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L’Ukraine promet une enquête sur l’utilisation de mines terrestres antipersonnel interdites

De nouveaux éléments de preuve soulignent la nécessité d’une enquête rapide et approfondie et de l’obligation de rendre des comptes

Des membres d'une unité spéciale de déminage du Service national d'urgence d'Ukraine examinaient une zone suspectée d’être contaminée par des mines terrestres à Horenka, dans l'oblast de Kyiv, le 27 mai 2022. © 2022 Maxym Marusenko/NurPhoto via Getty Images.

(Kiev, le 30 juin 2023) – Le gouvernement ukrainien devrait respecter l’engagement qu’il a pris de ne pas utiliser de mines antipersonnel interdites, enquêter sur l’utilisation de ces armes par son armée et demander des comptes aux responsables, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. La déclaration du gouvernement, faite le 21 juin lors d’une réunion de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel à Genève, est intervenue près de cinq mois après que des responsables ukrainiens ont déclaré qu’ils examineraient les rapports de Human Rights Watch et d’autres organisations, selon lesquels les forces ukrainiennes ont utilisé de telles armes dans le cadre d’opérations visant à reprendre des territoires occupés par les forces russes.

Depuis la publication de son rapport en janvier dernier, Human Rights Watch a découvert des preuves supplémentaires de l’utilisation par l’Ukraine de ces armes frappant sans discernement au cours de l’année 2022.

"La promesse du gouvernement ukrainien d’enquêter sur l’utilisation apparente par son armée de mines antipersonnel interdites est une reconnaissance importante de son devoir de protection des civils," a déclaré Steve Goose, Directeur de la division Armes à Human Rights Watch. "Une enquête rapide, transparente et approfondie pourrait avoir des effets bénéfiques considérables pour les Ukrainiens, aujourd’hui et pour les générations futures."

Depuis le début de leur invasion à grande échelle de l’Ukraine le 24 février 2022, les forces russes ont utilisé au moins 13 types de mines antipersonnel dans de nombreuses régions de l’Ukraine, tuant et blessant des civils. Human Rights Watch a publié quatre rapports qui documentent l’utilisation par les forces russes de mines antipersonnel en Ukraine depuis 2022. La Russie, qui n’a pas adhéré au Traité sur l’interdiction des mines, viole le droit international humanitaire lorsqu’elle utilise des mines antipersonnel, puisqu’il s’agit d’armes qui, intrinsèquement, frappent de manière indiscriminée.

Le 31 janvier, Human Rights Watch a signalé de nombreux cas où les forces ukrainiennes ont tiré des roquettes transportant des milliers de mines antipersonnel PFM-1, également appelées mines « pétales » ou "papillons", dans des zones occupées par la Russie dans et autour de la ville d’Izioum, dans l’est de l’Ukraine, entre avril et septembre 2022. En s’appuyant sur des entretiens avec des victimes et des membres de leur famille, Human Rights Watch a constaté que ces mines avaient fait 11 victimes civiles, dont un décès et qu’elles étaient à l’origine de multiples amputations de la partie inférieure des jambes. Dans une déclaration publiée le jour de la publication du rapport, le gouvernement ukrainien s’est engagé à "soigneusement étudier" le contenu de ce rapport.

Les mines antipersonnel explosent en présence, à proximité ou au contact d’une personne et peuvent tuer ou blesser des individus longtemps après la fin d’un conflit armé. Les mines PFM sont de petites mines à effet de souffle en plastique qui, tirées dans une zone, atterrissent sur le sol et explosent lorsqu’une pression est exercée sur le corps de la mine, par exemple lorsque quelqu’un marche dessus, la manipule ou la déplace. Certaines mines PFM s’autodétruisent et explosent de manière aléatoire jusqu’à 40 heures après avoir été utilisées.

Depuis la publication de son rapport, Human Rights Watch a découvert d’autres preuves de l’utilisation par l’Ukraine de mines antipersonnel au cours de l’année 2022. Elle a fait part de ses conclusions, accompagnée de questions, au gouvernement ukrainien dans une lettre datée du 28 mai 2023, mais n’a pas reçu de réponse.

En mai 2023, une personne qui travaille dans une région de l’est de l’Ukraine dont le gouvernement ukrainien a repris le contrôle après le départ des forces russes, a mis en ligne des photos montrant plusieurs fragments de roquettes d’artillerie. Cette personne a indiqué que ces fragments avaient été récupérés sur des terres agricoles lors d’opérations de déminage. Après une inspection minutieuse des marquages sur ces restes, Human Rights Watch a identifié deux sections d’ogives 9N128K3 de roquettes 9M27K3 Ouragan de 220 mm, contenant chacune des  "blocs" 9N223, ou paquets de mines antipersonnel à effet de souffle 9N212 PFM-1S disposés dans des cassettes.

Une photo mise en ligne sur les réseaux sociaux en mai 2023, prise par un individu dans l’est de l’Ukraine, montre deux sections d’ogives 9N128K3 de roquettes 9M27K3 Ouragan de 220 mm, utilisées exclusivement pour le transport et la dispersion de mines antipersonnel à effet de souffle PFM-1S. Sur l’ogive à droite, on peut lire le mot ukrainien « Від » (« de »), inscrit manuellement, suivi du nom d’une entreprise ukrainienne que Human Rights Watch a flouté pour des raisons de confidentialité. © 2023 Privé

Chaque roquette lance-mines Ouragan 9M27K3 est exclusivement conçue pour transporter et disperser 312 mines antipersonnel PFM-1S. Les marquages sur toutes les images des roquettes qui ont été examinées montrent qu’elles ont été produites en 1986 (correspondant aux numéros de lots 14 et 16) dans une usine de munitions soviétique désignée par le numéro 912. Outre les numéros d’index GRAU correspondant aux ogives utilisées pour transporter des mines antipersonnel PFM-1S, Human Rights Watch a également identifié une inscription manuscrite sur le côté d’une section de l’ogive. L’analyse de cette inscription a permis d’en identifier le premier mot, "Від" en ukrainien, qui se traduit par "de." Ce mot est suivi d’autres mots inscrits en caractères latins, qui identifient une organisation basée à Kiev.

Grâce à une recherche d’information disponible publiquement, Human Rights Watch a identifié une personne qui a déclaré diriger cette organisation. Cette personne avait également publié des messages sur une plateforme de réseaux sociaux, indiquant qu’elle avait, en 2022, donné des fonds à l’armée ukrainienne par l’intermédiaire d’un groupe non gouvernemental basé à Kiev et qui soutenait l’effort de guerre de l’Ukraine. Un autre groupe basé en Ukraine a publié des photos montrant des messages similaires écrits en ukrainien sur une roquette lance-mines Ouragan 9M27K3.

Une photo mise en ligne en août 2022 par une personne qui dit diriger une organisation basée à Kiev et dont les identifiants sont écrits à la main sur la roquette affiche le logo d’un groupe non-gouvernemental basé à Kiev. Cette photo montre trois sections d’ogives 9N128K3 non tirées de roquettes 9M27K3 Ouragan de 220 mm, utilisées exclusivement pour le transport et la dispersion de mines antipersonnel à effet de souffle PFM-1S. Cette photo correspond à d’autres photos mises en ligne suite aux dons dont a bénéficié un groupe basé à Kiev et qui servent de confirmation que ces dons ont bien été reçus. Sur les trois roquettes, on peut lire des mots écrits en ukrainien. Sur la roquette du bas, on peut lire en caractères latins le mot ukrainien « Від » (« de »), suivi du nom de l’organisation ukrainienne que la personne qui a mis la photo en ligne prétend diriger. Human Rights Watch a rendu illisible les mentions de l’entreprise sur les roquettes et obscurci la légende du message sur les réseaux sociaux, ainsi que le logo du groupe non-gouvernemental, afin de protéger l’identité de toutes les parties concernées. © 2023 Privé

Une image où figure le logo du groupe non gouvernemental basé à Kiev, postée sur les réseaux sociaux par une personne qui dit diriger l’organisation qui a fait le don, montre la même section d’ogive d’une roquette lance-mines Ouragan 9M27K3 que celle de l’image de la roquette retrouvée sur le terrain agricole dans l’est de l’Ukraine, mise en ligne par l’individu mentionné plus haut. Human Rights Watch a déterminé la similitude des marquages qui indiquent le même lot, la même année et la même usine, et du style d’écriture des phrase manuscrites.. Le message, posté en août 2022, montre également les sections d’ogives de deux autres roquettes Ouragan 9M27K3 avec des phrases écrites dessus.   

Au moins 15 images des roquettes lance-mines Ouragan 9M27K3 ont été mises en ligne dans le cadre de cette double collecte de fonds, montrant au moins 15 roquettes lance-mines.

Une photo mise en ligne sur les réseaux sociaux en 2022 avec le logo d’un groupe basé à Kiev, et montrant les sections d’ogives 9N128K3 non tirées de roquettes 9M27K3 Ouragan de 220 mm, utilisées exclusivement pour le transport et la dispersion de mines antipersonnel à effet de souffle PFM-1S. Les photos ressemblent à d’autres photos mises en ligne suite aux dons reçus par le groupe basé à Kiev, et qui servent de confirmation à ces dons. Des mots écrits en ukrainien sont visibles sur les roquettes. Human Rights Watch a recadré les photos pour occulter le logo qui identifie l’organisation et a rendu illisibles les mots écrits sur les roquettes, pour protéger l’identité de toutes les parties concernées. © 2023 Privé
Une autre photo mise en ligne sur les réseaux sociaux en 2022 avec le logo d’un groupe basé à Kiev, et montrant des sections d’ogives 9N128K3 non tirées de roquettes 9M27K3 Ouragan de 220 mm, utilisées exclusivement pour le transport et la dispersion de mines antipersonnel à effet de souffle PFM-1S. Les photos ressemblent à d’autres photos mises en ligne suite aux dons reçus par le groupe basé à Kiev, et qui servent de confirmation à ces dons. Des mots écrits en ukrainien sont visibles sur les roquettes. Human Rights Watch a recadré les photos pour occulter le logo qui identifie l’organisation et a rendu illisibles les mots écrits sur les roquettes, pour protéger l’identité de toutes les parties concernées. © 2023 Privé

Or, la Convention sur l’interdiction des mines de 1997 interdit totalement l’usage des mines antipersonnel et exige la destruction des stocks, le déminage des zones minées et la mise en place d’une assistance aux victimes. L’Ukraine a signé ce traité le 24 février 1999 et l’a ratifié le 27 décembre 2005. La Russie n’a pas adhéré au traité, mais elle viole le droit international humanitaire quand elle utilise des mines antipersonnel, car intrinsèquement, ces mines frappent de manière indiscriminée. Le traité d’interdiction des mines est entré en vigueur le 1er mars 1999 et compte 164 États parties, dont tous les États membres de l’OTAN, à l’exception des États-Unis, et tous les États membres de l’Union européenne.

L’enquête menée par l’Ukraine sur l’utilisation des mines antipersonnel PFM devrait tenir compte des preuves fournies par Human Rights Watch et par d’autres organisations. Elle devrait s’assurer que les responsables de l’utilisation des mines rendent compte de leurs actes. L’enquête devrait également émettre des recommandations sur les efforts que le gouvernement ukrainien devrait déployer pour identifier et aider les victimes. Il s’agit notamment de prévoir une indemnisation appropriée et rapide, de fournir de l’assistance médicale et autre, comme des prothèses le cas échéant, et de répondre aux besoins actuels de réadaptation, a déclaré Human Rights Watch.

Human Rights Watch a cofondé et préside la Campagne internationale pour l’interdiction des mines terrestres (ICBL), co-lauréate du prix Nobel de la paix 1997.

« Il est dans l’intérêt des autorités ukrainiennes soucieuses de la protection des civils de savoir exactement comment, quand et où ces mines terrestres ont été utilisées », a conclu Steve Goose. « Et elles devraient faire leur possible pour empêcher que de telles mines ne soient à nouveau utilisées. »

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