Des députés européens de tous horizons politiques ont dénoncé aujourd’hui l’approche frileuse de l’Union européenne à l’égard de la Tunisie, en appelant à une réponse plus ferme face au recul de la démocratie dans ce pays.
« Nous voulons remettre la démocratie et les droits de l’homme au cœur de tout accord avec la Tunisie », a déclaré le député vert Mounir Satouri. Le député de centre-droit Michael Gahler a regretté « un retour à la situation qui prévalait à l’époque de Ben Ali – et l’UE laisse faire ». Le député de centre-gauche Matjaž Nemec a déclaré que le Parlement se tenait aux côtés du peuple tunisien et des migrants confrontés aux abus, tandis que Karen Melchior, membre de Renew, a exhorté la Commission européenne et les États membres à respecter les principes fondateurs de l’UE dans leur approche avec la Tunisie. Tous ont appelé à la libération de toute urgence des opposants détenus de manière arbitraire.
Une résolution du Parlement européen a été adoptée en mars suite à une vague d’arrestations de personnalités critiques du régime, la plupart d’entre elles accusées de « complot contre la sûreté de l’État ». Depuis les protestations du Parlement, la situation s’est considérablement aggravée. En avril et en mai, une nouvelle vague d’arrestations a visé les dirigeants et partisans du plus grand parti d’opposition, Ennahda, notamment son président, Rached Ghannouchi. À ce jour, plus de 40 personnes sont derrière les barreaux pour leurs activités, opinions ou déclarations politiques.
L’emprisonnement de détracteurs du régime n’est qu’un des outils utilisés par le président Saied. Ces derniers mois, le président a arbitrairement révoqué plusieurs juges, interdit les manifestations pacifiques et publié des décrets-lois qui portent atteinte à l’indépendance de la justice, menacent la liberté d’expression et facilitent la surveillance des détracteurs du régime.
À la différence du Parlement, la Commission européenne et le Conseil n’ont pas manifesté leur inquiétude quant à la détérioration de la situation en Tunisie. Au contraire, l’UE semble obsédée par l’idée de voir la Tunisie coopérer sur la question du contrôle des migrations, malgré les discours d’incitation à la haine du président Saied et la brutalité croissante qui s’exerce à l’encontre des migrants et demandeurs d’asile noirs.
L’effondrement de l’État de droit en Tunisie est une très mauvaise nouvelle pour la population tunisienne, mais aussi pour l’Union européenne. Un gouvernement qui réduit ses citoyens au silence, et détruit les mécanismes de contre-pouvoir tout en concentrant tous les pouvoirs entre les mains d’un seul homme, ne peut pas être un partenaire fiable ni digne de confiance. Ce constat est d’autant plus important que l’UE n’a de cesse de réclamer la coopération de la Tunisie dans le domaine de l’immigration. Les preuves d’expulsions collectives et d’abus commis lors des interceptions en mer devraient inciter l’UE à réfléchir et à suspendre tout soutien financier dans le domaine de l’immigration, afin de ne pas se rendre complice de tels abus.
Si l’UE prend au sérieux les droits humains et ses relations avec la Tunisie et les Tunisiens, elle doit de toute urgence changer de cap, demander la libération des opposants emprisonnés et affirmer clairement que les droits humains sont au cœur des relations qu’elle entretient avec l’administration du président Saied.
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