes déplacées interrogées par Human Rights Watch ont affirmé qu’elles voulaient quitter les sites pendant la journée pour travailler dans leurs champs voisins, mais qu’elles avaient peur de le faire à cause des attaques constantes.

La crainte d’une attaque lors d’un départ d’un camp de personnes déplacées était particulièrement prononcée à Batangafo. Entre novembre 2014 et avril 2015, Human Rights Watch a documenté les cas de 30 personnes qui avaient été tuées en tentant de travailler dans leurs champs. Les hommes semblaient avoir été pris spécialement pour cible, mais quatre femmes et deux enfants ont également été tués.

Un habitant de Batangafo a décrit comment les forces de la Séléka avaient tiré et tué un des membres de sa famille, Dieudonné Youdemma, 43 ans, en novembre 2014 après que celui-ci avait quitté le site de personnes déplacées en quête de nourriture. Il a déclaré :

Nous avions travaillé dans les champs toute la journée. Sur le chemin du retour nous sommes arrivés près d’une ville et nous avons vu des Séléka. Ils nous ont crié : « Jetez le bois pour le feu et courez ! » C’est ce que nous avons fait. J’ai été pourchassé par trois hommes et Dieudonné a été pourchassé par quatre autres. J’ai couru jusqu’à la ville, mais Dieudonné a couru dans la direction d’où nous étions venus. J’ai pu m’échapper dans la brousse, mais j’ai entendu les coups de feu. Nous l’avons dit à la MINUSCA et ils nous ont amenés chercher le corps le lendemain.[121]

Janine Ndoko, 60 ans, a expliqué à Human Rights Watch comment avec son mari, Pierre Touaga, 60 ans lui aussi, ils avaient rencontré des combattants de la Séléka lorsqu’ils étaient sortis du camp en quête de bois pour le feu en février 2015. Elle a déclaré :

Nous étions juste en dehors de la ville, près de Daba. Nous étions un peu séparés, chacun de nous à la recherche de bois pour le feu. À travers la brousse, j’ai vu des Séléka en uniforme. Je me suis couchée et j’ai entendu les tirs. J’ai attendu un peu avant de bouger, et j’ai trouvé son corps. Je l’ai enterré sur place.[122]

En février 2015, Bruno Kerefio, un homme de 45 ans de Batangafo, et son épouse Olga Saraba, 30 ans, ont quitté le site de personnes déplacées pour aller dans leurs champs. Un membre de la famille de Kerefio a expliqué :

Ils savaient que c’était dangereux d’y aller, mais ils sont allés au village Bo où se trouvent leurs champs. Des voisins qui travaillent dans des champs proches sont venus nous dire qu’ils avaient vu des Peuls et entendu des tirs dans cette zone alors nous avons dû aller chercher les corps. Bruno avait été touché au ventre, Olga avait reçu une balle à l’arrière de la tête. Nous les avons enterrés là où nous les avons trouvés. Ils avaient six enfants et elle était enceinte du septième.[123]

Bernard Bama, de Bobafio, 37 ans, a quitté le camp de personnes déplacées le 8 mars 2015, pour chercher du bois, et il a été tué par un Peul armé. Un autre habitant de Bobafio qui a survécu à l’attaque a expliqué à Human Rights Watch :

Nous sommes partis chercher du miel dans nos pièges. Après avoir vérifié nos pièges, nous sommes allés chercher de l’eau dans un petit cours d’eau. À ce moment-là, cinq Mbororo [Peuls] sont arrivés sur nous. L’un d’eux a demandé : « Êtes-vous des anti-balaka ? » J’ai répondu : « Si nous étions des anti-balaka pourquoi serions-nous ici dans la brousse sans fusils ? Nous cherchons seulement quelque chose à manger. » Deux des Mbororo avaient des fusils et ils nous ont tiré dessus. Ils ont touché Bernard et j’ai réussi à m’en sortir. J’ai couru jusqu’à mon village puis je suis revenu jusqu’ici, au site. J’ai informé la famille de Bernard et nous sommes revenus chercher le corps à la nuit. Maintenant je ne peux plus partir d’ici pour chercher quelque chose à manger à cause de ce que j’ai vu. J’ai peur.[124]

Réponse du FPRC/MPC

En avril 2015, Human Rights Watch a rencontré Abdullahi Tara, qui était alors le commandant de zone  pour la faction FPRC de la Séléka, Abdullahi Tara, ainsi que son adjoint, le Colonel Ousmane Bono. Interrogé à propos des attaques contre des civils sortant du camp, Bono a accusé les anti-balaka de ces attaques. « Les anti-balaka viennent attaquer la Séléka ici dans la ville [Batangafo] », a-t-il affirmé. « Nous sommes capables de les repousser hors de la ville, mais alors les anti-balaka attaquent la population [à l’extérieur de la ville]. Ce sont eux qui tuent les gens. »[125]

V. Attaques par les anti-balaka

Abus commis par les forces anti-balaka dans les provinces de Kémo-Grebingui, Nana-Grébizi, Ouaka et Ouham

Alors que la Séléka quittait Bangui et la partie occidentale du pays en 2014, les groupes anti-balaka ont continué à pénétrer dans le centre, où la Séléka établissait de nouvelles bases. Bien que peu coordonnés et souvent en conflit entre eux, les dirigeants anti-balaka de la région centrale ont proclamé allégeance à des personnalités clés de Bangui, notamment au politicien Patrice-Edouard Ngaïssona.[126] Les groupes anti-balaka ont continué à susciter la haine envers tous les musulmans et ils ont souvent supposé que les civils musulmans travaillaient ou sympathisaient avec la Séléka, mais ils ont également ciblé des civils non musulmans qu’ils suspectaient de sympathie  à l’égard de la Séléka.

À la fin de 2016, les groupes anti-balaka dans le centre du pays se sont alliés avec le FPRC / MPC — la soi-disant « coalition » — et ils ont commencé à cibler les civils de l'UPC et appartenant à l’ethnie peule. Les groupes anti-balaka sont responsables de nombreux cas de meurtres et de destruction de villages, notamment l’incendie généralisé de maisons, au centre-est du pays. Human Rights Watch a confirmé le meurtre de dizaines de civils tués alors qu’ils fuyaient les attaques anti-balaka, dont 28 personnes en un seul jour en novembre 2014 dans le village de Ngbima et 16 civils appartenant à l’ethnie peule dans le village de Ndourssoumba en février 2017.

Meurtres dans la province de Ouaka : novembre 2014 à février 2017

Attaques sur la route entre Kouango et Ngbima : novembre 2014

En novembre 2014, les forces anti-balaka de Pende ont attaqué 11 villages le long de la route entre Kouango et Ngbima dans la province de Ouaka dans le sud.[127] Selon 10 habitants, le 25 novembre, les forces anti-balaka ont tué 28 civils à Ngbina. Au moment de la rédaction du présent document, Michel Mandakara était le chef du groupe anti-balaka basé à Pende. Quatre témoins oculaires de l'attaque de Ngbina ont vu Mandakara coordonner les combattants.

L’un des témoins a déclaré à Human Rights Watch :

Vers 4 heures du matin, nous avons commencé à entendre des cris provenant de la maison d'Aladji Labi qui vit dans la zone peule à la périphérie du village. Ensuite, nous avons entendu des coups de feu. Le village a été encerclé, je me suis échappé de chez moi par une fenêtre. Ils ont trouvé mes deux épouses et leur ont tranché la gorge. J'ai découvert leurs corps plus tard dans l'après-midi. Elles étaient toutes les deux allongées devant la maison, on aurait dit qu’elles avaient essayé de fuir ensemble. Je les ai enterrées quand je les ai trouvées. Ma mère a également été tuée. L'anti-balaka a jeté une grenade dans la pièce où elle dormait. Elle s'appelait Madoma Yassi. J'ai vu Mandakara lors de l'attaque. J'avais couru jusqu'au bout du village et j’observais depuis la brousse. Je l'ai vu qui criait : « Tuez tout le monde ! Tuez tout le monde ! » Je le connais depuis un certain temps ... J'ai partagé des repas avec lui. Je ne sais pas pourquoi il a attaqué le village.[128]

Human Rights Watch a interrogé trois autres personnes qui ont déclaré avoir vu Mandakara dans le secteur pendant l'attaque.

Le mari de Yassimara a expliqué la façon dont elle était particulièrement vulnérable, comme d'autres personnes handicapées, pendant de telles attaques et comment les combattants anti-balaka n'ont fait aucun effort pour épargner les personnes handicapées :

Yassimara est née avec une malformation du pied. Elle pouvait marcher en s’appuyant dessus, mais elle ne pouvait se déplacer qu’avec une canne et lentement. Nous étions à la maison quand l'attaque a commencé. C'était tôt le matin et nous avons entendu les coups de feu. J'ai vu des gens sortir de chez eux en courant. J'ai entendu les forces anti-balaka crier : « Prenez Ngbima ! Attaquez ! » J’ai couru vers la brousse, mais ma femme est restée à la maison. Je n'ai pas eu le temps de la chercher. J'espérais simplement qu'elle irait bien. Ils ont incendié la maison avec elle à l’intérieur, elle n'a jamais essayé de fuir. Après l'attaque, nous avons retrouvé quelques-uns de ses os et les avons enterrés.[129]

Après avoir quitté Ngbima, Mandakara et ses combattants ont continué vers Kolo où les villageois avaient entendu parler de l'attaque contre Ngbima et ont couru dans la brousse. À Kolo, les combattants anti-balaka ont essayé de convaincre les gens de sortir de la brousse qui entoure le village. Un habitant de Kolo a déclaré à Human Rights Watch :

Les combattants anti-balaka criaient : « Sortez ! Nous sommes vos cousins ! Nous n’allons pas vous faire de mal ! » Un homme nommé Jacques est sorti et ils l'ont emmené. J'ai entendu des coups de feu et je l'ai entendu crier. Plus tard, nous avons retrouvé son corps.[130]

Les forces anti-balaka ont tué quatre personnes à Kolo, ont indiqué deux témoins.

Lors de la visite des 11 villages situés le long de la route entre Kouango et Ngbima en juin 2015, Human Rights Watch a compté 498 maisons brûlées, dont les villageois ont déclaré qu’elles avaient été incendiées par les forces anti-balaka. Ces villages sont situés dans une zone qui était presque totalement abandonnée lorsque Human Rights Watch a mené des recherches, ce qui a rendu impossible l’évaluation du nombre de personnes tuées dans ces attaques.

Attaque contre Gara-Bourouma : 30 novembre 2015

Le 30 novembre 2015, les forces anti-balaka de Ngakobo ont attaqué Gara-Bourouma, où les combattants de l'UPC de la Séléka avaient été précédemment basés. Au lieu de cibler les combattants de l'UPC de la Séléka dans la région, cependant, les forces anti-balaka s’en sont prises à un chef local, Barthelemy Moudjou, âgé de 45 ans, le tuant ainsi que deux autres hommes. Deux habitants ont déclaré que les forces anti-balaka avaient soupçonné Moudjou d’avoir collaboré avec l'UPC. Un témoin a expliqué à Human Rights Watch :

C'était le lundi vers 6 heures du matin quand j'ai commencé à entendre des coups de feu dans le village. Quelques instants plus tard, j'ai vu les assaillants et ils affirmaient qu'ils cherchaient la maison du conseiller. J’habite juste derrière chez Moudjou et j'ai couru derrière ma maison pour regarder. J'ai vu les assaillants défoncer la porte de Moudjou. Je les ai entendus l'appeler et demander : « Es-tu le conseiller du village ? » Moudjou a répondu : « Oui. » Ensuite, je les ai entendus tirer deux coups de feu, puis les cris des femmes qui étaient dans la maison.[131]

Attaques contre Sabengoude et Varra : février 2015

Human Rights Watch a recueilli des témoignages détaillés sur les meurtres commis par les forces anti-balaka dans la région de Bianga, dont cinq civils tués à Sabengoude en février 2015. Human Rights Watch a également confirmé que les combattants anti-balaka ont incendié 35 maisons à Varra et 59 maisons à Mongolo, deux villages situés le long de la route Kouango-Biaga.[132]

Attaques près de Ippy : février 2017

À la mi-février, des combattants anti-balaka ont tué au moins 16 civils appartenant à l’ethnie peule lorsqu'ils ont tendus une embuscade à un camion transportant des personnes à Ndourssoumba, un village à une trentaine de kilomètres de Ippy.[133] Le groupe était parti de Mbourousso et essayait de chercher refuge à Bambari, ont déclaré deux survivantes. L'une d'elles, une femme de 20 ans, a indiqué avoir sauté du camion lorsque l'attaque a commencé et elle a reçu une balle dans la jambe. « J'ai vu au moins 20 attaquants anti-balaka et un grand nombre de corps sur le sol », a-t-elle déclaré. « Les forces anti-balaka nous tiraient dessus à peu de distance avec des Kalachnikov et des fusils de fabrication artisanale. »[134]

L'autre survivante, une femme d'environ 27 ans, a expliqué qu'elle avait perdu deux enfants dans l'attaque :

Nous étions surtout des femmes et des enfants. Nous tentions d'éviter les affrontements. Lorsque nous sommes entrés à Ndourssoumba, les combattants anti-balaka nous ont attaqués. Le camion s'est arrêté et j'ai vu que des personnes étaient déjà mortes. Les anti-balaka étaient très proches de nous parce que nous n'avions pas d'armes. Ils ont continué à nous tirer dessus. Nous avons tous décidé de fuir. J’ai sauté du camion et j'ai couru. Alors que je courais, j'ai reçu une balle dans le pied, mais j’ai continué à courir. J'avais mon fils Adam [environ un an] sur mon dos alors que je courais. Je ne le savais pas, mais il avait reçu un tir dans le dos. Alors que nous courrions, ma fille Mariam [3 ans] est tombée. Elle a été abattue et tuée. J'ai couru dans la brousse et, avec d'autres Peuls, nous avons poursuivi notre chemin vers Boyo. De là, nous sommes allés à Bambari. Adam était blessé et il est mort quelques jours après notre arrivée à Bambari.[135]

Riposte des forces anti-balaka

Le 27 juillet 2015, Human Rights Watch a rencontré le leader anti-balaka, ou « comzone » (commandant de zone) de Bambari, Gaetian Boade Grakouzou, qui a déclaré qu'il commandait Michel Mandakara, le comzone à Pende. En ce qui concerne les meurtres à Ngbima, Grakouzou a nié que les forces anti-balaka y avaient pris part. « Non, ce n'était pas les forces anti-balaka, c'était la Séléka », a-t-il affirmé. « Mandaraka est sous mon commandement et il n'a pas commis ces attaques ». En ce qui concerne le maintien de la discipline dans ses rangs, Grakouzou a déclaré qu'il punirait les forces sous son contrôle qui violent la loi. « Si mes combattants font une erreur, je les ferai arrêter et je les enverrai aux gendarmes », a-t-il déclaré.[136] Grakouzou a affirmé qu’à ce jour, il n'y avait pas eu besoin de prendre de telles mesures.

En pratique, lorsque Grankouzou prend des mesures disciplinaires, il est possible qu’elles ne soient pas conformes aux normes applicables comme il l’a suggéré à Human Rights Watch. Le type de discipline que Grankouzou administre peut s’apparenter à des abus. En septembre 2015, un journaliste a été autorisé à observer et à prendre des photos des mesures disciplinaires que Grankouzou avait prises contre un de ses propres hommes pour des vols présumés. Le journaliste s’est vu présenter un homme qui avait été attaché pendant des heures. À l'insistance du journaliste, l'homme a été libéré, mais Grakouzou l’a contraint à frapper ses bras contre un arbre pour continuer de le punir.[137]

Human Rights Watch a rencontré Grankouzou de nouveau en janvier 2016 et celui-ci a alors donné une explication différente des meurtres commis à Ngbima, affirmant que les meurtres avaient été « commis par un autre anti-balaka nommé Fali ». Dans un même temps, il a répété que Mandakara était sous son contrôle et il « lui a dit de cesser de faire des bêtises. »[138]

Grankouzou, un candidat ayant échoué aux élections parlementaires de mars 2016, a confirmé qu'il travaillait avec le chef anti-balaka Patrice-Edouard Ngaïssona.[139]

Interrogé sur les violences de février et de mars dans la province de Ouaka, le directeur du cabinet politique du FPRC, Lambert Lissane, a nié que les combattants du FPRC et leurs alliés anti-balaka avaient attaqué des civils appartenant à l’ethnie peule.[140]

Meurtres et violations des droits humains aux environs de Kaga Bandoro : janvier-mars 2015

Attaque à Senga : janvier 2015

En janvier 2015, des combattants anti-balaka du village de Senga, sur la route entre Dekoa et Bouca, ont tué quatre hommes musulmans qui étaient venus au village pour acheter du sel. Human Rights Watch a parlé avec le seul survivant de l'attaque. Celui-ci a expliqué :

Avant l'attaque, un chef anti-balaka est entré dans le camp et a demandé des vaches, nous lui en avons donné cinq et il a dit : « Maintenant, vous pouvez traverser le village sans aucun problème ». Nous n’avions que des arcs et des flèches pour chasser mais nous les avons abandonnés facilement. Nous sommes entrés tous les cinq dans le village, mais quelques combattants anti-balaka nous ont arrêtés en chemin et nous ont demandé où nous allions. Nous leur avons expliqué et l’un d’entre eux a déclaré : « Non, restez ici ». Ils ont commencé à parler entre eux, puis ils sont revenus et ont commencé à nous tirer dessus. Ils ont tiré sur Aladji Tambaya, un homme très vieux, dans la tête. J'ai reçu un tir dans le pied et je suis tombé avec les autres. Dans la mêlée, je me suis échappé en rampant. Trois des hommes tués étaient très vieux.[141]

Attaques à l'extérieur de Kaga Bandoro : mars 2015

À la fin de mars 2015, des combattants anti-balaka ont tué au moins 14 Peuls alors qu'ils quittaient Kaga Bandoro, ont déclaré six témoins. Dix des victimes étaient de jeunes enfants. Les Peuls, plusieurs familles comptant au moins 60 personnes, faisaient traverser une petite rivière à plusieurs centaines de bovins quand les combattants anti-balaka ont attaqué.[142]

Un survivant a expliqué :

Tout à coup, l'homme à l'avant du groupe, Maja Djoddi, a été abattu et tué. Notre groupe était encerclé, il y avait des hommes à gauche, à droite, devant et derrière nous. Ils avaient tous des armes à feu. Nous étions encerclés et, lorsque les combattants anti-balaka à l'avant ont tiré, les autres ont commencé à tirer. Lorsque nous avons réalisé que nous étions encerclés, nous avons couru dans la brousse pour essayer de nous cacher. J'ai été débordé, je ne peux pas dire exactement ce qui s'est passé. J’ai juste couru. Pendant que je courais, j'ai vu d'autres personnes qui avaient été tuées.[143]

Un autre survivant, interrogé séparément, a déclaré à Human Rights Watch :

J'ai entendu les coups de feu devant moi. Ensuite, j'ai entendu un autre coup de feu derrière moi. Mon frère a été tué lors des premiers coups de feu. Dans la fusillade, chacun courait dans sa propre direction. J'ai reçu un tir dans la jambe. Quand j'ai été touché, j'ai couru et abandonné mes vaches. Tout le monde courrait et se dispersait en petits groupes chacun dans sa propre direction. Nous ne pouvions pas nous battre parce que nous n'avions que des arcs et des flèches. Nous ne pouvions pas nous battre contre des hommes ayant des armes à feu. Les combattants anti-balaka criaient : « Alaboulo ! Alaboulo ! » Cela veut dire « Piégez-les ! »[144]

Human Rights Watch a documenté les cas de14 personnes tuées : un homme, trois femmes et dix enfants âgés de 1 à 9 ans.

Une mère a confié à Human Rights Watch : « J'ai perdu des enfants dans l'attaque : ma fille Adama qui avait 6 ans et ma fille Amina qui avait 4 ans. Nous avons été séparées alors que nous courions et c'est ensuite que j'ai trouvé leurs corps, elles avaient été abattues ».[145]

Les forces anti-balaka sur la route entre Kaga-Bandoro et Mbrès

Franco Yagbegue, alias « Pele », est un comzone anti-balaka de Blakajda. Les villageois de la région de Kaga Bandoro ont affirmé à Human Rights Watch que « Pelé »et ses combattants étaient responsables de plusieurs attaques sur la route entre Kaga Bandoro et Mbrès, notamment à Kako le 5 mars 2015, où ils ont pillé des maisons. Un habitant a déclaré à Human Rights Watch :

Lorsque Pelé est arrivé à Kako, il a appelé les gens et il a réclamé 1 000 francs (environ 1,6 dollars US) de chaque maison pour acheter des munitions. Il a affirmé qu’il brûlerait les maisons si l'argent n'était pas donné. Nous n'avions pas beaucoup d'argent, alors Pelé et ses hommes ont passé quatre jours à aller dans les maisons et à piller. Ils ont pris des motos, des vêtements, du sel, du sucre, des arachides, ils ont même pris les vêtements des femmes ... Le 7 mars, ils ont trouvé un musulman à Kako, Abdullah Adim, se cachant dans une maison. Il était du village. Pelé a déclaré : « Je ne veux voir aucun musulman dans le village », et il a tiré sur Abdullah. Il a dit qu'il allait brûler le village parce que les gens du village ont donné de la nourriture aux Peuls. Mais finalement il a incendié les maisons des musulmans et des personnes mariées à des musulmans.[146]

Human Rights Watch a rencontré Yagbegue le 4 août 2015. Il a déclaré qu'il était sous le commandement de Gomez Gosara et que sa tâche était de sécuriser les villages sur la route entre Kaga Bandoro et Mbrès et su la route entre Mbrès et Bakala. Il a refusé de répondre lorsqu'il a été interrogé sur les attaques que lui et ses hommes auraient menées.[147]

Tueries et enlèvements à Mpanta : septembre 2014

Le 23 septembre 2014, des combattants anti-balaka ont attaqué le village de Mpanta, tuant 11 personnes et incendiant 13 maisons. Trois des victimes étaient des enfants âgés de 12 ans, 2 ans et 6 mois. Un habitant de Mpanta a déclaré à Human Rights Watch :

L'attaque a eu lieu à 5 heures du matin. Ils étaient environ 50 à 60 hommes, avec différents types d'armes à feu. Ils n'ont pas demandé d'argent, ils ont simplement commencé à nous attaquer. Toutes les victimes ont été tuées par balles. Nous avons tous fui dans la brousse et même maintenant nous allons dans la brousse pendant la nuit.[148]

Selon quatre témoins, dont l'un a été retenu en otage par les forces anti-balaka, l'attaque a été menée par les forces anti-balaka sous le commandement de Dimanche Gervais Yambala, basé à Kouma sur la route Dekoa-Mala dans la province de Kemo-Grebingui.

Après l'attaque contre Mpanta, Yambala a pris en otage quatre personnes à Kouma, une mère et ses trois enfants, selon ce qu’ont expliqué trois habitants du village ainsi que la femme enlevée. La femme et ses enfants ont été libérés au bout de 3 mois lorsque leur famille a payé une rançon. Elle a déclaré à Human Rights Watch :

Lorsque les forces anti-balaka ont attaqué, ils ont tué mon mari. Après l’avoir tué, ils m'ont prise avec mes cinq enfants en otage. Ils ont immédiatement tué deux de mes enfants, Jonas et Anthanase. Anthanase avait 12 ans et Jonas n’avait que deux ans. J'ai ensuite passé 3 mois comme otage ... Nous sommes restés dans leur village, Kouma. Le chef, Yambala, ordonnait avant qu'il ne mène des attaques : « Si je suis tué, tuez-les ». Ma sœur a dû payer 50 000 francs (environ 84 dollars US) pour nous libérer. Il y avait également deux autres femmes détenues comme otages. Elles avaient également leurs enfants avec elles.[149]

Human Rights Watch ne connaît pas le sort des autres familles détenues en otage par Yambala.

Sept mois après l'attaque de Mpanta, en avril 2015, des hommes de Yambala ont grièvement blessé un ingénieur centrafricain qui travaillait pour une organisation internationale non gouvernementale, qui n’a pas voulu être nommée. Selon l'organisation, Yambala a déclaré : « Si vous amenez la MINUSCA ou les Sangaris ici, je tuerai tous vos hommes. »[150]

Lorsque Human Rights Watch s’est rendu à Mala en août 2015, les habitants avaient trop peur de parler des crimes commis par Yambala, en dehors de l'allégation générale selon laquelle il était responsable du meurtre de plusieurs personnes. Un habitant, cependant, a expliqué à Human Rights Watch comment il contrôle la ville :

Yambala a mis en place des barrières et les personnes doivent payer. Vous payez par sac de marchandises si vous êtes un homme d'affaires. Le prix que vous payez varie. Les personnes accusées de sorcellerie ou de vol sont emmenées chez lui. Elles doivent payer pour être libérées. Il y a eu de nombreux cas de ce genre. Nous avons peur des forces anti-balaka ici.[151]

Enlèvements à Gbanto : décembre 2014

En décembre 2014, des combattants anti-balaka de Bouca ont enlevé deux habitants de Gbanto et les ont détenus pour obtenir une rançon, ont déclaré trois habitants de Gbanto. L'une des victimes a expliqué ce qu’il lui est arrivé :

Les combattants anti-balaka sont venus et ont exigé de l'argent par la force. Si vous dites que non, les combattants anti-balaka peuvent menacer de vous tuer. J'ai été attaché de 11 heures du soir jusqu’à 5 heures le lendemain matin. Ils m'ont attaché et ils ont emporté toutes les marchandises de chez moi. Ils m'ont dit de payer 250 000 francs (environ 420 dollars US) pour être libéré. J'ai fini par payer 120 000 francs (environ 201 dollars US) et ils m'ont libéré. J’en suis resté choqué. Les forces anti-balaka n'ont jamais eu l’intention de nous protéger.[152]

Enlèvements et travail forcé de civils aux mains des forces anti-balaka aux environs de Bianga : 2015

Human Rights Watch a documenté l'enlèvement de six civils – par la suite soumis au travail forcé –dans les environs de Bianga par les forces anti-balaka de la fin 2014 à la mi-2015. Deux captifs libérés ont expliqué les conditions de leur détention à Human Rights Watch. L'un d'eux a déclaré :

J'ai été enlevé par les forces anti-balaka il y a quatre mois. J'ai été pris par l'équipe de Mathias Korngou. J'ai été emmené dans une de ses bases [et] une fois que j'étais avec eux, je ne pouvais pas partir. Je l'y ai souvent vu. Depuis sa base, je marchais avec eux et nous nous installions dans les villages avant de lancer des attaques. La plupart du temps, nous étions dans la brousse. Ils nous attachaient, surtout au début, et nous battaient. Principalement, j'étais là pour préparer la nourriture et porter des bagages.[153]

Un autre individu qui a échappé à la captivité a déclaré :

Autour du 5 décembre [2014] j'ai été enlevé par des combattants anti-balaka pendant que j'étais sur la route principale transportant mon café. C'était des combattants anti-balaka de Lambashi, le chef était Kourngou. Ils m'ont ordonné : « Vous ne pouvez pas rester dans le village, vous devez venir avec nous dans la brousse. » Nous sommes arrivés à Lambashi et y sommes restés. Nous devions travailler pour eux. Nous avons dû chercher du bois de chauffage ainsi que de l'eau et nous avons dû préparer de la nourriture. Nous étions battus si nous ne travaillions pas. Au début, ils nous attachaient. Ils disaient que c'était une punition parce que nous avions choisi de rester près de la Séléka dans le village. Ils veulent que les gens restent dans la brousse pour combattre la Séléka. Nous avons été libérés parce que les forces anti-balaka ont entendu parler du désarmement et ils nous ont alors ordonné de rentrer chez nous. Ils nous ont déclaré : « Les Casques bleus [les Casques bleus de la MINUSCA] viennent désarmer, alors allez-vous en. »[154]

VI. Vivre et mourir en tant que personne déplacée

Depuis que la crise actuelle a commencé en mars 2013, des dizaines de milliers de personnes ont fui leurs maisons pour chercher abri dans les campagnes, vivant souvent dans des conditions extrêmement difficiles dans les terres arbustives sauvages de la savane. Human Rights Watch a interrogé des dizaines de personnes qui avaient perdu des êtres chers ou des connaissances en raison de la maladie et de la faim. Certaines personnes ont eu la chance de bénéficier d'une aide humanitaire limitée, mais un grand nombre n’en ont pas bénéficié.

Human Rights Watch a documenté les cas de144 personnes décédées dans de telles circonstances entre décembre 2014 et juillet 2015. Selon les témoins, les personnes qui sont décédées semblent avoir succombé à une maladie, à des blessures, à la faim ou au froid.

Par exemple, après que les forces FPRC de la Séléka et les forces peules ont attaqué Marzé (voir la section II), les habitants des villages voisins de Bogardou et Bobawin ont également fui dans la brousse, ce qui a entraîné plus de 4 000 personnes dans les bois environnants, réparties en 10 groupes. Les gens vivaient dans la peur constante. « Les gens ne travaillent pas dans les champs parce qu'ils ont peur d'être attaqués de nouveau », a déclaré l'une des personnes qui ont fui à ce moment-là. « Nous mangeons désormais un petit peu de manioc [légume généralement cultivé à la périphérie des villages du pays] ».[155]

La plupart de ces plus de 4 000 personnes vivaient dans des tentes improvisées non plastifiées. Lorsque Human Rights Watch a rencontré des habitants de Marzé en août 2015, les maladies avaient commencé à se propager. Une infirmière du village a expliqué à Human Rights Watch :

Il existe de nombreux cas de maladies, cinq bébés sont déjà morts du paludisme et de pneumonie. Ils avaient entre cinq et six mois. Nous n'avons pas d'eau propre à boire, nous buvons directement dans la rivière et cela nous donne beaucoup de diarrhée.[156]

Une femme de Marzé, âgée de 73 ans, a déclaré à Human Rights Watch :

Ma maison a brûlé, alors j'ai dû fuir. Le plus difficile, c'est que je dois rester assise ici en pensant au retour éventuel de la paix. Je crains qu'ils aillent de nouveau attaquer le village. C'est pourquoi je suis là avec l'espoir que la Séléka n’attaquera plus.[157]

Dans toute la région centrale, les personnes ont fait des témoignages similaires de fuite et de souffrance dans la brousse. Une cause principale de décès, ont-elles affirmé, était que des personnes ont été blessées ou sont tombées malades après l'attaque de leur village et n'ont pas eu accès aux services médicaux. Un homme de Botto, par exemple (voir la section II), a déclaré à Human Rights Watch comment son fils est tombé malade et est décédé après que son village a été attaqué en février 2015 :

J'ai fui dans la brousse avec mon fils de neuf ans. Nous avons dû passer plus de deux semaines dans la brousse, nous cachant en marchant vers Kaga Bandoro et mon fils est devenu très malade et fatigué. Quand nous sommes arrivés ici, il est mort à l'hôpital.[158]

Human Rights Watch a relevé des décès, en particulier d’enfants et de personnes âgées, dans presque tous les villages le long de la route Kouango-Bianga dans la province de Ouaka (voir la section II). Dans un grand nombre de cas, pour chaque villageois tué par les combattants UPC de la Séléka, un plus grand nombre d'autres personnes sont mortes d’une exposition aux intempéries ou d'une maladie alors qu’elles se cachaient.

Un habitant de Betta, situé sur la route Kouango-Bianga, a déclaré à Human Rights Watch :

Deux filles sont mortes dans la brousse depuis l'attaque, l'une avait six mois, l'autre n’avait qu’un jour. Le bébé de six mois était ma fille, Adel Yasseko. Sa peau a commencé à changer de couleur et elle est morte. Nous avons encore peur. Personne n'est venu pour assurer notre sécurité alors nous restons dans la brousse.[159]

Des habitants de Oumba ont expliqué à Human Rights Watch comment au moins six personnes sont mortes dans les bois environnants après que des membres de l'UPC de la Séléka ont attaqué le village le 7 décembre 2014. Un habitant de Oumba a décrit comment les personnes âgées et les jeunes souffrent le plus :

Joseph Nbanga, un homme âgé, est mort dans la brousse. Jeanne Yassendele, une femme âgée, est également morte dans la brousse, elle est morte de malnutrition. Ima Bertille est également morte dans la brousse, elle avait un bébé de seulement trois jours. C'était environ trois semaines après l'attaque et après notre fuite. Le bébé est également mort. Antoine Gialam est mort, c’était un vieillard souffrant de tuberculose. Il est mort dans la brousse en février. Nous avons dû l'enterrer là-bas. Elze Sagin est morte, elle était un bébé de deux ans seulement. Elle était malade et elle est morte au début du mois de mars [2015].[160]

D'autres personnes déplacées ont fait des remarques similaires. « Les enfants sont en train de mourir et les femmes meurent après avoir accouché », a déclaré un homme de Danda. « Au moins 12 sont déjà morts ».[161] Un habitant de Ganwa (voir la section II) a déclaré à Human Rights Watch : « Huit enfants sont morts dans la brousse depuis que nous y sommes allés, c’étaient des bébés ou des enfants de moins de cinq ans ».[162]

Dans le village de Belegbe (voir la section II), un villageois a expliqué à Human Rights Watch :

Douze personnes sont mortes dans la brousse, notamment Marie Achimbore, deux ans, et sa sœur, Elle Achimbore, six ans. Un bébé est né dans la brousse et il est mort le jour même. Fidel Toungounanje et Marie Imbassa, tous deux très âgés, se sont fatigués et sont morts pendant notre fuite.[163]

Dans le village de Ngadja-Toko, où deux personnes ont été tuées et 76 maisons ont été incendiées, une villageoise a indiqué à Human Rights Watch comment ils ont perdu des personnes dans les bois environnants. « Beaucoup de bébés et d'enfants continuent à mourir dans la brousse », a-t-elle déclaré. « Trois enfants sont morts là où nous nous sommes cachés près de la rivière. L'un des enfants n’était qu’un bébé. Une femme âgée qui était avec nous est également morte. »[164]

L'accouchement est également dangereux pour les femmes dans la brousse. Dans le village de Balango II (voir la section II), le chef a déclaré à Human Rights Watch que cinq femmes étaient mortes en accouchant : « Dans un autre cas, une femme a accouché et elle a vécu, mais le bébé est mort », a-t-il ajouté.[165]

VII. Justice pour les crimes internationaux graves

Le besoin de justice

Le conflit en République centrafricaine a été marqué par une impunité presque totale pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis par diverses parties, laissant des civils dans tout le pays sans justice pour les nombreuses atrocités qu'ils ont subies. Plutôt que de devoir faire face à la justice, les auteurs d'atrocités sont trop souvent récompensés pour leur conduite illégale par des promotions, y compris dans le gouvernement et l'armée, ce que certains qualifient de « prime à l'impunité ». Différents efforts nationaux et internationaux pour assurer la reddition de comptes sont en cours et leur succès aura une incidence sur les perspectives de paix, l'État de droit et la stabilité à long terme.

Le système judiciaire national

Le nouveau gouvernement a hérité d'un système judiciaire défaillant, incapable de mener des enquêtes et des poursuites pour les responsables de crimes graves. Le pays compte officiellement 170 magistrats, dont beaucoup n'ont pas repris leur poste depuis 2013, et 113 avocats, dont la plupart sont basés à Bangui. Le niveau de formation professionnelle est faible.[166] Plusieurs juges interrogés pour ce rapport ont noté que la police judiciaire manque de formation pour enquêter sur des affaires criminelles lorsqu'elle ne dispose pas d’aveux.[167]

L'état des conditions matérielles du système judiciaire du pays est désastreux. Alors que la Séléka quittait le nord-est en décembre 2012, ses combattants ont dépouillé les tribunaux régionaux de mobilier et d'équipements, ont brûlé ou détruit des documents judiciaires et volé des véhicules appartenant aux tribunaux. Aujourd'hui, le personnel judiciaire manque de véhicules et de matériel de bureau de base. Ils sont irrégulièrement payés et les paiements en dehors de Bangui ne sont pas possibles car le système bancaire s'est effondré.[168]

Le système de détention est également délabré. Alors que le pays disposait de 28 centres de détention il y a quelques années, quatre seulement restent opérationnels, dont deux se trouvent dans la capitale. Certains sont gravement surpeuplés et les détenus restent souvent en détention préventive au-delà des limites légales prescrites, malgré le peu de preuves pour justifier la poursuite de leur détention. Des évasions massives se sont produites.[169]

La police nationale n'a pas la capacité d'arrêter les suspects appartenant à des groupes armés et, en raison de l'insécurité, certains juges ont cessé de travailler dans les tribunaux situés à l'extérieur de la capitale.

Les procès criminels sont censés avoir lieu lors de sessions criminelles spéciales tenues dans l'une des quatre cours d'appel dans tout le pays.[170] Aucun procès criminel n'a eu lieu entre 2009 et 2014, ce qui démontre à quel point le système judiciaire était en difficulté avant le coup d'État de la Séléka.

Pour traiter les affaires, certains procureurs reclassent les infractions afin qu'elles puissent être jugées dans les tribunaux civils, mais les chefs d’accusation ne représentent pas la gravité des crimes et les peines sont moins sévères. En dépit de cela, la grande majorité des affaires restent non jugées : dans un pays marqué par des violences sexuelles généralisées, il n'y a eu que trois procès pour viol depuis 2015.[171]

Avec le soutien de la MINUSCA et du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), une session de la Cour pénale a été organisée en 2015 à Bangui. Une deuxième session de la Cour pénale s'est déroulée du 26 août au 26 septembre 2016, avec 55 affaires entendues, notamment sur des chefs d’accusation comme le meurtre, le viol, le pillage, le complot pour commettre un crime et la possession illégale d'armes.[172] Bien qu’il s’agisse d’un début, ces 55 affaires représentent peu de choses par rapport à tous les crimes graves et généralisés commis au cours des trois dernières années.

La MINUSCA et le PNUD, avec le soutien des Pays-Bas, des États-Unis et de l'Union européenne, aident actuellement à renforcer le système judiciaire national en République centrafricaine. Les activités financées comprennent la reconstruction des infrastructures matérielles, la fourniture d’équipements de bureau et la facilitation de formations du personnel judiciaire.[173]

La justice ou la paix

Dans des discussions privées, certains juges, responsables gouvernementaux et diplomates d'autres pays travaillant en République centrafricaine se sont dits préoccupés par le fait qu'il est impossible de garantir la justice alors que des groupes armés restent actifs dans le pays. En effet, ils estiment que les nouvelles autorités devraient donner la priorité à la démobilisation et au désarmement pour que la justice soit rendue. En d'autres termes, ils font valoir que les poursuites sont des obstacles à la paix parce que les personnes qui ont commis des crimes graves n'arrêteront pas de se battre ni ne prendront part à un accord de paix si elles pensent encourir des accusations criminelles.[174]

Toutefois, en République centrafricaine, les accords qui ont retardé la justice pour finalement échouer dans son exécution, n'ont pas fonctionné. En 2008, par exemple, Bozizé a signé une loi d'amnistie pour les crimes commis pendant le conflit entre mars 2003 et octobre 2008. Au cours de cette période, l'armée et la garde présidentielle ont commis des violations graves et généralisées contre des civils dans le nord, notamment des exécutions sommaires, des exécutions extrajudiciaires et des déplacements forcés.[175] Du fait de la loi d'amnistie, aucun membre des forces de sécurité n'a jamais été traduit en justice. Le manque de reddition de comptes pour les crimes commis par les forces gouvernementales dans le nord-est, ainsi que les inégalités économiques et sociales flagrantes, ont contribué à une frustration et à une colère qui ont concouru à former le mouvement Séléka qui a renversé Bozizé.[176]

L'impunité a également aggravé le conflit actuel. La Séléka ainsi que les forces anti-balaka estiment clairement qu'elles ne paieront aucun prix pour avoir commis des atrocités, et elles ont fait du ciblage de civils une partie centrale de leurs opérations militaires. L’absence de justice a engendré des attaques de représailles d'un groupe contre l'autre, intensifiant la violence et creusant la fracture sectaire. Un avocat intervenant auprès des victimes de violence sexuelle l'explique comme suit : 

Nous disons « non » aux amnisties. Pour que la paix revienne vraiment en République centrafricaine, il faut lutter contre l'impunité. Sinon, nous irons de vengeance en vengeance.[177]

Les procès rendraient une certaine justice aux victimes de crimes graves et enverraient un signal fort que les individus qui commettent des atrocités seront tenus pour responsables de leurs crimes. Les procès mettraient fin à ladite « prime de l'impunité », qui récompense les criminels de guerre par des postes au sein du gouvernement ou des forces de sécurité. Un activiste de la société civile a déclaré : « Aujourd'hui, certaines personnes pensent que si elles tuent, elles gagneront un poste au gouvernement. »[178]

Plutôt que de mettre fin à la violence, récompenser les dirigeants auteurs d’exactions peut permettre au conflit de persister ou de reprendre.[179] Comme l’a déclaré un responsable de la société civile :

Il n'est pas surprenant que la violence continue car le message est clair : vous pouvez tuer sans conséquence. Les criminels sont protégés par le gouvernement et les civils paient le prix.[180]

Les résultats du Forum de Bangui indiquent clairement le profond désir du peuple centrafricain de mettre fin à l'impunité et de veiller à ce que les responsables des crimes graves soient confrontés à la justice. Les principales recommandations du groupe thématique du Forum sur la justice et la réconciliation ont été la création d'une commission nationale des droits humains ; une commission sur la vérité, la justice, les réparations et la réconciliation ; et que la Cour Pénale Spéciale soit rendue opérationnelle.[181]

En avril 2017, le gouvernement a rencontré des représentants de 14 groupes armés pour discuter du désarmement, la première réunion de ce type depuis que plusieurs parties ont accepté un programme de Désarmement, de Démobilisation, de Réinsertion et de Rapatriement (DDRR) en 2015.[182] Lambert Lissane, directeur politique du FPRC, a soutenu que tenir les commandants pour responsables de leurs crimes passés contredisait l’esprit des pourparlers.[183] Le chef du processus de désarmement de l'ONU dans le pays, Jean-Marc Tafani, a rejeté cette idée en déclarant que : « Les personnes soupçonnées de divers crimes seront traduites en justice. »[184]

Le 19 juin 2017, le gouvernement et 13 groupes armés ont signé un accord de paix qui comporte un cessez-le-feu et des mesures de réforme politique. L’accord reconnaît les enquêtes et les poursuites de la CPI et de la CPS et comprend une Commission « Vérité, Justice et Réconciliation » disposant d’un mandat de 12 mois qui pourrait conduire à des un « traitement traditionnel […] de pardon » et à la « réinsertion des leaders ».[185]Les commissions vérité peuvent jouer un rôle important après un conflit, mais ne devraient pas se substituer aux poursuites des crimes graves dans des procès équitables et crédibles.[186]

Dans des déclarations publiques, le gouvernement a souligné à maintes reprises la nécessité de la justice. Le président Touadéra l’a fait lui-même valoir lors d'une conférence des bailleurs de fonds en novembre 2016, en disant que « La réconciliation ne peut être réalisée au détriment de l'impunité. »[187]

La Cour pénale internationale

Les crimes documentés dans ce rapport, commis par les forces Séléka et anti-balaka, sont soumis à la compétence de la Cour pénale internationale (CPI).

La République centrafricaine a accepté l'autorité de la Cour en 2001 lorsqu'elle est devenue partie au Statut de Rome. La CPI a compétence sur le génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre à compter du 1er juillet 2002, date de l'entrée en vigueur du Statut de Rome.[188]

En décembre 2004, le gouvernement centrafricain a renvoyé à la CPI la situation relative aux crimes graves commis dans le pays au cours du bouleversement politique et du coup d'État de Bozizé en 2002 et 2003.[189] La Cour d'appel de Bangui avait statué que les tribunaux nationaux n'étaient pas en mesure de poursuivre efficacement les crimes graves.[190] En 2007, le procureur de la CPI a annoncé l'ouverture d'une enquête formelle.[191] Le procureur de l'époque a également annoncé qu'il surveillerait les événements plus récents dans le nord.[192]

L'enquête de la CPI a abouti à un procès contre l'ancien vice-président de la République démocratique du Congo, Jean-Pierre Bemba Gombo. Les forces du Mouvement pour la Libération du Congo (MLC) de Bemba ont été actives en République centrafricaine en 2002 et 2003, agissant à la demande du président d’alors, Ange-Félix Patassé, en réprimant une tentative de coup d'État par Bozizé. Bemba a été arrêté en Belgique en 2008 et son procès a débuté en 2010. Le 21 mars 2016, les juges de la CPI l'ont jugé coupable de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité pour des actes de viol, de meurtre et de pillage, en se basant sur le fait qu’il était détenait la responsabilité de commandement pour ces atrocités (voir ci-dessous). Les juges ont statué que les mesures prises par Bemba pour arrêter les attaques et pour discipliner ses troupes étaient largement inadéquates étant donné l'ampleur et la gravité des crimes.[193] Le 21 juin 2016, les juges ont condamné Bemba à 18 ans de prison.[194]

En mai 2014, la présidente intérimaire Catherine Samba-Panza a renvoyé à la CPI la situation en République centrafricaine depuis août 2012, invitant la procureure à enquêter sur les crimes relevant de la compétence du Statut de Rome. En septembre 2014, la procureure a annoncé l'ouverture d'une deuxième enquête en République centrafricaine.[195] Le Bureau du Procureur a déployé des équipes pour enquêter sur les crimes internationaux graves commis par la Séléka et la milice anti-balaka depuis août 2012. Au moment de la rédaction du présent document, la CPI n'avait annoncé aucun mandat d'arrêt résultant de ces enquêtes.

La Cour pénale spéciale

Étant donné les limites logistiques et financières de la CPI, qui ne pourra traiter qu'un petit nombre de cas, ainsi que la faiblesse du système judiciaire national, la justice pour crimes de guerre et les crimes contre l'humanité en République centrafricaine nécessite une réponse plus solide.

Le 3 juin 2015, la présidente par intérim Catherine Samba-Panza a franchi un pas vers ce but en promulguant une loi établissant une Cour pénale spéciale (CPS) temporaire— un tribunal hybride qui est basé au sein du système national mais avec un personnel national et international — pour enquêter et poursuivre les violations graves de droits humains et les violations du droit international humanitaire commises dans le pays depuis 2003.

Un tribunal hybride au sein du système national

Alors que d'autres tribunaux et chambres hybrides ont opéré en Afrique, comme le Tribunal spécial pour la Sierra Leone et les Chambres africaines extraordinaires du Sénégal, ces institutions ont opéré en dehors du système de justice national du pays où les atrocités se sont produites. L'adoption de la loi sur la Cour pénale spéciale marque la première fois qu'un gouvernement africain souverain a adopté une loi pour créer ce type de tribunal, composé de juges et de procureurs nationaux et internationaux, intégrés dans son système judiciaire national.

La création de la Cour a été une étape positive à l’initiative du gouvernement de transition en République centrafricaine afin de mettre fin à l'impunité pour les crimes graves, une recommandation clé du Forum national de Bangui.

La rédaction de la loi et les processus législatifs ont duré neuf mois. En août 2014, le gouvernement de transition a signé un protocole d’accord avec la MINUSCA décrivant le mécanisme hybride. Le gouvernement centrafricain a demandé la participation de personnel international pour renforcer les capacités du système judiciaire national et pour protéger l'indépendance du tribunal.[196] Le 22 avril 2015, le parlement intérimaire du pays, le Conseil national de transition, a adopté la loi à une large majorité.

La CPS est chargée d'enquêter et de poursuivre les « violations graves des droits humains et les violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de la République Centrafricaine depuis le 1er janvier 2003, telles que définies par le Code Pénal Centrafricain et en vertu des obligations internationales contractées par la République Centrafricaine en matière de Droit international, notamment le crime de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. »[197] Les dispositions du code pénal centrafricain suivent la langue du droit international et comprennent des crimes tels que le meurtre, les exécutions sommaires, la torture et la violence sexuelle en tant que crimes pouvant constituer des crimes contre l'humanité. Elles prévoient que les crimes de guerre sont ceux énoncés dans les conventions de Genève de 1949 et dans le droit international coutumier.[198]

Le Conseil national de transition a chargé la nouvelle Cour d'enquêter non seulement sur les crimes commis au cours de la crise récente, comme l'avait proposé le gouvernement de transition, mais également sur ceux commis depuis le 1er janvier 2003. La CPS dispose d’un mandat de cinq ans renouvelable.[199]

Les crimes documentés dans ce rapport, commis par la Séléka et les forces anti-balaka, sont donc soumis à la compétence de la CPI ainsi que de la CPS.

La loi établissant la CPS prévoit que si la CPI et la CPS travaillent sur le même cas, la priorité sera accordée à la CPI.[200] En ce qui concerne la compétence par rapport aux tribunaux nationaux ordinaires, la CPS a une compétence principale mais non exclusive, ce qui signifie que la CPS a la priorité pour choisir des affaires, mais les tribunaux ordinaires peuvent encore juger d'autres cas de crimes internationaux graves, conformément au droit centrafricain.[201]

En 2015 et 2016, la MINUSCA et le bureau du Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, ont mené un exercice de mapping pour recenser les violations graves des droits humains et du droit international humanitaire commises en République centrafricaine depuis le 1er janvier 2003. Le travail de cet exercice de mapping appuiera le développement de la stratégie de la Cour pénale spéciale. Le rapport de mapping a été publié le 30 mai 2017.[202] 

Normes juridiques applicables et responsabilité individuelle

Le droit international humanitaire (les lois de la guerre) lie toutes les parties à un conflit armé, y compris les groupes armés non étatiques tels que la Séléka et les anti-balaka.

Le droit international humanitaire réglemente les méthodes et les moyens des conflits armés. Un principe clé est que toutes les parties à un conflit doivent faire la distinction entre les combattants et les civils, ou ceux qui ne participent plus activement aux hostilités. Les actes de menaces de violences dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile sont interdits. Les attaques dirigées contre des biens civils, comme les maisons, et le pillage, la prise forcée de biens privés, sont également strictement interdites. 

Les crimes contre l'humanité sont les crimes tels que le meurtre, la torture, le viol et d'autres infractions graves, lorsqu’ils sont commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique contre toute population civile, et en connaissance de cette attaque. Une attaque « généralisée » désigne l'ampleur des actes ou le nombre de victimes.[203] Une attaque « systématique » indique « un modèle ou un plan méthodique ».[204]

En vertu du droit international, la responsabilité pénale individuelle pour la commission de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité peut se manifester de plusieurs façons. Une personne peut être tenue pour responsable d'avoir tenté de commettre un tel crime, ainsi que d'avoir aidé, facilité et contribué et s’être rendue complice d'une infraction. Les commandants et les autres supérieurs sont pénalement responsables des crimes de guerre commis ou tentés sous leurs ordres. Les commandants et les autres supérieurs peuvent également être pénalement responsables au titre de la « responsabilité de commandement » concernant les crimes commis par leurs subordonnés s'ils étaient au courant de tels crimes ou avaient des raisons de l’être et ne les ont pas empêchés ni n’ont puni les responsables.

L'article 28 du Statut de Rome, le statut fondateur de la Cour pénale internationale, énonce le principe de la « responsabilité de commandement » qui prévoit que, aux fins de poursuites devant la CPI, un commandant peut être tenu pénalement responsable des crimes relevant de sa juridiction si, entre autres aspects, les crimes concernés relèvent de la responsabilité et du contrôle effectif du commandant.[205]

VIII. Défis auxquels est confrontée la Cour pénale spéciale et espoirs qu’elle suscite

Progression lente et défis

Depuis la promulgation de la loi établissant la CPS en juin 2015, les progrès vers sa mise en œuvre ont été lents, malgré un élan accru au premier semestre de 2017, en particulier avec la nomination d'un procureur spécial et de juges. Le financement à long terme de la Cour est également un défi important.

Au début, le gouvernement de transition a été occupé par des combats renouvelés à Bangui (en septembre 2015) et par l'organisation d'élections nationales qui ont finalement eu lieu à la fin de 2015 et au début de 2016. Depuis lors, le nombre limité d'experts du pays pour mener à bien les tâches juridiques, financières et bureaucratiques complexes requises par le tribunal, notamment les négociations avec les Nations Unies, a représenté un défi permanent.[206]

Les retards ont diminué l'enthousiasme initial ainsi que le soutien de certains des plus fervents partisans de la Cour. Les activistes de la société civile et les avocats qui ont poussé à l'adoption de la loi ont exprimé leur frustration face à la lenteur des progrès. Un avocat centrafricain a déclaré à Human Rights Watch à la mi-2016 : « La population commence à craindre qu'il n'y ait ni de Cour pénale spéciale ni aucune justice rendue ».[207]

Le Président Touadéra et son gouvernement se sont publiquement engagés à rendre la CPS opérationnelle rapidement. [208]« La lutte contre l’impunité est essentielle pour ce gouvernement », a déclaré le ministre de la Justice Flavien Mbata à Human Rights Watch en juin 2016. « La justice est centrale et le gouvernement veut en faire une priorité…. Nous voulons agir vite et bien. »[209]

Parallèlement, plusieurs experts nationaux et internationaux travaillant sur la CPS ont interprété les retards de 2016 comme une indication que la justice n'est peut-être pas la priorité du Président. Un responsable de l'ONU impliqué dans la création du tribunal a déclaré :

Le nouveau gouvernement dit ce qu’il faut [à propos de la Cour pénale spéciale] dans les discours publics. Mais le Président insiste beaucoup plus sur la sécurité et la réconciliation que sur la justice. Je pense que ce sera difficile. Le gouvernement est encore fragile et il y aura des pressions contre la Cour pénale spéciale de la part du parlement et des groupes armés.[210]

Le gouvernement et l'ONU ont franchi une étape importante le 26 août 2016, lors de la signature du document de projet pour la CPS, qui décrit les tâches et les responsabilités des parties prenantes.[211] Six mois plus tard, le 15 février 2017, le Président Touadéra a désigné  le procureur général de la Cour, Toussaint Muntazini Mukimapa, l'ancien procureur général des forces armées de la République démocratique du Congo.[212] Bien que le processus de sélection du procureur en chef ait pris beaucoup de temps, il a été également largement perçu comme étant juste et transparent, les partenaires extérieurs observant toutes les discussions.[213] Cela marque un changement dans la sélection des magistrats et démontre un certain impact positif que la CPS pourrait avoir sur le système judiciaire national.

Le 11 avril, le ministre de la Justice, Flavien Mbata, a fait part de la nomination de deux juges internationaux, suivie le 5 mai de la nomination de cinq juges nationaux. Le 6 juin, le Président Touadéra a désigné un procureur adjoint international.[214]

Au moment de la rédaction de ce rapport, trois autres postes internationaux — deux de juges, et un de secrétaire adjoint — étaient encore à pourvoir pour que le tribunal puisse commencer son travail, bien que le recrutement de certains de ces postes ait avancé.[215]

Le processus de nomination de la police judiciaire de la CPS a également connu des retards considérables. Au moment de la rédaction de ce rapport, le recrutement était en cours, ce qui, espérons-le, ouvrira la voie à la nomination efficace des agents nécessaires.[216] Les pratiques abusives de certains policiers, notamment le meurtre de civils, se sont poursuivies à la fois sous le gouvernement de transition et le nouveau gouvernement.[217] C’est pourquoi un contrôle approprié de la police judiciaire pour s'assurer qu'aucune personne affectée à la CPS ne soit impliquée dans de graves violations des droits humains sera crucial.

Dans une initiative bienvenue, la MINUSCA a tenu plusieurs séances d'information sur la Cour à l’intention de la société civile, y compris avec des magistrats nationaux.[218] Le ministère de la Justice, avec le soutien de l'ONU, devrait poursuivre cette approche en fournissant régulièrement des informations aux médias, aux militants de la société civile et aux responsables judiciaires nationaux au sujet du mandat et du travail de la Cour. Un expert international sur le travail de sensibilisation a également été nommé pour soutenir le tribunal. Étant donné que le système judiciaire national n'a pas l'habitude de communiquer avec le public sur ses opérations, l'expert peut contribuer à s'assurer que le travail de la CPS ait réellement un sens pour les communautés les plus touchées par les crimes.

Afin de garantir les poursuites contre toutes les personnes accusées de crimes, le Parlement devrait expressément lever l'immunité parlementaire pour tous les suspects de crimes selon le mandat de la CPS. La loi instituant la Cour pénale spéciale prévoie que la loi s'applique également à toutes les personnes, et le code pénal centrafricain prévoit qu'il ne devrait pas y avoir d'immunité pour des crimes graves, même si la constitution comprend également une disposition qui autorise l'immunité parlementaire.[219] Un ancien membre du Conseil national de transition a évoqué le risque de l'élection au parlement de dirigeants anti-balaka, notant qu'ils pourraient bloquer la Cour en s'opposant à l'adoption de son budget ou en résistant à la levée des immunités parlementaires des suspects possibles. Il a déclaré :

L'un de mes principaux soucis avec le nouveau Parlement est qu'ils ne vont pas lever les immunités contre les anti-balaka qui ont été élus comme parlementaires. Rombhot, par exemple, est un problème. Pour que les immunités soient levées, la Cour devra être forte, sinon ces individus vont intimider d'autres parlementaires. Le parlement est devenu une pépinière pour criminels de guerre.[220]

Concrétiser le potentiel de la Cour

À la lumière des défis auxquels est confrontée la CPS, les responsables et institutions centrafricains et internationaux devraient prendre un certain nombre de mesures pour que la Cour puisse fonctionner rapidement.

Leadership national

Plusieurs observateurs nationaux et internationaux ont noté que les autorités centrafricaines devraient démontrer une plus forte appropriation de la CPS.[221] « Le gouvernement devrait prendre la direction, c'est un tribunal national », a déclaré un ancien membre du personnel du gouvernement de transition en 2016. « Nous devons être ceux qui préparent le budget de la Cour et d'autres documents et les présenter à la communauté internationale pour discussion, non l'inverse ».[222]

Une façon pour le gouvernement de faire preuve de leadership et de garantir des progrès plus efficaces, serait que le Président désigne une personne interlocutrice au sein de son cabinet qui s'occupera des questions relatives à la Cour tout en respectant son indépendance judiciaire. Afin de faciliter la coordination, le ministère de la Justice et la MINUSCA devraient également créer un comité directeur composé de représentants de haut niveau qui se réunisse régulièrement pour suivre les progrès et de remédier aux retards, et qui puisse travailler en collaboration avec les comités établis pour gérer des tâches spécifiques, comme le recrutement de postes particuliers.

Les leçons tirées d'autres mécanismes de justice hybrides, en particulier ceux dans lesquels sont impliquées les Nations Unies, montrent que des règles claires pour l'engagement de l'ONU auprès de la CPS devraient être définies dès le début, y compris la possibilité de retirer un soutien, une décision qui serait prise par le Conseil de sécurité de l'ONU si les autorités nationales cherchent à interférer avec le travail de la Cour ou dans son indépendance.

Du personnel compétent et indépendant

Les juges et le personnel nationaux et internationaux travaillant à la CPS doivent être expérimentés, professionnels et indépendants. Tous les experts recrutés devraient parler français et se familiariser avec le système de droit civil sur lequel repose le système judiciaire centrafricain. Les juges devraient avoir une expertise dans la collecte de preuves et la poursuite de crimes internationaux graves. Le personnel international devrait également avoir une expertise démontrée dans la gestion efficace des victimes vulnérables, notamment les victimes de violences sexuelles et les enfants.

L'expérience a montré que le déploiement de personnel international qui manque d’expérience en matière d'enquêtes sur les crimes internationaux peut être contre-productif, sinon dommageable, car il gaspille le temps et les ressources.[223] En outre, les membres du personnel international ne possédant pas l'expertise requise, peuvent être considérés par leurs homologues nationaux comme manquant de légitimité, ce qui peut compliquer le travail collaboratif.

Pour le personnel local et international, un degré élevé d'intégrité et d'indépendance est essentiel afin de garantir que le personnel de l Cour, les victimes et les témoins sont protégés et que les enquêtes et les procès restent en dehors des intérêts des acteurs politiques ou criminels. La diversité ethnique du personnel national — ainsi que la diversité religieuse et de genre dans la mesure du possible — sera également importante pour promouvoir l'impartialité du travail de la CPS et donc pour la façon dont elle est perçue.

Certains responsables judiciaires nationaux se sont dits préoccupés par le fait que la Cour priverait le système judiciaire national de son meilleur personnel, et que l'attention internationale et le soutien financier seraient tournés vers la Cour pénale spéciale, sans bénéficier aux tribunaux en difficulté du pays.[224] Cette préoccupation souligne l'importance de promouvoir l’impact positif à long terme de la CPS au niveau national. Si cet objectif demeure prioritaire dans l'ordre du jour de la CPS parmi les acteurs internationaux et nationaux, la CPS pourrait jouer un rôle important dans l’amélioration du système judiciaire national.

Un membre du personnel de l'ONU impliqué dans le processus a déclaré à Human Rights Watch que l'assistance à la CPS a et continuera de bénéficier au système judiciaire dans son ensemble.[225] Par exemple, une stratégie de protection des témoins en cours de développement par des consultants internationaux s'appliquera à l’ensemble du système judiciaire. Des formations pour le personnel de la CPS sont également mises à la disposition des professionnels du secteur de la justice qui ne travaillent pas pour la CPS. Ces efforts sont précieux et devraient être poursuivis, en plus des échanges informels réguliers d’expertise qui se produiront entre les membres internationaux et centrafricains du personnel travaillant à la CPS.

Protection efficace et capacité d'enquête

Le personnel judiciaire national, les militants des droits humains et les avocats qui interviennent auprès des victimes ont souligné que la CPS nécessiterait des mécanismes robustes de sécurité et de protection pour mener à bien ses travaux. La République centrafricaine ne dispose actuellement d'aucun programme de protection des témoins et, même si c’était le cas, protéger les témoins, leurs familles et / ou leurs communautés contre les représailles constitue un défi majeur pour la réussite de la Cour.

La sécurité des victimes et des témoins est une préoccupation particulière. Aucune victime n'a participé à la session criminelle de 2015 assistée par l'ONU à Bangui, que ce soit en tant que témoin ou partie civile, en partie pour des problèmes de sécurité, et très peu ont participé à la session de 2016.[226] Au cours de la session criminelle de 2016, quatre témoins ont participé en tant que parties civiles. Sur les quatre, un seul était un témoin dans un cas lié au conflit impliquant des accusations d'association avec des criminels. Un avocat qui aide les victimes de violence sexuelle a expliqué :

Certaines femmes ont été menacées. Nous sommes allés discuter de ces menaces avec le procureur mais il nous a dit que les magistrats eux-mêmes n'avaient aucune sécurité. La Cour pénale spéciale est d'une importance cruciale. Il est important pour nous qu’elle soit mise en place dès que possible. Les criminels sont toujours là. Ils se promènent librement et les victimes ont trop peur pour les dénoncer.[227]

Les juges ont également déclaré à Human Rights Watch qu’ils craignent pour leur sécurité. Compte tenu de la situation particulièrement précaire en matière de sécurité à l'extérieur de Bangui, certaines enquêtes ne peuvent tout simplement pas se poursuivre sans arrangements de sécurité adéquats.

La MINUSCA est chargée d'aider la CPS concernant la sécurité de son personnel et la protection de ses installations.[228] Sa mission est d’assurer la sécurité aux personnels de la CPS nommés jusqu’ici qui travaillent dans un bureau temporaire et le personnel de la MINUSCA a indiqué que la sécurité du personnel de la Cour sera assurée par des membres spécifiques de la MINUSCA et de la police centrafricaine dans des unités conjointes.[229]

Au moment de la rédaction de ce rapport, la MINUSCA développait une stratégie de protection pour le système de justice standard et pour la CPS, comme mentionné ci-dessus.[230] En raison du manque de ressources et de capacités au niveau national, l'assistance de la MINUSCA pour protéger le personnel de la Cour, les victimes et les témoins est essentielle. Dans ce but, le déploiement de membres de la MINUSCA qui se consacrent à la protection et à la sécurité liées aux tribunaux sera nécessaire de manière continue.

Les enquêtes pour la CPS seront menées par la police judiciaire nationale sous la direction du procureur spécial. Étant donné que les enquêtes sur des crimes graves peuvent être très complexes, on s'attend à ce que ces membres du personnel aient besoin de formation et de soutien. La MINUSCA est bien placée dans le cadre de son mandat pour aider la police de la CPS à renforcer ses compétences en matière d'enquête et pour apporter une aide dans les enquêtes afin de favoriser des enquêtes efficaces.[231]

Soutien financier stable

La République centrafricaine est l'une des nations les plus pauvres au monde et on ne peut s'attendre à ce qu’elle apporte d'importantes contributions financières au budget de la Cour pénale spéciale. Toutefois, les articles 52 et 53 de la loi sur la Cour stipulent que les autorités nationales fournissent et financent un bâtiment pour accueillir la CPS et le gouvernement national paie les salaires du personnel national de la CPS. Dans le même temps : « Le budget de la Cour pénale spéciale est financé par la communauté internationale, notamment par des contributions volontaires, y compris de la MINUSCA ou de toute autre mission. »[232]

Au moment de la rédaction de ce rapport, le gouvernement et l'ONU n'avaient pas encore recueilli suffisamment de fonds pour les 14 premiers mois de la création de la CPS. Il manquait au projet conjoint MINUSCA-PNUD à l'appui de la CPS 1,8 million de dollars US sur un budget total d'environ 7 millions de dollars US.[233] La MINUSCA fournit plus de la moitié du financement. Malgré ces contributions importantes, la viabilité financière à plus long terme de la Cour reste incertaine.

Un membre du personnel de l'ONU à Bangui a indiqué qu'il pourrait être difficile de trouver un financement suffisant pour les cinq premières années de la Cour. La création par étapes, par opposition à la tentative de financer pleinement le tribunal dès le début, a contribué à atténuer cette difficulté car cela réduira les coûts. Toutefois, sur les quelque 37 millions de dollars que la Cour devrait coûter au cours des cinq ans de son mandat, 32 millions de dollars restent encore à engager.[234]

Le Groupe de référence d’États membres pour la CPS est un organisme qui se réunit périodiquement à New York et qui comprend des bailleurs de fonds de la Cour ainsi que d’autres États intéressés, des partenaires de l’ONU et des représentants centrafricains.[235] Présidé par le Maroc, ce groupe pourrait server de forum pour aider la Cour à mobiliser les ressources nécessaires.

Plusieurs responsables judiciaires interrogés par Human Rights Watch se sont dits préoccupés par les éventuelles inégalités dans l'indemnisation des magistrats nationaux et internationaux. Au moment de la rédaction du présent document, les autorités nationales et les agences de l'ONU avaient élaboré un compromis pour éviter des inégalités flagrantes dans le traitement des magistrats nationaux et internationaux. Les magistrats internationaux seront secondés par des pays tiers et tous les magistrats recevront leur salaire national régulier payé par leur pays d'origine. 

IX. Recommandations

Au gouvernement

  • Respecter l'indépendance du procureur spécial de la Cour pénale spéciale, d'autres magistrats et du personnel judiciaire, tout en apportant son soutien à leur travail ;
  • Désigner un interlocuteur ou une interlocutrice au sein du cabinet du président qui pourrait s'occuper des questions liées à la création de la Cour pénale spéciale ;
  • Établir, avec les Nations Unies, un nouvel organe ayant pour mandat de superviser l'opérationnalisation rapide de la Cour pénale spéciale, qui travaille en collaboration avec les comités établis pour des buts spécifiques, comme les recrutements ;
  • Veiller à ce que tous les experts internationaux recrutés pour la Cour pénale spéciale satisfassent aux exigences des termes de référence pour le poste, notamment qu’ils parlent français et qu’ils soient familiarisés avec le système de droit civil ;
  • Lors de la sélection des magistrats, policiers et personnels nationaux, veiller à assurent la diversité des groupes ethniques et religieux et l’équilibre des genres dans toute la mesure du possible ;
  • Accélérer le recrutement de la police judiciaire et veiller à ce que ses membres soient examinés, de sorte qu'aucune personne affectée à la Cour pénale spéciale ne soit impliquée dans de graves atteintes aux droits humains, et à ce qu’ils soient sous l'autorité directe et exclusive de la Cour pénale spéciale ;
  • Avec l'aide des Nations Unies, construire un centre de détention pouvant accueillir en toute sécurité les personnes accusées par la Cour pénale spéciale ;
  • Continuer de fournir une coopération complète et un accès sans entrave aux enquêteurs de la Cour pénale internationale et à d'autres personnes qui documentent les violations des droits humains commises par toutes les parties au conflit ;
  • Fournir régulièrement des informations sur la Cour pénale spéciale aux médias, aux activistes de la société civile, aux responsables judiciaires nationaux et au public dans son ensemble au sujet du mandat et du travail de la Cour ;
  • Avec l'aide des Nations Unies, développer une stratégie pour créer un programme de protection des témoins efficace pour le système judiciaire centrafricain ;
  • Accélérer l’attribution d’un espace et d’installations appropriées pour la CPS ;
  • Avec l'aide des Nations Unies, développer une stratégie pour la protection des civils ;
  • Avec l'aide des Nations Unies et des partenaires internationaux, développer une stratégie globale, un désarmement à plusieurs volets pour les groupes armés, notamment la Séléka et les anti-balaka ;
  • Mener des enquêtes impartiales et crédibles sur la collusion et la coopération de la part des membres de l'armée nationale envers les groupes anti-balaka. Sanctionner ou poursuivre le cas échéant les responsables, quelque soit leur rang ou leur poste ;
  • S'assurer que les combattants de la Séléka et anti-balaka qui sont responsables de violations des droits humains et de crimes de guerre ne sont pas réintégrés ni absorbés par les institutions gouvernementales, notamment l'armée nationale, la police et la gendarmerie ;
  • Donner aux organisations d'aide humanitaire un accès complet aux populations nécessitant une assistance.

Au Président Touadéra

  • Nommer un conseiller juridique au sein du cabinet chargé des questions liées à la Cour pénale spéciale.

Au Parlement national

  • Lever les immunités afin de pouvoir mener des poursuites contre les membres accusés de crimes relevant du mandat de la Cour pénale spéciale.

Aux dirigeants de la Séléka et des forces anti-balaka

  • Cesser immédiatement toutes les attaques contre des civils et prendre les mesures nécessaires pour que les forces de la Séléka et anti-balaka ne commettent pas d'autres violations des droits humains et des violations des lois de la guerre.
  • Créer des mesures pour dissuader et punir les membres de vos forces qui commettent des violations des droits humains ;
  • Coopérer avec toutes les enquêtes et poursuites intentées par des organismes nationaux et internationaux contre les membres de la Séléka et anti-balaka soupçonnés d'avoir commis des violations des droits humains ;
  • Mettre en place des mesures pour prévenir le harcèlement ou l'intimidation par les membres de la Séléka ou anti-balaka de tout témoin potentiel dans les enquêtes futures soit par la Cour pénale internationale, soit par la Cour pénale spéciale ou d'autres enquêtes nationales;
  • Assurer l'accès sans entrave des organisations d'aide humanitaire à toutes les populations qui ont besoin d'assistance ;

À la Mission multidimensionnelle de stabilisation intégrée en République centrafricaine de l’ONU (MINUSCA)

  • Accroître le soutien technique et logistique à la Cour pénale spéciale afin d'assurer son ouverture rapide ainsi que des enquêtes et poursuites efficaces.
  • Veiller à ce que tous les experts internationaux recrutés pour la Cour pénale spéciale satisfassent aux exigences des termes de référence pour le poste, notamment qu’ils parlent français et qu’ils soient familiarisés avec le système de droit civil ;
  • Renforcer la formation et le financement de la police, des procureurs, des juges et des tribunaux ;
  • Offrir une assistance pour les enquêtes au gouvernement national dans ses efforts pour rendre compte des crimes commis par des groupes armés, notamment à la police judiciaire travaillant à la Cour pénale spéciale;
  • Intégrer la protection des témoins et des victimes et la sécurité dans le soutien permanent aux institutions judiciaires, en particulier pour les affaires sensibles devant la Cour pénale spéciale et d'autres tribunaux dans lesquels des témoins ou des victimes pourraient être menacés ou tués ;
  • Continuer à soutenir une sensibilisation efficace à l’intention de la population locale au sujet de la Cour pénale spéciale ;
  • S'assurer qu'aucun accord de paix à venir ne comprenne d'amnistie pour les auteurs présumés de crimes graves, mais soutienne des procès équitables et crédibles pour ces crimes conformément aux normes internationales.
  • Déployer des équipes civiles, notamment des spécialistes de la protection, dans les zones où les civils risquent le plus, afin de renforcer la confiance auprès de la population et des autorités locales. Ces zones peuvent souvent se trouver en dehors des principales villes dans les régions troublées du pays ;
  • Tenter d'améliorer les relations avec les communautés locales en augmentant les patrouilles avec une assistance linguistique et les agents de liaison communautaire, et en aidant les civils à déposer en toute sécurité les plaintes d'abus auprès de la mission ;
  • Travailler avec les agents du gouvernement pour arrêter les dirigeants de la Séléka et anti-balaka qui ont commis des crimes graves ;
  • Veiller à ce que le programme de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR) dispose des ressources humaines et autres suffisantes, ainsi que du soutien nécessaire de la part d'autres composantes de la MINUSCA pour mener à bien ses tâches ;
  • Veiller à ce que les responsables des droits humains enquêtent sur toutes les allégations crédibles d'abus et aident les victimes à déposer des plaintes auprès des autorités concernées. Fournir des rapports publics en temps opportun sur les violations des droits humains dans tout le pays ;
  • Veiller à ce que les troupes soient correctement équipées et soutenues et, conformément à leur mandat, fassent usage de la force lorsque nécessaire pour protéger les civils sous la menace imminente des combattants de la Séléka ou des forces anti-balaka.

Au Conseil de sécurité des Nations Unies

  • Continuer à inclure explicitement un soutien à la Cour pénale spéciale en tant que partie essentielle du mandat de la MINUSCA ;
  • Suivre attentivement le soutien et le suivi par la MINUSCA de la Cour pénale spéciale et d'autres efforts de gouvernement de transition pour rechercher la justice dans le but de poursuivre les responsables d'abus en conformité avec les normes internationales de procès équitable ;
  • S'assurer qu'il existe une composante importante des droits humains dans les programmes potentiels de réforme du secteur de la sécurité, notamment la création d'un mécanisme de vérification.

Aux pays fournisseurs de contingents de la MINUSCA

  • Veiller à ce que les troupes soient correctement équipées et soutenues et, conformément au mandat de la MINUSCA, qu’elles soient prêtes selon leur capacité et leur zone de déploiement à faire usage de la force militaire pour protéger les civils sous la menace de dommages causés par des acteurs armés.

À l’armée française

  • Veiller à ce que les forces de maintien de la paix françaises restantes après  le retrait de l’ « Opération Sangaris » soient disponibles pour porter assistance aux forces nationales et internationales si besoin. 

Aux bailleurs de fonds internationaux

  • Fournir un soutien politique et financier supplémentaire pour que la Cour pénale spéciale puisse remplir son mandat, notamment l’attribution d’installations opérationnelles et autres efforts pour rétablir le système judiciaire national.
  • Utiliser le Groupe de référence d’États membres pour la Cour pénale spéciale comme forum pour aider la Cour à mobiliser des ressources suffisantes ;
  • Intégrer une formation sur la protection des droits humains dans tous les programmes de réforme du secteur de la sécurité qui pourraient être financés et créer des mécanismes de contrôle afin de s'assurer que les membres de la Séléka, anti-balaka ou de l’armée nationale responsables de violations graves des droits humains ou de crimes de guerre ne soient pas réintégrés dans l'armée nationale ni affectés à d'autres postes officiels au sein du gouvernement ;
  • S'assurer qu'aucun accord de paix à venir ne comprenne d'amnistie pour les auteurs présumés de crimes graves, mais soutienne des procès équitables et crédibles pour ces crimes conformément aux normes internationales ;
  • Maintenir l'embargo sur les armes du Conseil de sécurité de l'ONU jusqu'à ce que le gouvernement mène des enquêtes impartiales et crédibles sur les membres de l'armée nationale qui ont comploté et coopéré avec des groupes anti-balaka et prend des mesures disciplinaires appropriées. Soutenir les sanctions ciblées contre les personnes responsables de violation de l'embargo ou de violations graves du droit international humanitaire.

Remerciements

Les recherches et la rédaction de ce rapport ont été réalisées par Lewis Mudge, chercheur au sein de la division Afrique de Human Rights Watch. Géraldine Mattioli-Zeltner, ex-directrice de plaidoyer au programme Justice internationale, et Elise Keppler, directrice adjointe du Programme Justice internationale, ont contribué à la rédaction du chapitre sur la Cour pénale spéciale. Thierry Magloire Messongo Boboyangue a fourni une aide à la recherche et à la traduction. Ce rapport a été revu par Anneke Van Woundeberg, ancienne directrice adjointe de la division Afrique, par Fred Abrahams, directeur de programme associé, par Danielle Hass, rédactrice senior, et par Babatunde Olugboji, directeur de programme adjoint. Aisling Reidy, conseil juridique senior, a assuré une relecture juridique. Des relectures spécialisées ont été réalisées par Akshaya Kumar, directeur adjoint des Nations Unies, Kriti Sharma, chercheuse auprès de la division Droits des personnes handicapées, Param-Preet Singh, directrice adjointe du Programme Justice internationale, et par Bénédicte Jeannerod, directrice pour la France.

John Emerson a produit les graphiques. L'aide à la production et à l'édition a été fournie par Jean-Sébastien Sépulchre, associé dans la division Afrique. Kathy Mills, spécialiste des publications, et Fitzroy Hepkins, directeur administratif, ont fourni une aide à la production.

Le rapport a été traduit en français par Danielle Serres et vérifié par Peter Huvos, éditeur du site Web français.

[1] Human Rights Watch, République centrafricaine - État d’anarchie : Rébellions et exactions contre la population civile, septembre 2007, https://www.hrw.org/fr/report/2007/09/14/etat-danarchie/rebellions-et-exactions-contre-la-population-civile ; International Crisis Group, « Central African Republic: The Roots of Violence », 21 septembre 2015 http://www.crisisgroup.org/~/media/Files/africa/central-africa/central-african-republic/230-central-african-republic-the-roots-of-violence.pdf.

[2] Human Rights Watch,  Je peux encore sentir l’odeur des morts  La crise oubliée des droits humains en République centrafricaine, septembre 2013, https://www.hrw.org/fr/report/2013/09/18/je-peux-encore-sentir-lodeur-des-morts/la-crise-oubliee-des-droits-humains-en, pp. 32-34 ; « République centrafricaine : Des crimes de guerre commis par des ex-rebelles de la Séléka », communiqué de presse de Human Rights Watch, 24 novembre 2013, https://www.hrw.org/fr/news/2013/11/24/republique-centrafricaine-des-crimes-de-guerre-commis-par-des-ex-rebelles-de-la. 

[3] « République centrafricaine: De nombreuses exactions ont été commises après le coup d'État », communiqué de presse de Human Rights Watch, 10 mai 2013 https://www.hrw.org/fr/news/2013/05/09/republique-centrafricaine-de-nombreuses-exactions-ont-ete-commises-apres-le-coup ou « République centrafricaine : Les forces de la Séléka tuent des dizaines de personnes et incendient des villages », communiqué de presse de Human Rights Watch, 27 juin 2013, https://www.hrw.org/fr/news/2013/06/27/republique-centrafricaine-les-forces-de-la-seleka-tuent-des-dizaines-de-personnes-et.

[4] Human Rights Watch, Je peux encore sentir l’odeur des morts.

[5] À partir de septembre 2013 et tout au long de 2014, les observateurs et les analystes, y compris Human Rights Watch, se sont référés au groupe comme aux « ex-Séléka » dans les publications. Human Rights Watch est désormais revenu à l’appellation du groupe comme Séléka, en partie parce que les commandants de la Séléka se désignent eux-mêmes ainsi.

[6] « Balaka » signifie « machette » en sango. À l’instar d’autres organisations et observateurs, Human Rights Watch a par erreur assimilé à l’origine « anti-balaka » à « anti-machette ».

[7] Human Rights Watch, « Ils sont venus pour tuer »Escalade des atrocités en République centrafricaine, décembre 2013, https://www.hrw.org/fr/report/2013/12/19/ils-sont-venus-pour-tuer/escalade-des-atrocites-en-republique-centrafricaine.

[8] « Échapper au cauchemar centrafricain », communiqué de presse de Human Rights Watch, 15 décembre 2014, https://www.hrw.org/fr/news/2014/12/15/echapper-au-cauchemar-centrafricain ;« République centrafricaine : Les musulmans sont pris au piège dans des enclaves », communiqué de presse de Human Rights Watch, 22 décembre 2014, https://www.hrw.org/fr/news/2014/12/22/republique-centrafricaine-les-musulmans-sont-pris-au-piege-dans-des-enclaves.

[9] Le 13 juillet 2016, le président français François Hollande a annoncé que la mission Sangaris se terminerait en octobre. Environ 300 militaires français sont restés dans le pays après cette date.

[10] Quelques combattants de la Séléka sont restés dans la capitale dans le quartier Kilomètre 5 ou bien demeurent cantonnés à Bangui.

[11] International Crisis Group, « Central African Republic: The Roots of Violence », pp. 7-8.

[12] Moulou-Gnatho Bienvenue Marina, « Centrafrique: Des regroupements de combattants ex-Séléka signalés à Bria », Réseau des journalistes pour les droits de l’homme, 18 août 2016. http://rjdh.org/centrafrique-regroupements-de-combattants-ex-Séléka-signales-a-bria/.

[13] « République centrafricaine : Des civils ont été tués lors d'affrontements armés »,communiqué de presse de Human Rights Watch, 5 décembre 2016, https://www.hrw.org/fr/news/2016/12/05/republique-centrafricaine-des-civils-ont-ete-tues-lors-daffrontements-armes.

[14] Human Rights Watch a documenté des abus commis par le Général Zabadi. Voir Human Rights Watch, « Je peux encore sentir l’odeur des morts »La crise oubliée des droits humains en République centrafricaine, 18 septembre 2013, pp. 45, et Human Rights Watch, « Ils sont venus pour tuer » Escalade des atrocités en République centrafricaine, 18 décembre 2013, pp. 29 ; Bouckaert, Peter « Face to Face with Colonel Zabadi », The New York Times, 11 décembre 2013, https://mobile.nytimes.com/2013/12/12/opinion/face-to-face-with-colonel-zabadi.html.

[15] Entretien de Human Rights Watch avec le Dr Hamat Mal-Mal, Bangui, 7 août 2015.

[16] El Bachar a été arrêté par la MINUSCA le 26 février 2017 près de Bambari. Il se trouve actuellement en détention.

[17] Nathalia Dukhan, « The Central AfricanRepublic crisis », GSDRC, Université de Birmingham, mars 2016, p. 6. Babba Laddé a été arrêté par la MINUSCA en décembre 2014 et transféré au Tchad, où il se trouvait encore en détention au moment de la rédaction de ce rapport.

[18]Le nom de Darassa a été orthographié de diverses façons dans le domaine public, notamment « Darasa » et « Daras ».

[19]Panel d’Experts de l’ONU sur la République centrafricaine, Rapport final du Groupe d'experts sur la République centrafricaine, 29 octobre 2014, publié dans une lettre datée du 28 octobre 2014 du Groupe d'experts sur la République centrafricaine créé en application de la résolution 2127 (2013), etadressée au Président du Conseil de sécurité, S/2014/762, para. 58.

[20]Panel d’Experts de l’ONU sur la République centrafricaine, Rapport à mi-parcours, 11 août 2016, paras 56-62.

[21] Human Rights Watch,« Ils sont venus pour tuer » ; ou « République centrafricaine : Des musulmanes sont retenues en captivité et violées », communiqué de presse de Human Rights Watch, 22 avril 2015, https://www.hrw.org/fr/news/
2015/04/22/republique-centrafricaine-des-musulmanes-sont-retenues-en-captivite-et-violees.

[22] Human Rights Watch, Je peux encore sentir l’odeur des morts , pp. 35 – 38 ; « République centrafricaine : Des massacres perpétrés dans des villages reculés », communiqué de presse de Human Rights Watch, 3 avril 2014. https://www.hrw.org/fr/news/2014/04/03/republique-centrafricaine-des-massacres-perpetres-dans-des-villages-recules

[23] Conseil de sécurité des Nations Unies, Résolution 2149 (2014), Adoptée par le Conseil de sécurité lors de sa 7153ème réunion le 10 avril 2014, 10 avril 2014, S/RES/2149 (2014), http://www.un.org/en/ga/search/view_doc.asp?
symbol=S/RES/2149(2014)
.

[24]Charte des Nations Unies, Chapitre VII, voir http://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-vii/index.html

[25]Conseil de sécurité des Nations Unies, Résolution 2149 (2014), para 30 (a).

[26] « République centrafricaine : Une unité de police a tué 18 personnes de sang-froid », communiqué de presse de Human Rights Watch, 27 juin 2016, https://www.hrw.org/fr/news/2016/06/27/republique-centrafricaine-une-unite-de-police-tue-18-personnes-de-sang-froid.

[27] « République centrafricaine : Nouvelle vague de meurtres insensés », communiqué de presse de Human Rights Watch, 22 octobre 2015, https://www.hrw.org/fr/news/2015/10/22/republique-centrafricaine-nouvelle-vague-de-meurtres-insenses ; « République centrafricaine : En plein conflit armé, les femmes sont victimes de viols », communiqué de presse de Human Rights Watch, 17 décembre 2015, https://www.hrw.org/fr/news/2015/12/17/republique-centrafricaine-en-plein-conflit-arme-les-femmes-sont-victimes-de-viols.

[28] « République centrafricaine : Des musulmanes sont retenues en captivité et violées », communiqué de presse de Human Rights Watch, 22 avril 2015.

[29] Vincent Duhem, « Centrafrique: Dhaffane écarté de l’ex-Séléka qui suspend sa participation à l’accord de Brazzaville », Jeune Afrique, 6 août, 2014. http://www.jeuneafrique.com/47423/politique/centrafrique-dhaffane-cart-de-l-ex-s-l-ka-qui-suspend-sa-participation-l-accord-de-brazzaville/.

[30] « À Brazzaville, les ex-Séléka demandent la partition de la Centrafrique », Jeune Afrique, 22 juillet 2014.  http://www.jeuneafrique.com/48805/politique/brazzaville-les-ex-s-l-ka-demandent-la-partition-de-la-centrafrique/.

[31] « Warring Central Africa Republic groups sign ceasefire pact in Nairobi », Daily Nation, 9 avril 2015. http://www.nation.co.ke/news/CAR-warring-factions-sign-ceasefire-Nairobi/1056-2679896-ud9r7q/index.html.

[32] « République centrafricaine : Priorité à la protection des civils et à la justice », communiqué de presse de Human Rights Watch, 29 mars 2016, https://www.hrw.org/fr/news/2016/03/29/republique-centrafricaine-priorite-la-protection-des-civils-et-la-justice.

[33] Panel d’Experts de l’ONU sur la République centrafricaine, Rapport à mi-parcours du Groupe d'experts sur la République centrafricaine, 11 août 2016, publié dans une lettre datée du 9 août 2016 du Groupe d'experts sur la République centrafricaine créé en application de la résolution 2262 (2016) adressée au Président du Conseil de sécurité, S/2016/694, para. 23.

[34] Amnesty International, « Central African Republic: Time for Accountability », juin 2014, https://www.amnesty.org/en/documents/AFR19/006/2014/en/, p. 22.

[35] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de la province de Sangha-Mbaéré, Bangui, 9 février 2016.

[36] Les principaux contributeurs humanitaires comprennent l’Union européenne, les États-Unis et les agences de l’ONU.

[37] Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA, chiffres clés, mai 2017, http://www.unocha.org/car.

[38] « Accord politique pour la paix en République Centrafricaine », Entente de Sant’Egidio, 19 juin 2017, http://www.santegidio.org/documenti/doc_1063/accord_politique_pour_la_paix_en_republique_centrafricaine_entente_de_sant_egidio.pdf; Lewis Mudge, « Il n’y aura pas de paix durable en République centrafricaine sans justice », article de Human Rights Watch, 20 juin 2017, https://www.hrw.org/fr/news/2017/06/20/il-ny-aura-pas-de-paix-durable-en-republique-centrafricaine-sans-justice.

[39] « CAR Violence: Deadly Clashes in Bria Despite Ceasefire Deal », BBC, 21 juin 2017, http://www.bbc.com/news/world-africa-40350057?utm_source=Sailthru&utm_medium=email&utm_campaign=ed%20pix&utm_term=%2AMorning%20Brief.

[40] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Kanga, Ngakobo, 28 juillet 2015.

[41] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Kanga, Ngakobo, 28 juillet 2015.

[42] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Kanga, Ngakobo, 28 juillet 2015.

[43]Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Kanga, Ngakobo, 28 juillet 2015.

[44]Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Kanga, Ngakobo, 28 juillet 2015.

[45] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Kossamba, Kossamba, 28 juillet 2015.

[46] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Kossamba, Ngakobo, 28 juillet 2015.

[47] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Kossamba, Kossamba, 28 juillet2015.

[48] Pour plus d’information sur les personnes tuées le long de cette route par des anti-balaka,voir Section III.

[49] Entretien de Human Rights Watch avec Hussien Ibrahiem, Bianga, 15 juin 2015,et Mahamat Bande, Koungo, 16 juin, 2015.

[50] OCHA, « Aperçu humanitaire au 12 septembre 2016 », Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, 12 septembre 2016. https://www.humanitarianresponse.info/fr/system/files/documents/
files/rca_ocha_161209_apercu_humanitaire.pdf
.

[51] Entretiens de Human Rights Watch avec des habitants de Danda I, Danda I, 15 juin 2015.

[52] Entretiens de Human Rights Watch avec des habitants de Ganwa, Ganwa, 16 juin 2015.

[53] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Ganwa, Ganwa, 16 juin 2015.

[54] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Ngbada, Ngbada, 16 juin 2015.

[55] Entretien de Human Rights Watch avec une autorité locale de Ngbada, Ngbada, 16 juin 2015.

[56] Entretien de Human Rights Watch avec Hussien Ibrahiem, Bianga, 15 juin 2015.

[57] Entretien de Human Rights Watch avec Mahamat Bande, Kouango, 16 juin 2015.

[58] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Bolo, Bolo, 18 juin 2015.

[59] Entretien de Human Rights Watch avec une autorité locale de Bolo, Bolo, 18 juin 2015.

[60] Entretiens de Human Rights Watch avec des habitants de Balango II, Balango II, 18 juin 2015.

[61] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Balango I, Balango I, 18 juin 2015.

[62] Entretien de Human Rights Watch avec une personne déplacée à Ngakobo, Ngakobo, 3 mars 2016.

[63] Entretien de Human Rights Watch avec une personne déplacée à Ngakobo, Ngakobo, 4 mars 2016

[64] Entretien de Human Rights Watch avec une personne déplacée à Ngakobo, Ngakobo, 4 mars 2016.

[65] Rapport du Conseil de sécurité, « January 2016 Monthly Forecast, Central African Republic », 29 janvier 2016, http://www.securitycouncilreport.org/monthly-forecast/2016-01/central_african_republic_14.php?print=true ; « Eight killed in Central African Republic days after pope’s visit », Reuters, 4 décembre 2015, http://uk.reuters.com/article/uk-centralafrica-attacks-idUKKBN0TN23C20151204.

[66] « Centrafrique: Séléka et anti-balaka se renvoient la responsabilité des dernières violences », Radio France International, 16 octobre 2016, http://www.rfi.fr/afrique/20161018-rca-seleka-anti-balaka-renvoient-responsabilite-violences-bambari-0.

[67] « République centrafricaine : Exécutions perpétrées par un groupe rebelle », communiqué de presse de Human Rights Watch, 16 février 2017, https://www.hrw.org/fr/news/2017/02/16/republique-centrafricaine-executions-perpetrees-par-un-groupe-rebelle.

[68] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Bakala, Bakala, 22 janvier 2017.

[69] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Bakala, Bambari, 23 janvier 2017.

[70] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Mourouba, Mourouba, 22 janvier 2017.

[71] « République centrafricaine : Des groupes armés s'attaquent aux populations civiles », communiqué de presse de Human Rights Watch, 2 mai 2017, https://www.hrw.org/fr/news/2017/05/02/republique-centrafricaine-des-groupes-armes-sattaquent-aux-populations-civiles.

[72] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Agoudou-Manga, Bambari, 6 avril 2017.

[73] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Wadja Wadja, Bambari, 6 avril 2017.

[74] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Agoudou-Manga, Bambari, 7 avril 2017.

[75] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Wadja Wadja, Bambari, 8 avril 2017.

[76] Entretien de Human Rights Watch avec Ali Darassa, Bambari, 27 juillet 2015.

[77] Entretien de Human Rights Watch avec Ali Darassa, Bambari, 19 janvier 2016.

[78] Entretien de Human Rights Watch avec Ali Darassa, 23 janvier 2017. 

[79] Entretien de Human Rights Watch avec Hassan Bouba, par téléphone, 19 avril 2017.

[80] Voir Groupe d'experts des Nations Unies, rapport final, 29 octobre 2014, para. 31 et annexe 5. Pour plus d’information sur Dar el Kouti, International Crisis Group, « Central African Republic: The Roots of Violence », Africa Report N°230, 21 septembre 2015, p. 19 ou  Enough Project, Dangerous Divisions: The Central African Republic faces the threat of secession, 15 février 2017, http://enoughproject.org/reports/dangerous-divisions-central-african-republic-faces-threat-secession

[81] À novembre 2016, toute alliance entre le FPRC et les Peuls avait été rompue lorsque de nombreux Peulsse sont alliés avec l’UPC.

[82] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Bada, Batangafo, 7 avril 2015.

[83] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Boudia, Batangafo, 8 avril 2015.

[84] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Boguia, Batangafo, 8 avril 2015.

[85] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Boyo, Batangafo, 8 avril 2015.

[86] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Boloum I, Boloum I, 8 avril 2015.

[87] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Boya I, Kozoro I, 2 août 2015.

[88] Entretien de Human Rights Watch avec unhabitant de Mba, Mba, 2 août 2015.

[89] Human Rights Watch, « Je peux encore sentir l’odeur des morts », septembre 2013, p. 39.

[90] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Kanda, Kanda, 11 avril 2015.

[91] Entretien de Human Rights Watch avec unhabitant de Ngimale, Kaga-Bandoro, 6 avril 2015.

[92] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Maorka, Kaga-Bandoro, 6 avril 2015.

[93] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Mbrès, Kaga-Bandoro, 6 avril 2015.

[94] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Mbrès, Kaga-Bandoro, 6 avril 2015.

[95] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Mbrès, Kaga-Bandoro, 6 avril 2015. 

[96] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Mbrès, Kaga-Bandoro, 6 avril 2015.

[97] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Mbrès, Kaga-Bandoro, 6 avril 2015. 

[98] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Mbrès, Kaga-Bandoro, 6 avril 2015.

[99] Entretien de Human Rights Watch avec Moussa Maloud, 6 avril 2015.

[100] « République centrafricaine : Raid meurtrier contre des personnes déplacées », communiqué de presse de Human Rights Watch, 1er novembre 2016, https://www.hrw.org/fr/news/2016/11/01/republique-centrafricaine-raid-meurtrier-contre-des-personnes-deplacees.

[101] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Kaga-Bandoro, Bangui, 15 octobre 2016.

[102] Entretien de Human Rights Watch avec une habitante de Ngoulepa I, Kaga-Bandoro, 19 octobre 2016.

[103] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Kaga-Bandoro, Kaga-Bandoro, 19 octobre 2016.

[104] Entretien de Human Rights Watch avec une habitante de Ngoulepa II, Kaga-Bandoro, 20 octobre 2016.

[105] Pour plus d’informations sur les attaques contre des villages le long de cette route en 2015, voir Annexe II.

[106] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Beguete I, Kaga Bandoro, 19 octobre 2016.

[107] « République centrafricaine : Des civils ont été tués lors d'affrontements armés », communiqué de presse de Human Rights Watch, 5 décembre 2016.

[108] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Bria, Bria, 28 novembre 2016.

[109] Entretien de Human Rights Watch avec une habitante de Bria, Bria, 29 novembre 2016.

[110] Le commandant militaire actuel du FPRC est le Général Saleh Zabadi.

[111] El Bachar a été arête par la MINUSCA le 26 février 2017 près de Bambari. Il se trouve actuellement en détention.

[112] Entretien de Human Rights Watch avec Idriss Ahmned el Bachar, Kaga-Bandoro, 4 mai 2016.

[113] Ibid.

[114] Entretien de Human Rights Watch avec Moussa Maloud, Kaga-Bandoro, 30 juillet 2015.

[115] Entretien de Human Rights Watch avec Moussa Maloud, Kaga-Bandoro, 4 mai 2016.

[116] Entretien de Human Rights Watch avec le Général Mahamat Al Khatim, Kaga-Bandoro, 30 juillet 2015.

[117] Entretien de Human Rights Watch avec Al Afiz Ali, Kaga Bandoro, 7 avril 2015.

[118] Ibid.

[119] Entretien de Human Rights Watch avec Mahamat Samsoun, Mbrès, 11 avril 2015.

[120] Entretien de Human Rights Watch avec le Général Mahamat Al Khatim, Kaga-Bandoro, 20 octobre 2017, et entretien de Human Rights Watch avec Lambert Lissane, Kaga-Bandoro, 21 octobre 2017.

[121] Entretien de Human Rights Watch avec un parent de Youdemma, Batangafo, 9 avril 2015.

[122] Entretien de Human Rights Watch avec Janine Ndoko, Batangafo, 9 avril 2015.

[123] Entretien de Human Rights Watch avec une personne proche de Kerefio etde Saraba, Batangafo, 9 avril 2015.

[124] Entretien de Human Rights Watch avec une personne proche de Bama, Batangafo, 9 avril 2015.

[125] Entretien de Human Rights Watch avec Abdullahi Tara et le Colonel Ousmane Bono, Batangafo, 8 avril 2015.

[126] Par exemple, le dirigeant anti-balaka Gaetian Boade Grakouzou a expliqué à Human Rights Watch comment ses hommes avaient tué un autre dirigeant anti-balaka nommé « Sortant » lorsque celui-ci a tenté de rétablir une présence autour de Bambari. Entretien de Human Rights Watch avecGaetian Boade Grakouzou, Bambari, 18 janvier 2016.

[127] Ces villages sont les suivants : Ngbina, Kolo, Ndaba, fini Kodro, Gbanofia, Kounda, Mono I, Mono II, Gbaolourou, Toko Ippy et Bolo II.

[128] Remarques d’unhabitant de Ngbima, Ngbima, 16 juin 2015.

[129] Entretien de Human Rights Watch avec un proche de Yassimara, Ngbima, 17 juin 2015.

[130] Remarques d’unhabitant de Kolo, Ngbima, 16 juin 2015.

[131] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Gara-Bourouma, Ngakobo, 5 mars 2016.

[132] Entretiens de Human Rights Watch avec des habitants de Sabengoude, Varra et Mongolo, 15 juin 2015.

[133] « République centrafricaine : Des groupes armés s'attaquent aux populations civiles», communiqué de presse de Human Rights Watch, 2 mai 2017.

[134] Entretien de Human Rights Watch avec une habitante de Mbourousso, Bambari, 7 avril 2017.

[135] Entretien de Human Rights Watch avec une habitante de Mbourousso, Bambari, 6 avril 2017.

[136] Entretien de Human Rights Watch avec Gaetian Boade Grakouzou, Bambari, 27 juillet 2015.

[137] Entretien de Human Rights Watch avec un journaliste, Nairobi, 3 octobre 2015.

[138] Entretien de Human Rights Watch avec Gaetian Boade Grakouzou, Bambari, 18 janvier 2016.

[139] Ibid.

[140] Entretien de Human Rights Watch par téléphone avec Lambert Lissane, 24 avril 2017.

[141] Entretien de Human Rights Watch avec un survivant, Kaga Bandoro, 10 avril 2015.

[142] Entretien de Human Rights Watch avec un survivant, Kaga Bandoro, 10 avril 2015.

[143] Entretien de Human Rights Watch avec un survivant, Kaga Bandoro, 10 avril 2015.

[144] Entretien de Human Rights Watch avec un survivant, Kaga Bandoro, 10 avril 2015.

[145] Entretien de Human Rights Watch avec une survivante, Kaga Bandoro, 10 avril 2015.

[146] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Kako, Kaga Bandoro, 5 avril 2015.

[147] Entretien de Human Rights Watch avec Franco Yagbegue, Blakadja, 4 août 2015.

[148] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Mpanta, Mpanta, 11 avril 2015.

[149] Entretien de Human Rights Watch avec une habitante de Mpanta, Mpanta, 11 avril 2015.

[150] Entretien de Human Rights Watch avec un membre d’une organisation nongouvernementale, Bangao, 18 juin 2015.

[151] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Mala, Mala, 5 août 2015.

[152] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Gbanto, Batangafo, 8 avril 2015.

[153] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Bigi II, Bianga, 15 juin 2015.

[154] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Bigi II, Bianga, 15 juin 2015.

[155] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Marzé, Marzé, 2 août 2015.

[156] Entretien de Human Rights Watch avec une infirmière de Marzé, Marzé, 2 août 2015.

[157] Entretien de Human Rights Watch avec une habitante de Marzé, Marzé, 2 août 2015.

[158] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Botto, Kaga Bandoro, 5 avril 2015.

[159] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Betta, Betta, 15 juin 2015.

[160] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Oumba, Oumba, 15 juin 2015.

[161] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Danda I, Danda I, 15 juin 2015.

[162] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Ganwa, Ganwa, 15 juin 2015.

[163] Entretien de Human Rights Watch avec un habitant de Belegbe, Belegbe, 15 juin 2015.

[164] Entretien de Human Rights Watch avec une habitante de Ngadja-Toko, Ngadja-Toko, 15 juin 2015.

[165] Entretien de Human Rights Watch avec le chef du village de Balango II, Balango II, 18 juin 2015.

[166] Entretien de Human Rights Watch avec un expert juridique international, Bangui, 13 juin 2016.

[167] Entretien de Human Rights Watch avec un membre principal du procureur national, Bangui, 14 juin 2016.

[168] Entretien de Human Rights Watch avec un expert juridique international, Bangui, 13 juin 2016.

[169] « République centrafricaine : Nouvelle vague de meurtres insensés », communiqué de presse de Human Rights Watch, 22 octobre 2015.

[170] La session criminelle est l’équivalent d’une cour d’assises dans le système français. Les cours pénales se trouvent à Bangui, Bouar et Bambari.

[171]« Résultats des audiences de la Première Session Criminelle de la cour d’appel de Bangui tenue du 26 août au 26 septembre 2016 », copie du dossier en possession de Human Rights Watch.

[172]Projet de rôle de la première session de la Cour criminelle de Bangui, 2016, copie du dossier en possession de Human Rights Watch.

[173] « Projet conjoint d’Appui à la Lutte contre les Violations des Droits de l’Homme et à la Relance de la Justice en Centrafrique » PNUD, ONU Femmes et MINUSCA, Programme de Travail Annuel 2015, https://info.undp.org/docs/pdc/Documents/CAF/PTA%20PROJET%20CONJOINT%20JUSTICE%202015%20sign%C3%A9-1.pdf.

[174] Human Rights Watch, Selling Justice Short: Why Accountability Matters for Peace, juillet 2009, https://www.hrw.org/sites/default/files/reports/ij0709webwcover_1.pdf, pp. 1-2.

[175] Human Rights Watch, République centrafricaine- État d’anarchie Rébellions et exactions contre la population civile, septembre 2007, https://www.hrw.org/report/2007/09/14/state-anarchy/rebellion-and-abuses-against-civilians.

[176] Human Rights Watch, « Je peux encore sentir l’odeur des morts » , p. 14.

[177] Entretien de Human Rights Watch avec un avocat centrafricain, Bangui, 14 juin 2016.

[178] Entretien de Human Rights Watch avec un activiste local de la société civile, Bangui, 17 juin 2016.

[179] Human Rights Watch, Selling Justice Short, p. 5.

[180] Entretien de Human Rights Watch avec un activiste local de la société civile, Bangui, 17 juin 2016.

[181] « Report of the Secretary-General on the Situation in the Central African Republic », 29 juillet 2015, paras. 78-81, http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/2015/576.

[182] « Central African Republic Holds Unprecedented Disarmament Talks with Rebel Groups », Agence France-Presse, 23 avril 2017, http://www.japantimes.co.jp/news/2017/04/23/world/central-african-republic-holds-unprecedented-disarmament-talks-rebel-groups/#.WQhjkvmGOUl (consulté le 2 mai 2017).

[183] Entretien de Human Rights Watch par téléphone avec Lambert Lissane, 5 mai 2017.

[184] « Central African Republic Holds Unprecedented Disarmament Talks with Rebel Groups », Agence France-Presse.

[185] « Accord politique pour la paix en Republique Centrafricaine », Entente de Sant’Egidio, 19 juin 2017, http://www.santegidio.org/pageID/1165/langID/fr/itemID/960/--Entente-de-Sant-Egidio---Accord-politique-pour-la-paix-en-Republique-Centrafricaine.html.

[186] Lewis Mudge, « Il n’y aura pas de paix durable en République centrafricaine sans justice », article de Human Rights Watch, 20 juin 2017.

[187] Discours du Président Touadéra à une conférence de bailleurs de fonds, Bruxelles, 17 novembre 2016. Notes en possession de Human Rights Watch.

[188] Statut de Rome de la Cour pénale internationale , U.N. Doc. A/CONF.183/9, 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002, ratifié par la République centrafricaine le 3 octobre 2001=, art. 5.

[189] « Prosecutor receives referral concerning Central African Republic », communiqué de presse de la CPI, ICC-OTP-20050107-86, 7 janvier 2005, https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=otp+prosecutor+receives+referral+concerning+central+african+republic.

[190] En avril 2006, la Cour de Cassation, la plus haute juridiction du pays, a réaffirmé l’incapacité des tribunaux nationaux à enquêter et à poursuivre les crimes graves internationaux commis dans le pays. Voir Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH), « La Cour de Cassation confirme l’incapacité des tribunaux à enquêter sur les crimes graves. Le Procureur de la Cour pénale internationale doit ouvrir une enquête sur la situation en RCA », 13 avril 2006, https://www.fidh.org/fr/themes/justice-internationale/La-Cour-de-Cassation-confirme-l.

[191] « République Centre Africaine : La CPI ouvre une enquête », communiqué de presse de Human Rights Watch, 22 mai 2007, http://pantheon.hrw.org/legacy/french/docs/2007/05/22/carepu15987.htm.

[192]« Prosecutor opens investigation in the Central African Republic »,communiqué de presse de la CPI, ICC-OTP-20070522-220, 22 mai 2007, https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=prosecutor%20opens%20investigation%20in%20the%20central%20african%20republic.

[193] Géraldine Mattioli-Zeltner, « La CPI lance un avertissement clair aux chefs militaires à propos des viols commis par leurs troupes », article de Human Rights Watch, 21 mars 2016, https://www.hrw.org/fr/news/2016/03/21/la-cpi-lance-un-avertissement-clair-aux-chefs-militaires-propos-des-viols-commis-par.

[194] En septembre 2016, les conseillers de Bemba ont interjeté appel de la décision. La procureure, qui avait requis une peine de 25 ans de prison, a également indiqué que son bureau ferait appel de la peine.

[195] « Statement of the Prosecutor of the International Criminal Court, Fatou Bensouda, on opening a second investigation in the Central African Republic », communiqué de presse de la CPI, ICC-OTP-20140924-PR1043, 24 septembre 2014, https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=pr1043

[196] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel du ministère de la Justice, Bangui, 15 juin 2016.

[197] Loi Organique N° 15.003, portant création, organisation et fonctionnement de la cour pénale spéciale, art. 3, en possession de Human Rights Watch.

[198] Code pénal de la République Centrafricaine, 2011, articles 153 – 157.

[199] Loi Organique N° 15.003, portant création, organisation et fonctionnement de la cour pénale spéciale, art. 71, en possession de Human Rights Watch.

[200] Loi Organique N° 15.003, portant création, organisation et fonctionnement de la cour pénale spéciale, art. 37, en possession de Human Rights Watch.

[201] Loi Organique N° 15.003, portant création, organisation et fonctionnement de la cour pénale spéciale, arts. 3 et 36, en possession de Human Rights Watch.

[202] La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA) et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. (OHCHR), « Report of the Mapping Project documenting serious violations of international human rights law and international law committed within the territory of the Central African Republic between January 2003 and December 2015 », mai 2017, http://www.ohchr.org/Documents/
Countries/CF/Mapping2003-2015/2017CAR_Mapping_Report_FR.pdf

[203] Akayesu définit « généralisée » comme « une action massive, fréquente, à grande échelle, menée collectivementavec une gravité considérable et dirigée contre une multiplicité de victimes », Procureur c. Akayesu, TPIR, Affaire No. ICTR-96-4-T, Jugement (Chambre de première instance I), 2 septembre 1998, para. 579; voir égalementProcureur c. Kordic et Cerkez, TPIY, Affaire No. IT-92-14/2, Jugement (Chambre de première instance III), 26 février 2001, para. 179; Procureur c. Kayishema et Ruzindana, TPIR, Affaire No. ICTR-95-1-T, Jugement (Chambre de première instance II), 21 mai 1999, para. 123.

[204]Procureur c. Dusko Tadic, TPIY, Affaire No. IT-94-1-T, Opinion etJugement (Chambre de première instance), 7 mai 1997, para. 648. DansProcureur c. Kunarac, Kovac et Vokovicla Chambre d’appel a jugé que « les modèles de crimes - c'est-à-dire la répétition non accidentelle d'une conduite criminelle similaire sur une base régulière - sont une expression commune d’ [une] occurrence systématique. »Procureur c. Kunarac, Kovac and Vokovic, TPIY, Affaire No. IT-96-23 and IT-96-23-1A, Jugement (Chambre d’appel), 12 juin 2002, para. 94.

[205] Statut de Rome de la Cour pénale internationale, art. 28.

[206] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du gouvernement de transition, Bangui, 13 juin 2016. Entretien de Human Rights Watch avec un membre principal du bureau du procureur national, Bangui, 14 juin 2016.

[207] Entretien de Human Rights Watch avec un avocat centrafricain, Bangui, 14 juin 2016.

[208] Discours du Premier ministre Simplice Mathieu Sarandji, 7 juin 2016, copie en possession de Human Rights Watch.

[209] Entretien de Human Rights Watch avec Flavien Mbata, Bangui, 14 juin 2016.

[210] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de l’ONU, Bangui, 13 juin 2016.

[211] « Signature d’un accord relatif à l’opérationnalisation de la Cour Pénale Spéciale de la RCA », communiqué de presse de la MINUSCA, 26 août 2016, https://minusca.unmissions.org/signature-d%E2%80%99un-accord-relatif-%C3%A0-lop%C3%A9rationnalisation-de-la-cour-p%C3%A9nale-sp%C3%A9ciale-de-la-rca (consulté le 19 mai 2017).

[212] Lewis Mudge, « Un pas vers la justice en République centrafricaine », article de Human Rights Watch, 21 février 2017, https://www.hrw.org/fr/news/2017/02/21/un-pas-vers-la-justice-en-republique-centrafricaine.

[213] Entretien de Human Rights Watch par téléphone avec un membre du personnel de l’ONU, Bangui, 22 mai 2017,

[214] « Deux nouveaux magistrats pour siéger à la cour pénale spéciale pour la Centrafrique », communiqué de presse de la MINUSCA, 13 avril 2017, https://minusca.unmissions.org/deux-nouveaux-magistrats-pour-si%C3%A9ger-%C3%A0-la-cour-p%C3%A9nale-sp%C3%A9ciale-pour-la-centrafrique ; Judicael Yongo, « Centrafrique: Cinq magistrats nationaux nommés pour siéger à la Cour Pénale Spéciale », Réseau des journalistes pour les droits de l’homme, 8 mai 2017, http://linkis.com/rjdh.org/centrafriqu/RjXcD; « Centrafrique : Le Substitut international nommé pour siéger à la Cour Pénale Spéciale », Réseau des journalistes pour les droits de l’homme, 10 juin 2017,http://rjdh.org/centrafrique-substitut-international-nomme-sieger-a-cour-penale-speciale/.

[215] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de l’ONU, New York, 9 mai 2017. Entretien de Human Rights Watch par téléphone avec un membre du personnel de l’ONU, 19 mai 2017. Correspondance de Human Rights Watch par email avec un diplomate, 12 juin 2017.

[216] Entretien de Human Rights Watch par téléphone avec un membre du personnel de l’ONU, 19 mai 2017 ; entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de l’ONU, New York, 9 mai 2017.

[217] « République centrafricaine : Une unité de police a tué 18 personnes de sang-froid », communiqué de presse de Human Rights Watch, 27 juin 2016. https://www.hrw.org/fr/news/2016/06/27/republique-centrafricaine-une-unite-de-police-tue-18-personnes-de-sang-froid

[218] Correspondance par email de Human Rights Watch avec un membre de la MINUSCA, 26 juillet 2016. Discussion de Human Rights Watch par téléphone avecun membre du personnel de l’ONU, 19 mai 2017.

[219] Loi Organique N° 15.003, portant création, organisation et fonctionnement de la cour pénale spéciale, art. 56, en possession de Human Rights Watch. Constitution de la République centrafricaine art. 67. en possession de Human Rights Watch ; Code pénal de la République centrafricaine Article 162, en possession de Human Rights Watch. Voir également Amnesty International, The Long Wait for Justice, Accountability in the Central African Republic, 11 janvier 2017, https://www.amnesty.org/en/documents/afr19/5425/2017/en/, p. 41 ; Labunda, Patryk, The Special Criminal Court in the Central Africa Republic: Failure or Vindication of Complementarity, Journal for International Justice, 2017, 15 (1), pp. 195-199.

[220] Entretien de Human Rights Watch avec un ancien membre du Conseil national de transition, Bangui, 14 juin 2016.

[221] Entretien de Human Rights Watch avec un expert juridique international, Bangui, 13 juin 2016. Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de l’ONU, Bangui, 13 juin 2016.

[222] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du gouvernement de transition, Bangui, 13 juin 2016

[223] Human Rights Watch, La justice en procès Enseignements tirés de l’affaire des viols de Minova en République démocratique du Congo,1er octobre 2015, https://www.hrw.org/fr/report/2015/10/01/la-justice-en-proces/enseignements-tires-de-laffaire-des-viols-de-minova-en, p. 29.

[224] Entretien de Human Rights Watch avec un avocat centrafricain, Bangui, 14 juin 2016.

[225] Entretien de Human Rights Watch par téléphone avec un membre du personnel de l’ONU, 19 mai 2017.

[226] Amnesty International, The Long Wait for Justice, Accountability in the Central African Republic, p. 7.

[227] Entretien de Human Rights Watch avec un avocat centrafricain, Bangui, 14 juin 2016.

[228] Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la Résolution 2301 en juillet 2016. Conseil de sécurité des Nations Unies, Résolution 2301 (2016), SC/12462, section 34 (d) paras. vi, vii, et viii.

[229] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de l’ONU, New York, 15 juin 2017.

[230] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de l’ONU, Bangui, 13 juin 2016. Correspondance de Human Rights Watch par email avec un consultant, 9 août 2016. Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de l’ONU, Bangui, 3 avril 2017. Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de l’ONU, New York, 9 mai 2017.

[231] Le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la Résolution 2301 en juillet 2016. Conseil de sécurité des Nations Unies, Résolution 2301 (2016), SC/12462, section 34 (d) para. vii.

[232] Loi Organique N° 15.003, portant création, organisation et fonctionnement de la cour pénale spéciale, art. 53, en possession de Human Rights Watch.

[233] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de l’ONU, Bangui, 4 avril 2017.

[234] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel de l’ONU, Bangui, 13 juin 2016. Entretien de Human Rights Watch par téléphone avec un membre du personnel de l’ONU, Bangui, 22 mai 2017,

[235] Discussion de Human Rights Watch par téléphone avec un diplomate, 5 juin 2017. Voir également « Justice and Corrections Update », Justice and Corrections Service, Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, mai 2017,http://www.un.org/en/peacekeeping/publications/Justice-and-Corrections_Update-May2017.pdf.

[236] Dans certains cas, les victimes et les témoins interrogés par Human Rights Watch ont trouvé difficile de distinguer entre les combattants peuls et ceux de la Séléka. Dans les cas indiqués ici, certaines victimes et témoins ont déclaré avoir vu des combattants de la Séléka en uniforme. Les cas où les villages ont été attaqués seulement par des combattants peuls ont été omis.

[237] Dans certains cas, les victimes et es témoins ont pu confirmer à Human Rights Watch que des maisons dans les villages avaient été incendiées par des combattants Séléka et peuls. Cependant, malgré les tentatives, Human Rights Watch n'a pas été en mesure d'indiquer un certain nombre de maisons qui ont été détruites. Dans de tels cas, les maisons sont indiquées come « brûlées » et n’entrent pas dans le décompte final.

[238]Le 12 octobre 2016, une attaque contre Kaga-Bandoro a été menée par des combattants de la Séléka du FPRC et du MPC.