la Cour militaire opérationnelle

La justice en procès

Enseignements tirés de l’affaire des viols de Minova en République démocratique du Congo

Une femme —voilée pour protéger son identité du public— témoigne sur le viol qu’elle a subi devant la Cour militaire opérationnelle pendant le procès Minova. Les militaires inculpés sont assis derrière elle. Les victimes sont souvent réticentes à l’idée de prendre part à des procédures judiciaires, compte tenu de la stigmatisation associée au viol en RD Congo et du risque de représailles.  © 2014 Diana Zeyneb Alhindawi

Abréviations utilisées

ABA

Association du barreau américain

ASF

Avocats sans Frontières

BCNUDH

Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme

BdP

Bureau du Procureur (de la Cour pénale internationale)

CAP

Cellules d’appui aux poursuites des Nations Unies

CMO

Cour militaire opérationnelle

CNDP

Congrès National pour la Défense du Peuple

CPI

Cour pénale internationale

FARDC

Forces Armées de la République Démocratique du Congo

FDLR

Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda

M23

Mouvement du 23 mars

MONUSCO

Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en RD Congo

ONG

Organisation non gouvernementale

PNUD

Programme des Nations Unies pour le développement

RD Congo

République démocratique du Congo

TPIR

Tribunal pénal international pour le Rwanda

TPIY

Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

Résumé

« Lorsque la cour est arrivée à Minova, j’étais un peu contente. Je me suis dit : « enfin, voici quelqu’un qui va nous écouter et entendre les choses horribles qui nous sont arrivées »…Mais le jugement [rendu], c’est un mensonge. On nous a fait du mal. Où sont les coupables ? Je vais continuer et je suis prête à aller n’importe où pour que la justice soit faite ».
—Une victime de viol ayant participé au procès Minova, Minova, mai 2014

En novembre 2012, les soldats de l’armée congolaise ont battu en retraite face à l’avancée du groupe rebelle M23 qui avait pris la ville stratégique de Goma, située dans l’est de la République démocratique du Congo. Ils se sont redéployés à Minova, un village situé sur les berges du lac Kivu. Sur la route qui les a menés à Minova, dans le village et les communes voisines, les soldats se sont lancés dans une folie destructrice qui a duré 10 jours, pillant les maisons, détruisant les commerces et les abris dans des camps de personnes déplacées, et violant au moins 76 femmes et filles.

Les actes de violence perpétrés entre le 20 novembre et le 30 novembre ont provoqué l’indignation en RD Congo et au-delà de ses frontières. Les autorités congolaises, qui avaient annoncé une politique de « tolérance zéro » à l’égard des crimes graves, notamment les violences sexuelles, ont subi de fortes pressions internationales pour que les auteurs de ces crimes soient poursuivis.

Une année plus tard, en décembre 2013, 14 officiers et 25 soldats de rang de l’armée congolaise ont été jugés à Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, pour répondre de plusieurs accusations, notamment de viol et de pillage en tant que crimes de guerre, de viol en tant que crime de droit commun et de diverses infractions militaires. Au cours d’environ 40 jours d’audience étalés sur plus de cinq mois, près de 75 personnes sur les 1 016 parties civiles enregistrées ont témoigné, en plus des accusés et d’autres témoins. La cour a tenu 10 jours d’audience à Minova, rapprochant ainsi la justice des personnes affectées par les crimes.

Des organisations non gouvernementales nationales et internationales ont vu le procès Minova comme une mise à l’épreuve du système judiciaire congolais et de sa capacité à demander des comptes aux auteurs de violations graves des droits humains. Beaucoup espéraient qu’il serait la démonstration d’un engagement réel des autorités congolaises, y compris militaires, en faveur de la justice pour les graves crimes internationaux.

Le verdict, rendu par un tribunal militaire local de Goma le 5 mai 2014, a anéanti ces espoirs. Sur les 39 accusés, seuls deux soldats de rang inférieur ont été reconnus coupables d’avoir commis un viol chacun. Les commandants de haut niveau, qui assumaient la responsabilité des troupes à Minova dans leur ensemble, n’ont jamais été mis en cause ; les officiers de grade inférieur qui avaient été inculpés ont tous été acquittés. Un certain nombre de soldats ont été reconnus coupables de pillage en tant que crime de guerre, même si les preuves à leur encontre étaient clairement insuffisantes.

Le présent rapport s’appuie sur plus de 65 entretiens et donne un aperçu inédit du fonctionnement du système judiciaire militaire congolais dans l’affaire Minova. Il analyse en détail l’enquête et le procès, en étudiant leurs points positifs et négatifs.

Une justice équitable et impartiale ne signifie pas obtenir des condamnations à tout prix. Il est important que le tribunal militaire ait acquitté les personnes à l’encontre desquelles il trouvait les preuves de culpabilité insuffisantes. Toutefois, l’enquête et le procès n’ont pas réussi à déterminer précisément ce qui s’était passé à Minova, à identifier les responsables des crimes, ni à rendre justice aux victimes.

En s’appuyant sur l’exemple du procès Minova, le rapport examine quelles réformes du système judiciaire national sont nécessaires pour renforcer la lutte contre l’impunité entourant les crimes internationaux commis en RD Congo. Ces réformes touchent notamment au renforcement du cadre législatif, au développement de l’expertise du système judiciaire en matière de gestion des crimes graves (entre autres par la création d’une unité d’enquête spécialisée), et au renforcement de l’indépendance des systèmes judiciaires militaire et civil. La proposition du gouvernement de mettre en place un mécanisme judiciaire internationalisé au sein des tribunaux nationaux reste d’une importance déterminante.

Le gouvernement congolais a l’obligation en droit international de veiller à ce que les auteurs de violences sexuelles et d’autres graves crimes internationaux tels que l’homicide, le pillage, la torture, et l’utilisation d’enfants soldats fassent l’objet d’enquêtes et de procès équitables et crédibles.

Au cours des dix dernières années, des progrès ont été réalisés en RD Congo, avec environ 30 affaires concernant des crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ayant fait l’objet d’un procès devant des tribunaux militaires locaux. Cependant, la vaste majorité des atrocités commises en RD Congo par des membres de groupes armés et les forces armées nationales pendant le conflit ces deux dernières décennies restent impunies.

***

Le procès Minova a comporté des aspects positifs, qui reflètent les progrès accomplis et l’expérience acquise en RD Congo au cours des dix dernières années en matière de justice pour les graves crimes internationaux.

Par exemple, le gouvernement a affirmé son engagement en faveur de la justice et a mis des fonds à disposition pour le procès, au cours duquel toutes les parties ont joui d’une représentation légale. Les juges militaires ont mené les audiences habilement. Les problématiques telles que la protection des victimes et des témoins ou l’organisation de leur participation au procès ont été abordées de manière efficace. Les juges et les auditeurs (procureurs) militaires ont directement mis en application les dispositions du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), notamment en ce qui concerne le principe juridique de la responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs et les mesures de protection, qui ne sont pas prévus par le droit congolais. La pression diplomatique a contribué à garantir que l’affaire aille jusqu’au procès : les Nations Unies, par exemple, qui avaient apporté leur soutien aux troupes congolaises lors d’opérations militaires, ont menacé de mettre un terme à l’assistance militaire si les auteurs des crimes n’étaient pas arrêtés et poursuivis en justice.

L’affaire Minova s’est déroulée dans un contexte particulier et difficile. Au moment des crimes, de multiples régiments de l’armée et des milliers de soldats se trouvaient à Minova, rendant ainsi compliquée l’identification de chaque auteur de crime. Certains commandants ont été remplacés juste avant la retraite vers Minova, et certains soldats étaient en débandade, en dehors de leurs unités régulières. Aucun élément de preuve présenté au procès n’est venu suggérer que les soldats avaient reçu l’ordre de violer et de piller, ou qu’ils y avaient été encouragés. Cependant, les commandants ne sont pas parvenus à contrôler leurs troupes, n’ont pas empêché que les crimes ne soient perpétrés, n’y ont pas mis un terme et ne les ont pas sanctionnés. En outre, le calendrier de l’enquête et du procès a été complexe sur le plan politique : le conflit avec le M23 n’était pas terminé alors que l’enquête était encore en cours, et beaucoup pensaient que le procès allait entamer le moral des troupes. En décembre 2013, lorsque l’affaire a été portée en hâte devant un tribunal, en grande partie suite à des pressions internationales, les commandants de haut niveau présents à Minova en 2012 étaient fêtés comme des héros nationaux pour avoir vaincu le M23 responsable d’abus.

Néanmoins, Human Rights Watch a identifié trois types de problèmes majeurs dans cette affaire :

  • Plusieurs auditorats ont participé à l’enquête et aux poursuites relatives à l’affaire, ce qui a créé de la confusion. Aucun plan d’enquête ni stratégie n’ont été définis pour aborder une scène de crimes de masse d’une telle ampleur. Un niveau d’expertise trop faible et un manque de diligence ont contribué à la mauvaise qualité de l’enquête et à la faiblesse du dossier ;
  • Les droits des accusés à bénéficier d’un procès équitable et impartial ont été compromis. En particulier, des soldats de rang ont été pénalisés par une représentation légale de qualité insuffisante et ont été reconnus coupables de pillage en tant que crime de guerre puis condamnés à des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 20 ans, en dépit de l’absence de preuves claires. Le droit militaire de la RD Congo ne prévoit pas la possibilité de faire appel d’une décision rendue par le tribunal militaire devant lequel le procès Minova s’est tenu ; et
  • La sélection des accusés par les auditeurs a suscité des questions quant à la volonté politique des forces armées de permettre que tous les responsables des nombreux crimes commis à Minova soient poursuivis. Certains des officiers mis en cause semblent avoir servi de boucs émissaires à la place d’autres officiers qui assumaient véritablement un rôle de commandement. Il semble qu’il y ait eu un manque de volonté d’enquêter sérieusement sur la responsabilité de certains suspects, au-delà des officiers de terrain, notamment en ce qui concerne les officiers de haut rang qui se trouvaient à Minova et qui avaient peut-être une responsabilité de commandement sur les troupes.

Ces trois lacunes illustrent certains des problèmes fondamentaux qui font obstacle à la justice dans les affaires de crimes graves en RD Congo. Ces difficultés n’ont toujours pas été résolues malgré des années d’assistance internationale et de formation des responsables judiciaires militaires visant, d’une part, à renforcer les capacités du système judiciaire national pour gérer les cas de graves crimes internationaux et, d’autre part, à renforcer la complémentarité entre les tribunaux nationaux et la CPI.

Human Rights Watch appelle le gouvernement et le parlement congolais à donner suite à la proposition d’établir un mécanisme judiciaire internationalisé temporaire, employant du personnel judiciaire national et international, au sein du système judiciaire national afin d’enquêter sur les graves crimes internationaux. Même si deux projets de loi ont rencontré une certaine résistance politique, ce mécanisme internationalisé reste essentiel pour renforcer l’expertise et pour isoler les poursuites de toute ingérence.

Tous les États ont l’obligation légale de rendre la justice aux personnes qui ont été victimes de graves crimes. En outre, le fait d’organiser des procès crédibles, équitables et impartiaux dans des affaires de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité peut être important afin de promouvoir la paix et la stabilité sur le long terme, parce que cela montre que de telles atrocités ne seront pas tolérées.

Les procès nationaux comme celui tenu pour les crimes de Minova vont à l’opposé : ils découragent les victimes et confirment l’impression que la justice est arbitraire et que les commandants de haut niveau sont protégés quoi qu’il arrive.

Les autorités congolaises et leurs partenaires internationaux devraient sans délai s’employer à surmonter les obstacles qui entravent encore la justice en RD Congo.

Recommandations

Au gouvernement congolais

Solliciter l’ouverture de nouvelles enquêtes relatives aux crimes de Minova

  • Demander à l’auditorat militaire de mener de nouvelles enquêtes sur de possibles crimes commis à Minova et dans les villages voisins qui n’ont pas déjà fait l’objet de poursuites, conformément au principe « ne bis in idem » (selon lequel nul ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits), dans le but de faire répondre de leurs actes les personnes ayant la plus grande responsabilité dans les crimes.

Renforcer la justice au travers d’un mécanisme judiciaire internationalisé

  • Œuvrer à la révision et à l’adoption d’une loi établissant un mécanisme judiciaire internationalisé au sein des tribunaux nationaux afin d’enquêter sur les graves crimes internationaux.

Améliorer la qualité des enquêtes et des poursuites nationales

  • Élaborer une politique pénale nationale en matière de poursuites pour les graves crimes internationaux qui mette en lumière les objectifs et les besoins prioritaires, qui définisse en détail la contribution du gouvernement aux efforts déployés en matière de justice et qui serve de fondement aux consultations avec les bailleurs de fonds internationaux ;
  • Créer une unité d’enquête spécialisée composée d’enquêteurs militaires et d’auditeurs ayant suivi une formation spécialisée en matière d’enquêtes et de poursuites relatives aux graves crimes internationaux, notamment les crimes fondés sur le genre et la violence sexuelle, laquelle devra être déployée dans les provinces où ces crimes font le plus souvent l’objet de poursuites ; et
  • Œuvrer à l’adoption d’une loi de mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale dans la législation congolaise afin d’améliorer le cadre législatif national encadrant les poursuites de graves crimes internationaux.

Renforcer l’indépendance des procureurs, auditeurs et juges au sein du système judiciaire

  • Participer à l’instauration d’un climat favorable à la lutte contre l’impunité en réaffirmant, publiquement et bilatéralement, le soutien du gouvernement à des enquêtes indépendantes et impartiales relatives aux graves crimes internationaux, quelle que soit l’identité des suspects ;
  • Mener des enquêtes et imposer des sanctions à l’encontre des officiels politiques et militaires qui essaient d’interférer dans le travail des juges, des procureurs et des auditeurs chargés des graves crimes internationaux ;
  • Prendre des mesures pour lutter contre la corruption parmi les fonctionnaires de la justice militaire et civile, notamment en garantissant des salaires adéquats et en punissant les actes de corruption ; et
  • Étant donné les inquiétudes soulevées par les procès relatifs aux graves crimes internationaux tenus devant le système judiciaire militaire, transférer les compétences en matière de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide aux tribunaux civils, quel que soit l’auteur de ces crimes, tout en maintenant une participation du personnel judiciaire militaire.

Promouvoir le droit à un procès équitable pour les accusés

  • Élaborer et œuvrer à l’adoption d’une loi précisant que les accusés indigents ont le droit à une assistance légale prise en charge par l’État. Veiller à ce que les avocats désignés soient exemptés des frais de copie des dossiers judiciaires ;
  • Renforcer l’assistance légale dont bénéficient les accusés dans les affaires de graves crimes internationaux devant les tribunaux congolais, en veillant à ce que les suspects puissent être assistés d’un avocat dès les premières étapes de l’enquête, y compris lors de tous leurs interrogatoires. Travailler avec les partenaires internationaux pour veiller à ce que les avocats reçoivent la formation et l’assistance nécessaires pour leur permettre de représenter de manière compétente les personnes accusées de graves crimes internationaux ; et
  • Veiller à ce que, conformément à la Constitution congolaise, chacun puisse invoquer le droit de faire appel, devant tous les tribunaux de la RD Congo. À cet effet, soumettre à nouveau au parlement le projet de loi prévoyant l’instauration du droit d’appel devant les cours militaires opérationnelles, et instaurer la possibilité de faire appel pour ceux qui jouissent de privilèges de juridiction.

Améliorer la protection et les droits des victimes

  • Rédiger et œuvrer à l’adoption d’une loi sur la protection des victimes et des témoins qui présente en détail les mesures disponibles à l’intérieur et à l’extérieur de la salle d’audience, et qui soit conforme aux droits des accusés à un procès équitable. Veiller à ce que les associations de femmes soient consultées et invitées à participer à la rédaction de cette loi de manière à ce que leurs besoins de protection spécifiques soient pris en compte ;
  • Travailler avec la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUSCO) et d’autres partenaires internationaux afin de mettre en place un programme de protection national indépendant au profit des victimes et des témoins de graves crimes internationaux ; et
  • S’acquitter sans délai des réparations prononcées à l’encontre de l’État par des tribunaux dans les affaires de graves crimes internationaux et de violences sexuelles. Initier des consultations afin d’élaborer un programme de réparations efficace et durable pour les graves crimes internationaux.

Au Représentant personnel du Chef de l’Etat congolais en charge de la lutte contre les violences sexuelles et le recrutement d’enfants

  • Collaborer avec le ministre de la Justice dans la conception d’un plan d’action visant à renforcer les capacités du système judiciaire national en matière de gestion des affaires complexes comportant des éléments de violence sexuelle, notamment en veillant à ce que les enquêteurs reçoivent une formation adéquate pour la conduite d’enquêtes relatives à des crimes internationaux et à des actes de violence sexuelle, et en créant un groupe d’enquêtrices, de magistrates et de procureures formées et spécialisées dans les enquêtes et les poursuites en matière de graves crimes internationaux ;
  • Veiller à ce qu’une stratégie des poursuites applicable à la lutte contre l’impunité inclue des incidents spécifiques de violences sexuelles de masse ; et
  • En collaboration avec le ministère de la Justice, participer à l’organisation de consultations de grande échelle sur la question des réparations au profit des victimes de grave crimes internationaux, en veillant à ce que les victimes en particulier, mais aussi les spécialistes de cette question et les associations de victimes, puissent apporter leur contribution.

Au ministre de la Défense congolais

  • Enquêter sur les tentatives d’ingérence par le commandement militaire dans les enquêtes et les procès pour graves crimes internationaux, et les sanctionner.

Au parlement congolais

  • Adopter la loi de mise en œuvre du Statut de Rome de la CPI dans la législation congolaise ;
  • Lorsqu’un nouveau projet de loi à cet effet est à nouveau proposé par le gouvernement, voter en faveur de la création d’un mécanisme judiciaire internationalisé au sein du système judiciaire national ; et
  • Adopter une loi sur la protection des victimes et des témoins qui détaille les mesures disponibles dans la salle d’audience et en dehors et qui créée un programme de protection indépendant.

À l’auditorat général et à la Haute Cour militaire

Soutenir la proposition du gouvernement de créer un mécanisme judiciaire internationalisé pour la poursuite des graves crimes internationaux ;

Soutenir la création d’une unité d’enquête spécialisée sur les graves crimes internationaux ;

  • S’abstenir d’intervenir dans les affaires gérées par les auditeurs supérieurs devant les cours militaires de première instance, sauf lorsque cela est strictement et juridiquement nécessaire ; et
  • Demander la coopération de la CPI dans les affaires nationales pertinentes, en invoquant l’article 93(1) du Statut de Rome.

Aux auditorats supérieurs du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, et des autres provinces où de graves crimes internationaux sont commis

  • Définir clairement un plan d’enquête et une stratégie des poursuites au moment d’ouvrir une affaire complexe comportant des crimes graves, et définir des critères permettant de mesurer les progrès dans le montage du dossier ;
  • Renforcer la collaboration avec les experts des Cellules d’appui aux poursuites des Nations Unies en les faisant participer dès l’ouverture des enquêtes dans une affaire donnée, quand des plans d’enquête et de poursuites sont élaborés ; et
  • Dénoncer les tentatives d’ingérence de la part des autorités politiques ou de la hiérarchie militaire dans les affaires de graves crimes internationaux.

Aux Nations Unies et aux bailleurs de fonds et partenaires intergouvernementaux et gouvernementaux,parmi lesquels la MONUSCO, le Programme des Nations Unies pour le Développement, l’Union européenne, l’Afrique du Sud, la Belgique, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Suède

  • Demander que de nouvelles enquêtes soient menées sur les crimes commis à Minova qui n’ont pas déjà fait l’objet de poursuites, conformément au principe « ne bis in idem » (selon lequel nul ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits), et soutenir les mesures nationales prises à cet effet ;
  • Soutenir la proposition du gouvernement de créer un mécanisme judiciaire internationalisé au sein du système judiciaire national afin de renforcer ses capacités et son indépendance dans les poursuites judiciaires liées à de graves crimes internationaux ;
  • Multiplier les déclarations publiques et privées concernant l’importance de rendre la justice pour les graves crimes internationaux ; avoir recours à l’influence diplomatique pour exiger que les enquêtes relatives à de graves crimes internationaux progressent, et appeler le gouvernement congolais à veiller au respect de l’indépendance des procureurs, des auditeurs et des juges ;
  • Demander à ce que les réformes législatives nécessaires soient mises en œuvre de toute urgence, notamment l’adoption de la loi de mise en œuvre du Statut de la CPI ;
  • Continuer l’emploi de mécanismes de coordination à Bukavu et à Goma pour coordonner l’appui financier et logistique aux affaires concernant de graves crimes internationaux ; veiller à ce que ces mécanismes continuent d’être utilisés pour inciter à ce que de réels progrès soient réalisés dans les enquêtes ouvertes sur des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ;
  • Améliorer la coordination des projets visant à renforcer les poursuites judiciaires nationales pour de graves crimes internationaux dès la phase de conceptualisation ; mettre en place un groupe de travail sur la complémentarité à Kinshasa et encourager le gouvernement à élaborer une politique nationale de lutte contre l’impunité des graves crimes internationaux ;
  • En se fondant sur les évaluations indépendantes portant sur l’efficacité et l’impact des Cellules d’appui aux poursuites des Nations Unies, définir les ajustements nécessaires et les financer, notamment le recrutement de personnes jouissant d’une expertise et d’une expérience prouvées en matière d’enquêtes et de poursuites judiciaires relatives à de graves crimes internationaux, d’experts de la question du genre, et d’experts ayant reçu une formation spécialisée sur les crimes fondés sur le genre et sur les violences sexuelles ; et
  • Soutenir le renforcement spécialisé des capacités des enquêteurs et des auditeurs en matière de techniques d’enquêtes et de poursuites propres aux graves crimes internationaux, y compris pour les enquêtes relatives à la violence sexuelle, les crimes fondés sur le genre et les crimes à l’encontre des femmes.

À la MONUSCO

  • Continuer d’apporter un soutien essentiel aux enquêtes nationales relatives aux graves crimes internationaux commis en RD Congo, y compris au travers des rapports publics et des enquêtes indépendantes du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme (BCNUDH) ; du déploiement d’équipes d’enquête conjointes ; des Cellules d’appui aux poursuites des Nations Unies ; de l’assistance en matière de logistique, de sécurité et de protection apportée aux acteurs judiciaires nationaux ; de l’arrestation des suspects et des pressions incitant à la progression des enquêtes ouvertes, y compris par le recours à la conditionnalité, en application de la politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme des Nations Unies ; et
  • Renforcer la coordination et la complémentarité du BCNUDH et les Cellules d’appui aux poursuites en matière d’assistance au système judiciaire national dans le cadre des enquêtes et des poursuites judiciaires relatives aux graves crimes internationaux de manière à éviter les doublons et à tirer le meilleur parti des atouts de chacun.

À la Section Etat de Droit et aux Cellules d’appui aux poursuites de la MONUSCO

  • Veiller à ce que des experts internationaux bénéficiant d’une expérience pertinente en matière de crimes de guerre, de question du genre, de crimes fondés sur le genre et de crimes commis contre les femmes, soient recrutés au sein des Cellules d’appui aux poursuites, notamment en augmentant le nombre de postes d’experts indépendants et non de représentants secondés par des gouvernements, et en encourageant les institutions internationales, telles que la CPI, d’autres tribunaux internationaux et les Commissions d’enquête du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme à permettre à leur personnel d’intégrer les Cellules d’appui aux poursuites en bénéficiant d’un congé de durée limitée et remboursable ;
  • Mettre en œuvre une approche plus proactive du mandat des Cellules d’appui aux poursuites des Nations Unies, notamment en cherchant à être impliqués dans des affaires spécifiques faisant l’objet d’une enquête, et ce dès le début de la procédure ;
  • Surveiller les cas d’obstruction par les autorités politiques et militaires et les cas d’ingérence dans les affaires de graves crimes internationaux ; inciter fortement le personnel judiciaire à utiliser les mécanismes administratifs et judiciaires nationaux pour signaler ces ingérences, et les communiquer à la hiérarchie au sein de la MONUSCO, de manière à ce qu’elle puisse en informer les autorités de Kinshasa ; et
  • Élaborer un rapport annuel public sur les activités entreprises, en donnant des détails sur les affaires spécifiques traitées et sur le type de conseils techniques, de formations et d’appui logistique fournis.

À la Cour pénale internationale

  • Poursuivre les enquêtes en RD Congo, en s’intéressant plus particulièrement aux affaires qui ne peuvent pas faire l’objet d’enquêtes et de poursuites équitables et crédibles devant les tribunaux nationaux ;
  • Si un mécanisme judiciaire internationalisé est créé, examiner la question de la répartition des tâches, du partage des informations et de l’expertise, et de la coopération entre les deux juridictions ; et
  • Adopter une stratégie applicable à l’ensemble de la Cour sur la complémentarité positive et une stratégie propre à la RD Congo qui mette en lumière les mesures que le Greffe et le Bureau du Procureur peuvent prendre afin d’encourager les poursuites nationales des graves crimes internationaux.

Méthodologie

Le présent rapport s’appuie sur 68 entretiens conduits par Human Rights Watch entre mai 2014 et juin 2015. Peu après le verdict du procès Minova, le 5 mai 2014, Human Rights Watch a mené des recherches à Goma, à Bukavu et à Minova en République démocratique du Congo. Human Rights Watch s’est entretenu avec 28 personnes lors de cette mission, parmi lesquelles des fonctionnaires judiciaires congolais, des avocats de la défense et des victimes et d’autres professionnels du droit, des représentants d’ONG congolaises et internationales, des diplomates, des fonctionnaires des Nations Unies et des victimes d’abus des droits humains qui ont participé au procès Minova ou qui l’ont suivi de près.

Entre juillet 2014 et juin 2015, Human Rights Watch a mené des entretiens personnels supplémentaires à Kinshasa, la capitale de la RD Congo, ou s’est entretenu par téléphone et par courrier électronique avec des fonctionnaires des Nations Unies, de la CPI, de la justice militaire et du gouvernement congolais, ainsi qu’avec des experts congolais et internationaux du système judiciaire en RD Congo. Les réactions des fonctionnaires congolais face à nos conclusions ont été intégrées dans ce rapport. La plupart des entretiens ont été conduits en personne et en français ou en anglais. Les entretiens avec les victimes ont été menés en privé et en swahili, avec l’aide d’un interprète. Aucune compensation n’a été accordée aux personnes en échange de leur témoignage.

Human Rights Watch a travaillé avec un activiste des droits humains congolais, qui a suivi toutes les sessions du procès Minova. Nous avons également obtenu et analysé des copies de plusieurs documents publics de la Cour en lien avec l’affaire, parmi lesquels les actes d’accusation, les comptes-rendus officiels d’audience rédigés à la main, les plaidoiries, et le jugement.

Beaucoup des personnes rencontrées n’ont pas souhaité voir leur nom divulgué en raison du caractère sensible de certaines des questions évoquées dans le présent rapport. Afin de respecter leur anonymat, nous avons utilisé des descriptions générales de leur emploi.

I. Contexte

Depuis le début des années 90, l’est de la République démocratique du Congo est déchiré par des conflits armés régionaux et locaux. Des mouvements rebelles sont apparus de manière répétée, bénéficiant souvent du soutien des pays voisins. Aujourd’hui, des dizaines de groupes armés sont encore en activité en RD Congo. Ces groupes armés et les forces armées régulières congolaises qui les combattent se sont attaqués à la population civile, commettant de graves violations du droit international relatif aux droits humains et du droit international humanitaire. Parmi ces violations on peut citer le meurtre ethnique, le pillage, le viol de masse et d’autres formes de violence sexuelle, l’incendie et la destruction de domiciles, et le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats.[1]

Pendant longtemps, le gouvernement congolais a mis en œuvre une politique d’intégration dans l’armée régulière des dirigeants rebelles auteurs d’infractions, au lieu de les poursuivre en justice pour graves violations des droits humains.[2] Cette approche a favorisé l’émergence de nouveaux groupes rebelles et la commission de nouveaux abus et violences.

La Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête en RD Congo en 2004, et a traité un petit nombre d’affaires en lien avec les crimes internationaux commis en RD Congo. Ces dernières années, les autorités congolaises, avec le soutien de partenaires internationaux, ont pris des mesures considérables à l’échelle nationale pour amener en justice ceux qui commettent ces crimes graves. Le procès Minova est l’une des affaires entendues devant les tribunaux militaires nationaux de la RD Congo.

Minova et villages environnants, novembre 2012

En avril 2012, un conflit armé a éclaté dans la province du Nord-Kivu, au nord de la RD Congo, entre l’armée congolaise et un nouveau groupe rebelle, le M23.[3] Le M23 a été formé en avril 2012 suite à une mutinerie d’anciens membres d’un groupe rebelle précédent, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). La plupart des combattants de ce groupe avaient été intégrés dans les forces armées congolaises en 2009.

Le M23, qui a bénéficié d’un important soutien de la part de hauts fonctionnaires militaires rwandais, avait pris le contrôle de la majeure partie des territoires de Rutshuru et Nyiragongo, dans le Nord-Kivu, en juillet 2012.[4] Le 20 novembre 2012, le M23 s’est emparé de la ville de Goma, située à l’est du pays.[5]

La chute de Goma aux mains d’un groupe rebelle a été un évènement traumatisant pour la population et l’armée congolaises, rappelant l’occupation par le Rwanda et l’Ouganda de certaines parties de l’est de la RD Congo dans les années 90. La chute de Goma a eu de profondes répercussions sur le moral des troupes. Après l’occupation de Goma par le M23, plusieurs régiments de l’armée congolaise ont reçu l’ordre de battre en retraite vers Minova, une ville située à 50 kilomètres de là, pour se réorganiser et préparer les étapes suivantes.

Sur leur trajet, à Minova et dans les villages environnants, les soldats ont pillé les habitations et ont violé en masse des femmes et des filles. Human Rights Watch a documenté au moins 76 cas de viols de femmes ou de filles par des soldats entre le 20 novembre et le 30 novembre à Minova et dans les villages périphériques de Bwisha, Buganga, Mubimbi, Kishinji, Katolo, Ruchunda, et Kalungu.[6] Dans un rapport faisant état des graves crimes internationaux commis par l’armée congolaise et les combattants du M23 à Goma, à Sake et à Minova fin 2012, le Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme (BCNUDH) a documenté 135 cas de violences sexuelles commises par des soldats sur la même période de dix jours, à l’encontre de 97 femmes et 33 filles âgées de 6 à 17 ans, ainsi que cinq tentatives de viol.[7] La plupart des crimes auraient eu lieu entre le 22 et le 23 novembre.

Il est possible que le nombre de femmes et de filles violées soit plus important, les victimes ne s’étant pas manifestées en raison de la stigmatisation et de la honte associées au viol en RD Congo. Plusieurs femmes ont décrit à Human Rights Watch un mode d’attaque similaire : des soldats portant l’uniforme officiel de l’armée ont employé la force pour entrer chez elles la nuit, ont pointé une arme vers elles et ont exigé de l’argent. Ils menaçaient ensuite de les tuer si elles refusaient d’avoir des relations sexuelles avec eux ou si elles appelaient à l’aide. Certaines femmes ont été violées par plusieurs assaillants devant leurs maris et leurs enfants. D’autres ont été violées alors qu’elles fuyaient la progression du M23.

Une mère de quatre enfants, âgée de 30 ans et habitant un village voisin de Minova, a déclaré à Human Rights Watch que, le 22 novembre, elle était en train de préparer le dîner lorsqu’elle a entendu des coups de feu. Quatre soldats en uniforme sont entrés chez elle et ont saccagé son domicile. Ils ont lié les poignets et les chevilles de son mari et l’ont attaché à la porte. Ils l’ont ensuite frappé avec la crosse de leurs armes :

Ils ont dit : « Donne ton argent. Donne tout ce que tu as ». Ensuite, ils m’ont tous violée. Ils ont dit que si je résistais, ils me tueraient. La chambre n’avait pas de porte, alors [les enfants] ont vu tout ce qui se passait. Depuis, mon mari m’a abandonnée. Il dit qu’il ne peut pas rester avec moi parce qu’il a vu comment ils m’ont violée.[8]

Human Rights Watch a également documenté au moins un meurtre commis à l’encontre d’un jeune garçon par un soldat. Le BCNUDH a documenté des pillages systématiques et de grande ampleur par des soldats à Minova et dans au moins huit villages environnants, ainsi que dans deux camps de personnes déplacées à Mubimbi la nuit du 22 au 23 novembre, et à Minova, la nuit du 23 au 24 novembre 2012.[9]

Plusieurs centaines de soldats étaient présents à Minova fin novembre 2012.[10] Les régiments qui ont combattu le M23 aux alentours de Goma à ce moment-là, et qui, plus tard, ont battu en retraite vers Minova, comprenaient les 802e, 804e, 806e, et 810e régiments et les 391e et 41e régiments commando de la 8e région militaire du Nord-Kivu.[11]

Les 1006e et 1008e régiments de la 10e région militaire du Sud-Kivu étaient aussi dans la région, même si leur date d’arrivée à Minova n’est pas claire. Des soldats appartenant à la Garde républicaine, qui assure la sécurité du Chef de l’Etat, à un bataillon d’état-major de la 8e région militaire, à la police militaire, ainsi que plusieurs officiers de haut rang, étaient également présents. Les soldats n’avaient pas été postés dans la région auparavant, et les attaques ont eu lieu la nuit, compliquant ainsi l’identification des auteurs de crimes par les victimes.

Des officiers de l’armée et des hauts fonctionnaires du gouvernement ont déclaré que les soldats étaient démoralisés et en colère après la défaite de Goma, et qu’ils se sont dirigés en débandade vers Minova et les villages environnants.[12] Restaurer l’ordre après une telle défaite et retraite était une tâche difficile. Néanmoins, le droit pénal international exigeait des commandants ayant des troupes sous leur responsabilité en novembre 2012 de prendre des mesures concrètes et ciblées afin d’éviter que des crimes ne soient perpétrés, de mettre un terme à ces crimes et d’en punir les auteurs.[13] Comme cela est décrit plus loin dans le présent rapport, le procès Minova n’a pas permis de découvrir exactement ce qui s’est passé à Minova, et a laissé un grand nombre de questions sans réponse.

L’enquête et le procès de Minova

La MONUSCO a publiquement dénoncé les graves violations peu après qu’elles aient eu lieu et a appelé à l’ouverture d’une enquête immédiate.[14] Dans les semaines qui ont suivi, les médias ont annoncé que neuf soldats avaient été arrêtés en lien avec les événements de Minova, deux pour viol et sept pour pillage, mais plusieurs d’entre eux ont été ensuite relâchés après qu’il ait été établi qu’ils n’avaient pas participé à ces crimes.[15]

La localisation géographique de Minova, à la frontière entre les provinces du Sud-Kivu et du Nord-Kivu, et de la 10e et 8e régions militaires, a compliqué l’enquête. De par l’emplacement de la ville et les soldats impliqués dans les crimes, les auditorats supérieurs du Sud-Kivu et du Nord-Kivu étaient tous deux compétents pour enquêter sur ces crimes.

L’enquête a tout d’abord été conduite par l’auditorat supérieur du Sud-Kivu, qui a mené trois courtes missions d’enquête à Minova à la fin du mois de décembre 2012 et au mois de février 2013, organisées grâce au soutien de partenaires internationaux. En raison notamment de pressions internationales croissantes sur les autorités congolaises à propos de l’affaire, l’auditorat général de Kinshasa a envoyé un auditeur général reprendre l’enquête. Il s’est rendu à Goma et à Minova en avril 2013 pour interroger des suspects et a interrogé les officiers de haut rang. Aucun autre acte d’enquête ne semble avoir été pris après cela.

L’auditeur de la Cour militaire opérationnelle (CMO) du Nord-Kivu a finalement transmis les décisions de renvoi le 5 novembre 2013 à l’encontre de 39 personnes : 14 officiers ainsi que 25 soldats de l’armée congolaise.[16] Tous les officiers, à l’exception d’un, ont été accusés de viol, de pillage et d’homicide en tant que crimes de guerre commis par des troupes placées sous leurs ordres.[17] Plusieurs accusations étaient portées à l’encontre des soldats, notamment celles de crimes de guerre par viol et pillage, de viol en tant que crime de droit commun et d’infractions militaires.[18] 1016 victimes se sont constituées parties civiles dans l’affaire.[19]

La Cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu, devant laquelle l’affaire a été entendue, a été établie en 2008 par décret présidentiel en application du code judiciaire militaire afin de poursuivre les membres des forces armées qui commettent des infractions au cours d’opérations militaires en temps de guerre. Les Nations Unies et les organisations de la société civile ont fortement contesté le recours à la Cour militaire opérationnelle pour le procès Minova, notamment parce qu’il n’est pas possible de faire appel de ses jugements et à cause de préoccupations selon lesquelles elle présentait un risque d’ingérence plus élevé de la part du commandement militaire qu’un tribunal militaire ordinaire.

Au cours du procès, 39 accusés, 15 témoins (parmi lesquels des docteurs, chefs de localités et représentants de la société civile) et 76 victimes – 50 victimes de viols et 26 victimes de pillage – ont témoigné.[20] Le 5 mai 2014, la Cour militaire opérationnelle a rendu son verdict :

  • Parmi les accusés, deux des soldats de rang initialement accusés de viol en tant que crime de droit commun ont été reconnus coupables, l’un de viol sur une fille en tant que crime de droit commun et l’autre de viol en tant que crime de guerre. Ils ont été condamnés respectivement à 20 ans d’emprisonnement et à la prison à vie ;
  • Tous les autres soldats ont été acquittés du chef d’accusation de viol en tant que crime de guerre, mais ont été reconnus coupables d’autres crimes, parmi lesquels le non-respect d’ordres militaires et le crime de guerre de pillage, et ont été condamnés à des peines allant de 3 à 10 ans de prison ;
  • Tous les officiers poursuivis au titre de leur responsabilité en tant que supérieurs ont été relaxés ; et
  • L’officier accusé d’avoir commis des crimes personnellement a été acquitté de l’accusation de viol mais reconnu coupable d’avoir volé une moto, et a été condamné à cinq ans de prison.[21]

Les victimes et les activistes de la société civile ont réagi au verdict en faisant part de leur grande déception.[22]

II. Enquêtes et poursuites

Notre analyse de l’affaire Minova a révélé que les enquêtes pré juridictionnelles ont été de mauvaise qualité, particulièrement en raison d’un manque d’expertise et de diligence de la part des enquêteurs et des auditeurs militaires congolais. Ceci en dépit de l’engagement des Cellules d’appui aux poursuites des Nations Unies, mandatées pour apporter une assistance aux enquêtes et aux poursuites nationales relatives aux graves crimes internationaux.

Human Rights Watch n’a pas pu examiner les preuves contenues dans le dossier de l’affaire Minova, qui est confidentiel et uniquement accessible par les parties, mais a pu s’entretenir avec des personnes proches du dossier et analyser les documents publics du procès. Les observations qui suivent se fondent sur ces éléments.

Les enquêtes relatives aux crimes de Minova ont été initiées tardivement et se sont déroulées dans un contexte difficile. Au moment de la retraite vers Minova, les représentants de la justice militaire habituellement basés à Goma avaient fui la ville, et n’ont donc pas accompagné les troupes. Cette situation a entraîné un retard dans les enquêtes.[23] Les combats contre le M23 se sont poursuivis pendant plusieurs mois après les incidents de Minova et la région est restée très militarisée ; ce qui rendait la situation des victimes et des témoins en matière de sécurité difficile.[24]

Au moins cinq auditorats et unités de police militaire différents ont participé à l’enquête et aux poursuites relatives à l’affaire Minova.[25] Cela semble avoir créé de la confusion dans les enquêtes et remis en cause la cohérence de la stratégie d’enquête et de poursuites.[26] Par exemple, l’auditeur supérieur qui a défendu l’affaire devant la Cour militaire opérationnelle, le colonel Jean Baseleba ben Mateto, n’a pas pris part aux enquêtes, ce qui a pu compliquer son rôle lors du procès.[27]

Le colonel Baseleba, auditeur supérieur de la Cour militaire opérationnelle, consulte ses notes prises pendant le procès Minova.  © 2014 Diana Zeyneb Alhindawi

Absence de plan d’enquête pour aborder des crimes de masse

Si certains enquêteurs et magistrats militaires, notamment de la province du Sud-Kivu, avaient précédemment travaillé sur des affaires relatives à de graves crimes internationaux, ce n’était pas le cas d’autres au Nord-Kivu.[28] Puisque Minova est située dans la province du Sud-Kivu, les fonctionnaires de la justice militaire à Bukavu ont commencé l’enquête. Ils se sont concentrés sur l’audition d’un grand nombre de victimes.[29] Les auditions ont été menées rapidement et ne couvraient qu’un petit nombre de questions récurrentes telles que : « Comment vous appelez-vous ? Que vous est-il arrivé ? Qui vous a attaqué ? Qu’avez-vous perdu ? Qu’attendez-vous de la justice ? »[30]

Les procès-verbaux des déclarations des victimes sont courts et ne mettent pas en avant d’autres informations qui auraient pu être utiles au dossier. Ils n’incluent par exemple aucun détail qui permettrait de confirmer la date des crimes, les troupes impliquées, les blessures infligées et le mode d’attaque.[31] Selon une fonctionnaire judiciaire interrogé par Human Rights Watch après le procès : « Les procès-verbaux des victimes étaient de brefs formulaires tous identiques ; personne n’a vérifié les allégations ».[32] Un avocat des victimes a déclaré : « C’était comme si la police militaire était pressée de faire les auditions vite, vite et de partir ».[33]

Il n’y a quasiment eu aucun effort pour analyser dans les détails et dans leur ensemble les preuves collectées. Très peu de confrontations ont été organisées entre victimes et témoins ou accusés dans le but d’éclaircir les témoignages contradictoires en amont du procès. Cette démarche aurait pu aider à établir les faits en cas de témoignages divergents.[34] Par ailleurs, les enquêteurs militaires n’ont pas fourni de carte de Minova et des villages environnants, ce qui aurait pu aider les juges à visualiser l’emplacement des différentes troupes et leurs déplacements.[35]

En avril 2013, le général Timothée Mukunto Kiyana, de l’auditorat général de Kinshasa, a repris l’enquête. Il ne semble pas qu’il ait tenu compte des témoignages recueillis par l’auditorat supérieur de Bukavu ou qu’il ait fondé son travail sur ceux-ci.[36] Le général Mukunto a rencontré les commandants des régiments identifiés dans le rapport du BCNUDH comme étant responsables des crimes commis dans la région de Minova, en particulier le 391e et le 41e régiments commando, et a exigé qu’ils lui donnent les noms des soldats impliqués dans les crimes.[37]

Les commandants de ces deux bataillons ont fourni une liste de soldats absents lors des appels et contre-appels réalisés pendant la période passée à Minova.[38] Les soldats listés absents, et leurs commandants de compagnie et de régiment ont finalement été inculpés et ont constitué la majorité des accusés qui ont été poursuivis en justice par la suite.[39] Pour la plupart des soldats listés, Human Rights Watch n’a pas reçu d’informations sur le fait que des actes d’enquête supplémentaires aient été posés afin de confirmer leur participation aux crimes de pillage et de viol. De plus, il n’est pas clair que les autres régiments présents à Minova ou dans les villages environnants, par exemple à Kalungu, aient fait l’objet d’une enquête fouillée.

L’auditeur supérieur, le colonel Baseleba, a essayé de présenter des renseignements ou d’appeler des témoins supplémentaires lors du procès, mais les juges lui ont rappelé à plusieurs reprises que le travail de vérification des informations devait être réalisé en amont du procès.[40] Après le procès, un des fonctionnaires judiciaires ayant pris part aux poursuites a fait le commentaire suivant :

Dans les matières relevant de crimes internationaux, il faut mieux former ceux qui conduisent les enquêtes pré juridictionnelles. S’ils mènent les enquêtes comme ils le feraient pour des crimes de droit commun, alors ils n’ont pas assez fouillé. Les fonctionnaires de la police judiciaire doivent être formés pour ne pas être complètement à côté de la plaque.[41]

Erreurs commises lors des poursuites

Plusieurs erreurs dans le dossier montrent par ailleurs un manque de préparation ou de diligence de la part des auditeurs.

Par exemple, cinq soldats ont été renvoyés devant la Cour militaire opérationnelle alors qu’aucun renseignement les concernant n’apparaissait dans le dossier.[42] Les juges ont tout d’abord ordonné qu’ils soient tous les cinq relâchés, puis il est apparu que l’accusation n’avait pas encore demandé le transfert de leurs dossiers en provenance du tribunal de garnison d’Uvira, dans le Sud Kivu, où les soldats étaient détenus.[43] Ces dossiers ont par la suite été inclus à celui de l’affaire Minova, étant donné que les accusations dont les suspects devaient répondre avaient un lien avec les événements de Minova.[44] Deux des cinq accusés concernés sont ceux qui ont été condamnés pour viol lors du procès Minova.[45]

Un autre exemple d’erreur concerne un commandant de compagnie, le capitaine Byamungu Rusemasema, qui a été inculpé par erreur puisque, contrairement aux allégations de l’accusation, il n’occupait pas le poste de commandant de compagnie au moment des crimes de Minova. L’accusation n’a pas essayé d’examiner à nouveau son rôle potentiel dans les crimes et la Cour militaire opérationnelle a fini par décider que son cas ne relevait pas de sa compétence.[46]

En outre, les décisions de renvoi à l’encontre des commandants qui s’appuient sur le principe de la « responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs » à l’égard des soldats accusés d’avoir commis les crimes personnellement, appliquent mal ce principe pour certains des crimes. Par exemple, tous les commandants accusés au titre du principe de responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs ont été accusés d’homicide en tant que crime de guerre. Pourtant, un seul meurtre a été allégué dans l’affaire Minova, celui d’un garçon de 14 ans qui a été abattu alors qu’il s’opposait à ce qu’un soldat vole la chèvre de la famille. L’auteur de ce crime, le caporal Alphonse Magbo, a été identifié et inculpé dans l’affaire Minova. Mais, puisqu’il était un soldat du 1008e régiment de la 10e région militaire, il n’était le subordonné d’aucun des commandants inculpés.[47]

Enfin, dans son réquisitoire, l’auditeur supérieur a demandé à ce que quatre accusés soient reconnus coupables de crimes dont ils n’avaient jamais été accusés, ce qui est venu accroître la confusion entourant l’affaire.[48]

Difficultés pour établir les cas de violence sexuelle

Les deux accusés reconnus coupables de viol dans l’affaire Minova sont des auteurs directs qui ont pu être identifiés par leurs victimes. L’un des soldats condamnés, le second lieutenant Sabwe Tshibanda, était membre du 1007e régiment de la 10e région militaire et a été reconnu par la victime, qui se rappelait qu’il manquait un pouce à la main de l’homme qui l’avait violée. La victime a donné cette information lorsqu’elle a signalé le viol au prêtre local le lendemain matin, lequel en a informé un commandant militaire présent dans la zone. Le soldat a été arrêté à ce moment-là, et sa victime l’a de nouveau identifié dans la salle d’audience pendant le procès Minova.

L’autre soldat condamné, le caporal Kabiona Ruhingiza, de la 8e région militaire, a violé la fille de huit ans d’un soldat avec qui il partageait un hébergement dans une école de Minova. Le coupable avait été surpris pendant l’acte par deux autres soldats de son régiment et avait reconnu le crime devant son commandant. La mère de la fillette l’a identifié pendant le procès.[49]

Aucun autre soldat ou commandant n’a été condamné dans cette affaire pour des actes de violence sexuelle commis à Minova et dans les villages environnants.

Un soldat répond à des questions à la barre, après qu’une femme l’ait identifié comme son violeur. La femme a expliqué avoir été violée pendant la nuit et n’avoir pas vu clairement le visage de son agresseur. Mais elle se souvenait qu’il avait une longue cicatrice sur l’avant-bras et qu’il lui manquait un pouce.  © 2014 Diana Zeyneb Alhindawi

Certains observateurs ont déclaré que les preuves médico-légales, notamment des tests ADN et des certificats médicaux, auraient pu faire la différence dans l’affaire Minova.[50] Les systèmes de santé et de justice militaire en RD Congo ne sont pas actuellement en mesure de réaliser des tests ADN. Par ailleurs, étant donné le nombre de soldats présents à Minova au moment des crimes, le fait qu’ils appartenaient à plusieurs régions militaires, régiments et compagnies différents, et parce que les victimes étaient éparpillées, il semble que la réalisation de tests ADN aurait été excessivement difficile et coûteuse. Alors que cette technique d’investigation peut potentiellement être utile dans d’autres affaires plus limitées, elle est très coûteuse et nécessite beaucoup de ressources.

Très peu de certificats médicaux concernant les victimes ont été présentés dans l’affaire Minova.[51] Les différents certificats médicaux à compléter pour les victimes de viol qui sont actuellement disponibles dans les hôpitaux et les centres de santé de l’est de la RD Congo pourraient être d’une plus grande assistance lors des procès s’ils contenaient des informations médico-légales et descriptives supplémentaires, comme la description de l’agression ou l’indication d’autres blessures qu’aurait subies la victime. Ces renseignements supplémentaires pourraient permettre de renforcer la crédibilité des témoignages des victimes par la suite, mais également d’obtenir davantage d’informations pour déterminer à quel régiment appartient l’auteur du crime, et donc les commandants responsables.[52]

L’une des principales difficultés dans l’établissement de la responsabilité des viols de masse dans l’affaire Minova a été due à la présence de multiples unités de l’armée dans la région au même moment. Il a donc été plus difficile d’identifier chacun des auteurs, leur régiment et leurs supérieurs. Néanmoins, les témoignages des victimes étaient clairs et cohérents sur le fait que leurs agresseurs étaient des soldats de l’armée congolaise. Plus d’efforts auraient dû être faits pour analyser en profondeur les témoignages de victimes recueillis, de manière à déterminer les dates et les lieux où se sont déroulés les vagues d’agressions sexuelles et recouper ces informations avec les déplacements des troupes. La question de la responsabilité des officiers militaires de haut rang, qui assumaient une responsabilité d’ensemble concernant les troupes de l’armée congolaise lors de la retraite vers Minova (au-delà du niveau du régiment, lorsque le régiment n’a pas pu être identifié) aurait elle aussi dû faire l’objet d’un examen plus approfondi.

Soutien insuffisant des Cellules d’appui aux poursuites

Le mandat de la MONUSCO prévoit clairement le soutien aux enquêtes et aux poursuites nationales relatives aux graves crimes internationaux.[53] Ce soutien se fait au travers de deux composantes de la MONUSCO : le BCNUDH et les Cellules d’appui aux poursuites.

Bureau conjoint des Nations Unies aux Droits de l’Homme (BCNUDH)

Le BCNUDH organise et soutient financièrement les missions d’enquête menées par les équipes d’enquête conjointe, composées d’enquêteurs sur les droits humains du BCNUDH, d’enquêteurs et d’auditeurs militaires et d’autres partenaires internationaux.[54]

Ces missions apportent un soutien logistique indispensable aux fonctionnaires judiciaires nationaux, notamment pour accéder à des lieux reculés. La présence d’enquêteurs sur les droits humains des Nations Unies, qui ont souvent mené leurs propres enquêtes en amont, peut parfois mettre les victimes et les témoins plus à l’aise lors de leurs échanges avec les fonctionnaires de la justice.[55]

Le BCNUDH fournit également une assistance logistique lors des enquêtes et des procès, et pour la protection des victimes, des témoins et des acteurs judiciaires. Le bureau partage des informations factuelles spécifiques et les conclusions de ses propres enquêtes avec les enquêteurs congolais et les auditeurs, suit étroitement l’avancement des affaires déjà ouvertes, et fait pression pour que celles-ci progressent.[56]

Dans l’affaire Minova, le BCNUDH a documenté des crimes qui auraient été commis à Minova et dans les villages environnants en novembre 2012, et a publié ses conclusions dans un rapport. Celui-ci appelait le système judiciaire militaire à ouvrir une enquête. Le bureau a par ailleurs facilité les missions d’enquête à Minova pour les fonctionnaires de la justice militaire du Sud-Kivu. L’unité de protection du BCNUDH a supervisé la protection des victimes et des témoins ainsi que la sécurité des fonctionnaires judiciaires, et le bureau a collaboré avec des ONG pour favoriser la participation de victimes au procès.[57]

Cellules d’appui aux poursuites des Nations Unies

Les Cellules d’appui aux poursuites des Nations Unies, encore relativement récentes, ont pour but d’améliorer la qualité des enquêtes et poursuites nationales relatives aux crimes les plus graves en travaillant avec les enquêteurs et les auditeurs militaires, et en proposant des formations et des conseils techniques lors des enquêtes relatives à ces crimes.[58] Elles aident également à organiser et à coordonner le soutien international aux chambres foraines (qui sont des audiences organisées in situ, sur les lieux où les crimes ont été commis). Elles visent à renforcer les capacités et à encourager de meilleures performances en apportant un regard externe sur le travail des fonctionnaires judiciaires congolais.[59]

Un protocole d’accord sur le fonctionnement des Cellules d’appui aux poursuites des Nations Unies a été conclu entre le gouvernement congolais et la MONUSCO en décembre 2011. Huit Cellules d’appui aux poursuites ont été établies au total, à Beni, Bukavu, Bunia, Goma, Kalemie, Kindu, Kisangani, et Lubumbashi.[60] Les Cellules d’appui aux poursuites des Nations Unies ont pris la décision tacite de ne s’impliquer qu’à la demande expresse des autorités judiciaires nationales dans le cadre d’une affaire spécifique.[61] Au cours des trois dernières années, les cellules ont reçu plus de 40 demandes d’appui de la part du système judiciaire congolais, lesquelles ont concerné plusieurs centaines de suspects.[62]

Parce que l’un des principaux obstacles à la lutte contre l’impunité en RD Congo est la qualité insuffisante des enquêtes et des poursuites, les Cellules d’appui aux poursuites des Nations Unies constituent une réponse ciblée qui a le potentiel de faire une vraie différence. Étant donné qu’un certain nombre d’autres partenaires internationaux participent eux aussi au soutien logistique apporté au système judiciaire militaire et à l’organisation de chambres foraines, la fourniture d’une assistance spécialisée et technique dans le cadre des enquêtes et des poursuites constitue le volet le plus novateur de leur mandat et devrait être au cœur de leur action.

Des parties et des observateurs de l’affaire Minova, y compris les fonctionnaires de la justice militaire, ont fait part de certaines inquiétudes concernant l’aide apportée par les Cellules d’appui aux poursuites des Nations Unies. Les experts des Cellules d’appui aux poursuites des Nations Unies qui étaient en poste dans la région au moment de l’affaire n’avaient en réalité aucune expérience des poursuites pour graves crimes internationaux ou du droit pénal international.[63] Cette absence d’expertise a non seulement limité leur capacité à assurer une formation de qualité ou à donner des conseils techniques spécialisés sur la manière d’appréhender des crimes complexes et des crimes de masse mais elle a également ébranlé leur légitimité auprès des fonctionnaires de la justice congolaise.

Les experts des Cellules d’appui aux poursuites des Nations Unies auraient également été trop passifs concernant la mise en œuvre de leur mandat. Ils n’ont pas participé de manière directe aux enquêtes, invoquant le respect de la souveraineté nationale.[64] Lorsqu’ils ont été consultés, ils ont soumis des remarques vraiment élémentaires et quelques conseils techniques concernant, par exemple la rédaction des procès-verbaux des déclarations des victimes et témoins recueillies à Minova et la rédaction d’une lettre rogatoire.[65]

Comme illustré précédemment, les enquêteurs et auditeurs militaires auraient eu besoin de conseils sophistiqués afin de préparer un plan d’enquête et une stratégie de poursuites qui leur permettent d’établir la responsabilité pénale dans une affaire de crimes de masse, impliquant plus d’un millier de victimes et un grand nombre d’auteurs de crimes. Les experts des Cellules d’appui aux poursuites des Nations Unies rencontrés par Human Rights Watch ont déclaré que, dans l’affaire Minova, leur rôle n’était pas de donner des conseils stratégiques en matière d’enquête ou d’insister pour que des suspects spécifiques soient poursuivis sur la base des preuves collectées. D’autres fonctionnaires des Nations Unies se sont distanciés de cette approche limitative et ont dit que les Cellules d’appui aux poursuites pourraient et devraient faire plus.[66]

En conclusion, il semble que les graves lacunes qui apparaissent dans l’enquête sur les événements de Minova puissent être justifiées par un manque d’expertise et de diligence de la part des enquêteurs et auditeurs militaires. Les pressions soutenues de la communauté internationale et des autorités de Kinshasa semblent avoir été un facteur expliquant l’ouverture précipitée du procès en novembre 2013.[67] Toutefois, il n’est pas certain que davantage de temps aurait forcément permis de déboucher sur un dossier d’enquête de bien meilleure qualité. Aucun acte d’enquête n’a été posé entre les entretiens avec les commandants en avril 2013 et la transmission des décisions de renvoi début novembre 2013, gaspillant ainsi plus de six mois de travail qui aurait pu être mené. En outre, les auditeurs et les enquêteurs militaires impliqués dans l’affaire Minova que Human Right Watch a rencontrés pour ce rapport ont déclaré que, de leur point de vue, l’enquête était terminée quand le dossier a été fixé et présenté devant la cour.[68]

Le renforcement des capacités de la police militaire et des auditeurs en matière de crimes internationaux et de violence sexuelle est important pour augmenter le nombre de fonctionnaires de justice bénéficiant d’une expertise spécialisée. Il est souvent plus compliqué d’enquêter et de mener des poursuites avec succès lorsqu’il s’agit de crimes internationaux par rapport à des crimes de droit commun en raison de la complexité du droit applicable, de l’ampleur des crimes et du grand nombre d’acteurs impliqués.[69]

Cela étant dit, le manque de volonté réelle ou l’ingérence de la hiérarchie judiciaire ou des autorités politiques ou militaires peuvent avoir des répercussions négatives sur la qualité des enquêtes, quelle que soit l’importance de la formation technique fournie au personnel judiciaire. Plusieurs observateurs ont fait remarquer que, bien que le manque d’expertise ait été un problème, il n’est pas établi que des enquêtes de meilleure qualité auraient fondamentalement changé la conclusion de l’affaire Minova.[70]

III. Problèmes liés au droit des accusés à un procès équitable

Dans le système pénal, la justice est rendue lorsque les droits de l’accusé garantis par le droit international sont pleinement respectés, notamment le droit de bénéficier d’un procès équitable et public devant un tribunal compétent, indépendant et impartial.[71]

Le respect des droits des accusés a fait l’objet de plus d’attention dans l’affaire Minova que dans d’autres procès pour crimes de guerre en RD Congo.[72] Par exemple, tous les accusés ont bénéficié d’une représentation légale tout au long des audiences et les juges ont pris le temps d’entendre toutes les parties et de permettre aux avocats de la défense d’interroger les témoins. La plupart des accusés ont assisté en personne à l’ensemble du procès, à l’exception de quatre officiers qui avaient été rappelés au front.[73] Les requêtes présentées par la défense ont été dûment prises en considération et les juges de la Cour militaire opérationnelle en ont accepté certaines, notamment celle de reporter le début du procès de manière à donner plus de temps à la défense pour se préparer.[74]

Pourtant, malgré ces éléments positifs, de graves lacunes ont subsisté concernant l’équité du procès.

Manque de preuves à l’encontre de nombreux soldats condamnés

Des observateurs et des parties au procès ont déclaré à Human Rights Watch que les éléments de preuve présentés par l’accusation à l’encontre de la plupart des accusés dans l’affaire Minova étaient à la fois vagues et peu solides.[75]

Les décisions de renvoi à l’encontre de 18 soldats de rang étaient complètement identiques et ne comportaient aucun détail sur la date, le lieu, la victime ou l’acte perpétré en rapport avec les accusations de viol et de pillage portées contre eux. Au cours des audiences, les juges ont interrogé la plupart des soldats uniquement sur leur absence présumée du camp au moment des appels et contre-appels.[76] Le commandant du 391e régiment, le capitaine Patrick Kangwanda Swana, tenait un carnet de campagne contenant des notes écrites des appels et contre-appels, y compris pendant la période passée à Minova, ce qui n’était pas le cas d’autres commandants.[77] La seule preuve de l’absence non autorisée de nombreux soldats reposait donc sur les souvenirs et la parole de leurs supérieurs. La majorité des soldats ont nié avoir raté les appels et contre-appels. Le fait pour un soldat d’être absent lorsqu’il lui a été ordonné de rester au camp est une violation des consignes militaires (ce qui était un des chefs d’accusation à l’encontre des soldats en l’espèce), mais devrait être insuffisant pour prouver une participation aux autres crimes de pillage et de viol. Voici quelques déclarations faites par les soldats pendant les audiences :

Le juge à l’accusé Kaserera-Bolali Roger : « Étiez-vous présent lors de l’appel? »
Kaserera-Bolali : « Oui ».
Le juge : « Alors pourquoi votre nom figure-t-il sur la liste [des absents] ? »
Kaserera-Bolali : « C’est ce qui est sorti de leur bouche, ils ont dit qu’ils allaient sacrifier les soldats ».[78]
Le juge à l’accusé Mogisha : « Vous avez été absent pendant quatre jours, pourquoi ? »
Mogisha : « [Mon commandant] a dit que je suis indiscipliné, que je dois être sacrifié ».

Plus tard, après que le commandant de Mogisha ait déclaré que ce dernier avait été arrêté avec une nouvelle jaquette en sa possession :

Le juge à Mogisha : « Avez-vous entendu ce que votre commandant a déclaré ? »
Mogisha : « Ce n’est pas vrai. Depuis cette date, [mes supérieurs] ne font que me créer des ennuis. Ils disent que nous sommes des mauvais soldats. Ils m’ont même demandé de l’argent ! »[79]

Les juges de la Cour militaire opérationnelle n’ont reconnu coupables de viols que deux des soldats, en évoquant brièvement dans leur décision un manque de preuves à l’encontre des autres accusés.[80] Dans le même temps, les juges ont reconnu tous les soldats de rang coupables du crime de guerre de pillage, en plus des violations de consignes, et les ont condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement.[81] Un membre du personnel d’une ONG qui a étroitement suivi le procès a déclaré à Human Rights Watch :

C’était un peu le sacrifice, ce procès, quand même. Les soldats en divagation, c’est un phénomène habituel en RD Congo ; l’absence au moment de l’appel ne prouve rien. Et ce jeune capitaine [capitaine Kangwanda], il a aujourd’hui plein d’ennuis pour avoir donné les noms des soldats, même si lui-même n’était pas convaincu de leur culpabilité.[82]

Un fonctionnaire judiciaire militaire impliqué dans les poursuites a déclaré :

Les soldats n’étaient pas contents du tout. Ils ont été sacrifiés. Ils ont été condamnés juste à cause de leur absence ce jour-là. La cour les a reconnus coupables de pillage sans aucune preuve, peut-être pour faire plaisir à la communauté internationale.[83]

Impossibilité de faire appel

D’après l’article 87 du code judiciaire militaire congolais, le jugement d’une cour militaire opérationnelle ne peut pas faire l’objet d’un appel.[84] Alors que toutes les parties au procès tenu devant la cour militaire opérationnelle sont concernées par cette disposition, y compris l’accusation et les parties civiles, les conséquences sont particulièrement sérieuses pour les accusés qui encourent de lourdes peines (notamment la peine de mort) lors de procès pour graves crimes internationaux. Cette disposition va à l’encontre du droit fondamental de chacun à voir le jugement et la peine le concernant réexaminés par une instance plus élevée, lequel est inscrit dans la Constitution congolaise et dans le droit international.[85]

Au commencement du procès, le 4 décembre 2013, les avocats de l’Association du barreau américain (ABA), qui représentaient certaines des victimes, ont déposé une requête préliminaire soutenant que l’absence du droit de faire appel était inconstitutionnelle.[86] Ils ont demandé à ce que la Cour militaire opérationnelle soumette la question à la Cour suprême de justice pour qu’elle trouve une réponse. Le jour suivant, les juges de la CMO ont rejeté la requête au motif qu’elle était mal justifiée et ne citait pas la loi applicable, à savoir le décret présidentiel de janvier 2008 établissant la CMO.[87] Plus tard, après le verdict, les avocats des victimes ont tout de même essayé de faire appel du jugement de Minova devant la Haute Cour Militaire à Kinshasa, en soutenant que le jugement comportait des erreurs. La Haute Cour Militaire n’avait pas encore répondu à cette requête au moment de la rédaction de ce rapport.

Il est notable que seuls les avocats des victimes ont tenté d’agir sur ce point lors du procès Minova. Les avocats des accusés n’ont pas essayé de revendiquer le droit de leurs clients à faire appel ni au début ni à la fin du procès, même si plusieurs accusés ont été condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement en dépit d’un manque de preuves, comme évoqué précédemment. Il peut s’agir là d’un indice de la fragilité de la représentation légale mise à la disposition de certains accusés.

Faiblesse de l’assistance légale aux soldats de rang

L’affaire Minova a été marquée par une qualité variable des moyens de défense mis à la disposition des accusés. Les officiers en mesure de choisir et de payer leur conseil ont bénéficié d’une défense compétente et solide sur les questions juridiques et factuelles.[88] Les avocats pro deo (commis d’office) qui ont été assignés au profit des soldats de rang ne disposaient d’aucune expertise dans le domaine des affaires de crimes internationaux, et ont donc assuré une défense bien moins vigoureuse et efficace.[89]

Aucun des accusés n’a eu accès à un avocat pendant les enquêtes, y compris lors de leur interrogatoire officiel. Or, ce fait est contraire à l’article 19 de la Constitution congolaise, selon laquelle une personne accusée devrait bénéficier d’une assistance légale à chaque étape des poursuites pénales.[90] Les avocats de la défense ont fait remarquer que cela a engendré des difficultés et des contradictions plus tard dans le procès.[91]

Les avocats de la défense écoutent un témoignage pendant le procès des viols de Minova.  © 2014 Diana Zeyneb Alhindawi

Tous les avocats ont été nommés le jour de l’ouverture du procès, ou même plus tard.[92] Même si les juges de la CMO ont fini par accepter un ajournement du procès de 15 jours pour permettre aux avocats de se préparer, ce délai était court pour étudier un dossier volumineux et complexe, et pour consulter les clients. Les avocats désignés du barreau de Goma avaient une expérience limitée, voire inexistante, des graves crimes internationaux, et la plupart d’entre eux n’avaient jamais participé à une formation sur le droit pénal international.[93]

En outre, les avocats pro deo n’ont reçu aucune rétribution. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a pris en charge leur transport jusqu’à la salle d’audience dans Goma ainsi que les frais de transport, d’hébergement et de restauration des avocats de la défense venus assister aux audiences foraines à Minova. Aucune compensation gouvernementale ni aucune autre aide n’a été accordée.[94] Ce manque de soutien financier a été source de réelles difficultés.

Accéder au dossier de l’affaire a représenté un défi. Seule une copie papier du dossier de l’affaire Minova existe, et elle était conservée au Greffe de la CMO, à Goma. La consultation du dossier au Greffe est gratuite, mais doit se faire uniquement à des heures particulières, et cela est impossible pendant les audiences.[95] Il est donc bien plus pratique pour les avocats de posséder une copie du dossier afin de l’étudier ailleurs qu’au Greffe. Néanmoins, en vertu des règles judiciaires congolaises, des frais élevés doivent être payés pour copier les dossiers judiciaires.[96] Même si les juges de la CMO ont ordonné que les avocats pro deo de l’affaire Minova soient exemptés de ces frais, ils n’ont pas pu prendre en charge le coût de réalisation des copies, en l’absence de soutien financier et technique.

Par ailleurs, la durée du procès a rendu encore plus problématique l’absence de compensation. L’assiduité des avocats pro deo a été irrégulière.[97] Certains ont essayé de venir à la plupart des audiences en assumant eux-mêmes les dépenses occasionnées, alors que d’autres ne sont pas venus du tout.[98] Un groupe d’avocats s’est organisé pour assister aux audiences à tour de rôle. Cela n’a cependant pas été suffisant, car ils ne se sont pas forcément tenus informés les uns les autres de ce qui se passait au tribunal. En raison de leur assiduité irrégulière, les avocats ont parfois soulevé des questions qui avaient déjà été abordées, ou n’ont pas réussi à assurer le suivi de points importants.

IV. Sélection des accusés et détermination de la responsabilité de commandement

Les auditeurs militaires jouissent d’un pouvoir discrétionnaire étendu, fondé sur les éléments de preuve découverts au cours des enquêtes, pour décider quels suspects doivent être mis en accusation et présentés devant un tribunal.

Sept soldats pris en flagrant délit et arrêtés à Minova ou dans les environs en novembre 2012 se trouvaient parmi les accusés inculpés dans l’affaire. Mais, en raison du contexte au moment des faits, marqué notamment par la présence d’un grand nombre de soldats, il a été extrêmement difficile pour l’accusation d’identifier davantage d’auteurs directs des nombreux viols et actes de pillage. Au titre du droit international, cependant, ce ne sont pas seulement les auteurs des crimes qui en assument la responsabilité pénale. Dans certaines circonstances, leurs supérieurs militaires et civils sont aussi responsables.

Depuis le début, il était clair pour la plupart des participants et des observateurs du procès Minova que la justice dépendrait de la capacité et de la volonté du système judiciaire militaire d’enquêter sur et de déterminer le rôle joué par les commandants.[99] Un observateur travaillant pour une ONG proche de l’enquête et du procès a déclaré : « C’était une situation où des infractions ont été commises en masse. Les victimes ont eu du mal à identifier précisément leurs agresseurs. Il était clair qu’il fallait s’intéresser à la responsabilité des supérieurs ».[100]

Un fonctionnaire judiciaire militaire ayant participé à l’enquête a déclaré : « Étant donné qu’aucune des victimes n’a pu identifier les auteurs des crimes, nous avons dû nous intéresser à la responsabilité de leurs supérieurs, qui auraient dû prendre des mesures de précaution ou autres ».[101]

Pourtant, la vaste majorité des personnes rencontrées pour l’élaboration de ce rapport ont déclaré qu’elles pensaient que les « vrais suspects » ne se trouvaient pas dans le box des accusés au procès Minova.[102] Dans cette partie, nous allons étudier la manière dont le système judiciaire militaire a abordé la question de la responsabilité des supérieurs.

Principe de la responsabilité des chefs militaires et d’autres supérieurs hiérarchiques

La responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs en tant que mode de responsabilité n’est pas prévue par le droit congolais, et est souvent mal comprise. Dans le cadre de l’affaire Minova, comme dans de précédentes affaires traitées par les tribunaux militaires, les auditeurs et les juges militaires ont eu recours à l’article 28 du Statut de Rome, qui définit ce principe.[103]

Il est communément admis en droit pénal qu’un supérieur qui encourage ou ordonne la commission d’un crime, qui la facilite, qui y participe ou qui en est complice doit faire l’objet d’une enquête. Tous ces actes impliquent la mens rea, l’intention coupable, de la part des supérieurs et leur participation directe ou indirecte aux crimes.

Toutefois, le droit international va au-delà en prévoyant que la responsabilité pénale des supérieurs peut aussi être engagée pour des actes commis par leurs subordonnés s’ils n’ont pas empêché de graves violations du droit humanitaire international d’être commises, n’y ont pas mis un terme ou ne les ont pas sanctionnées, lorsque certaines conditions sont remplies. D’après le principe de responsabilité de commandement, les commandants engagent donc leur responsabilité pénale au travers de leur inaction face à de graves crimes internationaux.

Le principe de la responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs, qui a été mis en application pour la première fois lors des poursuites engagées après la seconde guerre mondiale, est codifié dans l’article 86 du Protocole additionnel I des Conventions de Genève, dans les statuts de plusieurs tribunaux internationaux et hybrides, ainsi que dans de nombreux codes pénaux nationaux et manuels militaires.[104] Il s’agit d’un principe juridique important pour demander des comptes aux supérieurs militaires et civils des troupes responsables d’atrocités, étant donné que ces personnes, de manière générale, ne participent pas directement aux crimes ou ne sont pas présentes lorsqu’ils sont commis.

La mise en place de ce mode de responsabilité trouve son origine dans la reconnaissance du fait que les violations du droit international humanitaire sont souvent commises par du personnel militaire non gradé parce que leurs supérieurs ne tentent pas d’empêcher ou de punir ces crimes. Une attitude passive de la part de supérieurs face à de graves infractions peut encourager la commission d’autres crimes. Il serait incompréhensible que des supérieurs qui ne réagissent pas alors que des crimes sont commis échappent à toute responsabilité simplement parce qu’ils ne portent pas l’arme ou qu’ils ne donnent pas l’ordre de commettre l’infraction.

Au titre de la responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs, les commandants ont le devoir de veiller activement à ce que leurs subordonnés respectent les lois de la guerre et de sanctionner de manière appropriée ceux qui sont responsables d’infractions. D’après le droit international et la jurisprudence correspondante, quatre éléments doivent être présents pour que la responsabilité individuelle d’un supérieur militaire ou civil soit engagée pour des crimes commis par ses subordonnés : 1) l’accusé était le supérieur, de jure ou de facto, de personnes qui ont commis un crime ; 2) l’accusé avait un contrôle effectif sur ces personnes ; 3) l’accusé savait ou aurait dû savoir que ses subordonnés étaient en train ou sur le point de commettre un crime, et 4) l’accusé n’a pas empêché les crimes ou n’y a pas mis un terme, ou, si les crimes avaient déjà été commis, n’a pas puni les responsables.[105]

Principe de la responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs dans l’affaire Minova

Pendant le procès, aucune information n’a émergé selon laquelle les soldats auraient reçu l’ordre de commettre des viols et des actes de pillage à Minova et dans les villages environnants ou qu’ils y auraient été encouragés. La question est donc plutôt de savoir si les supérieurs responsables des troupes présentes à Minova exerçaient un contrôle sur elles, avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance des crimes en train d’être commis, et s’ils ont fait le nécessaire pour empêcher qu’ils soient commis, pour y mettre un terme ou, si les crimes avaient déjà été accomplis, pour punir les soldats responsables.

Au total, quatorze officiers, du rang de capitaine à celui de lieutenant-colonel, ont été mis en accusation. Treize de ces quatorze officiers ont été accusés de crimes de guerre commis par des troupes placées sous leur commandement au titre de la responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs. Douze étaient membres des 41e et 391e régiments de la 8e région militaire. Les deux hauts commandants et quatre commandants de compagnie de grade inférieur de chacun de de ces deux régiments ont été mis en accusation. Un officier d’un régiment de police militaire a également été accusé au titre du principe de la responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs.

Dans leur décision, les juges de la CMO ont examiné chacun des critères relatifs au principe de responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs mentionnés ci-dessus, citant la jurisprudence internationale, et ont décidé d’acquitter tous les supérieurs inculpés. L’officier de régiment de police militaire a été acquitté car aucune preuve n’a été présentée établissant que des soldats placés sous son commandement étaient impliqués dans les crimes. Le jugement en ce qui concerne les autres supérieurs est discuté ci-dessous.

Deux commandants de régiment limogés

Les supérieurs originels des 391e et 41e régiments commando, les colonels Nzale et Ntore, faisaient partie des personnes inculpées dans l’affaire au titre de la responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs. D’après les témoignages entendus lors du procès et d’après le jugement, leur commandement leur avait été retiré le 19 novembre 2012 par le général Gabriel Amisi, commandant des forces de l’armée de terre en poste à ce moment-là, avant qu’il n’ordonne la retraite vers Minova. (Ils auraient été limogés en raison de leur mauvaise performance lors des opérations militaires menées pendant la chute de Goma.[106]) Nzale a été fait prisonnier par les combattants du M23 le 20 novembre, et Ntore s’est rendu à Bukavu pour y suivre un traitement médical.[107] Ils ne sont jamais allés dans la région de Minova et étaient relevés de leurs fonctions militaires au moment des crimes.

Ces deux officiers ont pourtant été accusés de pillage et de viol en tant que crimes de guerre commis à Minova. L’accusation les a en plus inculpés du crime de de « démoralisation » des troupes.[108] D’après des observateurs du procès et des avocats qui ont assisté aux audiences, le général Mukunto a menacé les deux officiers dans la salle d’audience.[109] Dans le compte-rendu officiel de l’audience, alors que la présentation de la preuve dans le dossier relatif aux accusations de crimes de guerre allait se terminer, il est cité déclarant :

Concernant la décision de la cour d’acquitter le lieutenant-colonel Nzale dans l’affaire RP 009/2013 [pour démoralisation des troupes], l’accusation lui promet qu’il est un traître, et un traître peut trahir à nouveau, sa place n’est pas au sein des FARDC [Forces Armées de la République Démocratique du Congo] ! Il en va de même pour le lieutenant-colonel Wasinga Ntore.[110]

Les juges de la Cour militaire opérationnelle ont exigé que le général Munkunto cesse ses menaces. Dans leur décision, les juges ont estimé que les colonels Nzale et Ntore n’exerçaient plus un contrôle effectif sur les éléments qui ont commis des infractions à Minova car « ils n’étaient plus en fonction, n’avaient plus la capacité de donner des ordres ou d’en contrôler l’exécution, et n’avaient plus le pouvoir de sanctionner. Le contrôle avait été transmis à leurs remplaçants depuis leur limogeage à Mubambiro le 19 novembre 2012 ».[111] La Cour a finalement acquitté les deux commandants de toutes les charges retenues contre eux.

Les poursuites engagées contre ces deux commandants ont été interprétées par beaucoup comme une tentative visant à faire d’eux les boucs émissaires des crimes de Minova suite à leur mauvaise performance lors des opérations militaires. Un avocat de la défense a déclaré à Human Rights Watch :

Le gouvernement voulait vraiment que ces commandants soient condamnés. C’est pour cela que Mukunto est venu de Kinshasa, pour qu’ils puissent ensuite dire que c’était ces deux les responsables des crimes à Minova. Il les a menacés pendant l’audience ; c’était clair qu’il est venu donner le mot d’ordre sur ce qui devait être décidé.[112]

Un fonctionnaire de justice militaire ayant participé à l’enquête sur Minova a déclaré :

« Des officiers qui ne sont jamais venus à Minova ont été poursuivis en justice. Cela n’avait aucun sens. Ces deux personnes étaient innocentes, et d’autres auraient dû être accusées ».[113]

Acquittement des autres commandants

Concernant les officiers restant, les juges ont estimé qu’ils exerçaient un contrôle effectif sur les troupes à Minova, et qu’ils savaient que les crimes étaient en train d’être commis.

Néanmoins, les juges ont décidé que la responsabilité pénale de ces commandants concernant les crimes de Minova ne pouvait être établie car ils « n’ont pas manqué de à leur devoir de sanctionner ou d’en référer aux autorités [judiciaires] ». Les juges ont ajouté : « C’est d’ailleurs grâce à eux que les militaires ont été retrouvés et déférés devant cette cour ».[114]

Mais ce raisonnement pose problème. Tout d’abord, même s’il est vrai que les commandants de régiments ont donné aux autorités judiciaires les noms des soldats qui ont ensuite été poursuivis en justice, ils ne l’ont fait qu’en avril 2013, à la demande du général Mukunto. Une poignée de soldats surpris en état d’ivresse ou en possession de biens pillés ont été remis aux autorités judiciaires au moment des événements de Minova, mais la plupart des soldats arrêtés à Minova ont par la suite été relâchés et réintégrés. En outre, comme cela a été établi lors de l’interrogation des commandants pendant le procès, aucun rapport militaire officiel n’a été rédigé sur les crimes, ce qui laisse penser que ces commandants n’avaient pas réellement l’intention d’agir à propos des crimes commis à Minova.[115]

Ensuite, le jugement n’aborde pas les autres éléments relatifs au principe de responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs, notamment la question savoir si les commandants ont pris des mesures afin d’empêcher les crimes ou pour y mettre un terme. Le jugement ne mentionne pas les mesures que les commandants auraient pu prendre alors qu’ils menaient leurs troupes vers Minova, comme de leur rappeler la nécessité de protéger les civils conformément aux lois de la guerre. D’après les témoignages entendus au procès, certains commandants étaient localisés à quelques centaines de mètres du lieu où les crimes ont été commis.[116] Pendant le procès, les juges ont demandé à plusieurs reprises aux commandants pourquoi ils n’avaient rien fait d’autre qu’attendre et faire des appels et contre-appels alors qu’ils entendaient des tirs.[117] Cependant, dans son jugement, la cour estime que les commandants n’auraient pas pu quitter le camp pendant que les crimes avaient lieu car cela aurait empiré la situation en laissant les soldats sans supervision.

La jurisprudence internationale reconnaît que, pour déterminer si les commandants ont pris « toutes les mesures nécessaires et raisonnables », il faut analyser au cas par cas les faits en l’espèce et les actions que les supérieurs étaient en mesure de mener dans le contexte spécifique.[118] Les tribunaux internationaux ont établi que les supérieurs ont l’obligation de prendre des mesures « spécifiques et étroitement liées aux actes qu’elles visent à empêcher ».[119] Par conséquent, il n’est pas évident que des mesures routinières comme les appels et contre-appels soient suffisantes, au moins pour ce qui concerne les officiers supérieurs tels que des commandants de régiment.[120]

Le panel de juges de la CMO, conformément au code judiciaire militaire congolais, se composait de deux juges militaires professionnels et de trois officiers militaires de la 8e région militaire, sans formation juridique et agissant en tant que juges assesseurs. Ces juges assesseurs sont tirés au sort à partir d’une liste dressée par le commandement militaire.[121] Les jugements sont votés à la majorité, à bulletin secret. Un juge militaire a indiqué que, dans les affaires impliquant des graves crimes internationaux et des principes juridiques complexes, comme celui de la responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs, la cour devrait toujours être composée au minimum d’une majorité de magistrats militaires professionnels.[122]

Autres officiers n’ayant pas été inculpés

Les éléments de preuve présentés lors du procès, parmi lesquels des témoignages et des citations provenant de procès-verbaux des interrogatoires menés lors de l’enquête, ont établi qu’un certain nombre d’officiers de rang supérieur à celui des commandants inculpés étaient également présents à Minova au moment des crimes. Ces officiers de haut rang ont été interrogés par l’auditorat général pendant les enquêtes, mais n’ont pas été appelés comme témoins pendant le procès ni inculpés.

Un fonctionnaire de la justice militaire ayant participé à l’affaire a déclaré à Human Rights Watch :

Plusieurs commandants ont été interrogés mais n’ont pas été inculpés. Pourquoi ce commandant et pas un autre ? Il est important de réaliser qu’il y avait des commandants de jure et de facto à Minova. Personne n’a essayé d’établir qui était véritablement en charge là-bas.[123]

Par exemple, des officiers supérieurs ont été nommés au poste de « coordinateurs » et chargés de contrôler certains régiments pour la période de la réorganisation à Minova.[124] Les commandants inculpés ont déclaré lors du procès que, à Minova, ils faisaient leur rapport à ces officiers et recevaient des ordres de leur part régulièrement. Même si ces officiers n’étaient pas les supérieurs hiérarchiques habituels des commandants de régiment, ils étaient responsables de facto de ces troupes à ce moment-là.[125] En vertu du principe de responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs, le rôle d’un commandant de facto peut aussi faire l’objet d’une enquête.

En outre, plusieurs témoignages et extraits d’interrogatoires ont affirmé que l’ensemble du haut commandement de la 8e région militaire du Nord-Kivu se trouvait à Minova au moment des crimes, y compris le général Jean-Lucien Bahuma, le commandant de la 8e région militaire, et plusieurs colonels membres du bataillon d’état-major de la région.[126] Des officiers de haut rang de la 10e région militaire du Sud-Kivu étaient également présents.[127]

D’après les témoignages et les déclarations des témoins, bon nombre de ces officiers de haut rang ont participé à une réunion stratégique militaire le 22 novembre à l’Institut Lwanga, près de la paroisse catholique de Minova. Le 22 novembre est l’une des dates les plus citées par les victimes lors du procès Minova pour dater les crimes à leur encontre.

Le jugement de Minova établit que les commandants de la 8e région militaire ont admis, au cours d’interrogatoires menés par l’auditorat général, que des actes de pillage et de viol ont eu lieu à grande échelle à Minova. Le général Bahuma aurait déclaré que « le problème d’encadrement s’[était] posé, raison pour laquelle beaucoup de militaires avaient quitté leurs unités et s’étaient déversés sur la cité de Minova pour commettre tous ces méfaits déplorés par la population civile ».[128]

Pendant le procès, aucun témoignage n’a évoqué les actions entreprises par le commandement de haut niveau pour empêcher les crimes qui étaient en train d’avoir lieu et pour y mettre un terme. Un avocat ayant eu accès au dossier d’enquête et aux procès-verbaux des interrogatoires de ces commandants a déclaré à Human Rights Watch : « L’interrogatoire [de ces commandants de haut niveau] n’était pas solide. On ne leur a pas demandé où ils se trouvaient, ni ce qu’ils ont fait alors que les crimes avaient lieu ou après ».[129] Par ailleurs, aucune information n’a été présentée concernant les mesures que ces commandants de haut niveau auraient prises pour garantir que justice soit rendue pour les crimes commis à Minova.

Lors du procès, plusieurs commandants inculpés ont déclaré que le haut commandement de la région militaire était présent et en charge à Minova et qu’il aurait été difficile pour eux, en tant que commandants d’un grade inférieur, de prendre des mesures afin de stopper les crimes. Un avocat de la défense a déclaré au cours du procès :

Vous ne pouvez pas vous limiter à ceux en bas de la chaîne de commandement. Tous ces gens ont reçu des ordres ; vous devez vérifier ce qui a été fait par les commandants de haut rang à Minova.[130]

Le président de la Cour militaire opérationnelle a répondu :

Cette cour n’est saisie que pour les décisions de renvoi qu’elle a reçues ; vous ne pouvez pas nous demander de faire venir qui que ce soit d’autre. C’est à l’accusation de décider des personnes à poursuivre.[131]

Human Rights Watch a demandé à plusieurs représentants de la justice militaire qui ont pris part à l’affaire Minova pourquoi ces autres commandants n’avaient pas été inculpés. Un fonctionnaire de la justice militaire ayant pris part à l’enquête a déclaré :

On aurait pu remonter jusqu’au général Bahuma, mais la décision a été prise de se limiter aux commandants de terrain. Je n’ai pas d’explication à cela. Ce n’est pas moi qui ai décidé des personnes qui devaient être déférées en justice.[132]

Un enquêteur militaire ayant participé à l’enquête a déclaré :

Le général Bahuma a été interrogé par l’auditeur général [le général Mukunto]. Mais ici, il y a des affaires qui nous échappent. On ne peut pas faire n’importe quoi ; il y a toujours des personnes qui sont protégées dans l’armée. Ça peut arriver qu’on nous dise de suspendre des enquêtes car elles menacent les intérêts de la défense ou de la sécurité nationale.[133]

Le général Mukunto de l’auditorat général, qui a dressé la liste des accusés dans l’affaire, a déclaré à Human Rights Watch que le commandant de la région militaire ne pouvait pas être mis en accusation au titre de la responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs car « même s’il a le titre [de commandant région], en réalité ce n’est pas lui qui commande ».[134]

Mukunto a cité une loi sur l’organisation des forces armées datant de 2004 selon laquelle, d’après ses déclarations, le rôle du commandant de région militaire est seulement de coordonner les troupes.[135] À ce titre, d’après Mukunto, ce sont uniquement les commandants de régiment et de compagnie qui assument le contrôle effectif des troupes. Cependant, la loi sur l’organisation des forces armées citée a depuis été clarifiée et la nouvelle loi, qui a été adoptée en 2011 (bien que promulguée seulement en 2013) établit clairement que le commandant de région est responsable des troupes.[136] De plus, l’interprétation juridique suggérée par le général Mukunto dégagerait de toute responsabilité les officiers de haut rang lorsque les troupes placées sous leurs ordres commettent des crimes de guerre.

Un spécialiste congolais du système judiciaire, qui a étroitement suivi le procès Minova, a résumé les poursuites lancées à l’encontre d’officiers comme suit :

Le gouvernement congolais a voulu faire plaisir à la communauté internationale, mais on n’a pas arrêté les vrais responsables, ceux-là courent toujours. Le verdict de la cour nous a déçus, mais les juges ne pouvaient pas faire de la magie si les personnes déférées n’étaient pas les bonnes. Et les juges ont aussi tenté de faire plaisir en condamnant des soldats pour des actes de pillage, même s’il n’y avait pas plus de preuves pour ces actes que pour les viols. Le message du procès Minova à l’attention des soldats est clair : les hauts responsables sont protégés.[137]

Un autre fonctionnaire de la justice militaire ayant pris part au procès a conclu : « Les vrais responsables n’étaient pas là, ils sont protégés. Certains sont intouchables ».[138]

De graves crimes sont encore commis aujourd’hui en RD Congo, en grande partie parce que les supérieurs ordonnent de commettre ou tolèrent les atrocités commises par les troupes placées sous leurs ordres.[139] Même si certains progrès ont été faits ces dernières années en matière de poursuites, celles-ci n’auront un effet dissuasif que lorsque les commandants de haut rang devront eux aussi rendre des comptes. Ceci est important afin que la hiérarchie de l’armée reconnaisse sa propre responsabilité de mettre un terme à ces crimes.

Les procès comme celui des crimes de Minova renforcent l’impression que la justice ne s’applique qu’aux soldats de grades moindres, et que les officiers sont protégés.

La responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs dans d’autres affaires impliquant des crimes graves en RD Congo

Les hauts commandants de l’armée et de la police sont des figures puissantes en RD Congo, qui ne font que rarement l’objet d’enquêtes et de poursuites en cas d’infractions pénales, que ce soit en tant qu’auteurs directs des actes ou au titre du principe de responsabilité de commandement.[140] La loi congolaise entrave les poursuites à l’encontre de officiers de plus haut rang, en partie parce que les juges des tribunaux militaires doivent être d’un rang équivalent ou supérieur à celui de l’accusé, et parce qu’il n’existe qu’un petit nombre de juges militaires de haut rang en RD Congo.[141] En vertu du code judiciaire militaire, les généraux bénéficient de privilèges de juridiction, ce qui signifie qu’ils peuvent seulement être poursuivis devant la Haute Cour militaire de Kinshasa.[142] Un seul général, Jerôme Kakwavu, a déjà été poursuivi devant des tribunaux militaires pour crimes de guerre.[143]

Human Rights Watch a documenté plusieurs cas où les auditeurs n’ont pas invoqué la responsabilité pénale d’officiers de haut rang, notamment la responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs, et où des officiers de haut rang ont pu effectivement être protégés. Quelques exemples sont donnés ci-dessous. Dans certains de ces cas, les officiers de haut rang impliqués ont manipulé et intimidé les fonctionnaires judiciaires afin d’éviter les poursuites.

Une affaire récente concerne l’Opération Likofi (ce qui signifie « coup de poing » en lingala, l’une des quatre langues nationales de la RD Congo), une opération lancée par la police congolaise à Kinshasa en novembre 2013 pour lutter contre la présence des kuluna, des membres de gang, dans les rues. Au cours de l’opération, les forces de police se sont rendues coupables d’exécutions extrajudiciaires d’au moins 51 jeunes hommes et garçons et de la disparition forcée de 33 autres. Human Rights Watch a trouvé des preuves reliant des hauts officiels de la police aux meurtres et aux disparitions forcées, et montrant comment ils ont été protégés par la suite, notamment le général Célestin Kanyama, qui était le commandant principal de l’Opération Likofi.[144] Le gouvernement congolais a promis qu’une enquête aurait lieu et que les responsables seraient arrêtés et présentés à la justice.[145] Pourtant, à ce jour aucun officier de haut rang n’a fait l’objet d’une enquête et n’a été arrêté ou poursuivi pour ces crimes. Un magistrat militaire qui souhaitait ouvrir une enquête judiciaire sur un colonel de police qui aurait abattu un kuluna présumé en détention au cours de l’Opération Likofi a verbalement reçu l’ordre d’un officiel du gouvernement de « fermer [les] yeux » et de ne pas donner suite à l’affaire.[146]

Une autre affaire concerne la mort de Floribert Chebeya Bahizire, un éminent défenseur des droits humains congolais et directeur exécutif de l’ONG « La voix des sans-voix ». Il a été retrouvé mort le 1er juin 2010 après une visite au siège de la police à Kinshasa. En juin 2011, le responsable adjoint des forces spéciales de police, le colonel Daniel Mukalay, et trois officiers de police en fuite ont été reconnus coupables de sa mort et condamnés à mort. Un autre accusé a été condamné à une peine de prison à vie. Les groupes congolais de défense des droits humains ont critiqué le procès car le rôle du chef de la police nationale, le général John Numbi, dans la mort de Chebeya n’avait pas été pris en compte. En appel, la condamnation de Mukalay a été confirmée tandis que tous les autres accusés ont été acquittés, mais le général John Numbi n’a jamais été inculpé et n’a apparemment jamais fait l’objet d’une enquête sérieuse.[147]

Bosco Ntaganda, un ancien dirigeant rebelle promu au rang de général dans l’armée congolaise en 2009 après un accord de paix, a lui aussi joui d’une complète impunité jusqu’à ce qu’il se rende de lui-même à la CPI en mars 2013. Human Rights Watch a documenté de graves violations commises par les troupes de l’armée placées sous son commandement alors qu’il était général, notamment dans le contexte des opérations militaires contre un groupe armé dénommé les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) en 2009-2010.[148] Ntaganda a également mené une campagne violente contre ceux qu’ils considéraient être des opposants, militaires et civils, en ordonnant des assassinats, des arrestations arbitraires et d’autres actes d’intimidation. Human Rights Watch a documenté d’importants actes d’interférence de la part de Ntaganda dans le système judiciaire à Goma lorsqu’il a bloqué les enquêtes judiciaires relatives aux infractions commises par ses partisans. En dépit de ces infractions, les autorités politiques de Kinshasa ont publiquement déclaré qu’elles ne poursuivraient pas Ntaganda en justice par peur que son arrestation remette en question le processus de paix.

Il existe beaucoup d’autres exemples d’officiers supérieurs de l’armée impliqués dans de graves infractions qui n’ont jamais fait l’objet d’une enquête ni de poursuites judiciaires. Ces commandants étaient parfois des dirigeants de groupes armés qui ont par la suite été intégrés dans l’armée. Par exemple, 50 organisations congolaises et internationales de défense des droits humains et de la société civile, parmi lesquelles Human Rights Watch, ont porté plainte en 2010 contre le colonel Innocent Zimurinda, en citant une longue liste de graves infractions, notamment des massacres de civils, des exécutions sommaires, des viols et le recrutement d’enfants, commises par des troupes placées sous les ordres de Zimurinda depuis 2007. Les fonctionnaires judiciaires congolais ont seulement fini par émettre un mandat d’arrêt à son encontre après qu’il ait quitté l’armée pour rejoindre la rébellion du M23.[149]

V. Avancées dans l’affaire Minova

Cette section du rapport examine un certain nombre d’aspects positifs de l’enquête et du procès Minova :

  1. soutien politique et logistique de la part des autorités congolaises ;
  2. important soutien financier et logistique de la part des partenaires internationaux ;
  3. protection efficace des personnes impliquées dans l’affaire ;
  4. grande participation des victimes au procès ; et
  5. pressions diplomatiques internationales fermes et continues pour voir l’affaire portée en justice.

Ces dernières années, les bailleurs de fonds internationaux engagés dans la réforme du secteur judiciaire en RD Congo ont reconnu de plus en plus le besoin d’apporter un soutien ciblé aux efforts nationaux de lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves. Les projets correspondants ont inclus la formation juridique des fonctionnaires judiciaires nationaux au droit pénal international et au Statut de Rome de la CPI ; des formations axées sur les crimes sexuels ; un appui logistique et technique aux enquêtes ; une représentation légale pour les victimes de crimes graves ; le financement de chambres foraines, notamment pour les crimes sexuels, et l’assistance à la protection des victimes et des témoins.[150]

L’affaire Minova, qui a bénéficié de ces projets existants, illustre les difficultés liées à la conduite d’une enquête et d’un procès pour des crimes de guerre devant un tribunal national dans une zone de conflit.

Soutien des autorités congolaises

Dans l’affaire Minova, les représentants officiels congolais, notamment le vice-premier ministre, le ministre de la Défense et le porte-parole du gouvernement, ont affirmé publiquement l’engagement du gouvernement en faveur de la justice, et ont pris des mesures concrètes allant dans ce sens.[151]

La ministre de la Justice à l’époque, Wivine Mumba Matipa, a envoyé l’un de ses conseillers à Minova peu après les événements, s’est elle-même rendue à Minova pour une visite et a envoyé deux courriers à l’auditorat général lui demandant de mener des enquêtes sur les crimes.[152] Plus tard, elle a annoncé publiquement la suspension de plusieurs officiers suspectés.[153] Le ministère de la Justice a également veillé à ce que des fonds soient rendus disponibles pour le procès tenu devant la Cour militaire opérationnelle notamment afin de couvrir les honoraires de deux juges militaires siégeant lors du procès, de l’auditeur général participant à l’affaire et d’autres coûts liés au fonctionnement de la CMO, parmi lesquels la location de la salle utilisée comme salle d’audience à Goma.[154] Plusieurs représentants des Nations Unies et d’ONG ont déclaré à Human Rights Watch qu’il s’agissait là d’une démonstration inhabituelle mais positive d’appropriation de la part du gouvernement.[155]

Appui financier et logistique international

En raison du manque de ressources matérielles et humaines à la disposition des tribunaux locaux en RD Congo, les procès pour graves crimes internationaux ne pourraient avoir lieu sans l’assistance des partenaires internationaux.[156] Dans l’affaire Minova, le soutien international a été considérable et bien coordonné.

Les fonctionnaires de la justice militaire congolaise ne disposent souvent pas des fournitures de bureau les plus basiques. Les installations sont sommaires ; à Bukavu et à Goma, les bureaux de la justice militaire manquent de fournitures basiques, comme le papier, mais aussi d’ordinateurs, de photocopieuses et d’équipements électroniques.[157] Leurs bureaux n’ont ni électricité ni fenêtres. Les magistrats de la justice militaire ont déclaré être payés de manière régulière mais mal, et ont confié qu’aucun budget n’était prévu pour le fonctionnement courant des auditorats et des cours de la justice militaire.[158]

Les frais occasionnés par les missions d’enquête menées dans des lieux reculés, comme l’hébergement et les repas, ne sont pas remboursés par le système judiciaire national. La police et les magistrats militaires ont déclaré qu’ils manquaient généralement de moyens de transport ou de carburant.[159] Un des officiers de police militaire basé à Minova a déclaré avoir dû marcher plusieurs heures pour atteindre les villages environnants lorsque des actes de pillage et des viols ont été rapportés au moment des événements de novembre 2012.[160] Malgré deux vagues de recrutement en 2010 et 2011, le nombre de juges militaires reste insuffisant.[161] L’État ne couvre pas l’aide légale aux victimes et aux accusés indigents.

Plusieurs observateurs ont remarqué que l’assistance internationale disponible pour combler les lacunes du secteur judiciaire en général en RD Congo n’est pas toujours bien coordonnée. Des problèmes en matière de coordination ont également marqué spécifiquement les projets visant à renforcer les poursuites menées contre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.[162] Dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, cependant, les acteurs internationaux ont récemment commencé à coordonner leurs efforts en soutien à des affaires spécifiques impliquant de graves crimes internationaux.

Des mécanismes de coordination ont été établis à Bukavu et à Goma, respectivement en 2012 et 2013.[163] Les réunions de chaque mécanisme, censées être organisées une fois par mois mais qui se tiennent moins régulièrement en réalité, sont présidées par des représentants des Cellules d’appui aux poursuites des Nations Unies.[164] Ces réunions permettent d’évoquer les besoins liés à des affaires spécifiques avec les représentants de la justice militaire et de s’accorder sur la répartition du travail entre les acteurs internationaux pour soutenir les enquêtes et les procès.[165]

Les acteurs concernés ont remarqué que ces rencontres ont grandement contribué à réduire les doublons et le gaspillage de ressources, car plusieurs bailleurs de fonds mettent en œuvre des projets de soutien au système judiciaire militaire (notamment en lien avec les crimes sexuels) et aux chambres foraines. Avant la mise en place de ces mécanismes, les auditeurs supérieurs obtenaient parfois des fonds auprès de différents bailleurs de fonds pour les mêmes missions d’enquête ou effectuaient des missions supplémentaires qui n’étaient pas nécessaires.[166] Les réunions se sont également avérées utiles pour faire pression sur le système judiciaire militaire afin de faire avancer des affaires particulières, et devraient continuer à être employées à cet effet.[167]

Dans l’affaire Minova, les partenaires internationaux ont coordonné l’appui et se sont réparti la vaste majorité des coûts occasionnés par l’enquête et la tenue d’audiences foraines à Minova.[168] L’appui international dans l’affaire Minova n’a cependant pas couvert toutes les dépenses liées à la Cour militaire opérationnelle. Suite aux inquiétudes liées aux droits des accusés, mentionnées plus haut, la MONUSCO a refusé d’apporter tout soutien direct au fonctionnement de la cour et de son personnel (par exemple en prenant en charge les coûts de location d’une salle pour les audiences ou en soutenant les juges lors du déplacement à Minova). Les autorités à Kinshasa ont pris en charge ces coûts, même si des représentants du gouvernement et du système judiciaire militaire interrogés dans le cadre de ce rapport se sont inquiétés de voir que l’intégralité de la somme allouée pour le procès n’a pas été déboursée par l’auditorat général, à qui elle avait été confiée.[169] Un représentant du gouvernement a déclaré à Human Rights Watch :

Le ministère de la Justice a obtenu des fonds pour l’affaire Minova, mais tout l’argent n’a pas été utilisé aux fins du procès. Nous avions chiffré les coûts [pour estimer les besoins]. Le système judiciaire militaire devrait rendre des comptes sur la façon dont les fonds ont été utilisés.[170]

Sécurité et protection des parties

La conduite d’enquêtes et l’organisation d’un procès pour graves crimes internationaux dans le contexte d’un conflit armé en cours présentent d’importantes difficultés pour la sécurité et la protection du personnel judiciaire, des victimes et des témoins qui y participent.

La présence de la MONUSCO et l’expertise de son unité de protection ont été déterminantes dans l’affaire Minova. Un nombre considérable de soldats sont restés dans les environs de Minova pendant plusieurs semaines après les événements de 2012. Leur présence a soulevé des inquiétudes quant à la sécurité des victimes et des acteurs prenant part aux enquêtes. La MONUSCO a assuré le transport des membres du personnel judiciaire militaire et les a accompagnés pendant leurs missions d’enquête à Minova, en apportant un appui logistique essentiel et en assurant une certaine sécurité.

Les membres du personnel judiciaire interrogés par Human Rights Watch dans le cadre de ce rapport ont assuré de ne pas avoir été victimes de menaces ou d’intimidation de la part des soldats et des officiers dans le cadre de cette l’affaire,[171] ce qui est pourtant un phénomène courant dans les affaires impliquant l’armée.[172] Des mesures préventives de protection pour garantir la sécurité des victimes et des témoins ont été prises lors de la phase d’enquête. Par exemple, fin janvier 2013, avant un déplacement réalisé par des représentants de la justice militaire dans le cadre de l’enquête, les organisations internationales de l’Association du barreau américain et d’Avocats sans frontières (ASF), ainsi que l’unité de protection de la MONUSCO ont effectué une mission d’évaluation relative à la protection à Minova.[173] L’unité de protection de la MONUSCO a également réalisé des formations à la protection pour tous les participants au procès.[174]

Une femme —voilée pour protéger son identité du public— témoigne sur le viol qu’elle a subi pendant le procès Minova. Une avocate tient le microphone pour elle. Les soldats inculpés sont assis derrière elle.  © 2014 Diana Zeyneb Alhindawi

Outre la protection physique, des mesures ont été prises pour minimiser les risques encourus par les victimes de viol d’être à nouveau traumatisées. Ainsi, le BCNUDH, qui bénéficie d’une grande expérience dans la conduite d’entretiens avec des victimes de graves crimes internationaux, a demandé aux auditeurs et enquêteurs militaires de porter des vêtements civils plutôt que leurs uniformes militaires lors des auditions, afin de ne pas rappeler aux victimes les violences qu’elles avaient subies.[175] Des psychologues étaient présents et, lorsque cela était possible, elles se sont entretenues avec les victimes avant qu’elles ne rencontrent les représentants de la justice militaire.[176] Dans certains cas, des conseillères ou des activistes locales bien connues des victimes ont été autorisées à les accompagner.[177]

Le droit congolais ne contient aucune disposition spécifique sur la protection des victimes et des témoins.[178] Cependant, dans l’affaire Minova, les juges de la Cour militaire opérationnelle ont demandé la mise en place de mesures de protection progressistes, en recourant à l’article 68 du Statut de Rome de la CPI, et ont ordonné que des mesures semblables à celles en usage dans les tribunaux internationaux soient prises. Cette démarche remarquable est le fruit de l’expérience considérable de l’un des juges militaires, le colonel Freddy Mukendi, qui avait participé à un certain nombre de procès pour graves crimes internationaux lorsqu’il siégeait à la cour militaire de Bukavu.[179]

Par exemple, les noms des victimes de viol n’ont pas été rendus publics ; des codes permettaient de s’y référer. Les victimes de viol ont également été vêtues de robes noires ressemblant à des sortes de burqa qui dissimulaient leurs silhouettes et leurs visages.[180] Un membre du personnel d’une ONG locale, qui n’était pas une victime, a témoigné derrière un rideau, et d’autres témoins se sont exprimés en utilisant un microphone situé dans une pièce adjacente.

La cour a par ailleurs ordonné que toutes les victimes de violence sexuelle soient entendues à huis clos. Les troupes de la MONUSCO ont organisé des patrouilles dans Minova pendant les audiences foraines pour garantir la sécurité de tous les participants aux procès.[181] Ces efforts de protection ont été pris tout en respectant le droit des accusés à un procès équitable, par exemple en veillant à ce que les avocats de la défense connaissent l’identité des victimes et des témoins bénéficiant de mesures de protection.[182]

Quelques cas d’intimidation se sont toutefois produits dans le cadre de l’affaire Minova, illustrant ainsi les difficultés qui peuvent survenir dans ce type de dossier. Par exemple, une avocate des victimes a déclaré à Human Rights Watch :

Oui, il y a eu quelques menaces. Une femme qui aide les victimes de viol à Minova a été menacée par des hommes armés. Ils sont venus chez elle et lui ont dit : « C’est toi qui dénonces les militaires, on te surveille ! » Elle n’a pas pu rentrer chez elle pendant une semaine. Moi aussi j’ai reçu des menaces de la part de militaires, ici, à Goma. C’étaient les gardes du corps de l’un des accusés de l’affaire. Ils m’ont vue au volant de ma voiture et ils ont crié : « C’est elle ! C’est elle ! Ne la laissez pas passer ». C’était effrayant.[183]

Selon des informations non vérifiées, des commandants impliqués dans l’affaire auraient également essayé de soudoyer des témoins.[184] Un avocat des victimes a expliqué :

À Bulenga, certains des gradés accusés ont payé certains chefs locaux pour qu’ils changent leur histoire. Certains sont arrivés au tribunal et ont nié carrément qu’il s’était passé quelque chose. Trois chefs locaux ont envoyé une lettre à l’auditorat pour dire que le commandant du 41e régiment s’était bien comporté pendant les événements, mais la date de cette lettre est suspecte. Seuls trois des cinq chefs locaux ont signé la lettre. Nous avons demandé aux deux autres de venir expliquer ce qui s’était passé, mais ils ont refusé ; ils avaient peur.[185]

Les 14 officiers inculpés dans l’affaire sont restés en liberté pendant toute la procédure. La liste des victimes protégées, qui contenait leur identité réelle, a fait l’objet d’une fuite et a été retrouvée en la possession de l’un des chefs de Bulenga. Les avocats des victimes ont porté ces problèmes à l’attention des juges, et ont fait part de leurs inquiétudes relatives à la sécurité des victimes.[186] Les juges de la Cour militaire opérationnelle ont rappelé pendant une audience que le fait de contraindre ou d’intimider une victime est une infraction,[187] mais ils n’ont pas estimé que les éléments à leur disposition étaient suffisants pour prendre des mesures.[188]

Certains participants au procès s’inquiètent encore des risques en matière de sécurité et de protection qui pourraient apparaître après le procès. Étant donné que la liste des personnes protégées a fait l’objet d’une fuite, le risque que celles-ci puissent être visées est réel. Des membres du personnel d’ONG et des avocats de Goma ont aussi pointé du doigt les lacunes du système pénitentiaire en RD Congo, et la possibilité que les condamnés de l’affaire Minova s’échappent de la prison de Goma.[189] Cela compromet la sécurité des victimes et de leurs avocats. Ces derniers ont en effet acquis une certaine popularité au cours de l’affaire Minova.

L’unité de protection de la MONUSCO a la responsabilité de vérifier régulièrement la situation des témoins et des victimes à Minova, et d’évaluer leur sécurité et leur environnement personnel après le procès. Certains participants ont suggéré que les condamnés devraient servir leur peine dans une prison située loin de Minova et des lieux où les crimes ont été commis, mais le droit des personnes condamnées à être en contact avec leurs familles devrait être pris en considération si cette mesure était appliquée.[190]

Si la solution sur le long terme est de renforcer le système pénitentiaire en RD Congo, il est néanmoins important sur le court terme de mettre en place, à la prison de Goma, un mécanisme d’alerte pour que toute évasion de condamnés en lien avec l’affaire Minova puisse être immédiatement signalée et des mesures prises pour protéger les personnes en danger. Un programme national de protection spécialisé, qui pourrait être crée avec l’assistance de la MONUSCO, pourrait faciliter la prise en charge des questions de protection lors d’affaires comportant des crimes internationaux.

Une psychologue réconforte une femme avant qu’elle ne témoigne sur le viol qu’elle a subi dans le cadre du procès Minova.  © 2014 Diana Zeyneb Alhindawi

Participation des victimes

La participation des victimes aux poursuites pénales est essentielle pour déboucher sur des éléments de preuve qui peuvent entraîner la condamnation des accusés.[191] Participer en tant que parties civiles permet aussi aux victimes de demander des réparations et contribue à faire de la justice une réalité tangible pour ceux qui sont directement touchés par des atrocités.

Dans la pratique, cependant, les victimes de graves crimes internationaux en RD Congo font face à de nombreux obstacles pour accéder à la justice. Elles peuvent avoir à se déplacer sur de longues distances pour entrer en contact avec les représentants de la justice. Il est possible qu’elles n’aient pas les moyens financiers pour se constituer partie civile ou pour engager un avocat.[192] Elles peuvent aussi craindre des représailles de la part de l’auteur du crime ou la stigmatisation au sein de leur communauté si le crime dont elles ont été victimes est connu, particulièrement lorsqu’il s’agit d’un viol ou de violences sexuelles.

Dans l’affaire Minova, la participation des victimes a en grande partie été une réussite, en raison du travail de groupes locaux parmi lesquels l’Association des personnes déshéritées unies pour le développement (APDUD) à Minova ou le Centre d’assistance médico-psychosociale (CAMPS) à Bukavu, accompagnés des groupes internationaux Avocats sans frontières et Association du barreau américain.[193] Ces deux dernières organisations se sont coordonnées et se sont partagé les tâches depuis le début des enquêtes relatives à l’affaire. Elles ont mis à disposition 12 avocats congolais pour représenter les victimes. Elles ont travaillé en coalition et se sont rencontrées de manière régulière pour discuter de leur stratégie, même si il y a pu avoir des désaccords entre elles. Le personnel et les avocats de l’ABA ont assisté les victimes de viols et ASF a travaillé avec les victimes d’autres crimes.[194]

Comme mentionné précédemment, un total de 1 016 victimes se sont constituées parties civiles dans l’affaire Minova. Un membre du personnel d’ASF a déclaré que le but de l’organisation était de « trouver toutes les victimes » des crimes commis pendant la retraite vers Minova et les villages environnants. Pendant la phase d’enquête, ASF et ABA ont amené les victimes aux auditions menées par les magistrats militaires et ont veillé à ce qu’elles puissent avoir un avocat au plus tôt pour leur expliquer leurs droits et le déroulement de la procédure.[195]

ABA et CAMPS ont veillé à ce que deux psychologues soient présentes pour rassurer les victimes avant leur rencontre avec les enquêteurs et les auditeurs militaires.[196] Le fait pour les victimes de bénéficier d’une assistance juridique et psychologique à ce stade précoce est rare dans le cadre d’une procédure nationale engagée pour de graves crimes internationaux en RD Congo. ABA et ASF ont payé les frais de constitution de partie civile de 130 victimes qui ont dû assumer cette dépense ; 886 autres ont été déclarées indigentes et en ont été exemptées.[197]

Durant le procès, les avocats des victimes ont été autorisés à interroger les témoins et ont collaboré avec les juges pour déterminer quelles victimes étaient le plus apte à témoigner à la barre et fait en sorte qu’elles comparaissent.[198] Les ONG ont organisé et pris en charge le transport de toutes les victimes venues témoigner au procès, à Minova et à Goma, et le BCNUDH a couvert les frais d’hébergement et de restauration. Un des avocats des victimes a déclaré : « La participation des victimes aux procès pour de graves crimes internationaux ne serait pas possible sans ASF et ABA ».

Des juges et d’autres fonctionnaires judiciaires de la Cour militaire opérationnelle s’entretiennent avec des victimes dans une salle d’attente avant que les auditions de la journée ne commencent.  © 2014 Diana Zeyneb Alhindawi

La participation des victimes au procès Minova a toutefois été ternie par deux graves problèmes :

Tout d’abord, des observateurs et des parties au procès ont décrit des contradictions saisissantes apparues au cours du procès, dans les témoignages de certaines des victimes, ce qui a soulevé la question de possibles « fausses victimes ». Il est certainement intimidant pour des victimes vulnérables et souvent traumatisées de témoigner lors d’une procédure judiciaire, et cela peut expliquer certaines des contradictions.[199] Néanmoins, beaucoup de participants et d’observateurs ont conclu qu’il y a pu avoir un problème de « fausses victimes » à différentes étapes de l’enquête et du procès Minova.[200] Certains ont suggéré que le profond intérêt suscité par les événements de Minova et la médiatisation qui les a entourés a pu amener certaines personnes à croire qu’elles pourraient obtenir des compensations ou d’autres avantages matériels en échange d’un témoignage.

C’est là un signe de la nécessité pour les auditeurs et les avocats des victimes de recouper avec soin les témoignages des victimes afin de garantir leur crédibilité. Un travail plus poussé pourrait aussi être nécessaire pour former les ONG locales à la déontologie à observer lors de l’identification des victimes et la facilitation de leur participation aux poursuites judiciaires. Bien gérer les attentes des victimes sur ce qui peut être obtenu en cas de poursuites judiciaires est également crucial.

Une deuxième lacune concernant la participation des victimes est l’absence de paiement des réparations octroyées par la cour. Des ONG, des représentants de victimes et des victimes rencontrés par Human Rights Watch ont insisté sur le fait qu’un problème majeur et constant relatif à la participation des victimes aux procès nationaux pour de graves crimes internationaux en RD Congo est le fait que les réparations octroyées par les tribunaux ne sont jamais versées.[201] Dans le jugement de Minova, les juges ont décidé d’octroyer 15 000 USD à chacune des deux victimes dont les agresseurs ont été reconnus coupables de viol. Ils ont aussi décidé que 100 000 USD devraient être versés au père du garçon assassiné, que 5 000 USD devraient être payés à chacun des quatre propriétaires de magasins pillés à Minova, et que 700 USD revenaient aux 65 autres victimes de pillage. Dans le jugement de Minova, comme dans de précédents jugements où des soldats étaient sur le banc des accusés, l’État congolais, en tant qu’institution portant la responsabilité civile des actions de ses fonctionnaires, a été condamné à verser des réparations au nom des soldats indigents. Un officiel de la RD Congo, tout en reconnaissant le devoir de l’État de payer, a suggéré que l’absence de versement des réparations pouvait être dûe à des obstacles techniques et juridiques au ministère des Finances.[202] D’autres pensaient qu’il s’agissait simplement d’un manque de volonté de payer.[203]

Il est important que les autorités congolaises consultent le personnel judiciaire, les avocats, les ONG locales et internationales qui représentent les victimes et des spécialistes de la question des réparations afin de concevoir une stratégie de réparation efficace et durable dans les affaires de graves crimes internationaux.

Mise en application directe du Statut de Rome de la CPI

Les définitions des crimes internationaux (crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide) contenues dans le code pénal militaire congolais (révisé en 2002) sont floues et ne correspondent pas à celles du Statut de Rome, le traité fondateur de la CPI.[204]

Le droit congolais ne mentionne pas non plus les différents modes de responsabilité pouvant être nécessaires pour poursuivre efficacement les crimes internationaux. Comme mentionné plus haut, la responsabilité de commandement ou du supérieur, telle que définie par les tribunaux internationaux et le Statut de Rome, n’existe pas en droit congolais.

Au vu de ce cadre juridique national vague et incomplet, les auditeurs et juges militaires de l’affaire Minova, comme lors de plusieurs autres procès relatifs à de graves crimes internationaux tenus devant des tribunaux militaires congolais auparavant, ont choisi d’appliquer les dispositions du Statut de Rome directement, en même temps que d’autres lois nationales pertinentes.[205] Cette démarche est possible car la RD Congo est un pays moniste, c’est-à-dire que, une fois un traité international ratifié et publié au journal officiel, il possède un statut normatif plus élevé que la législation nationale et peut être appliqué directement par les tribunaux nationaux. L’application directe du Statut de Rome sans l’avoir d’abord incorporé en droit national est rare—une pratique avisée et remarquable.

Il est également à noter que les juges n’ont pas prononcé de peine de mort dans cette affaire, pourtant en vigueur en RD Congo, pour les accusés reconnus coupables de crimes de guerre.[206] Le rapporteur de la cour, le juge Mukendi, a déclaré à Human Rights Watch : « Vous ne pouvez pas utiliser les définitions du Statut de Rome [qui prohibe la peine capitale] et ensuite ordonner la peine de mort. Il faut être cohérent dans son approche ».[207]

Même si l’application directe du Statut de Rome de la CPI a joué un rôle important dans le procès Minova, il serait préférable et plus simple pour les autorités judiciaires nationales de pouvoir se référer au droit et à la procédure nationale dans les poursuites liées aux graves crimes internationaux. Travailler à partir de traités internationaux et de la jurisprudence internationale est un exercice difficile pour les auditeurs, les juges et les avocats qui n’ont pas nécessairement une grande expérience du droit pénal international et accès aux outils pertinents.[208] Cet exercice peut être particulièrement déroutant lorsque le droit national et le droit international sont en contradiction. La jurisprudence nationale congolaise fondée sur les dispositions de la CPI a également été de qualité variable.[209] Un projet de loi intégrant le Statut de Rome en droit national, qui permettrait de résoudre ces difficultés, est en cours d’examen depuis plus de dix ans.

Pressions diplomatiques

Des efforts diplomatiques concertés ont largement contribué à susciter la volonté politique nécessaire afin de mener les enquêtes relatives aux crimes de Minova et poursuivre en justice les responsables. Parmi ces efforts, on peut citer des contacts diplomatiques publics et en privé, la mobilisation de divers acteurs, le maintien du même message sur une longue durée et l’utilisation de la conditionnalité concernant l’assistance militaire.

Les États-Unis et les Nations Unies se sont particulièrement investis dans la recherche d’une réponse appropriée aux crimes commis à Minova. Chacun avait en effet apporté un soutien militaire à des régiments de l’armée qui se sont plus tard trouvés à Minova et dans les villages environnants à la fin du mois de novembre 2012.[210] La MONUSCO a clairement fait savoir que le soutien militaire apporté aux troupes impliquées dans les crimes de Minova ne se poursuivrait que si le système judiciaire militaire conduisait une enquête de qualité et indépendante sur les crimes commis là-bas et si les suspects étaient jugés au cours d’un procès équitable.[211] En application d’une loi nationale interdisant le soutien à des troupes étrangères impliquées dans des violations des droits humains, les Etats-Unis ont arrêté leur assistance militaire au 391e régiment.[212]

Dans les mois qui ont suivi les événements de Minova, une robuste campagne diplomatique s’est mise en place. Différents acteurs ont tenu des réunions privées et publié des déclarations publiques appelant à la justice. En février, la MONUSCO a lancé une procédure officielle de suspension du soutien aux troupes impliquées et a envoyé au moins trois courriers distincts au gouvernement congolais pour l’exhorter à prendre sans délai des mesures visant à poursuivre en justice les auteurs des crimes de Minova.[213] L’appui militaire onusien aux unités impliquées dans les événements de Minova a été temporairement suspendu.[214]

Le BCNUDH a publié les résultats de ses propres enquêtes relatives à Minova en mai 2013. Ce rapport a permis d’établir la gravité des crimes commis et d’accentuer les pressions en faveur de la justice.[215] D’autres acteurs ont appelé publiquement à la justice, parmi lesquels la France, le Royaume-Uni, les États-Unis, et le Conseil de Sécurité de l’ONU.[216] Des diplomates des États-Unis ont rencontré les représentants du gouvernement congolais à Kinshasa, ainsi que des fonctionnaires de la justice militaire à Kinshasa et à Bukavu.[217] Début octobre 2013, les États-Unis, le Royaume-Uni et la MONUSCO ont publiquement exprimé leur déception face à l’absence de progrès dans l’enquête relative à Minova.[218]

Un représentant du gouvernement congolais a déclaré :

Il est vrai que le gouvernement a un peu laissé traîner cette affaire au début. La guerre contre le M23 se poursuivait, et cela aurait énervé les soldats. La MONUSCO, les États-Unis et les ONG ont exercé de lourdes pressions, leur rôle était important.[219]

Des étapes critiques de l’affaire Minova semblent avoir été franchies au moment où les pressions internationales s’accentuaient. Par exemple, des interrogatoires de commandants par l’auditorat général ont eu lieu alors que la MONUSCO s’apprêtait à suspendre l’appui militaire aux régiments impliqués en avril 2013. La date de novembre 2013 pour l’ouverture du procès a été arrêtée après une visite du Conseil de sécurité des Nations Unies au Congo et une nouvelle vague de déclarations internationales exprimant des inquiétudes face à la faible progression de l’enquête. Après que le représentant d’une ONG ait fait part de ses inquiétudes au sujet de l’intervalle trop court entre les décisions de renvoi et la date d’ouverture du procès, un auditeur de l’auditorat général aurait déclaré : « Nous subissons des pressions internationales. Nous devons envoyer cette affaire devant les tribunaux, ou nous risquons l’embargo ».[220]

Même si elles ont été sans aucun doute indispensables à l’avancement de l’affaire, les pressions internationales ont pu être à double tranchant. L’intérêt suscité auprès du public et dans les médias ont pu mettre les autorités judiciaires militaires sous pression intense, les poussant à obtenir des résultats à tout prix. Cela a pu contribuer, avec les autres problèmes identifiés dans ce rapport, au fait que les poursuites aient été finalement bâclées. Comme évoqué dans la partie suivante, « La voie à suivre », les partenaires internationaux devraient veiller à ce que les pressions diplomatiques soient stratégiques et sophistiquées afin d’encourager des poursuites qui soient indépendantes et justes et qui rendent une justice véritablement crédible.

VI. La voie à suivre

L’amélioration des poursuites pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité au niveau national est intimement liée à une réforme plus large du système de justice pénale en RD Congo.

Garantir des procès équitables, impartiaux et diligents pour des atrocités est seulement l’un des aspects d’une réforme plus globale du secteur de la justice. Pourtant, la justice pour ces crimes est essentielle au rétablissement de la confiance des victimes et de la population en général à l’égard des institutions de la justice, ainsi que pour ancrer le respect envers l’État de droit et les droits humains, qui sont au cœur de toute société démocratique.[221]

Les autorités congolaises ont commencé à travailler sur des réformes du secteur de la justice au cours des dernières années avec le soutien de partenaires internationaux, en adoptant un plan d’action sur la réforme de la justice en 2007 et une feuille de route en 2009, ainsi qu’en prenant certaines mesures concrètes telles que le recrutement de personnel judiciaire supplémentaire et la poursuite de travaux sur plusieurs projets de lois.

Du 27 avril au 2 mai 2015, le ministère congolais de la Justice a convoqué des « États Généraux de la Justice », une grande conférence pour évaluer la réforme du secteur de la justice à ce jour et identifier les actions prioritaires pour l’avenir. Plus de 200 participants y ont participé, notamment le président congolais, des membres des systèmes de justice militaire et civile, des fonctionnaires et des responsables du ministère de la Justice et d’autres ministères, des représentants du Parlement, des associations d’avocats, des universités, des bailleurs de fonds internationaux ainsi que des représentants internationaux et nationaux de la société civile.[222]

Un rapport officiel des États Généraux énumérant les recommandations clés par ordre de priorité est en cours d’élaboration. En se basant sur la conférence et les recommandations qui en ont découlé, le gouvernement prévoit d’élaborer une loi programmatique judiciaire avant la fin 2015, qui fixerait et formaliserait en droit les priorités du gouvernement pour la réforme du secteur de la justice au cours des prochaines années.[223]

Une évaluation de la réforme générale du secteur de la justice en RD Congo dépasse la portée de ce rapport mais des progrès additionnels sont nécessaires de toute urgence dans un certain nombre de domaines.

Certaines des mesures ayant le plus d’incidence sur l’efficacité des poursuites pour les crimes internationaux graves sont les suivantes : l’amélioration du cadre juridique et l’alignement du code pénal militaire et du code judiciaire militaire de 2002 avec la constitution de 2006 ; la mise en place des plus hautes juridictions de la RD Congo (la Cour de cassation et le Conseil d’État) ; le redémarrage de l’éducation et de la formation pour le personnel judiciaire dispensées par l’État ; le renforcement de l’indépendance du système judiciaire ; et une restructuration du système pénitentiaire.

Depuis les crimes et le procès de Minova, des efforts importants ont été entrepris pour lutter contre les violences sexuelles et intensifier la justice pour ces crimes en RD Congo. En juillet 2014, le Président Joseph Kabila a nommé une représentante personnelle en charge de la lutte contre les violences sexuelles et le recrutement d’enfants. Le bureau de la représentante travaille, entre autres objectifs, à faciliter le signalement des crimes de violence sexuelle, à prévenir la violence sexuelle à travers l’éducation, ainsi qu’à faire pression en faveur de la justice pour les crimes de violence sexuelle.[224]

En septembre 2014, les forces armées congolaises ont adopté un plan d’action national contre les violences sexuelles en période de conflit.[225] Plusieurs procès pour crimes internationaux graves, notamment le viol, ont eu lieu ou ont été menés à terme depuis le procès de Minova, y compris par exemple le procès du colonel Bedi Mobuli Engangela, connu comme le « Colonel 106 », celui du général Jérôme Kakwavu, ainsi que des membres de niveau inférieur de la police et de l’armée.[226] Enfin, les premières mesures sont en cours pour mettre en œuvre des réparations octroyées aux victimes, notamment par l’élaboration d’une loi créant un fonds spécial d’indemniser au profit des victimes.[227]

En s’appuyant sur l’expérience du procès de Minova, cette section du rapport examine un certain nombre de réformes qui pourraient améliorer considérablement la lutte contre l’impunité en RD Congo. Les réformes du système tel qu’il fonctionne actuellement sont examinées d’abord, notamment les améliorations à apporter au cadre législatif, la création d’une cellule d’enquête spécialisée et le transfert de compétence sur les crimes internationaux graves au système de justice civile.

Étant donné le grand nombre de crimes internationaux graves commis en RD Congo au cours des deux dernières décennies et les défis rencontrés par les juridictions nationales, la mise en place d’un mécanisme de justice internationalisé temporaire au sein du système judiciaire congolais afin de poursuivre ces crimes, continue d’être une proposition d’une importance cruciale. La participation de personnel international pendant les premières années, telle que proposée dans deux projets de lois initiés par le gouvernement au cours des cinq dernières années, pourrait aider à renforcer une expertise spécialisée du personnel judiciaire congolais. Elle pourrait également contribuer à éviter l’ingérence politique et militaire dans les affaires sensibles.

Réformes du système judiciaire

À l’exception récente d’une affaire de crimes contre l’humanité et génocide qui vient de s’ouvrir devant la cour d’appel de Lubumbashi, toutes les affaires impliquant des crimes internationaux graves, à savoir les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, ont été traitées par les tribunaux militaires en RD Congo. La RD Congo a ratifié plusieurs traités internationaux interdisant les crimes internationaux graves, tels que la Convention sur le génocide, les Conventions de Genève et la Convention contre la torture.[228] La RD Congo est aussi un État partie à la CPI.[229] Le Code pénal militaire congolais contient les définitions de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide depuis 1972, avec des révisions en 2002. Malgré ce cadre juridique existant, aucune enquête ou poursuite pour crimes internationaux graves n’avait eu lieu avant 2003, même si des crimes internationaux ont été commis de façon généralisée en RD Congo depuis les années 1990.[230]

Depuis l’ouverture de l’enquête de la CPI en RD Congo en 2004, les autorités congolaises et les partenaires internationaux ont cherché à encourager la « complémentarité » entre la CPI et le système judiciaire national. Le principe de « complémentarité », défini dans le préambule et l’article 17 du Statut de Rome de la CPI, signifie que les systèmes judiciaires nationaux conservent la responsabilité première de mener des enquêtes et des poursuites sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité ainsi que le génocide, et que la CPI n’interviendra qu’en tant que juridiction de dernier ressort, c’est-à-dire, en substance, pour « compléter » les efforts judiciaires lorsque les tribunaux nationaux ne sont pas en mesure ou refusent d’agir.

Les bailleurs de fond internationaux ont financé une variété de projets visant à renforcer les capacités locales pour faire face à ces crimes. Depuis 2004, en raison d’un engagement plus ferme en faveur de la justice de la part des autorités congolaises assorti de cette assistance internationale, un nombre croissant de procès pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité se sont tenus devant des tribunaux militaires en RD Congo.

Il n’existe pas de registre national public répertoriant l’ensemble des jugements rendus par les juridictions nationales en RD Congo. Il est donc difficile d’évaluer le nombre exact de procès pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui ont eu lieu, mais le total peut être estimé à une trentaine au cours des dix dernières années.[231] Les deux tiers environ de ces procès impliquaient des membres de l’armée congolaise ; les autres impliquaient des membres de groupes armés non étatiques. En outre, les tribunaux civils et militaires ont prononcé plusieurs centaines de condamnations pour viol commis par des membres de l’armée et des civils comme un délit de droit commun, notamment par le biais des « chambres foraines »—c’est-à-dire des audiences foraines de tribunaux locaux militaires et civils—parrainés par des partenaires internationaux.[232]

Le système judiciaire militaire de la RD Congo

Le système judiciaire militaire comporte trois niveaux de tribunaux.

  1. Au niveau le plus bas se trouvent les tribunaux de garnison qui peuvent être établis dans un district, une ville ou dans une base militaire et qui ont autorité sur les soldats de rang. Il existe plusieurs tribunaux de garnison dans chacune des 11 anciennes provinces de la RD Congo.[233]
  2. Au-dessus des tribunaux de garnison se trouvent les cours militaires, qui sont établies au niveau provincial et qui ont compétence sur les affaires impliquant des officiers (à l’exception des officiers qui bénéficient de privilèges de juridiction, comme expliqué ci-dessous). Il peut y avoir un ou deux cours militaires par province, qui sont généralement situées dans la capitale provinciale.
  3. La Haute Cour Militaire, basée à Kinshasa, examine les appels des tribunaux inférieurs et entend en première instance les affaires concernant des officiers bénéficiant de privilèges de juridiction, à savoir des généraux et certains responsables de la justice militaire.[234]

Hiérarchie des tribunaux militaires en RD Congo

En outre, le code judiciaire militaire prévoit la création de cours militaires opérationnelles en temps de guerre, comme celle qui a entendu l’affaire Minova.

Tous ces tribunaux sont compétents en matière de crimes internationaux graves, et des affaires ont fait l’objet d’enquêtes et de poursuites à tous les niveaux. Le lieu du crime et le grade des membres de l’armée impliqués déterminent le tribunal militaire qui est saisi. Chaque niveau est doté d’un auditorat et d’enquêteurs militaires.

L’auditorat militaire général à Kinshasa est rattaché à la Haute Cour Militaire. En plus des affaires entendues devant cette juridiction, l’auditorat militaire général supervise tous les autres auditorats militaires. Il a le pouvoir de donner des ordres d’enquêter aux auditeurs de niveau inférieur, et de participer à ou de prendre en charge tous les cas dont est saisi un tribunal militaire en RD Congo.[235] Les chambres des tribunaux militaires sont composées d’une minorité de juges professionnels, assistés par des « juges assesseurs », qui sont des officiers de l’armée, désignés par tirage au sort pour chaque procès dans une liste établie par le commandement militaire local.[236]

Les efforts du système de justice militaire dans la lutte contre l’impunité pour les atrocités commises en RD Congo ont été novateurs et courageux face à de grandes difficultés, notamment en matière de sécurité. À ce jour, les procès militaires ont été le seul recours possible pour les victimes au niveau national.

Alors que théoriquement les tribunaux civils pourraient également appliquer directement le Statut de Rome, ils ne l’ont pas fait. Dans une loi promulguée en avril 2013, la compétence sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide a été octroyée de façon explicite aux cours d’appel du système judiciaire civil, mais cette loi pose certains problèmes, comme exposé ci-dessous.[237]

Bien que les développements devant les tribunaux militaires soient encourageants, le nombre de procès réels pour crimes internationaux est encore remarquablement limité, compte tenu de l’ampleur des crimes graves commis en RD Congo. Beaucoup de crimes graves ne font jamais l’objet d’enquêtes, et dans d’autres cas, les enquêtes piétinent pendant des années.[238]

Au-delà du nombre de procès et de condamnations, la qualité de la justice rendue doit être prise en compte. La plupart des personnes qui ont été jugées pour des crimes graves à ce jour sont des militaires de grade inférieur, et ces procès ont souvent été marqués par de graves problèmes : les enquêtes sont de mauvaise qualité ; les victimes et les témoins font l’objet de menaces et d’intimidation ; et les droits des accusés ne sont pas rigoureusement respectés.[239]

La poignée d’officiers de grade supérieur qui ont fait l’objet de poursuites (quelques colonels et un général) étaient pour la plupart d’anciens chefs rebelles ou des individus qui étaient tombés en disgrâce auprès de leur commandement. Les affaires sensibles ont été sujettes à l’ingérence de responsables politiques et militaires, et les personnes condamnées s’évadent parfois en raison du mauvais état des établissements pénitentiaires.[240]

Le procès de Minova met en lumière un certain nombre de défis et les améliorations nécessaires pour renforcer l’expertise, la capacité et l’impartialité du système judiciaire militaire congolais dans le traitement des crimes internationaux.

Tant que le système judiciaire militaire continue de traiter la majeure partie des graves crimes internationaux, plusieurs réformes devraient être réalisées afin de renforcer le cadre législatif, ainsi que l’expertise et l’impartialité du système judiciaire concernant ces cas.

Plus largement, le rôle dominant du système judiciaire militaire en RD Congo dans les poursuites pour violations graves des droits humains va à l’encontre d’un ensemble croissant de normes internationales et régionales qui reconnaissent que de tels crimes devraient être traités par les tribunaux civils.[241] Des mesures devraient être prises en RD Congo pour renforcer le rôle du système judiciaire civil dans la lutte contre l’impunité.

Politique pénale nationale en matière de justice

À la suite des États Généraux, le gouvernement congolais devrait formuler une politique nationale claire relative aux poursuites pour les graves crimes internationaux. Une telle politique devrait exposer l’approche actuelle du gouvernement, qui a inclus une coopération continue avec la CPI, la proposition d’établir un mécanisme de justice internationalisé, et le renforcement du système de justice ordinaire.

Les éléments clés d’une telle politique pourraient être identifiés dans la loi de programmation judiciaire qui sera préparée par le gouvernement, comme mentionné ci-dessus. En outre, des responsables d’une unité nouvellement créée sur la lutte contre l’impunité au sein du ministère de la Justice ont déclaré à Human Rights Watch qu’une de leurs tâches consistait à rédiger un plan d’action national détaillé contre l’impunité.[242] Le gouvernement devrait valider un tel plan d’action afin de guider les actions prioritaires dans les années à venir.

Ces mesures pourraient grandement contribuer aux efforts visant à mieux coordonner et diriger l’appui des partenaires internationaux dans ce domaine. Un investissement financier national accru dans ce domaine crucial, dans la mesure du possible, démontrerait non seulement une forte volonté politique de garantir la justice pour les crimes graves, mais contribuerait également à la durabilité des activités entreprises dans le domaine.

Renforcer le cadre juridique

Le gouvernement devrait réviser ou adopter plusieurs lois afin de renforcer le cadre juridique en matière de justice pour les crimes graves. Certains projets pertinents existent mais semblent bloqués, comme la loi mettant en œuvre le Statut de Rome dans le droit national et un code pénal civil modernisé et révisé.

Définition des crimes et modes de responsabilité

La mise en œuvre du Statut de Rome en droit national demeure une priorité importante. Diverses propositions, de la part du gouvernement et ensuite par des membres du parlement, ont été examinées en RD Congo depuis 2006.

En mai 2015, l’Assemblée nationale a adopté en séance plénière une version révisée d’une proposition de loi de mise en œuvre du Statut de la CPI proposée par un membre du Parlement en 2012, qui modifierait le code pénal civil, le code de procédure pénale, le code pénal militaire, et le code judiciaire militaire.[243]

Cette proposition de loi améliorerait fortement le cadre juridique congolais en ajoutant des définitions de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide qui soient compatibles avec le Statut de Rome, en intégrant le concept de la responsabilité de commandement, et en prévoyant l’amélioration des droits à un procès équitable ainsi que des dispositions sur la protection. Tel que requis par le Statut de Rome, la proposition de loi comporte également des dispositions détaillées sur la coopération entre les autorités congolaises et la CPI.

La dernière version de la proposition de loi, tel que modifiée par la commission « Politique, Administration et Justice » de l’Assemblée nationale, n’envisage malheureusement plus le transfert complet de compétence sur les crimes relevant du Statut de la CPI des tribunaux militaires vers les cours d’appel dans le système judiciaire civil, comme cela était le cas dans le texte original.[244] La proposition doit encore être inscrite à l’ordre du jour du Sénat et, si une version modifiée y est approuvée, une version finale devra être élaborée par un comité des deux chambres.

Renforcer les droits à un procès équitable pour les accusés

La constitution de 2006 contient des dispositions détaillées qui consacrent les droits de toutes les personnes à un procès équitable, crédible et en temps opportun.[245] Malheureusement, ces dispositions ne sont pas encore toutes mises en œuvre dans le droit procédural congolais et sont mal appliquées dans la pratique.

Premièrement, le droit des personnes accusées à avoir accès à un avocat pendant la phase d’enquête est d’une importance cruciale, mais est rarement mis en œuvre dans la pratique. Ceci est d’autant plus important en RD Congo étant donné qu’il n’y a pas de juge d’instruction pour contrôler la phase d’enquête, comme cela est habituellement le cas dans les systèmes de droit civil. Le juge d’instruction est traditionnellement en charge de la « recherche de la vérité » au sujet d’un crime, par la recherche neutre de preuves à charge et à décharge de l’accusé.[246] En RD Congo, le procureur mène l’enquête, prépare le dossier de l’accusation, et présente l’accusation au procès. Il est donc essentiel pour un accusé d’avoir l’assistance d’un avocat dès que possible au cours de l’enquête afin de recueillir des informations à décharge et de préparer une stratégie de défense.

Deuxièmement, l’État devrait fournir une aide légale aux accusés indigents. Selon le droit congolais, les barreaux locaux sont mandatés pour fournir une représentation juridique gratuite aux accusés démunis. Plusieurs barreaux locaux ont créé des bureaux de consultations gratuites, qui donnent des conseils aux victimes et aux accusés. Mais un manque de ressources et une corruption endémique entravent leur fonctionnement efficace dans la pratique.[247] Les partenaires internationaux devraient envisager de renforcer leur soutien en faveur de la défense des accusés indigents dans les affaires de graves crimes internationaux, notamment à l’aide de formations spécialisées sur les éléments des crimes internationaux et sur les stratégies pour préparer une défense efficace.

Enfin, le droit de faire appel devrait être garanti pour tous, conformément à la constitution et au droit international des droits humains.[248] Ceci exige notamment de modifier le code judiciaire militaire pour garantir que les appels soient autorisés devant les cours militaires opérationnelles. [249] Comme expliqué ci-dessous, ceci exige également de revoir le système des privilèges de juridiction, en vertu duquel les personnes accusées n’ont accès qu’à un seul niveau de juridiction.

Les codes pénal et judiciaire militaires de 2002 n’ont pas été modifiés pour se conformer aux améliorations des droits à un procès équitable inclus dans la constitution de 2006. Un examen de ces codes est actuellement en cours et présente une occasion de clarifier davantage ou d’intégrer ces droits.[250]

Privilèges de juridiction

Selon le droit congolais, plusieurs catégories de personnes bénéficient de privilèges de juridiction, ce qui signifie que, si elles font l’objet de poursuites, elles sont jugées en première instance devant les plus hautes juridictions du pays, et non devant les tribunaux réguliers de première instance.

Conformément à l’article 153 de la constitution, un grand nombre de catégories de responsables publics (y compris les membres de l’Assemblée nationale et du Sénat, des membres du gouvernement autre que le premier ministre, divers fonctionnaires judiciaires, les gouverneurs et ministres des provinces, et les présidents des parlements provinciaux) ne peuvent être jugés que devant la Cour de cassation. Le nombre de personnes bénéficiant de cette mesure va bientôt fortement augmenter suite au récent passage du nombre de provinces de 11 à 26 en RD Congo.

En outre, l’article 163 de la constitution prévoit que le président et le premier ministre ne peuvent être jugés que devant la Cour constitutionnelle. Enfin, en vertu de l’article 128 du code judiciaire militaire, les généraux de l’armée et certains responsables de la justice militaire ne peuvent être jugés que devant la Haute Cour militaire.

Ces privilèges de juridiction donnent lieu à un certain nombre de difficultés. Par exemple, la Cour constitutionnelle et la Cour de cassation (en plus du fait que cette dernière n’existe pas encore) n’ont pas compétence sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide (qui relèvent actuellement de la compétence des tribunaux militaires et des cours d’appel dans le système judiciaire civil). Il est donc difficile de savoir si les personnes qui bénéficient de privilèges de juridiction devant ces deux juridictions peuvent véritablement être poursuivies pour ces crimes. En tant que tels, les privilèges de juridiction peuvent conduire à une impunité de facto.

En outre, les individus jugés en première instance devant la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, ou la Haute Cour Militaire n’ont pas accès à une cour d’appel, étant donné que ce sont les plus hautes juridictions du pays, ce qui les prive de fait du droit de faire appel de leur condamnation. Cela affecte, par exemple, la récente affaire du général Jérôme Kakwavu, qui a été reconnu coupable de crimes de guerre, notamment de viol, et celle de trois anciens témoins de la CPI qui sont actuellement en attente de procès pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité devant la Haute Cour Militaire.[251]

Les privilèges de juridiction devraient être réformés, au moins en ce qui concerne les crimes les plus graves au regard du droit international. Au minimum, le gouvernement devrait conférer à la Cour constitutionnelle et à la Cour de cassation une compétence claire sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide, et créer un moyen de faire appel des décisions de ces cours.

Protection des victimes et des témoins

Comme indiqué précédemment, certains juges militaires ont pris des mesures inspirées par le Statut de Rome pour assurer la protection physique et le bien-être psychologique des victimes et des témoins, en dépit du manque de détails en droit congolais sur cette question. Ce faisant, ils ont bénéficié de l’expertise et du soutien logistique de la MONUSCO.

Cette pratique, bien qu’elle soit importante, ne remplace pas la nécessité pour les autorités congolaises de renforcer le droit congolais en matière de protection des témoins. Étant donné le grand nombre de tribunaux et de personnels judiciaires qui peuvent traiter de graves crimes internationaux en RD Congo, il n’y a aucune garantie que ces bonnes pratiques soient connues ou reproduites en l’absence de dispositions légales spécifiques. Les domaines qui devraient être couverts dans une loi incluent : la préparation de protocoles d’évaluation des risques encourus par les témoins, une liste spécifique, mais non exhaustive, des mesures que les juges peuvent prendre pour faciliter la comparution en justice (notamment les mesures visant à préserver l’anonymat, comme cela a été fait dans l’affaire Minova) tout en garantissant le droit des accusés à un procès équitable, notamment leur droit à contester pleinement les preuves et les témoins à charge.

En outre, les autorités congolaises devraient envisager la création d’un programme national de protection, mandaté pour fonctionner pour tous les témoins et victimes à risque et cela qu’ils témoignent pour la défense ou l’accusation. Le programme pourrait aider en matière de mesures de protection des victimes et des témoins avant, pendant et après le procès. Afin de réduire le risque de divulgation de renseignements confidentiels, le programme de protection devrait être indépendant de la police, de l’armée et des autorités judiciaires.[252]

Un tel programme national de protection pourrait tirer des leçons, et progressivement prendre la suite, du travail effectué actuellement par des ONG internationales et par la MONUSCO dans ce domaine, et assurer ainsi la durabilité de l’assistance internationale en matière de protection. Les avantages de la création d’un tel programme de protection pourraient s’étendre à d’autres cas sensibles ou fortement médiatisés, au-delà des affaires de crimes de guerre.

Renforcer les capacités à enquêter sur les graves crimes internationaux

Les enquêtes et les poursuites pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide, présentent souvent des défis complexes et exigent des compétences spécifiques. Un manque de connaissances et d’expériences spécialisées peut compromettre la qualité des enquêtes et des poursuites.

Formation étatique sur les crimes internationaux

Diverses organisations internationales et nationales ont organisé des formations en RD Congo sur le droit pénal international, le Statut de Rome ainsi que divers aspects des enquêtes et des poursuites pour les graves crimes internationaux. Cependant, ces activités ne sont pas toujours bien coordonnées.[253] Des membres du personnel judiciaire se sont plaints que les formations peuvent être trop basiques, mal adaptées à leurs besoins, ou répétitives.[254]

Compte tenu de l’importance de ce domaine de la justice en RD Congo, le curriculum de formation concernant les crimes internationaux devrait être intégré dans un programme d’enseignement organisé par l’État pour les enquêteurs et les magistrats civils et militaires. La création d’une « École Supérieure de la magistrature », au travers de la loi sur le Statut des magistrats adoptée en 2006, a été lente mais elle est en cours.[255] Assurer une formation officielle adéquate des fonctionnaires de la justice est un aspect important de la réforme du secteur de la justice.

Création d’une unité d’enquête spécialisée

La présence de personnel judiciaire motivé et bien formé, doté d’une spécialisation dans le domaine des graves crimes internationaux peut améliorer à la fois la capacité et la volonté d’un système judiciaire de gérer ces affaires difficiles.

Un obstacle majeur concernant le fonctionnement du système judiciaire actuel en RD Congo est qu’un grand nombre de tribunaux et de membres du personnel judiciaire ont potentiellement compétence sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide.[256] Une telle dispersion est une entrave à une perspective générale sur les affaires et à une possible coordination entre les enquêtes qui pourraient se rapporter à des crimes commis par les mêmes groupes. En outre, le personnel judiciaire permute régulièrement entre tribunaux de différentes provinces. Il est donc possible que des enquêteurs et des magistrats qui avaient participé à des formations spécialisées en crimes internationaux ou qui avaient acquis de l’expérience dans le traitement de telles affaires partent ou soient remplacés par d’autres personnes ne possédant pas une telle expérience ou n’étant pas intéressées.

Dans ces circonstances, même avec un soutien international important, la qualité des enquêtes et des poursuites ainsi que leur rythme, peuvent ne pas s’améliorer de manière significative au fil du temps. Même avec une formation étatique plus systématique, il serait irréaliste de s’attendre à ce que tous les fonctionnaires de la justice en RD Congo deviennent des experts dans ce domaine spécialisé.

Reconnaissant les spécificités intrinsèques des enquêtes et des poursuites sur les graves crimes internationaux, plusieurs pays ont créé des unités spécialisées en charge des crimes de guerre, notamment en Afrique : l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire, l’Ouganda et la République centrafricaine.[257]

En s’inspirant de ces exemples, les autorités congolaises devraient envisager la création d’une unité spécialisée d’enquêteurs et d’auditeurs militaires pour traiter exclusivement des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et de génocide. L’équipe pourrait être basée à Goma, ou dans une autre ville de l’est de la RD Congo près des lieux où la majeure partie des crimes internationaux ont été commis, et se déplacer à chaque fois que des enquêtes sont nécessaires.

Une telle unité pourrait renforcer l’actuelle administration de la justice pour les crimes graves en RD Congo pour les raisons suivantes :

Premièrement, l’unité centraliserait l’expertise et les connaissances spécialisées, ce qui augmenterait les chances que les enquêtes et les poursuites réussissent à avancer. Les fonctionnaires de la justice travaillant dans l’unité auraient la possibilité d’accroître leur expertise grâce à leur participation dans de nombreuses affaires pertinentes. Ils auraient ainsi la possibilité de renforcer leurs compétences dans des domaines importants tels que :

  • Les enquêtes sur certains crimes présentant des difficultés particulières, ou qui ne sont pas traités fréquemment par des tribunaux congolais, comme par exemple les crimes de masse impliquant un grand nombre de victimes et de criminels, les crimes internationaux commis par des entités juridiques et des sociétés, les violences sexuelles, ainsi que l’utilisation et le recrutement d’enfants soldats ;
  • L’identification de preuves liant des auteurs de crimes de rang subalterne aux officiers supérieurs afin de mettre en évidence la responsabilité de commandement ;
  • L’identification et la gestion de témoins de l’intérieur ; et
  • La gestion de victimes et de témoins vulnérables ou traumatisés afin de leur éviter de revivre les traumatismes lors du recueil d’éléments de preuve.

Deuxièmement, la création d’une telle unité centralisée pourrait faciliter l’élaboration d’une stratégie en matière de poursuites judiciaires pour les graves crimes internationaux en RD Congo. Une stratégie en matière de poursuites judiciaires définissant des priorités dans les affaires est essentielle pour utiliser des ressources limitées avec un maximum de résultats.[258]

En raison du grand nombre de graves crimes internationaux commis en RD Congo au cours des vingt dernières années, une telle stratégie en matière de poursuites judiciaires pourrait permettre au système judiciaire militaire d’identifier les priorités de façon plus stratégique et proactive, par exemple en s’attaquant aux crimes les plus graves, aux individus portant la plus grande responsabilité pour ces crimes, ou en traitant les crimes qui ont un impact spécial pour les victimes.

Adopter une approche plus proactive pourrait renforcer la réponse du système au besoin de justice. À ce jour, la réponse du système judiciaire militaire s’est montrée plutôt réactive : les décisions d’enquêter dépendent souvent de la disponibilité d’informations recueillies par des organisations internationales sur les crimes, la disponibilité de l’assistance internationale, et des pressions diplomatiques.[259] La création d’une entité centralisée pourrait contribuer à garder une vue d’ensemble sur les affaires faisant l’objet d’enquêtes et de poursuites, et permettre au système judiciaire congolais d’exercer l’autorité exigée pour ouvrir des enquêtes et faire avancer des affaires jusqu’aux poursuites.

Troisièmement, en se concentrant uniquement sur les crimes internationaux, les ressources de l’unité spécialisée ne seraient pas détournées vers le traitement d’autres affaires, et l’on serait en droit de s’attendre à ce que l’unité mène en continu des enquêtes et des poursuites.

Enfin, la création de cette unité centralisée pourrait aider à concentrer l’assistance des bailleurs de fonds dans ce domaine et à assurer la durabilité de l’expertise et des connaissances sur le long terme. Il serait également moins coûteux et plus efficace de protéger un nombre limité de personnel judiciaire travaillant sur ces affaires sensibles, lorsque leur sécurité personnelle peut se trouver en danger.

L’unité d’enquête devrait comporter un nombre suffisant d’enquêteurs et d’auditeurs militaires, dotés idéalement d’une expérience préalable dans le traitement d’affaires relatives à des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

La diversité du personnel en termes de genre est très importante, de sorte que des enquêtrices soient disponibles pour interroger les victimes de violence sexuelle et sexiste, si les victimes souhaitent parler à une femme. En plus des enquêteurs et des procureurs, l’unité d’enquête devrait employer des experts dont les compétences sont régulièrement nécessaires lors de telles enquêtes, par exemple des psychologues, des enquêteurs financiers et des experts en médecine légale. Le personnel judiciaire affecté à l’équipe d’enquête spécialisée devrait être disposé à accepter des affectations à long terme.

La création de l’unité—une question d’organisation judiciaire—pourrait découler d’un décret gouvernemental, et institutionnalisée ensuite par une loi. Pour avoir compétence dans toute la RD Congo, l’unité d’enquête spécialisée devrait être rattachée à l’Auditorat militaire général à Kinshasa.[260] Elle devrait être dirigée par un auditeur ayant le grade de général afin de pouvoir engager des enquêtes et des poursuites sur les crimes commis par tout le personnel militaire, y compris les généraux. L’auditeur concerné devrait être une personnalité d’une haute autorité morale, ayant une réputation d’indépendance et d’impartialité, et doté d’une expérience dans le domaine des enquêtes et des poursuites relatives aux graves crimes internationaux.

Étant donné que l’unité se trouverait encore sous l’autorité directe du ministre de la Défense et du ministre de la Justice—tout comme n’importe quel autre auditorat militaire—et ferait partie de l’Auditorat général, l’unité d’enquête spécialisée ne serait pas complètement protégée contre l’ingérence possible de la hiérarchie judiciaire militaire, de la hiérarchie de l’armée, et d’autres officiels, dans le travail des fonctionnaires de justice.

Néanmoins, la création d’une unité spécialisée composée de personnel compétent doté de l’expertise nécessaire pour traiter ces affaires sensibles est une base essentielle pour lutter contre les problèmes d’ingérence ou de pressions qui pourraient survenir. Ce groupe de personnel spécialisé pourrait éventuellement être intégré au sein d’un mécanisme judiciaire internationalisé quand il est créé.

Renforcement de l’appui de l’ONU aux poursuites judiciaires

Le fonctionnement des Cellules d’appui de aux poursuites des Nations Unies devrait être renforcé de sorte qu’elles puissent réaliser leur potentiel en contribuant à développer les capacités du système judiciaire congolais en matière d’enquêtes. Une évaluation du fonctionnement des Cellules d’appui aux poursuites a été effectuée en 2014 par le PNUD, qui est impliqué dans la gestion du programme des Cellules d’appui aux poursuites.[261] Le Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies a également réalisé une évaluation des cellules en 2015.

Des stratégies devraient être élaborées afin de recruter des experts ayant le bon profil et l’expertise leur permettant d’appuyer efficacement le personnel judiciaire congolais dans les enquêtes et les poursuites judiciaires pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Une difficulté est que le personnel des Cellules d’Appui aux poursuites est actuellement principalement détaché par des États membres de l’ONU parmi leurs enquêteurs et procureurs civils et militaires nationaux, qui ne possèdent pas l’expérience adéquate en matière d’enquêtes et de poursuites judiciaires sur les graves crimes internationaux. Il est plus probable que les experts pertinents soient employés par des tribunaux internationaux ou hybrides.

Les Cellules d’appui aux poursuites des Nations Unies n’ont employé que très peu de ces véritables experts. D’autres postes devraient être proposés à des consultants indépendants dotés de l’expertise appropriée. Étant donné qu’il peut s’avérer difficile de trouver de tels experts qui souhaitent ou qui puissent s’établir en RD Congo pour de longues périodes, une combinaison de postes à moyen et à long terme pourrait être créée au sein des Cellules d’appui aux poursuites. Du personnel détaché à long terme, ne possédant pas nécessairement une expertise spécifique en matière d’enquêtes sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, pourrait superviser et administrer le programme, gardant une vue d’ensemble des affaires nécessitant une assistance, programmant des formations, nouant des liens avec le système judiciaire congolais, et contrôlant la progression des enquêtes sur les crimes internationaux dans la durée.

Des experts ayant une expérience démontrée dans les enquêtes et les poursuites sur les crimes de guerre pourraient être embauchés pour plusieurs contrats de courte durée afin d’appuyer les fonctionnaires judiciaires congolais à des moments clés d’une enquête et d’un procès : par exemple, au tout début lorsque le plan d’enquête est préparé, à l’occasion d’entretiens avec un témoin clé, lors de l’élaboration d’une stratégie de poursuites ou de la préparation du dossier d’accusation.

Une approche plus directe et proactive de la part des Cellules d’appui aux poursuites pourrait également produire de meilleurs résultats. Les cellules devraient donner des conseils sur les spécificités des affaires faisant l’objet d’une enquête. Une telle approche est autorisée tant par les termes de la Résolution 1925 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui a créé les Cellules d’appui aux poursuites, que par le protocole d’entente signé avec le gouvernement.

Pour que cela soit possible, il est important que le personnel du système judiciaire congolais collabore plus systématiquement avec le personnel des Cellules d’appui aux poursuites. Ces experts pourraient également organiser des formations et des ateliers spécialisés sur les questions pertinentes identifiées d’après leur observation du travail du personnel judiciaire national et portant sur des thèmes liés aux enquêtes relatives aux graves crimes internationaux.

Enfin, les Cellules d’appui aux poursuites sont bien placées pour identifier les obstructions ou les ingérences dans certaines affaires. Elles devraient être disposées à intervenir auprès de leurs homologues congolais afin de résoudre ces problèmes ou à en rendre compte à leurs supérieurs hiérarchiques dans la MONUSCO, qui à leur tour pourraient soulever la question auprès des autorités congolaises à Kinshasa. Les Cellules d’appui aux poursuites devraient préparer des rapports annuels sur leurs activités, contenants des détails sur le type d’assistance fournie, mais sans révéler des informations sur des enquêtes confidentielles.

Renforcer l’indépendance du système judiciaire

L’indépendance et l’impartialité des juges et des procureurs sont des éléments essentiels de l’État de droit et la garantie de procès équitables. Si la constitution de 2006 reconnaît la séparation des pouvoirs et garantit l’indépendance du système judiciaire, les systèmes judiciaires civil et militaire de la RD Congo sont fragiles et manquent d’indépendance dans la pratique. Les cas d’ingérence de la part des autorités politiques, du commandement militaire et de la hiérarchie judiciaire sont courants, bien documentés et reconnus.[262]

L’indépendance et l’impartialité sont particulièrement essentielles s’agissant de juger les affaires de graves crimes internationaux. Les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité en RD Congo ont souvent été commis en fonction de critères ethniques ou politiques et ont donc un caractère plus sensible. Dans certaines affaires, les principaux criminels continuent d’occuper des positions de pouvoir ou restent proches de ceux qui les détiennent.

Dans les systèmes judiciaires tant civil que militaire en RD Congo, certains hauts fonctionnaires de la justice ont des liens forts avec l’exécutif ou avec d’autres responsables politiques. Ceci peut constituer une entrave à l’indépendance. Par exemple, le général Timothée Mukunto, à l’Auditorat général à Kinshasa, est considéré par de nombreuses personnes comme une personnalité controversée et politisée. Il était autrefois le président de la Cour d’Ordre Militaire, un tribunal d’exception redouté créé en 1997 par le Président d’alors, Laurent-Désiré Kabila, qui a été largement critiqué pour les procès inéquitables et biaisés qu’il a tenus.[263] Mukunto aurait occupé d’autres fonctions non judiciaires qui l’ont rendu proche de hauts responsables politiques et de la sécurité nationale à Kinshasa pendant longtemps.[264]

Une stricte application des garanties légales existantes, ainsi que des mesures institutionnelles et informelles, sont toutes nécessaires pour renforcer l’indépendance du système judiciaire en RD Congo. Ceci représenterait un changement de culture à long terme, qui devrait être une priorité tant pour les autorités congolaises que pour les acteurs internationaux impliqués dans la réforme du secteur de la justice.

Le défaut d’application des règles existantes en ce qui concerne la nomination transparente des magistrats dans des juridictions spécifiques et du respect des garanties concernant leur mandat et leur inamovibilité demeure un problème chronique en RD Congo. Un budget suffisant pour permettre le bon fonctionnement du système de justice pourrait également contribuer à réduire la corruption et autres tentatives d’influencer le système judiciaire.

Les personnels judiciaires peuvent jouer un rôle dans le renforcement de l’indépendance de l’intérieur. Toutefois, si les activités visant à les sensibiliser sur la nécessité d’un système judiciaire véritablement indépendant et impartial peuvent s’avérer utiles, le véritable changement ne peut venir que d’une culture politique révisée dans laquelle les détenteurs de l’autorité adressent les bons messages par leurs actions aussi bien que par leurs paroles. Les associations de magistrats indépendantes et fortes devraient également être soutenues. Des poursuites judiciaires menées à l’encontre des individus cherchant à interférer avec le système judiciaire ou de fonctionnaires de la justice acceptant des pots-de-vin sont également nécessaires pour montrer qu’un tel comportement ne sera pas toléré.[265]

La création dans la constitution de 2006 d’un Conseil Supérieur de la Magistrature chargé d’établir le budget de la justice et de gérer les nominations ainsi que les perspectives de carrière des magistrats a suscité de grands espoirs, mais malheureusement ce conseil n’a pas réussi dans sa mission jusqu’à présent, et de plus grands efforts sont nécessaires pour améliorer son efficacité et son indépendance.[266]

Le fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature est entravé par une concentration de pouvoir dans les mains de la haute hiérarchie des systèmes judiciaires militaire et civil, par un manque de ressources pour tenir les assemblées générales, et par le peu de transparence de ses prises de décision.[267]

Le mandat du rapporteur spécial de l’ONU sur l’indépendance des juges et des avocats est pertinent pour la formulation d’autres recommandations. Afin d’exécuter son mandat, le rapporteur spécial de l’ONU effectue des visites de pays pour évaluer de façon plus détaillée la situation de la magistrature et du système judiciaire dans son ensemble, et le cas échéant, formuler des recommandations des améliorations en matière d’indépendance.[268] La dernière visite du rapporteur spécial de l’ONU en RD Congo remonte à 2008, et il devrait demander aux autorités congolaises la permission d’effectuer une nouvelle visite afin de suivre l’évolution de la situation.

Transfert de compétence au système judiciaire civil

Les tribunaux militaires congolais ont exercé une compétence exclusive sur les affaires de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Il y a des préoccupations importantes quant à la qualité et à l’impartialité de ces procès devant des tribunaux militaires. Le système judiciaire militaire congolais a depuis longtemps fait preuve de réticence à engager des poursuites contre le personnel militaire, en particulier les officiers de haut rang, pour les infractions graves commises contre les civils.

Il y a une reconnaissance croissante au niveau régional et international du fait que les tribunaux militaires ne devraient pas être impliqués dans les poursuites de graves violations des droits humains contre les civils et que les tribunaux militaires ne devraient poursuivre que les infractions purement militaires. Cette approche a été préconisée pour un certain nombre de raisons, notamment parce que la chaîne de commandement militaire est souvent habilitée à intervenir dans les procédures, parce que l’accès au système judiciaire militaire peut s’avérer plus difficile et traumatisant pour les victimes civiles, et à cause du risque que les systèmes judiciaires militaires puissent manquer d’indépendance et d’impartialité pour poursuivre les auteurs des crimes quand ils sont membres des forces armées.

Le principe 29 de l’Ensemble de principes actualisés pour la protection et la promotion des droits de l’homme par la lutte contre l’impunité de la Commission des droits de l’homme de l’ONU stipule : « La compétence des tribunaux militaires doit être limitée aux seules infractions spécifiquement militaires commises par des militaires, à l’exclusion des violations des droits de l’Homme qui relèvent de la compétence des juridictions ordinaires internes ou, le cas échéant, s’agissant de crimes graves selon le droit international, d’une juridiction pénale internationale ou internationalisée ».[269]

Des termes similaires recommandant que les tribunaux militaires ne soient pas admis à statuer sur les violations des droits humains figurent dans plusieurs instruments régionaux et internationaux.[270] Dans sa déclaration de 2013 à l’Assemblée générale des Nations Unies, la Rapporteuse spéciale de l’ONU sur l’indépendance des juges et des avocats a soutenu le point de vue que ce sont les tribunaux civils qui devraient avoir compétence sur les violations graves des droits humains.[271]

En RD Congo, les bailleurs de fonds et les ONG nationales et internationales impliquées dans la réforme du secteur de la justice soulignent qu’actuellement le système judiciaire militaire fonctionne considérablement mieux que le système judiciaire civil. Comme cela a été reconnu lors des récents États Généraux, le système judiciaire civil est en proie à de multiples problèmes, notamment le manque de qualification du personnel, la corruption et un manque d’indépendance. Il est généralement considéré que les fonctionnaires de justice civile ne jouiraient pas du respect et de l’obéissance des forces armées s’ils cherchaient à engager des poursuites contre des suspects militaires. Une forte résistance politique à un transfert de juridiction vers le système judiciaire civil existe également, car cela pourrait diminuer le contrôle de la hiérarchie du système judiciaire militaire et du commandement militaire sur les poursuites de crimes internationaux graves.[272]

Il faut reconnaître que la plus grande partie du soutien international et de l’assistance à l’égard des poursuites pour crimes graves internationaux en RD Congo à ce jour a été dirigée vers le renforcement du système judiciaire militaire, ce qui a effectivement contribué à améliorer le système de justice militaire tandis que le système de justice civile a continué à avoir des difficultés. Cela donne à penser que davantage d’efforts devraient être entrepris afin de renforcer la capacité du système judiciaire civil à traiter les crimes graves internationaux, afin de répondre à certaines de ces préoccupations.[273]

Une loi d’avril 2013 sur l’organisation, le fonctionnement et la compétence de la magistrature (Loi judiciaire de 2013) donne explicitement compétence aux cours d’appel civiles sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide. Mais le texte de la loi semble avoir été modifié après son adoption au Parlement afin de préciser que cela ne s’appliquait qu’aux « personnes qui tombent généralement sous la juridiction des cours d’appel ou des tribunaux de première instance ».[274] Cela exclurait donc les civils qui bénéficient de privilèges de juridiction en vertu du droit congolais et qui relèvent de la compétence de la Cour constitutionnelle ou de la Cour de cassation, comme discuté ci-dessus.

La question de savoir si les cours d’appels pourraient exercer leur juridiction sur les membres de l’armée, et dans quelles circonstances, compte tenu de la formulation actuelle de la Loi judiciaire de 2013, est contestée. Il y a des désaccords en RD Congo en ce qui concerne le fait de savoir si les tribunaux militaires exercent oui ou non une compétence exclusive sur le personnel militaire en vertu de l’article 156 de la constitution, qui stipule que « le système de justice militaire a compétence sur les membres de l’armée et de la police ». Certains ont exprimé l’avis que cet article devrait être interprété littéralement, en ce sens que seuls les tribunaux militaires peuvent poursuivre des membres de l’armée et de la police.[275]

D’autres ont argumenté que l’article 156 devrait être interprété comme faisant seulement référence aux infractions militaires.[276] Une étude téléologique de la rédaction de la constitution préparée par la MONUSCO suggère que l’article visait à exclure explicitement les civils de la compétence de la justice militaire, compte tenu d’une pratique généralisée des tribunaux militaires à se saisir des affaires impliquant des civils.[277]

Le droit congolais prévoit des cas dans lesquels des membres de l’armée peuvent être poursuivis devant le système judiciaire civil, notamment lorsque des crimes sont commis conjointement par des civils et des membres de l’armée. Ceci suggère qu’il n’y a pas de compétence exclusive du système judiciaire militaire sur le personnel militaire. Le droit congolais permet de plus la composition de chambres mixtes civiles et militaires.[278]

La délimitation exacte de la compétence des cours d’appel civiles sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité reste donc ambigüe. Les autorités congolaises devraient clarifier ces dispositions, si nécessaire par la révision de la Loi judiciaire de 2013 ou en demandant une interprétation de la constitution par la Cour constitutionnelle.

Transférer la compétence sur les crimes internationaux graves au système judiciaire civil serait en accord avec les normes régionales et internationales des droits humains. Prenant en considération les spécificités de la RD Congo et l’expérience considérable accumulée par le système judiciaire militaire au cours des dix dernières années en matière d’enquêtes et de poursuites des crimes de guerre et crimes contre l’humanité, cela pourrait être fait tout en préservant la participation de personnel de la justice militaire dans des chambres mixtes, comme le permet le droit congolais.

Mécanisme judiciaire internationalisé

Des discussions sur la création d’un mécanisme judiciaire internationalisé pour traiter des crimes internationaux graves sont en cours depuis plusieurs années en RD Congo. Ce mécanisme pourrait avoir compétence sur les crimes commis avant l’entrée en vigueur du Statut de Rome de la CPI en RD Congo et compléter le travail de la CPI, qui est toujours active en RD Congo mais ne peut gérer qu’un nombre limité de cas.

Un tribunal pénal international à part entière pour la RD Congo—qui pourrait avoir compétence sur les crimes commis avant 2002—créé par l’ONU sur le modèle des tribunaux pour l’ex-Yougoslavie ou le Rwanda, ne semble pas être une option réaliste en ce moment, en raison de préoccupations liées aux coûts et à la souveraineté.

Reconnaissant ce fait, l’essence d’un « mécanisme judiciaire internationalisé » est d’intégrer des personnels et des experts judiciaires internationaux au sein d’une juridiction nationale congolaise. Cette idée serait en accord avec le principe selon lequel les États ont la responsabilité première de poursuivre les crimes internationaux graves. L’intégration d’experts internationaux vise à renforcer la capacité à enquêter sur les crimes internationaux graves et l’indépendance judiciaire.

Des organisations de la société civile congolaises ont été les premières à proposer la création d’une chambre « mixte » spécialisée, c’est-à-dire composée de membres nationaux et internationaux, en 2004 lors d’une conférence organisée par l’Union européenne et les autorités congolaises afin de discuter des résultats d’un audit du système judiciaire. L’établissement d’un mécanisme judiciaire internationalisé a été recommandé plus tard par le rapporteur spécial de l’ONU sur l’indépendance des juges et des avocats en 2008, les sept procédures spéciales thématiques sur l’assistance technique au gouvernement de la RD Congo de l’ONU en 2009, et le rapport du Projet de Mapping de l’ONU en 2010.

Le ministre de la Justice à l’époque, Luzolo Bambi Lessa, a répondu positivement au rapport du Projet de Mapping de l’ONU et a commencé à rédiger une loi pour créer un tel mécanisme. Le premier projet de loi a proposé de créer des chambres mixtes spécialisées dans l’ensemble des 11 cours d’appel civiles en RD Congo. Après de longues consultations avec des experts juridiques, des partenaires internationaux, la société civile congolaise et internationale, et la Commission permanente de réforme du droit congolais, le projet de loi a été modifié afin de créer à la place une cour mixte spécialisée.

La cour proposée aurait été une juridiction spécialisée, comme le permet l’article 149 de la constitution congolaise, traitant exclusivement des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et du génocide, qui aurait été séparée des autres juridictions existantes, mais faisant toujours partie intégrante du système de justice national. La cour proposée—ne se situant ni dans le système judiciaire civil ni dans le système judiciaire militaire—mais employant des personnels provenant des deux, répondait aux problèmes de compétence soulignés ci-dessus.

Le gouvernement congolais a adopté la loi, qui a été examinée par le Sénat en août 2011. Les sénateurs l’ont rejetée, invoquant des contradictions entre cette loi et d’autres, comme la proposition de loi de mise en œuvre du Statut de la CPI, ainsi que la possibilité que certaines dispositions soient inconstitutionnelles (notamment sur les immunités et la compétence sur le personnel militaire).

En octobre 2013, dans son discours à la nation tenu au parlement, le Président Joseph Kabila a publiquement soutenu l’idée de créer des chambres spécialisées comme une mesure clé pour renforcer la lutte contre l’impunité pour les crimes internationaux graves.[279]

La présidence aurait ensuite demandé à la nouvelle ministre de la Justice, Wivine Mumba Matipa, de recommencer à travailler sur la loi, en tâchant de répondre aux préoccupations antérieures. Après plusieurs consultations interministérielles, le gouvernement a adopté un nouveau projet de loi, qui a été présenté à la Chambre basse du Parlement en mai 2014. Ce projet de loi créait trois chambres spécialisées mixtes au sein des cours d’appel de Goma, Lubumbashi et Mbandaka ; et une chambre d’appel spécialisée au sein de la Cour de Cassation à Kinshasa, qui est prévue par la constitution, mais n’a pas encore été établie. Cette chambre à Kinshasa aurait entendu les appels des autres chambres et jugé en première instance les personnes bénéficiant de privilèges de juridiction. Les chambres auraient également employé des personnels judiciaires civils et militaires. Invoquant une erreur technique dans le titre de la loi, la plénière de l’Assemblée nationale a refusé de mettre le projet de loi à son ordre du jour.

Les deux fois, des discussions avec les membres du parlement ont révélé un manque d’information et de compréhension sur les motivations derrière la proposition d’établir un mécanisme judiciaire internationalisé ainsi que sur les aspects juridiques plus subtils des projets de lois. Il y avait confusion au sujet de l’interaction entre ces projets de lois et la loi de mise en œuvre de la CPI. Une préoccupation récurrente de certains membres du parlement concernait l’application des immunités parlementaires devant la cour ou les chambres mixtes proposées. Il semble que le gouvernement congolais, en dépit d’efforts de rédaction importants, n’ait pas réussi à vaincre la résistance politique au parlement.

Le gouvernement ne devrait pas abandonner cette proposition importante, mais plutôt travailler pour présenter un autre projet de loi et fournir des informations aux membres du parlement bien avant un vote.

La mise en place d’un mécanisme judiciaire internationalisé (que ce soit une cour ou des chambres), pour une période temporaire, est cruciale afin de surmonter l’impunité concernant les crimes internationaux graves en RD Congo.

VII. Rôle des partenaires internationaux

La Cour pénale internationale

La RD Congo a ratifié le Statut de Rome de la CPI en juin 2002. La CPI est la première cour pénale internationale et permanente ayant compétence sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide. En avril 2004, le Président Joseph Kabila a renvoyé la situation en RD Congo à la Cour.[280] Le Bureau du Procureur de la CPI (BdP) a officiellement ouvert une enquête en RD Congo en juin 2004.[281]

La CPI a porté plusieurs affaires devant la Cour à La Haye et a encouragé la justice devant les juridictions nationales en RD Congo dans le cadre du principe de complémentarité. Au cours des dix dernières années, le Bureau du Procureur a publiquement intenté des affaires contre six individus impliqués dans des crimes graves en RD Congo, tous dirigeants de groupes rebelles actifs dans ce pays.[282]

Bien que ces cas représentent une contribution importante à la lutte contre l’impunité en RD Congo, ils ne reflètent pas l’ampleur des crimes commis dans le pays depuis 2002.[283]

La CPI joue un rôle clé en tant que juridiction de dernier recours pour les affaires qui ne peuvent pas être jugées devant les juridictions nationales en RD Congo. La Procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a déclaré publiquement lors d’une visite à Kinshasa en mars 2014, ainsi qu’en décembre 2014 après le jugement en appel dans l’affaire Lubanga, que son bureau poursuit ses enquêtes en RD Congo.[284] Le BdP devrait élaborer une stratégie en matière de poursuites pour la RD Congo, identifiant les cas principaux qui auraient le plus d’impact afin de mettre fin à l’impunité en RD Congo.[285]

Human Rights Watch estime que le BdP devrait se concentrer sur deux types d’affaires. Tout d’abord, le BdP devrait choisir les cas qui exposeraient la dimension régionale du conflit dans l’est de la RD Congo. Il devrait mener des enquêtes et, si les preuves le permettent, des poursuites contre les officiers et les responsables militaires de haut niveau du Rwanda, de l’Ouganda et de la RD Congo qui étaient responsables d’avoir soutenu, armé, et formé des groupes armés présents dans l’est de la RD Congo, sachant très bien que ces groupes commettaient de graves exactions contre les civils. Deuxièmement, le BdP devrait examiner les cas impliquant des officiers supérieurs de l’armée congolaise qui continuent d’échapper à la justice en raison de l’apparente protection dont ils jouissent.

La CPI devrait également prendre des mesures plus concrètes afin de renforcer la capacité du système judiciaire national en RD Congo pour juger les crimes internationaux. Cette approche, connue sous le nom de « complémentarité positive », a été classée comme une priorité et un principe directeur dans les stratégies du BdP en matière de poursuites depuis 2006.[286] La capacité de la Cour à galvaniser les efforts autour des procès nationaux de crimes de guerre est essentielle afin de garantir que ses propres opérations ont un impact durable dans les pays où la Cour mène des enquêtes.

Dans un rapport de 2012 à l’Assemblée des États parties de la CPI, la Cour a souligné qu’elle possède une expertise qu’il pourrait être utile de partager avec le personnel judiciaire national et qu’elle a déjà participé à des formations ad hoc.[287] Mais cette contribution est restée irrégulière. La CPI doit encore développer une approche institutionnelle de la complémentarité positive ainsi que des plans spécifiques sur la complémentarité pour chaque pays qui détailleraient les contributions les plus utiles que la Cour pourrait apporter dans chacune des situations où elle est active.

La CPI pourrait jouer un rôle important dans la promotion de la justice pour les crimes graves en RD Congo, notamment en fournissant une assistance technique sur des sujets tels que les techniques d’enquête et de poursuite, la représentation légale dans des affaires de crimes graves internationaux, ou en soutenant les enquêtes nationales en vertu de l’article 93 du Statut de Rome, et en aidant les partenaires tels que les cellules d’appui aux poursuites des Nations Unies dans leur mandat de renforcement des capacités.[288]

La révision en cours du fonctionnement des bureaux extérieurs de la CPI pourrait fournir des possibilités supplémentaires.[289] Notamment, en ce qui concerne certains pays en situation de la CPI, parmi lesquels la RD Congo, la Cour est en train de recruter de nouveaux « chefs de bureau extérieur » dotés d’un mandat plus représentatif et public. Le chef du bureau de la CPI à Kinshasa pourrait être bien placé pour présider un « groupe de travail sur la complémentarité » afin de tenir des discussions stratégiques entre les partenaires internationaux et le ministère de la Justice congolais sur les projets en cours, la division du travail, les défis et les plans futurs dans le domaine de la justice pour les crimes internationaux graves devant les tribunaux nationaux. Ce groupe de travail pourrait être établi comme un sous-groupe du Groupe Thématique sur la justice et les droits humains, qui fonctionne comme une plate-forme de coordination entre le ministère de la Justice et les partenaires internationaux à Kinshasa.

Si à l’avenir un mécanisme de justice internationalisé est créé en RD Congo, la CPI devrait coopérer étroitement avec celui-ci. Cette juridiction internationalisée viendrait compléter, et non pas remplacer, le travail de la CPI. Cela pourrait aboutir à un effort anti-impunité en trois volets :

  1. La CPI pourrait se concentrer sur les affaires les plus difficiles qui ne peuvent être jugées au niveau national ;
  2. Le mécanisme internationalisé pourrait se concentrer à un niveau au-dessous sur le traitement des affaires sensibles ou concernant des accusés d’un niveau supérieur que les tribunaux ordinaires ne peuvent pas traiter pour le moment ; et
  3. Les tribunaux ordinaires pourraient continuer à traiter les affaires impliquant des crimes commis par des auteurs de rang moindre.

Ceci serait équivalent au modèle qui est actuellement en train d’être mis en place en République centrafricaine.[290]

La CPI (qui a des enquêtes en cours dans sept autres pays) dispose de ressources limitées et n’aura probablement la capacité de se charger que de quelques affaires supplémentaires en RD Congo. En conséquence, le système judiciaire national conserve la responsabilité principale de la plupart des autres cas de crimes graves internationaux en RD Congo. Ceci, à son tour, souligne l’importance pour les tribunaux nationaux d’acquérir la capacité nécessaire, l’indépendance et l’impartialité permettant de traiter ces cas, en bénéficiant d’un appui international pour renforcer leur travail.

Les partenaires internationaux et bailleurs de fonds

Un examen approfondi de l’assistance fournie par les bailleurs de fonds internationaux dans le domaine de la complémentarité en RD Congo excède le cadre de ce rapport. Quelques brèves leçons apprises qui reposent sur l’enquête et le procès de Minova sont mises en évidence ci-dessous.

Diversifier, coordonner et renforcer le soutien des bailleurs de fonds

Les bailleurs de fonds devraient continuer à consacrer un soutien spécifique à la justice concernant les crimes graves en RD Congo. Comme indiqué ci-dessus, l’aide internationale s’est avérée essentielle aux avancées réalisées dans le procès Minova. Pour l’avenir, ce soutien pourrait être renforcé de diverses façons.

Premièrement, les bailleurs de fonds devraient diversifier les types de projets dans le domaine de la justice pénale qu’ils soutiennent concernant des affaires de crimes internationaux graves afin de s’assurer que tous les aspects importants d’un procès pénal fonctionnent efficacement. Certaines activités, telles que le soutien aux « chambres foraines » ou les formations, ont été financées par de multiples bailleurs de fonds, tandis que d’autres aspects semblent être négligés ou pourraient bénéficier de plus d’attention.

Par exemple, le soutien aux droits à un procès équitable, grâce à l’amélioration de l’expertise et des ressources à la disposition des avocats de la défense, paraît insuffisant. Il semble en être de même en ce qui concerne l’appui aux services administratifs et de greffe facilitant le fonctionnement des tribunaux locaux.[291] Il semble également que le financement disponible pour poursuivre les crimes de violence sexuelle soit disproportionné par rapport à d’autres crimes internationaux graves.

Soutenir les activités d’observation des procès réalisées par les organisations non gouvernementales et les médias pourrait également contribuer à renforcer la qualité et l’indépendance des procédures nationales. Par exemple, dans l’affaire Minova, un observateur d’une ONG locale ayant assisté au procès a déclaré : « Les juges savaient qu’ils étaient sous surveillance, la nôtre et celle de la communauté internationale ; cette pression les a incités à bien travailler ».[292]

Il n’existe qu’une seule copie papier du dossier de l’affaire Minova, photographié ici sur le sol dans les locaux de la Cour militaire opérationnelle  © 2014 Human Rights Watch

Deuxièmement, le renforcement de la coordination et une division du travail efficace entre les bailleurs de fonds et les acteurs internationaux sur la justice pour les crimes internationaux graves reste critique. Un groupe de travail sur la complémentarité au sein du « Groupe thématique Justice et droits humains » à Kinshasa, comme suggéré ci-dessus, pourrait aider à répondre aux besoins de coordination.

En outre, les partenaires internationaux devraient travailler pour assurer une plus grande durabilité de leur assistance aux efforts de complémentarité. Il est frappant de constater que les procès nationaux pour crimes de guerre en RD Congo, comme dans le procès de Minova, semblent être extrêmement tributaires de l’appui financier et matériel international. L’amélioration de la durabilité de l’assistance dans ce secteur nécessitera une participation accrue des autorités congolaises, qui pourrait être démontrée par une stratégie nationale et un engagement financier national plus important tel que mentionné ci-dessus. Les partenaires internationaux devraient également envisager de créer des compétences au sein du système judiciaire national afin de permettre aux acteurs nationaux de prendre possession de certains aspects des procès pour crimes internationaux. Par exemple, dans le domaine de la protection, les autorités nationales, assistées des partenaires internationaux, devraient envisager la création d’un cadre législatif et d’un programme national destinés à protéger les victimes et les témoins.

Une diplomatie plus stratégique en soutien de la justice

Le procès Minova a démontré que les partenaires internationaux en RD Congo ont un rôle clé à jouer afin de pousser pour que justice soit rendue pour les graves crimes internationaux. Un tel engagement politique ciblé de la part des partenaires internationaux est souvent absent dans les autres affaires en RD Congo.

La pression diplomatique était présente et forte dans le cas Minova. Bien qu’elle ait été essentielle pour faire avancer l’affaire, elle n’a pas abouti à une justice indépendante et compétente. Une leçon importante à tirer est la nécessité d’appliquer une pression diplomatique plus stratégique dans les cas sensibles de crimes internationaux. Un plan d’action possible pourrait être de faire en sorte principalement que l’enquête progresse régulièrement et sans interférence au lieu de se concentrer surtout sur le résultat final, c’est-à-dire la tenue d’un procès. Dans un cas complexe comme Minova, il est possible que des enquêtes bien menées puissent prendre du temps. Les partenaires internationaux peuvent jouer un rôle important en veillant à ce que les enquêtes ne soient pas interrompues de façon abusive ni bloquées, et que l’indépendance des juges et des procureurs soit respectée. Pour ce faire, les partenaires internationaux pourraient, par exemple, solliciter régulièrement des mises à jour sur la progression d’une affaire spécifique et calibrer la pression en fonction de ces progrès ou de leur absence.

Les partenaires internationaux devraient utiliser la diplomatie bilatérale et les déclarations publiques pour souligner l’importance de la justice pour les crimes internationaux graves et encourager un climat politique en RD Congo qui favorise la poursuite d’une justice indépendante et crédible.

Ce rapport a été rédigé par Géraldine Mattioli-Zeltner, directrice de plaidoyer au Programme de justice internationale à Human Rights Watch. Il s’appuie sur des recherches menées par Géraldine Mattioli-Zeltner, Ida Sawyer, chercheuse senior sur la République démocratique du Congo, et Lane Hartill, chercheur au sein de la division Afrique. Le rapport a été revu par Richard Dicker, directeur du Programme de justice internationale, Ida Sawyer, Lane Hartill, Timo Mueller, chercheur au sein de la division Afrique et Anneke van Woudenberg, directrice de plaidoyer de la division Afrique. Liesl Gerntholtz, directrice de la division Droits des femmes, Zama Coursen-Neff, directrice de la division Droits des enfants, Philippe Bolopion, directeur de plaidoyer ONU et situations de crise, Andrea Prasow, directrice adjointe du bureau de Washington, et Emina Cerimovic, titulaire d’une bourse de recherche, ont également contribué au rapport. James Ross, directeur du service juridique et politique, et Danielle Haas, éditrice senior de programme, ont assuré la révision respectivement pour le Bureau juridique et le Bureau du programme.

Elsa Chemin, Lauranne Duffaut, Amadeo Dreesmann, Megan Pearce, Nancy Simons, Laura Jacques, Adrian Idehen et Johanna Osswald ont fourni une assistance pour les recherches et pour les citations. Aurélie Poelhekke et Sasha Lansky, associées au Programme de justice internationale, ont apporté leur soutien pour la production. La traduction en français a été assurée par l’agence ATIT et par Danielle Serres, et revue par Géraldine Mattioli-Zeltner et Peter Huvos. Ce rapport a été préparé pour publication par Grace Choi, Kathy Mills et Fitzroy Hepkins.

Human Rights Watch tient à exprimer sa reconnaissance à toutes les personnes qui ont accepté de répondre à nos questions, et qui ont partagé avec générosité leurs connaissances, rendant ainsi ce rapport possible.

 

[1] Voir les recherches de Human Rights Watch sur le Congo, Human Rights Watch, « Les droits humains en République démocratique du Congo », https://www.hrw.org/fr/africa/democratic-republic-congo.

[2] Human Rights Watch, « La justice bradée : Pourquoi la lutte contre l’impunité est importante pour la paix », juillet 2009, https://www.hrw.org/fr/report/2009/07/07/la-justice-bradee/pourquoi-la-lutte-contre-limpunite-est-importante-pour-la-paix.

[3] Le nom de M23 fait référence à un accord de paix conclu entre un ancien groupe rebelle appelé le Congrès National de Défense du Peuple (CNDP) et le gouvernement, signé le 23 mars 2009. Les mutins du M23 ont déclaré que l’accord de paix n’avait pas été pleinement respecté.

[4] Rapport du Secrétaire général sur la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), S/2012/838 (2012), http://www.un.org/en/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/2012/838&referer=/english/&Lang=F (consulté le 2 septembre 2015), paras. 11-25 ; « La MONUSCO soutient le Gouvernement et les FARDC pour la paix et la sécurité en RDC », communiqué de presse des Nations Unies, 14 juin 2012, http://monusco.unmissions.org/Default.aspx?tabid=11332&ctl=Details&mid=14307&ItemID=19173&language=fr-FR (consulté le 2 septembre 2015) ; « RD Congo: Les rebelles du M23 tuent des civils et commettent des viols », communiqué de presse de Human Rights Watch, 23 juillet 2013, http://www.hrw.org/fr/news/2013/07/23/rd-congo-les-rebelles-du-m23-tuent-des-civils-et-commettent-des-viols.

[5] Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l'Homme (BCNUDH), « Rapport du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme sur les violations des droits de l’homme perpétrées par des militaires des forces armées congolaises et des combattants du M23 à Goma et à Sake, province du Nord-Kivu, ainsi qu’à Minova et dans ses environs, province du Sud-Kivu, entre le 15 novembre et le 2 décembre 2012 » (« Rapport du BCNUDH, mai 2013 »), mai 2013, http://www.ohchr.org/Documents/Countries/CD/UNJHROMay2013_fr.pdf (consulté le 2 septembre 2015).

[6] « RD Congo : Des crimes de guerre ont été perpétrés par le M23 et par l'armée congolaise », communiqué de presse de Human Rights Watch, 5 février 2013, http://www.hrw.org/fr/news/2013/02/05/rd-congo-des-crimes-de-guerre-ont-ete-perpetres-par-le-m23-et-par-larmee-congolaise.

[7] Rapport du BCNUDH, mai 2013, p. 11.

[8] Entretien de Human Rights Watch avec une victime de viol, Minova, 30 octobre 2013.

[9] Rapport du BCNUDH, mai 2013, p. 12.

[10] Ibid., p. 11 ; Pete Jones et David Smith, « Congo’s army accused of rape and looting as M23 rebels win image war » (« L’armée de la RD Congo accusée de viols et de pillages alors que les rebelles du M23 gagnent la guerre de l’image »), The Guardian, 26 novembre 2012, http://www.theguardian.com/world/2012/nov/26/drc-army-accused-rape-murder-congo (consulté le 2 septembre 2015) ; « Les rebelles du M23 avancent vers Bukavu », France 24, 24 novembre 2012, http://www.france24.com/fr/20121124-rebelles-m23-progressent-rdcongo-rwanda-kivu-bukavu/ (consulté le 2 septembre 2015).

[11] Rapport du BCNUDH, mai 2013, p. 9 ; « République démocratique du Congo : Mettre fin à l'impunité pour les violences sexuelles », communiqué de presse de Human Rights Watch, 10 juin 2014, http://www.hrw.org/fr/news/2014/06/10/republique-democratique-du-congo-mettre-fin-limpunite-pour-les-violences-sexuelles.

[12] Entretien collectif de Human Rights Watch avec des fonctionnaires de la justice militaire congolaise, Bukavu, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec le gouverneur de la province du Nord-Kivu, Goma, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire, Goma, 22 mai 2014 ; Peter Jones et David Smith, « Congo's army accused of rape and looting as M23 rebels win image war », The Guardian, http://www.theguardian.com/world/2012/nov/26/drc-army-accused-rape-murder-congo).

[13] En droit pénal international, les supérieurs civils ou militaires peuvent être tenus pour pénalement responsables de crimes commis par des personnes placées sous leurs ordres car ils n’ont pas prévenu ou empêché ces crimes et n’ont pas puni leurs auteurs. Il n’est pas nécessaire qu’un commandant ait donné l’ordre de commettre ces crimes, y ait participé activement ou ait eu l’intention de les commettre pour être mis en accusation au titre de la responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs pour les crimes commis par leurs subalternes. Toutefois, il doit être prouvé que le commandant avait le contrôle effectif des troupes concernées et avait connaissance ou aurait dû avoir connaissance de ces crimes. Voir par exemple le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) (« Statut de Rome »), A/CONF.183/9, 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002, art. 28.

[14] « Documented cases of human rights abuse emerge against M23 armed group in DR Congo » (« Des cas documentés d’abus de droits humains commis par des membres du groupe armé M23 voient le jour en RDC »), communiqué de presse de la MONUSCO, 21 décembre 2012, http://www.un.org/apps/news/story.asp?NewsID=43836#.VgKYQsuqpBc (consulté le 23 septembre 2015) ; « UN alleges rape in DR Congo unrest » (« D’après l’ONU, des viols auraient été commis pendant des troubles »), Al Jazeera, 8 décembre 2012, http://www.aljazeera.com/news/africa/2012/12/201212810233130975.html (consulté le 2 septembre 2015) ; « UN confirms rapes in DR Congo unrest » (« Congo : l’ONU confirme que des viols ont eu lieu pendant des troubles »), Agence France-Presse (AFP), 7 décembre 2012 ; « La MONUSCO enquête sur les violations des droits de l’homme à Minova », Le Congolais, 16 décembre 2012, http://www.lecongolais.cd/la-monusco-enquete-sur-les-violations-des-droits-de-lhomme-a-minova/ (consulté le 2 septembre 2015) ; Michelle Nichols, « U.N. says 126 rapes committed in Congo town after army arrived » (Congo : l’ONU dénonce 126 viols commis après l’arrivée de l’armée »), Reuters, 18 décembre 2014, http://uk.reuters.com/article/2012/12/18/uk-congo-democratic-un-idUKBRE8BH1AP20121218 (consulté le 2 septembre 2015).

[15] « Neufs soldats arrêtés en RDC pour au moins 126 viols près de Goma », Le Monde, 18 décembre 2012, http://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/12/18/neufs-soldats-arretes-en-rdc-pour-au-moins-126-viols-pres-de-goma_1808091_3212.html (consulté le 2 septembre 2015) ; « RD Congo : Des crimes de guerre ont été perpétrés par le M23 et par l'armée congolaise », communiqué de presse de Human Rights Watch, 5 février 2013, http://www.hrw.org/fr/news/2013/02/05/rd-congo-des-crimes-de-guerre-ont-ete-perpetres-par-le-m23-et-par-larmee-congolaise.

[16] Cinq des commandants étaient des officiers de rang supérieur, à savoir quatre lieutenant-colonels et un major, alors que les autres étaient des officiers de rang inférieur, à savoir des capitaines et un lieutenant. Cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu, affaire n° RP 003/2013 et RMP 0372/BBM/013 (« Jugement de Minova »), jugement rendu le 5 mai 2014, archives de de Human Rights Watch, pp. 33-35. Pour connaître la hiérarchie des grades dans les forces armées de la République démocratique du Congo, voir la Loi portant statut du militaire des Forces Armées de la République du Congo, n° 13/005, 15 janvier 2013, http://desc-wondo.org/wp-content/uploads/2013/08/Loi-portant-statut-du-militaire-des-FARDC-promulgu%C3%A9e-le-15012013.pdf (consultée le 3 septembre 2015), annexes 1 et 2.

[17] Ce mode de responsabilité correspond au principe de responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs, tel que défini dans l’article 28 du Statut de Rome. Voir note 13.

[18] Affaire n° RMP 0372/BBM/013, Cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu, Décisions de renvoi (actes d’accusation émis par l’auditeur supérieur), 5 novembre 2013, archives de Human Rights Watch ; Jugement de Minova, pp. 39-46.

[19] Ibid., pp. 1-33.

[20] Feuilles d’Audiences, affaires n° RP 003/13 et n° RMP 0372/BBM/013, produites par le Greffe de la Cour militaire opérationnelle (« Transcriptions d’audiences de Minova »), archives de Human Rights Watch.

[21] Jugement de Minova, pp. 84-97.

[22] « Procès Minova : une occasion ratée? », Radio France Internationale (RFI), 6 mai 2014, http://www.rfi.fr/afrique/20140506-rdc-verdict-controverse-proces-rates-minova-fardc/ (consulté le 3 septembre 2015) ; « Procès de Minova : ‘5 ONG dénoncent une justice « expéditive et bâclée’ », Radio Okapi, 8 mai 2014, http://radiookapi.net/actualite/2014/05/08/proces-de-minova-5-ong-denoncent-une-justice-expeditive-baclee/ (consulté le 3 septembre 2015) ; « Minova : un verdict au goût amer et d’inachevé », Journal Le Phare, 7 mai 2014, http://7sur7.cd/index.php/8-infos/4702-minova-un-verdict-au-gout-amer-et-d-inacheve#.VHWYILd0xdg (consulté le 3 septembre 2015) ; Milli Lake, « After Minova: can war crimes trials overcome violence in the DRC? » (« Après Minova : les procès pour crimes de guerre peuvent-ils mettre un terme à la violence en RDC ? »), African Arguments, 8 mai 2014, http://africanarguments.org/2014/05/08/after-minova-can-war-crimes-trials-overcome-violence-in-the-drc-by-millie-lake (consulté le 3 septembre 2015) ; « DR Congo rape trial: Many soldiers cleared, two guilty » (« Procès pour viol en RDC : de nombreux soldats acquittés, deux coupables »), BBC News Online, 5 mai 2014, http://www.bbc.com/news/world-africa-27285268 (consulté le 3 septembre 2015) ; Avocats Sans Frontières (ASF), « Congo : verdict insatisfaisant pour les crimes commis à Minova », 7 mai 2014, http://www.asf.be/fr/blog/2014/05/07/congo-unsatisfactory-verdict-for-crimes-committed-in-minova/ (consulté le 3 septembre 2015) ; « Congo-Kinshasa: DR Congo Mass Rape Verdict Fails to Deliver Justice to Victims, Says UN Envoy » (« Procès pour viol collectif au Congo (Kinshasa) : selon un envoyé spécial de l’ONU, le verdict ne rend pas justice aux victimes »), UN News Centre, 8 mai 2014, http://www.un.org/apps/news/story.asp?NewsID=47755#.VHWZ9Ld0xdg (consulté le 3 septembre 2015) ; « DRC: Minova rape trial verdict criticized » (« RDC : le verdict du procès pour viol collectif de Minova critiqué »), contribution sur « Africa Legal Aid », (blog), AfricaLegalAid.com, non daté, http://www.africalegalaid.com/news/drc-minova-rape-trial-verdict-criticized (consulté le 3 septembre 2015) ; « La MONUSCO réagit au verdict du procès Minova », communiqué de presse de la MONUSCO, 5 mai 2014, http://monusco.unmissions.org/Default.aspx?tabid=11332&ctl=Details&mid=14307&ItemID=20521&language=fr-FR (consulté le 3 septembre 2015).

[23] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire, Kinshasa, 1er juin 2015.

[24] Entretien de Human Rights Watch avec le Bureau du Représentant personnel du Chef de l’Etat en charge de la lutte contre les violences sexuelles et le recrutement d’enfants, Kinshasa, 3 juin 2015.

[25] Pendant les événements, la police militaire de Minova a arrêté plusieurs soldats, dont certains ont été transférés vers les villes d’Uvira et de Bukavu pour y être placés en détention et pour qu’une enquête les concernant soit ouverte. La plupart de ces suspects ont ensuite été relâchés. L’auditorat supérieur de Bukavu a ensuite été saisi et a mené des enquêtes à Minova et dans les villages environnants en décembre 2012 et en février 2013. Étant donné que les soldats de l’armée congolaise étaient retournés dans la province du Nord-Kivu, où ils sont habituellement basés, l’auditorat du Sud-Kivu a envoyé une commission rogatoire à l’auditorat supérieur du Nord-Kivu demandant que celui-ci interroge les suspects, y compris le haut commandement de la 8e région militaire et les commandants de régiments et de compagnies. En avril 2013, l’auditorat supérieur de Kinshasa a également été sollicité. Enfin, l’affaire a été renvoyée devant la Cour militaire opérationnelle (CMO) de Minova, ce qui signifie que l’auditeur de la CMO, qui n’avait pas pris part aux enquêtes, est devenu responsable de la préparation de l’affaire et de sa présentation au procès.

[26] Entretien de Human Rights Watch avec un activiste de la société civile congolaise, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Bukavu, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, Kinshasa, 12 novembre 2014.

[27] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire congolaise, Kinshasa, 12 novembre 2014.

[28] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, Kinshasa, 12 novembre 2014.

[29] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une organisation non gouvernementale (ONG) internationale, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec des fonctionnaires des Nations Unies, Goma, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Bukavu, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Kinshasa, 13 novembre 2014.

[30] Entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Bukavu, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 25 mai 2014.

[31] Entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Bukavu, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice congolaise, Goma, 24 mai 2014.

[32] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice congolaise, Goma, 24 mai 2014.

[33] Entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 25 mai 2014.

[34] Entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Bukavu, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice congolaise, Goma, 24 mai 2014. Évidemment, des confrontations de ce type ne pourraient été tenues entre des victimes de violences sexuelles et des auteurs de crimes présumés.

[35] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice congolaise, Goma, 24 mai 2014.

[36] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Kinshasa, 13 novembre 2014.

[37] Transcriptions d’audiences de Minova, 11 décembre 2013 ; mémoire de clôture déposé au nom du capitaine Kangwanda Swana Patrick dans l’affaire n° RP003/2013 et RMP0372/BBM/2013, Cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu (« mémoire de clôture déposé au nom du capitaine Kangwanda »), archives de Human Rights Watch, p. 10.

[38] Le commandant du 391e régiment possédait un journal de campagne dans lequel il avait consigné les appels. D’autres commandants ont déclaré qu’ils procédaient à des appels mais ne les avaient pas consignés.

[39] Sept des 39 accusés du procès Minova n'appartenaient pas aux 391e et 41e régiments. Parmi ces sept accusés se trouvaient un officier et un soldat de la police militaire de la 8e région militaire, un officier du 806e régiment, un soldat de rang du 802e régiment et un soldat de rang du 810e régiment de la 8e région militaire. Il y avait aussi un soldat de rang du 1007e régiment, et un soldat de rang du 1008e régiment de la 10e région militaire. Voir Jugement de Minova, pp. 33-39.

[40] Transcriptions d’audiences de Minova, 12 février 2014 et 17 février 2014.

[41] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice congolaise, Goma, 24 mai 2014.

[42] Entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Bukavu, 23 mai 2014. La situation des cinq accusés contre lesquels aucune information n’a été trouvée dans le dossier au début du procès est décrite dans les transcriptions d’audiences de Minova du 11 décembre 2013, du 19 décembre 2013 et du 23 décembre 2013.

[43] Affaires n° RP 003/2013 et n° RMP 0372/BBM/013, Cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu, Arrêt avant dire droit, 10 décembre 2013, archives de Human Rights Watch.

[44] La décision de la CMO de réunir les deux dossiers a été rendue le 29 janvier 2014. Transcriptions d’audiences de Minova, 29 janvier 2014 ; Jugement de Minova, p. 63.

[45] Les deux accusés sont le sous-lieutenant Sabwe Tshibanda, du 1007e régiment de la 10e région militaire, condamné pour viol comme crime de guerre, et le caporal Kabiona Ruhingiza, de la 8e région militaire, condamné pour viol comme crime de droit commun commis contre un enfant. Voir la partie intitulée « Difficultés pour établir les cas de violence sexuelle ». Jugement de Minova, pp. 74-76.

[46] La situation du capitaine Byamungu Rusemasema est abordée dans les transcriptions d’audiences de Minova, 20 décembre 2013 ; Jugement de Minova, p. 71.

[47] Pour l’identification du caporal Alphonse Magbo, voir Jugement de Minova, p. 37.

[48] Ibid., p. 70.

[49] Ibid., p. 57.

[50]Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 21 mai 2014.

[51] Les enquêteurs militaires ont essayé d’accéder aux dossiers des centres de santé et des hôpitaux où les victimes de viol et de violence sexuelle ont été soignées après les événements de Minova, mais certains établissements ont refusé de coopérer. Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 20 mai 2014 ; entretien Skype entre Human Rights Watch et un membre du personnel d'une ONG internationale, 26 septembre 2014. La raison de ces refus serait que les autorités judiciaires militaires ont demandé tous les certificats médicaux, au lieu de se limiter à ceux pour lesquels les victimes concernées avaient donné leur accord. Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Kinshasa, 13 novembre 2014.

[52] Entretien Skype entre Human Rights Watch et un membre du personnel d'une ONG internationale, 26 septembre 2014.

[53] Voir par exemple la Résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies 1925 (2010), S/RES/1925 (2010), 28 mai 2010, http://www.un.org/en/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/1925%282010%29&referer=/english/&Lang=F (consulté le 4 septembre 2015), para. 12(c) et (d) ; la Résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies 2147 (2014), S/RES/2147 (2014), 28 mars 2014, http://www.un.org/en/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/2147%282014%29&referer=
/english/&Lang=F (consultée le 4 septembre 2015), para. 4 (d).

[54] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, Kinshasa, 12 novembre 2014. Le Bureau Conjoint des Nations Unies aux Droits de l'Homme a également pour mission de mener ses propres enquêtes sur les graves violations du droit international des droits humains et du droit international humanitaire commises en RD Congo, et de rendre publiques les conclusions de ces enquêtes, comme cela a été fait dans l’affaire Minova. En outre, le BCNUDH exige que les auteurs de crimes graves répondent de leurs actes et soutient les efforts fournis aux niveaux national et international pour combattre l’impunité pour les crimes les plus graves. Voir « MONUSCO : quel est le mandat du BCNUDH ? », MONUSCO, http://monusco.unmissions.org/Default.aspx?tabid=11239&language=fr-FR (consulté le 25 septembre 2015).

[55] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, Kinshasa, 12 novembre 2014 ; « Investigating sexual violence in conflict: lessons learned and future strategies » (« La violence sexuelle dans les conflits : enseignements tirés et stratégies futures »), communiqué de presse du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, 11 juin 2014, http://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=14684&LangID=E (consulté le 7 septembre, 2015).

[56] Entretien de Human Rights Watch avec des fonctionnaires des Nations Unies, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, Kinshasa, 12 novembre 2014 ; Fieldview Solutions « Protecting human rights in the DRC: Reflections on the work of the Joint Human Rights Office and MONUSCO » (« Protéger les droits humains en RDC : réflexions sur le travail du Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme et de la MONUSCO »), septembre 2010, http://www.fieldviewsolutions.org/fv-publications/Protecting_Human_Rights_in_the_DRC.pdf (consulté le 7 septembre 2015), p. 9 ; Rapport du BCNUDH, mai 2013, pp. 6-7.

[57] Pour plus d’informations sur l’appui fourni par les partenaires internationaux dans l’affaire Minova, voir ci-après la partie intitulée « Avancées dans l’affaire Minova ».

[58] Résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies 1925 (2010) ; entretien de Human Rights Watch avec des fonctionnaires des Nations Unies, Goma, 21 mai 2014 ; « L’état de droit et la justice militaire », MONUSCO, modifié le 17 novembre 2014, http://monusco.unmissions.org/Default.aspx?tabid=11258&language=fr-FR ; UN Police Magazine, Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, 7e édition, juillet 2011, http://www.un.org/en/peacekeeping/publications/unpolmag/unpolmag_07.pdf (consulté le 7 septembre 2015), p. 14. L’action des Cellules d’Appui aux Poursuites des Nations Unies se concentre sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, le viol et la violence sexuelle (également comme crime de droit commun), le pillage et d’autres crimes violents comme l’homicide, voir « MONUSCO : À LA UNE », MONUSCO, dernière modification le 4 septembre 2015, http://monusco.unmissions.org/Default.aspx?tabid=11375&language=fr-FR.

[59] Entretiens téléphoniques de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, 6 et 7 octobre 2014 ; entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire congolaise, 24 septembre 2014 ; Département des opérations de maintien de la paix (PNUD), Bureau de l’état de droit et des institutions chargées de la sécurité (BEDIS), « Questions judiciaires et pénitentiaires : une paix durable fondée sur la justice et la sécurité » (« Rapport du PNUD 2014 »), 2014, http://www.un.org/fr/peacekeeping/resources/pdf/Justice%20and%20Corrections%202014-Vol1.pdf (consulté le 8 septembre 2015), p. 32.

[60] « MONUSCO : À LA UNE » ; « MONUSCO : Section État de droit », MONUSCO, dernière modification le 17 novembre 2014, http://monusco.unmissions.org/Default.aspx?tabid=11256&language=fr-FR ; International Center for Transitional Justice (ICTJ), « The Accountability Landscape in Eastern DRC: Analysis of the National Legislative and Judicial Response to International Crimes (2009-2014) » (« La responsabilité pénale dans l’est de la RDC : analyse des mesures législatives et judiciaires prises au niveau national face aux crimes internationaux ») (« Rapport d’ICTJ 2015 »), juillet 2015, https://www.ictj.org/sites/default/files/ICTJ-Report-DRC-Accountability-Landscape-2015.pdf (consulté le 8 septembre 2015).

[61] Entretien de Human Rights Watch avec des fonctionnaires des Nations Unies, Goma, 21 mai 2014.

[62] Présentation PowerPoint de membres du personnel du BCNUDH lors de la conférence organisée par ICTJ à Kinshasa, « Renforcer le système de poursuites nationales à l’encontre des crimes relevant du Statut de Rome en RDC », 12 novembre 2014.

[63] Entretien de Human Rights Watch avec le personnel d’une ONG internationale, Goma, 22 mai 2014 ; entretien collectif de Human Rights Watch avec des fonctionnaires de la justice militaire congolaise, Bukavu, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, Bukavu, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 25 mai 2014 ; entretien Skype de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, 12 août 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire congolaise, Kinshasa, 12 novembre 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, Kinshasa, 12 novembre 2014.

[64] Entretien de Human Rights Watch avec des fonctionnaires des Nations Unies, Goma, 21 mai 2014.

[65] Ibid.

[66] Entretien de Human Rights Watch avec des fonctionnaires des Nations Unies, Goma, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, 23 mai 2014.

[67] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec des fonctionnaires des Nations Unies, Goma, 21 mai 2014, entretien de Human Rights Watch avec des membres du personnel d’une ONG internationale, Goma, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Bukavu, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un représentant du gouvernement congolais, Kinshasa, 28 mai 2014.

[68] Entretien de Human Rights Watch avec des fonctionnaires de la justice militaire congolaise, Bukavu, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice congolaise, Bukavu, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire congolaise, Kinshasa, 12 novembre 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire congolaise, Kinshasa, 2 juin 2015.

[69] Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme, Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), « Supporting the Transition Process: Lessons Learnt and Best Practices in Knowledge Transfer » (« Soutenir le processus de transition : leçons à tirer et bonnes pratiques en matière de transfert de connaissances »), 24 mai 2010, http://www.osce.org/odihr/68108 (consulté le 8 septembre 2015), p. 14 ; Open Society Foundation (OSF), « Crimes Internationaux, Justice Locale : Guide destiné aux responsables de l’élaboration des programmes de loi, aux bailleurs de fonds et aux organismes d’exécution » (« Rapport d’OSF 2012 »), 2012, https://www.opensocietyfoundations.org/sites/default/files/crimes-internationaux-justice-locale-20120908.pdf (consulté le 8 septembre 2015), pp. 18-21 ; Commission Européenne et Service Européen pour l’action extérieure, « Joint Staff Working Document on Advancing the Principle of Complementarity: Toolkit for Bridging the Gap between International and National Justice », 31 janvier 2013, pp. 16, 20-21.

[70] Entretien de Human Rights Watch avec des fonctionnaires des Nations Unies, Goma, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, Kinshasa, 12 novembre 2014.

[71] Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), adopté le 16 décembre 1966, adopté et ouvert à la signature, à la ratification et à l'adhésion par l’Assemblée générale dans sa résolution 2200 A (XXI) du 16 décembre 1966, entré en vigueur le 23 mars 1976, ratifié par la République démocratique du Congo le 1er novembre 1976, art. 10, 14 ; Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, adoptée le 27 juin 1981, Doc OUA, CAB/LEG/67/3 rév. 5, 21 I.L.M. 58 (1982), entrée en vigueur le 21 octobre 1986, art. 3, 6, 7.

[72] Parmi les problèmes auxquels sont confrontés les accusés dans d’autres procès pour crimes internationaux graves ou violence sexuelle devant des tribunaux militaires au Congo, on relève notamment le fait que l’assistance légale pour les accusés est souvent octroyée à la dernière minute, que le temps pour bien préparer l’affaire est insuffisant et que l’assistance légale n’est pas compensée, ce qui peut influer sur sa qualité. En outre, le droit de faire comparaitre des témoins en leur faveur est souvent refusé aux accusés. Voir par exemple Initiative pour une société ouverte en Afrique australe (OSISA), « Helping to Combat Impunity for Sexual Crimes in DRC, An evaluation of the mobile gender justice courts » (« Contribuer à mettre fin à l’impunité des auteurs de crimes sexuels en RDC : évaluation de des tribunaux mobiles pour violences sexuelles »), http://www.osisa.org/sites/default/files/open_learning-drc-web.pdf (consulté le 8 septembre 2015), pp. 33-34 ; Passy Mubalama et Simon Jennings, « Les tribunaux itinérants dans l’est du Congo » Institute for War & Peace Reporting (IWPR), 13 février 2013, https://iwpr.net/fr/global-voices/les-tribunaux-itin%C3%A9rants-dans-l%E2%80%99est-du-congo (consulté le 8 septembre 2015).

[73] Quatre officiers poursuivis dans le cadre de l’affaire Minova ont été envoyés sur le front au milieu du procès pour prendre part à des opérations militaires contre le groupe armé Forces Démocratiques Alliées (Allied Democratic Forces, ADF).

[74] Entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 20 mai 2014.

[75] Entretien de Human Rights Watch avec un activiste de la société civile congolaise, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Bukavu, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un professionnel de santé, Bukavu, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 25 mai 2014.

[76] Voir, par exemple, transcriptions d’audiences de Minova, 9 décembre 2013, 10 décembre 2013 et 16 décembre 2013.

[77] Mémoire de clôture déposé au nom du capitaine Kangwanda, pp. 11, 55.

[78] Transcriptions d’audiences de Minova, 9 décembre 2013.

[79] En novembre 2012, le caporal Mogisha étaient détenu à la prison de Goma. Lorsque le M23 a pris Goma, les détenus de la prison se sont évadés et se sont enfuis avec les troupes de l’armée congolaise. Le Caporal Mogisha a été arrêté à Minova alors que les troupes y étaient stationnées. Ibid., 16 décembre 2013.

[80] Jugement de Minova, p. 74.

[81] Ibid., pp. 70, 84-96.

[82] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 21 mai 2014. À la lecture du verdict le 5 mai 2014, lorsqu’il est devenu clair pour les soldats de rang que tous commandants allaient être acquittés, ces premiers, furieux, ont agressé le capitaine Kangwanda dans la salle d’audience. Par la suite, le capitaine Kangwanda a été menacé par certains des soldats condamnés. Selon une lettre adressée par son avocat à l’auditeur supérieur de Goma et à Human Rights Watch, Kangwanda aurait reçu des menaces de mort de vive voix et par des SMS reçus sur son téléphone portable, notamment le message suivant : « Nous sommes peut-être en prison, mais nous connaissons des gens dehors qui vont te tuer ». En RD Congo, lors de procès devant des tribunaux militaires, les accusés ne bénéficient d’aucune mesure de protection.

[83] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire, Goma, 22 mai 2014.

[84] Loi no 23/2002 du 18 novembre 2002 portant code judiciaire militaire (« Code judiciaire militaire congolais »), Journal Officiel, 20 mars 2003, http://www.leganet.cd/Legislation/Droit%20Judiciaire/Loi.024.2002.18.11.2002.pdf (consulté le 22 septembre 2015), art. 87.

[85] Constitution de la République démocratique du Congo (« Constitution congolaise »), Assemblée Nationale, Kinshasa, 18 février 2006, http://democratie.francophonie.org/IMG/pdf/Constitution_de_la_RDC.pdf (consulté le 18 décembre 2014), art. 21 ; PIDCP, art. 14(5).

[86] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d'une ONG internationale, Goma, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Bukavu, 23 mai 2014.

[87] Cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu, Arrêt avant dire droit, affaires n° RP 003 et n° RMP 0372/BBM/2013, 5 décembre 2014, archives de Human Rights Watch.

[88] Le capitaine Patrick Kangwanda Swana, commandant par intérim du 391e régiment, a demandé à être assisté par Me Sabra Mpoyi, avocat reconnu du barreau de Goma. Me Mpoyi a finalement défendu l’ensemble des officiers dans cette affaire.

[89] Les juges de la CMO ont demandé que des avocats pro deo soient désignés, conformément à l’article 63 du code judiciaire militaire et à l’article 19 de la Constitution de 2006. Suite à une demande déposée auprès de l’association du barreau de Goma, 17 avocats ont été désignés pour représenter les accusés qui n'en avaient pas. Entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 20 mai 2014 ; échanges de courriers électroniques entre Human Rights Watch et un avocat congolais, 18 septembre 2014.

[90] Constitution congolaise, art. 19.

[91] Entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 21 mai 2014.

[92] Ibid.

[93] Entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec le personnel d’une ONG internationale, Goma, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, Kinshasa, 12 novembre 2014 ; entretien Skype entre Human Rights Watch et un représentant du PNUD, 12 août 2014. En février 2014, pendant le procès Minova, le bureau du PNUD à Goma a organisé une formation de base en droit pénal international et jurisprudence internationale pour l’association du barreau de Goma. Plusieurs des avocats pro deo désignés dans le cadre de l’affaire Minova y ont participé, mais leurs connaissances des aspects techniques du droit international sont restées insuffisantes et il est possible qu’ils n’aient pas soulevé certains points juridiques et factuels importants pour la défense de leurs clients ; entretien Skype entre Human Rights Watch et un représentant du PNUD, 12 août 2014.

[94] Entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec des membres du personnel d’une ONG internationale, Goma, 22 mai 2014.

[95] Entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire judiciaire, Goma, 22 mai 2014.

[96] Les frais de justice sont publiés dans un dépliant (bien que, en réalité, des frais supplémentaires ou des montants différents puissent être facturés). Une autorisation de réaliser une copie coûte 20 USD. La première page coûte 2 USD, puis les pages suivantes coûtent 1 USD chacune. Certains documents du dossier peuvent coûter plus cher. Voir Gouvernement de la République démocratique du Congo, ministère de la Justice, « Voici les frais à payer en justice » (« Dépliant officiel des frais de justice »), non daté, archives de Human Rights Watch. Le dossier Minova comporte des milliers de pages, ce qui représente une dépense trop importante pour des avocats qui n’ont pas été payés.

[97] Les avocats congolais rencontrés ont expliqué que le fait d’avoir laissé de côté leur cabinet et leurs clients habituels pendant la durée du procès Minova avait représenté une perte importante. Entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Bukavu, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 25 mai 2014.

[98] Entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 20 mai 2014.

[99] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec une avocate congolaise, Goma, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire judiciaire congolais, Kinshasa, 12 novembre 2014.

[100] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 20 mai 2014.

[101] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire judiciaire congolais, Kinshasa, 12 novembre 2014.

[102] Entretien de Human Rights Watch avec un militant de la société civile congolaise, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec des fonctionnaires de Nations Unies, Goma, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec des fonctionnaires des Nations Unies, Goma, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire, Goma, 22 mai 2014 ; entretien collectif entre Human Rights Watch et des fonctionnaires de la justice militaire congolaise, Bukavu, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Bukavu, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 25 mai 2014.

[103] L’article 175 du code pénal militaire congolais mentionne deux modes de responsabilité possibles pour les supérieurs hiérarchiques : soit comme co-auteurs, soit comme complices dans la mesure où ils ont toléré les agissements criminels de leurs subordonnés. L’article 6 du code pénal militaire congolais décrit comment le complice d’une infraction engage sa responsabilité pénale : soit en donnant des instructions pour commettre l’infraction, soit en procurant des armes ou tout autre moyen pour la commettre, soit, en connaissant la conduite criminelle des malfaiteurs, en les aidant à commettre l’infraction ou en leur fournissant un logement ou un lieu de réunion. Loi no 24/2002 du 18 novembre 2002 portant code pénal militaire (« Code pénal militaire »), Journal Officiel, 20 mars 2003, http://www.leganet.cd/Legislation/Droit%20Judiciaire/Loi.024.2002.18.11.2002.pdf (consulté le 21 septembre 2015), art. 6, 175. Pour une réflexion sur l’utilisation du Statut de Rome dans un tel cas, voir la partie « Avancées dans l’affaire Minova ».

[104] Comité international de la Croix-Rouge, Jean-Marie Henckaerts et Louise Doswald-Beck, eds., Customary International Humanitarian Law (Le droit international humanitaire coutumier), (Cambridge: Cambridge University Press, 2005), pp. 3733-3799; Statut de Rome, art. 28 ; Statut du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (ICTY), art.7(3) ; Statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda (ICTR), art. 6(3) ; Statut du Tribunal Spécial pour la Sierra Leone ; (SCSL), S/Res/1315 (2000), art. 6(3) ; Code pénal français, 1994, art. 462-7 ; Loi portant modification du Code pénal australien de 1995, No.12, Chapitre 8, para. 268.115 ; Loi de mise en oeuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale par le Royaume-Uni, 2001, Chapitre 17, Section 65 ; Code allemand de droit pénal international, 2002, Partie 1, para. 4 ; Code pénal norvégien No. 28 de 2005, para. 109.

[105] Statut de Rome, art. 28 ; Roberta Arnold et Otto Triffterer, « Article 28: Responsibility of commanders and other superiors » (« Article 28 : responsabilité des commandants et autres supérieurs »), dans « Commentary on the Rome Statute of the International Criminal Court » (« Commentaire sur le Statut de Rome de la Cour pénale internationale »), ed. Otto Triffterer, Oxford Hart Publishing, 2008, p. 840 ; Comité international de la Croix-Rouge, Customary International Humanitarian Law (Le droit humanitaire international coutumier), (Cambridge: Cambridge Univ. Press, 2005), règle 153. Pour des éléments de jurisprudence relatifs à ces questions, voir aussi Le Procureur c/ Zejmil Delalić, Zdravko Mucić, Hazim Delić et Esad Landžo, TPIY, affaire n° IT-96-21-T, Jugement (Chambre de première instance), 16 novembre 1998, (Jugement Čelebići) ; Le Procureur c/ Blaškic, TPIY, IT-95-14-T, Jugement (Chambre de première instance), 3 mars 2000 ; Le Procureur c/ Gacumbutsi, TPIR, Affaire n° ICTR-2001-64-A, Jugement (Chambre d’appel), 7 juillet 2006 ; Le Procureur c/ Kajelijeli, TPIR, affaire n° ICTR-98-44A-A, Jugement (Chambre d’appel), 23 mai 2005 ; Alex Brima, Brima Kamara, Santigie Kanu, Tribunal spécial pour la Sierra Leone, affaire n° SCSL-04-16-T, Jugement (Chambre de première instance), 20 juin 2007, paras. 787-288 (Jugement en première instance du CRFA), Jugement du FRU ; Le Procureur c/ Jean-Pierre Bemba Gombo, CPI, affaire n° ICC-01/05-01/08, Décision rendue en application des alinéas a) et b) de l’article 617 du Statut de Rome, relativement aux charges portées par le Procureur à l’encontre de JeanPierre Bemba Gombo (Chambre préliminaire), 15 juin 2009 (Décision portant confirmation des charges dans l’affaire Bemba) ; Le Procureur c/ Bosco Ntaganda, CPI, affaire n° ICC-01/04-02/06, Décision (Chambre préliminaire), 9 juin 2014 (Décision portant confirmation des charges dans l’affaire Ntaganda).

[106] Transcriptions d’audiences de Minova, 17 décembre 2013 ; Jugement de Minova, pp. 51, 52, 80. Entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un militant de la société civile congolaise, Goma, 20 mai 2014 ; mémoire de clôture déposé au nom du Capitaine Kangwanda, p. 4.

[107] Jugement de Minova, pp. 51-52 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 21 mai 2014.

[108] Code pénal militaire congolais, art. 59, 146.

[109] Entretien de Human Rights Watch avec un militant de la société civile congolaise, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Bukavu, 21 mai 2014.

[110] Transcriptions d’audiences de Minova, 18 avril 2014.

[111] Jugement de Minova, pp. 80-81.

[112] Entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 21 mai 2014.

[113] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire congolaise, Kinshasa, 12 novembre 2014.

[114] Jugement de Minova, p. 81.

[115] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, Kinshasa, 12 novembre 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un militant de la société civile congolaise, Kinshasa, 11 novembre 2014.

[116] Par exemple, le 391e régiment était stationné sur le terrain de football de Minova. Certains des crimes auraient eu lieu sur le marché situé juste de l’autre côté de la rue. Transcriptions d’audiences de Minova, 9 décembre 2013 et 18 décembre 2013.

[117] Transcriptions d’audiences de Minova, 9 décembre 2013, 17 décembre 2013 et 18 décembre 2013.

[118] Le Procureur c/ Strugar, TPIY, affaire n° IT-01-42-T, Jugement (Chambre de première instance), 31 janvier 2005, para. 372 ; Le Procureur c/ Hadzihasanovic, TPIY, affaire n° IT-01-47-PT, « Décision relative à l'exception conjointe d’incompétence » (Chambre de première instance), 12 novembre 2002, paras. 1236-1240.

[119] Le Procureur c/ Hadzihasanovic, para. 155.

[120] Le Procureur c/ Strugar, para. 375 ; Le Procureur c/ Hadzihasanovic, para. 153.

[121] D’après la Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (CADHP), cette pratique nuit à l’indépendance des tribunaux militaires : « Persons selected for judicial office shall be individuals of integrity and ability with appropriate training or qualifications in law » (« Les personnes sélectionnées pour remplir des fonctions judiciaires doivent être intègres et avoir suivi une formation adaptée ou posséder des compétences en droit »). Media Rights Agenda c/ Nigeria, Commission Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, Communication n° 224/98 (2000), http://www1.umn.edu/humanrts/africa/comcases/224-98.html (consulté le 10 septembre 2015), para. 60.

[122] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice congolaise, Goma, 24 mai 2014.

[123] Ibid.

[124] Jugement de Minova, p. 52.

[125] Transcriptions d’audience de Minova, 18 décembre 2013 ; mémoire de clôture déposé au nom du capitaine Kangwanda, pp. 6-28.

[126] Le général Lucien Bahuma est décédé le 30 août 2014. Voir « RDC: émotion après la mort du général Bahuma, héros discret des FARDC, » RFI, 1 septembre 2014, http://www.rfi.fr/contenu/ticker/rdc-mort-general-lucien-bahuma-commandant-8e-region-militaire-nord-kivu-suites-violen/ (consulté le 23 septembre 2015) ; « RDC: qui était le général Lucien Bahuma, chef de l’armée au Nord-Kivu ? », Jeune Afrique, 31 août 2014, http://www.jeuneafrique.com/Article/DEPAFP20140831162846/ (consulté le 10 septembre 2015).

[127] Transcriptions d’audience de Minova, 15 février 2014 ; mémoire de clôture déposé au nom du capitaine Kangwanda, p. 33.

[128] Jugement de Minova, p. 50.

[129] Entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 25 mai 2014.

[130] Transcriptions d’audiences de Minova, 18 décembre 2013.

[131] Ibid.

[132] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire congolaise, Kinshasa, 12 novembre 2014.

[133] Entretien collectif de Human Rights Watch avec des fonctionnaires de la justice militaire congolaise, Bukavu, 23 mai 2014.

[134] Entretien de Human Rights Watch avec le général Mukunto, Kinshasa, 1er juin 2015.

[135] Loi no 04/023 du 12 novembre 2004 portant Organisation Générale de la Défense et des Forces Armées, novembre 2004, http://www.leganet.cd/Legislation/Droit%20Public/Ministeres/defense/loi.04.023.12.11.2004.pdf (consulté le 22 septembre, 2015), art. 80.

[136] Loi no 011/012 du 11 août 2011 portant Organisation et Fonctionnement des Forces Armées, août 2011, http://desc-wondo.org/wp-content/uploads/2013/08/Loi-Organique-sur-les-FARDC.pdf (consulté le 22 septembre, 2015). Le Président Joseph Kabila a signé les décrets d'application de cette loi en juin 2013 : « RDC: Joseph Kabila signe des ordonnances sur la nouvelle organisation des FARDC », Radio Okapi, 19 juin, 2013, http://www.radiookapi.net/en-bref/2013/06/19/rdc-joseph-kabila-signe-des-ordonnances-sur-la-nouvelle-organisation-des-fardc/ (consulté le 22 septembre, 2015).

[137] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 20 mai 2014.

[138] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire, Goma, 22 mai 2014.

[139] Human Rights Watch, « Vous serez punis : Attaques contre les civils dans l’est du Congo », décembre 2009, http://www.hrw.org/sites/default/files/reports/drc1209frwebwcover.pdf.

[140] Rapport d'ICTJ 2015, p. 28.

[141] Code judiciaire militaire congolais, art. 67 ; « République démocratique du Congo : Mettre fin à l'impunité pour les violences sexuelles », communiqué de presse de Human Rights Watch ; Human Rights Watch, « Opération Likofi : Meurtres et disparitions forcées aux mains de la police à Kinshasa, République démocratique du Congo », novembre 2014, https://www.hrw.org/sites/default/files/reports/drc1114fr_ForUpload_1_2.pdf, pp. 54-55.

[142] Voir l’analyse des privilèges de juridiction en droit congolais dans la partie « La Voie à Suivre », ci-dessous.

[143] Jérome Kakwavu était le chef d’un groupe rebelle actif en Ituri au début des années 2000, les Forces Armées du Peuple Congolais (FAPC). En 2004, suite à des négociations de paix entre le gouvernement et son groupe armé, il a intégré les FARDC et a été nommé général. Il a été arrêté en 2005. En 2010, Jérome Kakwavu a été inculpé pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité en Ituri, notamment pour homicide, torture et viol. En 2014, il a été condamné à 10 ans d'emprisonnement par la Haute Cour Militaire de Kinshasa. Le procès Kakwavu a soulevé des questions quant au respect des droits de l’accusé, notamment en ce qui concerne la durée de sa détention préventive, la durée du procès en lui-même, et l'impossibilité pour l'intéressé de faire appel devant la Haute Cour Militaire.

[144] « RD Congo : Une opération policière a conduit à la mort de 51 jeunes hommes et garçons », communiqué de presse de Human Rights Watch, 18 novembre 2014, http://www.hrw.org/fr/news/2014/11/17/rd-congo-une-operation-policiere-conduit-la-mort-de-51-jeunes-hommes-et-garcons.

[145] Voir Human Rights Watch, Opération Likofi, pp. 47-55.

[146] Voir Human Rights Watch, Opération Likofi, p. 16.

[147] Human Rights Watch, Rapport mondial 2013 (New York, 2013), chapitre sur la République démocratique du Congo, http://www.hrw.org/fr/world-report/2013/country-chapters/259794; Eric Wemba, « Congo-Kinshasa: Affaire Chebeya, Tous les prévenus acquittés sauf Mukalay », 18 septembre, 2015, http://fr.allafrica.com/stories/201509181529.html (consulté le 22 septembre 2015).

[148] Human Rights Watch, « Vous serez punis ».

[149] « RD Congo : Lettre au président Kabila concernant la traduction en justice des dirigeants du M23 et d’autres groupes armés pour graves violations des droits humains », lettre de Human Rights Watch, 29 janvier 2014, https://www.hrw.org/fr/news/2014/01/29/rd-congo-lettre-au-president-kabila-concernant-la-traduction-en-justice-des.

[150] OSF, « La Mise en Œuvre Effective du Principe de Complémentarité – République démocratique du Congo » (« Rapport d’OSF 2011 »), 11 janvier 2011, https://www.opensocietyfoundations.org/sites/default/files/complementarity-drc-francais-20110728_0.pdf (consulté le 8 septembre 2015) ; IBA (Association internationale du barreau) et ILAC (Groupement international de l’assistance juridique) (« Rapport IBA et ILAC 2009 »), « Rebuilding courts and trust: Assessment of the needs of the justice system in the Democratic Republic of Congo » (Reconstruire les tribunaux et la confiance : évaluation des besoins du système judiciaire en République démocratique du Congo), août 2009, http://issat.dcaf.ch/content/download/12040/121847/file/DRC-IBA-ILAC-Justice-Aug09.pdf (consulté le 11 septembre 2015).

[151] En février 2013, le ministre de la Défense, Alexandre Luba Ntambo, a déclaré : « Les soldats qui ont commis des viols et des pillages dans les villes de Bweremana et de Minova ne resteront pas impunis ». Voir La Prospérité, « Viols et Pillages au Nord Kivu, Luba Ntambo : «Les auteurs seront sévèrement châtiés », 11 mars, 2013, http://www.digitalcongo.net/article/90327 (consulté le 22 septembre 2015). En avril 2013, Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement, a affirmé publiquement que les enquêtes judiciaires dans le cadre de l’affaire Minova se poursuivaient. Il a aussi insisté sur le fait que « le gouvernement et les institutions du Congo sont les premiers concernés par les graves violations de droits humains subies par leurs concitoyens ». Voir « Viols à Minova: le gouvernement congolais et les institutions congolaises sont les premiers concernés, affirme Lambert Mende », Radio Okapi, 3 avril 2013, http://radiookapi.net/emissions-2/linvite-du-jour/2013/04/03/viols-minova-le-gouvernement-congolais-les-institutions-congolaises-sont-les-premiers-concernes-affirme-lambert-mende/ (consulté le 11 septembre 2015). Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec des fonctionnaires des Nations Unies, Goma, 22 mai 2014 ; entretien Skype de Human Rights Watch avec un fonctionnaire du Programme des Nations Unies pour le Développement, 12 août 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec des représentants du ministère de la Justice congolais, 10 novembre 2014.

[152] Entretien de Human Rights Watch avec des représentants du ministère de la Justice congolais, Kinshasa, 10 novembre 2014.

[153] Melanie Gouby, « Congo: 12 army officers to be charged with rapes » (« Douze officiers de l’armée congolaise vont être accusés de viol »), Associated Press, 13 avril 2013, http://news.yahoo.com/congo-12-army-officers-charged-rapes-175809730.html (consulté le 11 septembre 2015) ; « DR Congo officers ‘suspended’ in mass rape inquiry » (« Des officiers de la RDC suspendus dans le cadre d’une affaire de viols de masse »), BBC News Online, 12 avril 2013, http://www.bbc.com/news/world-africa-22121722 (consulté le 11 septembre 2015).

[154]Entretien de Human Rights Watch avec des représentants du ministère de la Justice congolais, Kinshasa, 10 novembre 2014.

[155] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire, Goma, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un militant de la société civile, Kinshasa, 11 novembre 2014.

[156] Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, « Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo » (« Rapport du Projet de Mapping de l’ONU 2010 »), août 2010, http://www.ohchr.org/Documents/Countries/CD/DRC_MAPPING_REPORT_FINAL_FR.pdf (consulté le 11 septembre 2015). 905-911, 975, 979 ; AfriMAP et OSISA (« Rapport d’AfriMAP et OSISA 2013 »), « République Démocratique du Congo - Secteur de la Justice et Etat de Droit: Un Etat de Droit en pointillé, Essai d’évaluation des efforts en vue de l’instauration d’un Etat de droit et perspectives d’avenir », juillet 2013, http://www.osisa.org/sites/default/files/rdc_justice_et_etat_de_droit_19jun0930.pdf (consulté le 11 septembre 2015), p. 139 ; Trente et unième rapport du Secrétaire général sur la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo, S/2010/164, 30 mars 2010, http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=S
/2010/164 (consulté le 25 septembre 2015), pp. 13, 14, 22-23 ; Aaron Hall et Annette LaRocco, Enough Project, « Le temps joue contre la justice », 16 février 2012, http://www.enoughproject.org/files/Executive%20summary%20-%20Le_temps_travaille_
joue_contre_la_justice.pdf (consulté le 11 septembre 2015).

[157] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire, Goma, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire, 12 novembre 2014.

[158] Entretien collectif entre Human Rights Watch et des fonctionnaires de la justice militaire, 23 mai 2014. Rapport IBA et ILAC 2009, p. 19 ; Rapport d’AfriMAP et OSISA 2013, p. 59.

[159] Il aurait été difficile pour les enquêteurs et auditeurs qui ont travaillé sur l’affaire Minova de se rendre de Bukavu ou de Goma à Minova sans une assistance internationale. Minova se situe à environ 130 kilomètres au nord de Bukavu (soit cinq heures de trajet en voiture), et à 50 kilomètres au sud de Goma (soit 1h30 de trajet en voiture). Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire, Goma, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec des fonctionnaires de la justice militaire, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire congolaise, Minova, 24 mai 2014.

[160] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire, Goma, 24 mai 2014.

[161] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice congolaise, Goma, 24 mai 2014. Le manque de personnel judiciaire est décrit dans un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et MONUSCO, « Avancées et obstacles dans la lutte contre l’impunité des violences sexuelles en République démocratique du Congo » (« Rapport de la MONUSCO avril 2014 »), avril 2014, http://www.ohchr.org/Documents/Countries/CD/UNJHROApril2014_fr.pdf (consulté le 11 septembre 2015), para. 7.1 ; Rapport IBA et ILAC 2009, p. 40 ; Rapport du Secrétaire général sur la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo, S/2010/164, para. 50 ; Rapport du Projet de Mapping de l’ONU 2010, paras. 905-909 ; « Special Report of the Secretary-General on the Democratic Republic of the Congo and the Great Lakes region » (« Rapport spécial du Secrétaire général sur la République démocratique du Congo et la région des Grands Lacs »), S/2013/119, 27 février 2013, http://www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%7D/s_2013_119.pdf (consulté le 11 septembre 2015), para. 22.

[162] Une certaine coordination existe à Kinshasa depuis l’audit du secteur de la justice réalisé par la Commission européenne et des partenaires en 2004. Le mécanisme de coordination, d’abord appelé « Comité Mixte de Justice (CMJ) », a récemment été renommé « Groupe Thématique sur la Justice et les Droits Humains ». Il regroupe des fonctionnaires du ministère de la justice congolais et des partenaires internationaux chargés de débattre des priorités et des évolutions dans les domaines de la justice et des droits humains. Voir l’analyse de la nécessité de créer un mécanisme de coordination spécialement consacré aux projets relatifs à la complémentarité dans la partie « Comment avancer ».

[163] À Goma, le mécanisme est appelé Cadre de concertation pour l’appui à la justice militaire et regroupe des représentants du BCNUDH, des Cellules d’Appui aux Poursuites des Nations Unies, du PNUD, d’ASF, d’ICTJ, d’ABA et les auditeurs supérieurs congolais locaux. À Bukavu, le mécanisme est appelé Task Force Justice Internationale et regroupe, outre des représentants locaux des mêmes entités qui composent le mécanisme de Goma, des représentants des ONG internationales Physicians for Human Rights, RCN Justice & Démocratie et Track Impunity Always (TRIAL). Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d'une ONG internationale, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec des membres du personnel d’une ONG internationale, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, 23 mai 2014 ; entretien Skype entre Human Rights Watch et un fonctionnaire des Nations Unies, 12 août 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, 12 novembre 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, 13 novembre 2014.

[164] Entretien de Human Rights Watch avec des membres du personnel d’une ONG internationale, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec des fonctionnaires des Nations Unies, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire, 12 novembre 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, 12 novembre 2014.

[165] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec des membres du personnel d’une ONG internationale, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec des fonctionnaires des Nations Unies, 22 mai 2014 ; entretien Skype entre Human Rights Watch et un représentant du PNUD, 12 août 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, 12 novembre 2014.

[166] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 21 mai 2014.

[167] Entretien de Human Rights Watch avec des membres du personnel d’une ONG internationale, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, 12 novembre 2014.

[168] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Bukavu, 23 mai 2014 ; entretien Skype de Human Rights Watch avec un représentant du PNUD, 12 août 2014.

[169] Entretien de Human Rights Watch avec des représentants du ministère de la Justice congolais, 10 novembre 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un militant de la société civile congolaise, Kinshasa, 11 novembre 2014.

[170] Entretien de Human Rights Watch avec des représentants du ministère de la Justice congolais, Kinshasa, 10 novembre 2014.

[171] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire, 22 mai 2014 ; entretien collectif de Human Rights Watch avec des fonctionnaires de la justice militaire congolaise, Bukavu, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire, 24 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire, 24 mai 2014.

[172] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire, 24 mai 2014 ; Rapport du Projet de Mapping de l’ONU 2010, pp. 61, 74, 435, 449, 450, 465, 495 ; Rapport d’OSF 2011, pp. 3, 39 ; Rapport d’ICTJ 2015, p. 26.

[173] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, 25 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, Kinshasa, 12 novembre 2014.

[174] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, 21 mai 2014; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, 22 mai 2014

[175] Entretien de Human Rights Watch avec une psychologue, Goma, 21 mai 2014 ; entretien collectif entre Human Rights Watch et des fonctionnaires de la justice militaire, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec deux militants de la société civile congolaise, Minova, 24 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, 25 mai 2014.

[176] Entretien de Human Rights Watch avec une psychologue, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, 25 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, Kinshasa, 12 novembre 2014.

[177] Entretien de Human Rights Watch avec deux militants de la société civile congolaise, 24 mai 2014.

[178] Le seul article du code judiciaire militaire traitant du soutien aux victimes et aux témoins est l’article 253, qui évoque la nécessité d’interrompre les débats pour permettre aux témoins de se reposer. Un nouvel article, l’article 74 bis, a été ajouté en 2006 au code pénal civil concernant la protection et le soutien aux victimes de violence sexuelle. Il prévoit que tout juge saisi d’une affaire comportant des éléments de violence sexuelle prenne des mesures pour protéger la sécurité et la dignité des victimes et des autres personnes impliquées, sans toutefois préciser la nature de ces mesures. Loi no 06/018 du juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénale congolais (« Code pénale congolais »), http://www.leganet.cd/Legislation/Tables/droit_penal.htm (consulté le 23 septembre 2015).

[179] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, 22 mai 2014; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, 12 novembre 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire congolaise, 12 novembre 2014. Des mesures de protection et de soutien similaires ont été prises dans d’autres affaires récentes comportant des éléments de violence sexuelle, dont les affaires Mukope et Kibibi traitées par la cour militaire du Sud-Kivu. Le juge Mukendi a également participé en tant que juge à ces affaires. Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice militaire, 24 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, Kinshasa, 12 novembre 2014.

[180] Voir photos dans « They will be heard, the Rape survivors of Minova » (« Elles seront entendues, les victimes de viol de Minova »), Al Jazeera, 14 mars 2014, http://america.aljazeera.com/multimedia/2014/3/they-will-be-heard-therapesurvivorsofminova.html (consulté le 14 septembre 2015).

[181] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, Kinshasa, 12 novembre 2014.

[182] Entretien de Human Rights Watch avec une avocate congolaise, Goma, 22 mai 2014.

[183] Ibid.

[184] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec une avocate congolaise, Goma, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec deux militants de la société civile congolaise, 24 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, 12 novembre 2014.

[185] Entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 22 mai 2014 ; « Note de plaidoirie RP 008/007/006/005/004/003/013 RMP 0372/BBM/013 pour Mesdames F23, F66, F179, F108, F26, F1, F143, F176, F2, F65, F142, F38, F167, F88, F60, F172, F28, F78, F139, F187, F181, F9, F150, F18, F149, F162, F163, F36, F177, F130, F152, F89, F33, F173, F119, F68, F90, F193, F196, F63, F153, F135, F183, F145, F160, F114, Shamavu Ahamiaga, Gilbert Muhindi Mitima, Batasema Lukanga et consorts, parties civiles » (« mémoire de clôture déposé au nom des victimes »), archives de Human Rights Watch, p. 27.

[186] Mémoire de clôture déposé au nom des victimes, p. 28.

[187] Entretien de Human Rights Watch avec une avocate congolaise, Goma, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, 23 mai 2014.

[188] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice congolaise, 24 mai 2014.

[189] Sur la question des problèmes dans les prisons et des centres de détention au Congo, voir le Rapport du Projet de Mapping de l’ONU 2010, p. 436 ; Audit organisationnel du secteur de la justice en République Démocratique de Congo réalisé en 2003-2004 par la Commission Européenne, conjointement avec la Grande-Bretagne, la Belgique, la France, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, le PNUD et la MONUC (« Audit de l’UE de 2004 »), « Rapport de synthèse des ateliers pour l’élaboration d’un programme cadre de la justice », archives de Human Rights Watch. On recense des cas de victimes de viol ayant témoigné dans le cadre d’une procédure pénale et ayant subi, suite à cela, une nouvelle attaque de la part de leur agresseur, voir Rebecca Feeley et Colin Thomas-Jensen, Enough Project, « Getting Serious about Ending Conflict and Sexual Violence in Congo » (« En finir sérieusement avec le conflit et la violence sexuelle au Congo »), mars 2008, http://www.enoughproject.org/files/publications/CongoSerious.pdf (consulté le 14 septembre 2015) ; entretien de Human Rights Watch avec une militante de la société civile congolaise, Goma, 22 mai 2014.

[190] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec une avocate congolaise, 8 août 2014.

[191] Au Congo, dans les systèmes judiciaires civil et militaire, les victimes peuvent participer à la procédure pénale non seulement en tant que témoins pour l’accusation, mais aussi en tant que parties civiles. Loi n° 06/019 du 20 juillet 2006 modifiant et complétant le Décret du 06 août 1959 portant Code de procédure pénale congolais (« Code de procédure pénale congolais »), http://www.leganet.cd/Legislation/JO/2006/JO.01.08.2006.C.P.P.06.019.pdf (consulté le 14 septembre 2015), art. 69 ; Code pénal militaire congolais, art. 226.

[192] Le coût pour se constituer partie civile est de 7 USD, une somme importante pour beaucoup dans l’est du Congo. Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec une avocate congolaise, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, 23 mai 2014. Voir Dépliant officiel des frais de justice.

[193] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec une avocate congolaise, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec des membres du personnel d’une ONG internationale, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, 25 mai 2014.

[194] ASF a payé quatre avocats et ABA huit autres pour représenter les victimes dans l’affaire Minova. ASF finance le travail d’avocats indépendants qui constituent un groupe spécialisé dans les crimes internationaux et sont régulièrement formés. Les avocats d’ABA sont salariés de l’organisation. Dans l’affaire Minova, certains des avocats appartenaient à l'Association du barreau de Bukavu et d’autres à l’Association du barreau de Goma. Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec une avocate congolaise, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec le personnel d’une ONG internationale, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, 23 mai 2014.

[195] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 25 mai 2014.

[196] Entretien de Human Rights Watch avec une psychologue, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec une avocate congolaise, Goma, 22 mai 2014.

[197] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, 20 mai 2014 ; échange de courriers électroniques entre Human Rights Watch et un avocat congolais, 18 août 2014 ; Jugement de Minova, p. 82.

[198] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec une avocate congolaise, Goma, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Bukavu, 23 mai 2014.

[199] Entretien de Human Rights Watch avec une psychologue, Goma, 21 mai 2014.

[200] Entretien de Human Rights Watch avec un militant de la société civile congolaise, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec le personnel d’une ONG internationale, Goma, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec une avocate congolaise, Goma, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un avocat congolais, Bukavu, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec deux militants de la société civile congolaise, Minova, 24 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice congolaise, Goma, 24 mai 2014.

[201] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec une avocate congolaise, Goma, 22 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec des membres du personnel d’une ONG internationale, Goma, 22 mai 2014 ; entretiens séparés de Human Rights Watch avec deux victimes ayant participé au procès Minova, Minova, 24 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec deux militants de la société civile congolaise, Minova, 24 mai 2014.

[202] Entretien de Human Rights Watch avec un officiel congolais, Goma, 22 mai 2014.

[203] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, Goma, 20 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d'une ONG internationale, Goma, 21 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec une avocate congolaise, Goma, 22 mai 2014.

[204] La définition des crimes contre l’humanité, que l’on trouve dans les articles 165, 167, 169 et 170 du Code pénal militaire congolais, mélange l’infraction avec celle de crimes de guerre. Selon l’article 165, par exemple : « Les crimes contre l’humanité sont des violations graves du droit international humanitaire commises contre toutes populations civiles avant ou pendant la guerre ». Les définitions de crimes de guerre, données aux articles 173 et 174 du Code pénal militaire congolais, sont tout aussi insatisfaisantes. Les crimes de guerre y sont laconiquement définis comme des « infractions aux lois de la République commises pendant la guerre », sans aucune précision quant à ces infractions. L’article 174 est ambigu mais semble suggérer que les seules personnes susceptibles d’être poursuivies pour crimes de guerre, tels que définis à l’article 173, sont exclusivement celles qui étaient « au service de l’ennemi ». En outre, le droit congolais ne fait pas la différence entre un conflit armé international et un conflit armé non international, et n'emploie que le terme de « guerre », dont la définition n’est pas claire.

[205] ASF, « L’application du statut de Rome de la Cour pénale internationale par les juridictions de la République démocratique du Congo » (« Étude de la jurisprudence, ASF 2009 »), mars 2009, http://www.asf.be/wp-content/uploads/2014/05/ASF_RDC_EtudeJurisprStatutRome_2009_FR.pdf (consulté le 15 septembre 2015) ; ASF, « La mise en œuvre judiciaire du Statut de Rome en RD Congo » (« Étude de la jurisprudence, ASF 2014 »), avril 2014, http://www.asf.be/blog/publications/la-mise-en-oeuvre-judiciaire-du-statut-de-rome-en-rdc-congo-april-2014/ (consulté le 15 septembre 2015) ; Antonietta Trapani, Projet DOMAC (Impact of International Courts on Domestic Criminal Procedures in Mass Atrocity Cases), « Complementarity in the Congo: the direct application of the Rome Statute in the military courts of the DRC » (« Complémentarité en RD Congo : l’application directe du Statut de Rome dans les tribunaux militaires de la RDC ») (« Rapport DOMAC 2011 »), novembre 2011, http://www.domac.is/media/domac-skjol/Domac-12-Trapani.pdf (consulté le 15 septembre 2015). Dans l’affaire Minova, les auditeurs ont utilisé : le code pénal militaire congolais pour définir les infractions purement militaires, telles que la désobéissance aux ordres ou le gaspillage des munitions ; le code pénal civil pour définir un viol comme crime de droit commun et l’extorsion ; une loi nationale de 2009 sur la protection des enfants pour définir un autre viol comme crime de droit commun, et le Statut de Rome pour définir le pillage et le viol comme crimes de guerre, ainsi que les modes de responsabilité de co-perpétration et de responsabilité des chefs militaires et autres supérieurs.

[206] Bien que la peine de mort soit encore prévue en droit congolais, un moratoire sur les exécutions est en vigueur depuis 2003. Voir Ensemble Contre la Peine de Mort, « La peine de mort dans le monde: République Démocratique du Congo », non daté, http://www.abolition.fr/node/76 (consulté le 15 septembre 2015). Human Rights Watch s’oppose à la peine de mort, punition inhumaine et irrévocable, quelles que soient les circonstances.

[207] Entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire de la justice congolaise, Goma, 24 mai 2014.

[208] Par exemple, durant le procès Minova, de longs débats ont porté sur les éléments constitutifs de crimes de guerre et sur la question de savoir si oui ou non les événements de Minova avaient eu lieu dans le contexte d’un conflit armé non-international. Voir le mémoire de clôture déposé au nom du capitaine Kangwanda, pp. 17-20 ; Jugement de Minova, p. 61, 68, 71.

[209] Étude de la jurisprudence, ASF 2009 ; Étude de la jurisprudence, ASF 2014.

[210] Les États-Unis ont assuré l'entraînement militaire du 391e régiment pendant plus de trois ans, et la MONUSCO a soutenu et combattu aux côtés de l’armée congolaise contre le M23 en 2012 et 2013. Voir Eric Elliott, « 750 Congolese Soldiers Graduate from U.S.-led Military Training, Form Light Infantry Battalion » (« 750 soldats congolais entraînés par les États-Unis forment un régiment d’infanterie légère »), U.S. AFRICOM, 20 septembre 2010, http://www.africom.mil/Newsroom/Article/7727/750-congolese-soldiers-graduate-from-us-led-milita (consulté le 15 septembre 2015) ; John Vandiver, « US-trained Congolese Battalion among units accused of Rape » (« Un régiment entrainé par les Etats-Unis parmi les unités accusées de viol »), Stars and Stripes, 10 mai 2013, http://www.stripes.com/news/africa/us-trained-congolese-battalion-among-units-accused-of-rape-1.220357 (consulté le 22 septembre 2015) ; « US Trained Congolese troops committed rapes and other atrocities, UN says » (« Selon l’ONU, des soldats congolais entraînés par les États-Unis ont commis des viols et d’autres atrocités »), Washington Post, 13 mai 2013, http://www.washingtonpost.com/world/national-security/us-trained-congolese-troops-committed-rapes-and-other-atrocities-un-says/2013/05/13/9781dd88-bbfe-11e2-a31d-a41b2414d001_story.html (consulté le 15 septembre 2015) ; Rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la MONUSCO, S/2010/164, paras. 2, 4, 8, 11 ; « Rapport du Secrétaire général sur la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo », 23 mai 2012, S/2012/355, http://www.un.org/en/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/2012/355&referer=/english/&Lang=F (consulté le 15 septembre 2015), paras. 22, 25, 46, 58, 59 ; « Rapport du Secrétaire général sur la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo », S/2012/838, 12 novembre 2014, http://www.un.org/en/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/2012/838&referer=/english/&Lang=F (consulté le 15 septembre 2015), para. 67.

[211] Selon la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies 1906 (2009), la MONUSCO apporte un appui aux FARDC sous réserve que celles-ci respectent le droit international humanitaire, des droits de l'homme et des réfugiés. Résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies 1906 (2009), S/RES/1906 (2009), http://www.un.org/en/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/RES/1906%282009%29&referer=/english/&Lang=F (consulté le 15 septembre 2015). Les Nations Unies ont aussi adopté une « Politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme » en février 2013. Cette politique traite de l’appui des Nations Unies aux forces de sécurité non onusiennes. Elle vise à garantir que cet appui soit conforme avec la Charte des Nations Unies et les obligations internationales des Nations Unies en matière de respect du droit humanitaire, des droits de l’homme et des réfugiés. Selon cette politique, Si l’ONU reçoit des informations fiables donnant des motifs sérieux de croire qu’un bénéficiaire de l’appui onusien commet des violations des droits de l’homme, l’entité onusienne concernée devrait en informer les autorités nationales compétentes afin de faire cesser ces violations. Si les violations ne cessent pas, l’entité onusienne en question doit suspendre ou retirer son appui. Voir la Politique de diligence voulue en matière de droits de l’homme dans le contexte de la fourniture d’appui par l’ONU à des forces de sécurité non onusiennes, A/67/775-S/2013/110, http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=S/2013/110&referer=http://www.un.org/en/sc/documents/letters/2013.shtml&Lang=F (consultée le 15 septembre 2015).

[212] Voir Département d’Etat des Etats-Unis, « An Overview of the Leahy Vetting Process » (« Un apercu du processus de vetting de Leahy »), 7 septembre 2013, http://www.humanrights.gov/dyn/an-overview-of-the-leahy-vetting-process.html (consulté le 22 septembre 2015) ; IRIN, « Can the DRC Army stop abusing human rights? » (« L’armée congolaise peut-elle arrêter de violer les droits humains ? »), 12 août 2013, http://www.irinnews.org/report/98554/can-the-drc-army-stop-abusing-human-rights (consulté le 22 septembre 2015) ; entretien téléphonique de Human Rights Watch avec un officiel des Etats-Unis, 17 septembre 2015.

[213] Rapport du BCNUDH, mai 2013, p. 17.

[214] Entretiens téléphoniques de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, 6 et 7 octobre 2014.

[215] Entretiens téléphonique de Human Rights Watch avec un fonctionnaire des Nations Unies, 6 et 7 octobre 2014.

[216] « Paris juge insuffisantes les sanctions de Kinshasa après les viols à Minova », Radio Okapi, 25 juin 2013, http://radiookapi.net/actualite/2013/06/25/paris-juge-insuffisantes-les-sanctions-de-kinshasa-apres-les-viols-minova/#.U9eZebccRdg (consulté le 15 septembre 2015) ; « Foreign Secretary comments on verdict in Minova mass rape case » (« Commentaires du ministre des Affaires étrangères sur le verdict du procès pour viols de masse de Minova »), Foreign & Commonwealth Office, 7 mai 2014, https://www.gov.uk/government/news/foreign-secretary-comments-on-verdict-in-minova-mass-rape-case (consulté le 15 septembre 2015) ; « US Trained Congolese troops committed rapes and other atrocities, UN says » (« Selon l’ONU, des soldats congolais entraînés par les États-Unis ont commis des viols et d’autres atrocités »), The Washington Post, 13 mai 2013, http://www.washingtonpost.com/world/national-security/us-trained-congolese-troops-committed-rapes-and-other-atrocities-un-says/2013/05/13/9781dd88-bbfe-11e2-a31d-a41b2414d001_story.html (consulté le 15 septembre 2015) ; Déclaration du président du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la République démocratique du Congo, 25 juillet 2013, http://usun.state.gov/remarks/5769 (consulté le 23 septembre 2015).

[217] Entretien de Human Rights Watch avec un diplomate, Goma, 21 mai 2014.

[218] « La MONUSCO déplore le manque de progrès dans le dossier Minova », communiqué de presse de la MONUSCO, 19 octobre 2013, http://monusco.unmissions.org/Default.aspx?tabid=11332&ctl=Details&mid=14307&ItemID=20207&language=fr-FR (consulté le 15 septembre 2015) ; « U.S., Britain push Congo to prosecute soldiers over Minova rapes » (« Les Etats-Unis, la Grande Bretagne encouragent le Congo à poursuivre les soldats responsables des viols de Minova »), Reuters, 6 octobre 2013, http://www.reuters.com/article/2013/10/06/us-congo-democratic-rapes-idUSBRE9950J820131006 (consulté le 15 avril 2015).

[219] Entretien de Human Rights Watch avec Julien Paluku, gouverneur de la province du Nord-Kivu, 22 mai 2014.

[220] Entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel d’une ONG internationale, 20 mai 2014.

[221] Phuong N. Pham and Patrick Vinck, Harvard Humanitarian Initiative et le Programme des Nations Unies au Développement, « A la recherché d’une paix durable: Enquête de la population de l’est de la République démocratique du Congo sur les perceptions et attitudes envers la Paix, la Sécurité et la Justice », 2014, http://www.peacebuildingdata.org/sites/m/pdf/DRC2014_A_la_recherche_dune_%20Paix_Durable.pdf (consulté le 22 septembre 2015).

[222] Human Rights Watch, « Etats généraux de la justice en République démocratique du Congo : recommandations sur la lutte contre l’impunité pour les crimes graves internationaux », 27 avril 2015, https://www.hrw.org/fr/news/2015/04/27/etats-generaux-de-la-justice-en-republique-democratique-du-congo.

[223] Entretien de Human Rights Watch avec le ministre de la Justice congolais, Alexis Thambwe Mwamba, Kinshasa, 2 juin 2015.

[224] Présidence de la République, Bureau de la Représentante personnelle en charge de la lutte contre les violences sexuelles et le recrutement d’enfants, http://fr.stopdrcsexualviolence.org/ (consulté le 1er septembre 2015).

[225] « DRC: Military Pledge Marks Milestone On Road to Ending Conflict-Related Sexual Violence » (« RDC: l’Engagement de l’Armée marque un tournant sur la voie de l’éradication de la violence sexuelle liée au conflit »), communiqué de presse de l’ONU, 31 mars 2015, http://www.un.org/sexualviolenceinconflict/press-release/drc-military-pledge-marks-milestone-on-road-to-ending-conflict-related-sexual-violence/ (consulté le 1er septembre 2015) ; Plan d’Action des Forces Armées de la République Démocratique du Congo pour la Lutte contre les Violences Sexuelles, non daté, archives de Human Rights Watch.

[226] Anneke van Woudenberg, « RDC : Pour la première fois, un général congolais est condamné pour viol », tribune de Human Rights Watch, 10 novembre 2014, http://www.hrw.org/fr/news/2014/11/10/rdc-pour-la-premiere-fois-un-general-congolais-est-condamne-pour-viol ; « DR Congo colonel Kibibi Mutware jailed for mass rape », BBC News Online, 21 février 2011, http://www.bbc.co.uk/news/world-africa-12523847 (consulté le 1er septembre 2015).

[227] Un projet de loi portant création d’un Fonds chargé d’indemniser les victimes a été présenté au Sénat par le gouvernement congolais à l’initiative du Bureau de la Représentante personnelle en charge de la lutte contre les violences sexuelles et le recrutement d’enfants. Entretien de Human Rights Watch avec le Bureau de la Représentante personnelle en charge de la lutte contre les violences sexuelles et le recrutement d’enfants, Kinshasa, 3 juin 2015.

[228] Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée le 9 décembre 1948, G.A. res. 260 (III), Official Records of the General Assembly, Third Session , Part I (A/810), p. 174, entrée en vigueur le 12 janvier 1951, ratifiée par la République démocratique du Congo le 31 mai 1962 ; Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, adoptée le 12 août 1949, 75 U.N.T.S. 31, entrée en vigueur le 21 octobre 1950, ratifiée par la République démocratique du Congo le 24 février 1961 ; Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer, adoptée le 12 août 1949, 75 U.N.T.S. 85, entrée en vigueur le 21 octobre 1950, ratifiée par la République démocratique du Congo le 24 février 1961 ; Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, adoptée le 12 août 1949, 75 U.N.T.S. 135, entrée en vigueur le 21 octobre 1950, ratifiée par la République démocratique du Congo le 24 février 1961 ; Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre (Quatrième Convention de Genève), adoptée le 12 août 1949, 75 U.N.T.S. 287, entrée en vigueur le 21 octobre 1950, ratifiée par la République démocratique du Congo le 24 février 1961 ; Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée le 10 décembre 1984, G.A. res. 39/46, annex, 39 U.N. GAOR Supp. (No. 51) at 197, U.N. Doc. A/39/51 (1984), entrée en vigueur le 26 juin 1987, ratifiée par la République démocratique du Congo le 18 mars 1996.

[229] Statut de Rome, art. 126. Signé par la République démocratique du Congo le 8 septembre 2000, et ratifié le 11 avril 2002, voir « Les Etats Parties au Statut de Rome », CPI, http://www.icc-cpi.int/FR_Menus/asp/states%20parties/pages/the%20states%20parties
%20to%20the%20rome%20statute.aspx (consulté le 22 septembre 2015).

[230] Rapport du Projet de Mapping de l’ONU 2010, pp. 388-406.

[231] L’analyse de plusieurs publications suggère qu’une trentaine de procès pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité se sont tenus devant des tribunaux militaires congolais au cours des dix dernières années. Voir par exemple le Rapport du Projet de Mapping de l’ONU 2010 ; Étude de la jurisprudence, ASF 2009 ; Étude de la jurisprudence, ASF 2014 ; DOMAC Rapport 2011 ; Milli Lake, « Ending Impunity for Sexual and Gender-Based Crimes: the International Criminal Court and Complementarity in the Democratic Republic of Congo » (« Mettre fin aux violences sexuelles African Conflict & Peacebuilding Review, vol. 4 no. 1 (2014), pp. 1-32 ; Rapport d’ICTJ 2015.

[232] Soutenues par la MONUSCO, de multiples bailleurs de fonds, ainsi que par des organisations internationales et nationales, les « chambres foraines » consistent à faciliter les procès des tribunaux militaires et réguliers dans les endroits où les crimes se sont produits et où n’existent aucunes institutions judiciaires. La MONUSCO et d’autres partenaires apportent un appui financier et logistique pour permettre les déplacements des juges, des procureurs, des victimes et des avocats de la défense locaux depuis les capitales provinciales jusqu’aux zones rurales reculées. L’organisation de ces « chambres foraines » a été soutenue pour les affaires impliquant des graves crimes internationaux, tels que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les violences sexuelles. Voir Rapport de la MONUSCO avril 2014 ; Passy Mubalama et Simon Jennings, « Roving Courts in Eastern Congo » ; OSF, « Justice in DRC: Mobile Courts Combat Rape and Impunity in Eastern Congo », 14 janvier 2013, http://www.opensocietyfoundations.org/sites/default/files/justice-drc-20130114.pdf (consulté le 22 septembre 2015).

[233] En juillet 2015, le nombre de provinces en RD Congo a été porté à 26 en application de la constitution de 2006.

[234] Code judiciaire militaire congolais, art. 128.

[235] Ibid., art. 42.

[236] Voir note 121.

[237] Loi organique portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire, entrée en vigueur le 11 avril 2013, http://www.leganet.cd/Legislation/Droit%20Judiciaire/LOI.13.011.11.04.2013.htm (consulté le 1er septembre 2015) (« Loi du 11 avril 2013 »).

[238] Rapport de Human Rights Watch, « République démocratique du Congo : Mettre fin à l'impunité pour les violences sexuelles », 10 juin 2014, https://www.hrw.org/fr/news/2014/06/10/republique-democratique-du-congo-mettre-fin-limpunite-pour-les-violences-sexuelles ; Human Rights Watch, Les soldats violent, les commandants ferment les yeux

Violences sexuelles et réforme militaire en République démocratique du Congo, juillet 2009, http://www.hrw.org/sites/default/files/reports/drc0709frweb_0.pdf, pp. 47-50. Rapport du Projet de Mapping de l’ONU 2010, paras. 861, 958, 974 ; DOMAC Rapport 2011, p. 62 ; Rapport de la MONUSCO avril 2014, paras. 4, 43 ; Rapport d’ICTJ 2015, p. 29.

[239] À l’exception notable du général Jérôme Kakwavu, qui a fait l’objet de poursuites judiciaires pour crimes de guerre devant la Haute Cour Militaire à Kinshasa, ainsi que du Lieutenant-Colonel Kibibi et du Colonel 106, qui ont récemment fait l’objet de poursuites judiciaires devant le tribunal militaire de Bukavu, tous les autres accusés ont été des soldats de rang ou des officiers de grade inférieur. Milli Lake, « RD Congo-Kinshasa: After Minova – Can War Crimes Trials Overcome Violence in the DRC? » (« RD Congo-Kinshasa: Après Minova – Les procès pour crimes de guerre peuvent-ils arrêter la violence en RDC ? »), All Africa, 8 mai 2014, http://allafrica.com/stories/201405090554.html?page=2 (consulté le 22 septembre 2015).

[240] Rapport du Projet de Mapping de l’ONU 2010, pp. 450-451 ; Rapport d’OSF 2011, pp. 20, 26-27 ; Rapport de la MONUSCO avril 2014, pp. 14, 18, 20-22 ; Amnesty International, « Il est temps que justice soit rendue : La République démocratique du RD Congo a besoin d'une nouvelle stratégie en matière de justice » (« Rapport d’Amnesty 2011 »), 10 août 2011, https://www.amnesty.org/download/Documents/28000/afr620062011fr.pdf (consulté le 22 septembre 2015), pp. 3-4, 12, 33-35, 43-45 ; AfriMAP et OSISA, « République démocratique du Congo La justice militaire et le respect des droits de l’homme – L’urgence du parachèvement de la réforme » (« Rapport d’AfriMAP et OSISA 2009 »), 2009, http://www.afrimap.org/english/images/report/AfriMAP-RDC-JusticeMilitaire-FR.pdf (consulté le 14 septembre 2015), p. 86 ; Rapport d’AfriMAP et OSISA 2013, p. 124 ; Rapport d’ICTJ 2015, pp. 15, 26.

[241] Voir ci-après la section « Transfert de compétence au système judiciaire civil » pour une discussion détaillée sur ce point.

[242] Entretien de Human Rights Watch avec des membres du ministère de la Justice, Kinshasa, 2 juin 2015.

[243] Proposition de Loi modifiant et complétant le décret du 6 août 1959 portant code de Procédure pénale ; Proposition de Loi modifiant la Loi n0 024-2002 du 18 novembre 2002 portant Code pénal militaire ; Proposition de Loi modifiant et complétant la Loi n0 023-2002 portant Code judiciaire militaire ; Proposition de Loi modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal, Commission Politique, Administration et Justice de l’Assemblée Nationale, mai 2015, archives de Human Rights Watch (proposition de loi de mise en œuvre du Statut de la CPI).

[244] Rapport relatif à l’examen et l’adoption de la proposition de loi modifiant et complétant le code pénal, le code de procédure pénale, le code judiciaire militaire et le code pénal militaire en vue de la mise en œuvre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, Commission Politique, Administration et Justice de l’Assemblée Nationale, décembre 2013, archives de Human Rights Watch.

[245] Constitution congolaise, arts. 18-21. Comme mentionné plus haut dans la note 71, la RD Congo est un État partie au PIRDCP depuis 1976.

[246] Jacqueline Hodgson « The Police, The Prosecutor and the Juge d’Instruction: Judicial Supervision in France, Theory and Practice » (« La police, le procureur et le juge d’instruction : supervision judiciaire en France, théorie et pratique »), British Journal of Criminology, vol. 41 (2001), p. 347.

[247] Rapport d’AfriMAP et OSISA 2013, p. 96.

[248] Constitution congolaise, art. 21 ; PIDCP, art. 14.

[249] En mai 2014, le ministre de la Justice de la RD Congo de l’époque a présenté un projet de loi amendant le code judiciaire militaire pour autoriser les des décisions des cours militaires opérationnelles. Les membres du parlement, toutefois, ont refusé d’inscrire le projet de loi à l’agenda de la session parlementaire.

[250] Entretien de Human Rights Watch avec un officier de la justice militaire congolaise, Kinshasa, 11 novembre 2014.

[251] Ces personnes n’avaient pas le grade de général mais elles sont poursuivies conjointement avec un général, ce qui signifie que leur affaire sera jugée par la Haute Cour militaire. Lettre de Human Rights Watch à Fred Teeven, Secrétaire d’État à la Sécurité et à la Justice des Pays-Bas, « Pays-Bas : Le renvoi des témoins de la CPI devrait être reconsidéré », 4 juillet 2014, https://www.hrw.org/fr/news/2014/07/04/pays-bas-le-renvoi-des-temoins-de-la-cpi-devrait-etre-reconsidere.

[252] Voir Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), « Bonnes pratiques de protection des témoins dans les procédures pénales afférentes à la criminalité organisée », février 2008, https://www.unodc.org/documents/organized-crime/09-80620_F_ebook.pdf (consulté le 1er septembre 2015).

[253] Voir Programme des Nations Unies pour le développement, « Rule of Law and Access to Justice in eastern and Southern Africa: Showcasing Innovations and Good Practises » (« Etat de Droit et Accès à la Justice en Afrique de l’est et australe : Exposer les innovations et bonnes pratiques »), avril 2013, http://www.undp.org/content/dam/undp/library/Democratic%20Governance/Access%20to%20Justice%20and%20Rule%20of%20Law/Rule%20of%20Law%20and%20Access%20to%20Justice%20in%20Eastern%20and%20Southern%20Africa%202013_EN.PDF (consulté le 22 septembre 2015), pp. 11, 26-29.

[254] Entretien en groupe de Human Rights Watch avec des fonctionnaires de la justice militaire congolais, Bukavu, 23 mai 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un fonctionnaire e la justice militaire congolais, Kinshasa, 12 novembre 2014.

[255] Loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant statut des magistrats, 10 octobre 2006, http://www.leganet.cd/Legislation/JO/2006/JO.25.10.2006.pdf (consulté le 22 septembre 2015), art. 4 ; RCN Justice & Démocratie, « L'appui technique à l'EFRPJ dans un nouveau contexte institutionnel de gestion du système judiciaire congolais », janvier 2011, http://www.rcn-ong.be/IMG/pdf/RDC-EFRPJ_avril2011.pdf (consulté le 22 septembre 2015).

[256] Ce nombre va augmenter avec le passage imminent de 11 à 26 provinces en RD Congo, et la nécessité de créer de nouveaux tribunaux militaires et civils.

[257] Ces pays comprennent l’Afrique du Sud, l’Allemagne, la Belgique, le Canada, la Côte d’Ivoire, le Danemark, les Etats-Unis, la France, la Norvège, l’Ouganda, les Pays-Bas, la République centrafricaine, Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. Voir Human Rights Watch, « The Long Arm of Justice: Lessons from Specialized War Crimes Units in France, Germany and The Netherlands » (« Le long bras de la justice : Enseignements tirés des unités spécialisées dans les crimes de guerre en France, en Allemagne et aux Pays-Bas »), septembre 2014, https://www.hrw.org/report/2014/09/16/long-arm-justice/lessons-specialized-war-crimes-units-france-germany-and.

[258] Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapporteur Spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, Pablo de Greiff, A/HRC/27/56, 27 août 2014, http://www.ohchr.org/EN/Issues/TruthJusticeReparation/Pages/AnnualReports.aspx (consulté le 26 septembre 2015).

[259] Rapport 2015 d’ICTJ, p 32.

[260] Code judiciaire militaire congolais, art. 42.

[261] Elysée Sindayigaya et Achille Mutombo Ntalaja, « Rapport d’Evaluation Finale: Projet d’Appui à la Justice Militaire à travers le renforcement du Programme des Cellules d’Appui aux Poursuites Judiciaires (CAP) », rapport indépendant d’évaluation sur la demande du Programme des Nations Unies pour le Développement, janvier 2015, https://erc.undp.org/evaluationadmin/downloaddocument.html?docid=8563 (consulté le 23 septembre 2015).

[262] Voir le Rapport du Projet de Mapping de l’ONU 2010, p. 437 ; Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Rapport du Rapporteur Spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, Leandro Despouy, Mission en République démocratique du Congo, A/HRC/8/4/Add.2, 11 avril 2008, pp. 2, 7, 13, 15-16, 18 ; Rapport d’AfriMAP et OSISA 2009, pp. 3, 7, 76 ; Rapport d’AfriMAP et OSISA 2013, pp. 33, 83-84, 111 ; Rapport d’Amnesty 2011, pp. 3, 20, 31 ; Rapport de la MONUSCO, avril 2014, p. 17 ; Rapport d’ICTJ 2015, pp.15, 29.

[263] Commission des droits de l’homme de l’ONU, Rapport du rapporteur spécial de l’ONU pour la République démocratique du Congo, « Rapport sur la situation des droits de l'homme dans la République démocratique du Congo, présenté par le Rapporteur Spécial, M. Roberto Garretón, conformément à la résolution 1999/56 de la Commission des droits de l'homme », E/CN.4/2000/42, 18 janvier 2000, https://repositories.lib.utexas.edu/bitstream/handle/2152/5585/2267.pdf?sequence=1 (consulté le 23 septembre 2015), pp. 23, 64 ; Commission des droits de l’homme de l’ONU, Rapport du Comité des droits de l’homme, A/61/40 (Vol. II), 2006, http://www.un.org/ga/61/documentation/list.shtml (consulté le 23 septembre 2015) ; Commission des droits de l’homme de l’ONU, Rapport du rapporteur spécial de l’ONU pour la République démocratique du Congo, « Cour d'ordre militaire : un instrument de répression et de mort en République démocratique du Congo », Congo Online, non daté, http://www.congonline.com/Forum1/Forum04/Garreton01.htm (consulté le 23 septembre 2015) ; José Ndjemoti, « Cour d'ordre militaire : un instrument de répression et de mort en République démocratique du Congo », Congo Online, non daté, http://www.congonline.com/Forum/Ndjemoti01.htm (consulté le 23 septembre 2015). Ce tribunal a été démantelé en 2002.

[264] Timothée Mukunto était le conseiller de Pierre Lumbi, le conseiller en sécurité nationale du Président Kabila, et membre du « Conseil de sécurité nationale », une instance informelle qui conseille le président sur les questions de sécurité nationale. Entretien de Human Rights Watch par téléphone avec un expert congolais de la justice, 20 septembre 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un expert congolais de la justice, Kinshasa, 10 novembre 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un activiste de la société civile congolaise, Kinshasa, 11 novembre 2014 ; entretien de Human Rights Watch avec un membre du personnel judiciaire congolais, Kinshasa, 2 juin 2015. En tant que procureur général, le général Mukunto a été impliqué dans un certain nombre d’affaires judiciaires présentant des enjeux hautement politiques, notamment le procès de Kilwa (qui impliquait la société minière Anvil Mining), l’affaire concernant le meurtre du défenseur des droits humeurs Floribert Chebeya, et l’affaire du meurtre du Colonel Mamadou Ndala. De graves préoccupations relatives à l’ingérence politique et au manque d’impartialité ont été soulevées dans chacune de ces affaires.

[265] Décret du 30 janvier 1940 portant le Code pénal congolais (« Code pénal congolais »), http://www.leganet.cd/Legislation/JO/2004/JO.30.11.2004.pdf (consulté le 23 septembre 2015), art. 147-150.

[266] Constitution congolaise, art. 121.

[267] Entretien de Human Rights Watch par téléphone avec un expert judiciaire congolais, 20 septembre 2014.

[268] Le rapporteur spécial de l’ONU sur l’indépendance des juges et des avocats est mandaté par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU pour :

a) enquêter sur toute allégation sérieuse qui lui est transmise et communiquer ses conclusions et recommandations à ce sujet ;

(b) repérer et consigner non seulement les atteintes à l’indépendance des magistrats, des avocats et des personnels et auxiliaires de justice, mais aussi les progrès réalisés tendant à protéger et renforcer leur indépendance et faire des recommandations concrètes, y compris sur la prestation de services consultatifs ou d’une assistance technique si l’Etat intéressé le demande ;

(c) repérer les moyens d’améliorer le système judiciaire et faire des recommandations concrètes à ce sujet ;

(d) étudier, dans le but de faire des propositions, les questions de principe importantes et d’actualité afin de protéger et renforcer l’indépendance des magistrats, des avocats et des personnels et auxiliaires de justice ;

(e) mener ses travaux dans une optique d’égalité entre les sexes ;

(f) coopérer étroitement, tout en évitant le double emploi, avec les organismes, titulaires de mandat et mécanismes compétents des Nations Unies, ainsi qu’avec les organisations régionales ; (g) faire rapport régulièrement au Conseil, conformément à son programme de travail, et une fois par an à l’Assemblée générale.

Voir Haut-commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, « Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats – Introduction », 2012, http://www.ohchr.org/FR/Issues/Judiciary/Pages/IDPIndex.aspx (consulté le 13 septembre 2015).

[269] Commission des droits de l’homme de l’ONU, Ensemble de principes actualisé pour la protection et la promotion des droits de l'homme par la lutte contre l'impunité, E/CN.4/2005/102/Add.1, Résolution 2005/81, 21 avril 2005, principe 29.

[270] Principes provisoires sur l'administration de la justice par les tribunaux militaires, U.N. Doc. E/CN.4/2006/58, 13 janvier 2006, principe provisoire 9 ; Déclaration de l’Assemblée générale de l’ONU sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée le 18 décembre 1992, G.A. res. 47/133, 47 U.N. GAOR Supp. (No. 49) at 207, U.N. Doc. A/47/49 (1992), art. 16, qui stipule que les auteurs présumés de tels crimes « ne peuvent être jugés que par les juridictions de droit commun compétentes, dans chaque État, à l'exclusion de toute autre juridiction spéciale, notamment militaire ». Le même principe existe dans la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes de 1994, art. IX ; Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, 2008 Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l'assistance judiciaire en Afrique, principe L(a).

[271] Conseil des droits de l’homme de l’ONU, rapport de la Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des procureurs, Gabriela Knaul, A/68/285, 7 août 2013, http://www.un.org/Docs/journal/asp/ws.asp?m=A/68/285 (consulté le 26 septembre 2015), para. 106.

[272] Rapport 2015 d’ICTJ, pp. 10-15.

[273] La Rapporteuse spéciale de l’ONU sur l'indépendance des juges et des procureurs a noté que les faiblesses du système judiciaire civil ne sont pas une excuse pour préférer les tribunaux militaires. Rapport de la Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des procureurs, A/68/285, para. 90.

[274] Loi judiciaire 2013, art. 91. Selon les diverses versions du projet de loi consultées par Human Rights Watch, il semble que le morceau de phrase cité a été ajouté au texte de la loi après son adoption finale par le parlement et avant sa promulgation, ce qui met sa légalité en question. Pour une discussion sur cet amendement de dernière minute de la loi, voir Rapport d’AfriMAP et OSISA 2013, p. 38.

[275] Brochure préparée par un membre du parlement congolais invoquant des arguments contre le projet de loi sur les Chambres spécialisées mixtes, « Les raisons fondamentales du rejet du projet de loi modifiant et complétant la loi organique no 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation du fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire en matière de répression des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre », non daté, archives de Human Rights Watch.

[276] L’ancienne ministre congolaise de la Justice, Wiwine Mumba Matipa, avait soumis à la Cour suprême de Justice la question de l’interprétation de l’article 156 de la constitution congolaise, au vu des débats sur ce point relatifs au projet de loi sur les Chambres spécialisées mixtes. Au moment de la rédaction du présent rapport, la Cour suprême de Justice n’avait pas encore fourni de réponse.

[277] BCNUDH, « Chambres spécialisées et réformes de l’organisation judiciaire: Argumentaire sur la compatibilité des textes proposés avec les dispositions constitutionnelles relatives aux juridictions militaires », 26 mai 2014, archives de Human Rights Watch.

[278] Code pénal militaire congolais, art. 93, 115 ; Loi judiciaire 2013, art. 100 ; Rapport 2015 d’ICTJ, p. 11.

[279] Discours du président Joseph Kabila devant le parlement congolais, 23 octobre 2013, http://afrique.kongotimes.info/rdc/politique/6768-cohesion-nationale-discours-joseph-kabila-devant-congres.html (consulté le 23 septembre 2015).

[280] « CPI - Renvoi devant le Procureur de la situation en République Démocratique du Congo », communiqué de presse de la CPI, 19 avril 2004, http://www.icc-cpi.int/FR_Menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/2004/pages/prosecutor%20receives%20referral%20of%20the%20situation%20in%20the%20democratic%20republic%20of%20congo.aspx (consulté le 11 septembre 2015).

[281] « CPI - Le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale ouvre sa première enquête », communiqué de presse de la CPI, 23 juin 2004, http://www.icc-cpi.int/FR_Menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/2004/pages/the%20office%20of
%20the%20prosecutor%20of%20the%20international%20criminal%20court%20opens%20its%20first%20investigation.aspx (consulté le 11 septembre 2015).

[282] Les suspects sont Thomas Lubanga et Bosco Ntaganda de l’Union des Patriotes Congolais (UPC), Mathieu Ngudjolo et Germain Katanga du Front des Nationalistes Intégrationnistes (FNI) et du Front de Résistance Patriotique en Ituri (FRPI) respectivement, et Callixte Mbarushimana et Sylvestre Mudacumura des Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR). Thomas Lubanga a été reconnu coupable en mars 2012 (jugement confirmé en appel en décembre 2014) et condamné à 14 ans de prison. Mathieu Ngudjolo a été acquitté en décembre 2012 (jugement confirmé en appel en février 2015). Germain Katanga a été reconnu coupable en mars 2014 et condamné à 12 ans de prison. La Chambre préliminaire de la CPI a refusé de confirmer les charges à l'encontre de Callixte Mbarushimana, jugeant qu'il n'y avait pas de preuves suffisantes en décembre 2011. Le procès de Bosco Ntaganda s’est ouvert en septembre 2015. Sylvestre Mudacumura échappe toujours à la justice. Voir CPI, « Situations et affaires », non daté, http://www.icc-cpi.int/FR_Menus/icc/situations%20and%20cases/pages/situations%20and%20cases.aspx (consulté le 11 septembre 2015).

[283] La CPI ne peut traiter des affaires que postérieures à l’entrée en vigueur de son statut en 2002. Voir Statut de Rome, art. 11.

[284] « Fatou Bensouda: ‘Ensemble, nous pouvons mettre fin à l’impunité’ », Radio Okapi, 14 mars 2014, http://radiookapi.net/emissions-2/linvite-du-jour/2014/03/14/fatou-bensouda-ensemble-nous-pouvons-mettre-fin-limpunite/ (consulté le 11 septembre 2015) ; « Déclaration du Procureur de la Cour pénale internationale, Fatou Bensouda, suite à l’arrêt rendu par la Chambre d’appel quant au verdict et au prononcé de la peine dans l’affaire Lubanga : Protéger les enfants, c’est préserver l’avenir », communiqué de presse du Bureau du Procureur ( BdP), 2 décembre 2014, http://www.icc-cpi.int/FR_Menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/pages/otp-statement-02-12-2014.aspx (consulté le 11 septembre 2015).

[285] Human Rights Watch, Un travail inabouti : Des lacunes à combler dans la sélection des affaires traitées par la CPI, 15 septembre 2011, https://www.hrw.org/fr/report/2011/09/15/un-travail-inabouti/des-lacunes-combler-dans-la-selection-des-affaires-traitees. Le BdP est actuellement en train de conduire une réévaluation de toutes ses enquêtes en cours. Rédiger une nouvelle stratégie des poursuites pour la RDC pourrait faire partie de ce processus.

[286] CPI, BdP, « Rapport sur les activités mises en oeuvre au cours des trois premières années » (juin 2003 – juin 2006), 12 septembre 2006, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/D76A5D89-FB64-47A9-9821-725747378AB2/143681/OTP_3yearreport20060914_French.pdf (consulté le 23 septembre 2015), para. 95 ; CPI, BdP, « Prosecutorial Strategy 2009  2012 », 1er février 2010, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/66A8DCDC-3650-4514-AA62-D229D1128F65/281506/OTPProsecutorialStrategy20092013.pdf (consulté le 23 septembre 2015), paras. 3, 15-17, 19, 28, 59 ; CPI, BdP, « Policy Paper on Preliminary Examinations », novembre 2013, http://www.icc-cpi.int/en_menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/Documents/OTP%20Preliminary%20Examinations/OTP%20-%20Policy%20Paper%20Preliminary%20Examinations%20%202013.pdf (consulté le 23 septembre 2015), paras. 100-103.

[287] Assemblée des États Parties (AEP), « Complementarity - information on any capacity-building needs in the area of the investigation and prosecution of serious international crimes », ASP/12/S/012, 12 avril 2013, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP12/ASP12-NV-Comp-Missions-Cap-Bldg-ENG.pdf (consulté le 23 septembre 2015).

[288] Voir Géraldine Mattioli et Anneke van Woudenberg (Human Rights Watch), « Global Catalyst for National Prosecutions? The ICC in the Democratic Republic of Congo », 15 mars 2008, http://www.isn.ethz.ch/Digital-Library/Publications/Detail/?ots591=0c54e3b3-1e9c-be1e-2c24-a6a8c7060233&lng=en&id=58828 (consulté le 23 septembre 2015).

[289] Voir entretien avec Herman Von Hebel et Rosemary Tollo, « ReVision project aims at a ‘coherent’ ICC Registry », The East African, 6 décembre 2014, http://www.theeastafrican.co.ke/news/ReVision-project-aims-at-a--coherent--ICC-Registry-/-/2558/2547086/-/54wapn/-/index.html (consulté le 23 septembre 2015) ; AEP, « Rapport relatif à l’examen de la structure organisationnelle du Greffe : Résultats de la Phase 4 du projet ReVision – Décisions relatives à la structure du Greffe », ICC-ASP/14/18, 4 mai 2015, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP14/ICC-ASP-14-18-FRA.pdf (consulté le 23 septembre 2015), paras. 26-31.

[290] Géraldine Mattioli-Zeltner, « Taking Justice to a New Level: the Special Criminal Court in the Central African Republic », JURIST, 9 juillet 2015, http://jurist.org/hotline/2015/07/G%C3%A9raldine-Mattioli-Zeltner-CAR-Special-Court.php (consulté le 23 septembre 2015).

[291] Rapport d’OSF 2011, pp. 18-20. Par exemple, dans le procès de Minova, il existe un seul exemplaire papier du dossier Minova—plus de 1000 pages—avec des notes d’auditions et d’interrogatoire manuscrites et des résumés manuscrits des audiences. Pendant les audiences in situ à Minova, le greffier de la Cour militaire opérationnelle a dû passer de longues heures tous les soirs à parcourir les notes des dépositions des victimes afin d’identifier celles qui seraient nécessaires avant la comparution de victimes spécifiques. Étant donné que des dossiers comme celui de Minova doivent parfois voyager physiquement entre des tribunaux et des villes, il est préoccupant qu’ils puissent être perdus ou détruits. Entretien de Human Rights Watch avec un responsable de la justice militaire, Goma, 22 mai 2014.

[292] Entretien de Human Rights Watch avec un activiste de la société civile congolaise, Goma, 20 mai 2014.