(New York, le 25 octobre 2021) – En Afghanistan, l’État islamique de la province du Khorasan (ISKP), un groupe armé affilié à l'État islamique (EI), mène contre la minorité religieuse chiite des attentats à la bombe et d'autres attaques ciblées susceptibles de constituer des crimes contre l'humanité, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Ce groupe armé a également mené d'autres attaques massives, notamment l'attentat-suicide du 29 août 2021 à l'aéroport de Kaboul qui a tué 170 Afghans, pour la plupart des civils.
L'ISKP a revendiqué de nombreuses attaques illégales contre la communauté chiite Hazara, y compris les attentats-suicides qui ont tué au moins 72 personnes à la mosquée Sayed Abad à Kunduz le 8 octobre, et l’attentat à la bombe qui a tué au moins 63 personnes à la mosquée Bibi Fatima à Kandahar le 15 octobre. Après l'attaque de Kandahar, l'État islamique a publié une déclaration affirmant son intention de cibler les chiites dans leurs maisons et leurs lieux de culte « de toutes les manières possibles, en coupant leurs cous ou faisant exploser leurs corps … ». Le communiqué ajoutait : « Les informations sur les attaques [de l'EI]... dans les temples des [chiites] et contre leurs rassemblements ne sont cachées à personne, de Bagdad au Khorasan. »
« Le groupe armé ISKP a mené à plusieurs reprises des attaques dévastatrices qui semblent conçues pour semer la terreur et infliger un maximum de souffrances, en particulier à la communauté afghane Hazara », a déclaré Patricia Gossman, directrice adjointe de la division Asie à Human Rights Watch. « Les nombreuses attaques visant les Hazaras constituent des crimes contre l'humanité, et les responsables devraient être traduits en justice. »
L'ISKP constitue une menace sérieuse pour les Hazaras et d'autres civils afghans depuis au moins 2015, lorsque le groupe armé islamiste a commencé à attaquer des mosquées, des hôpitaux, des écoles et d'autres installations civiles, en particulier dans les quartiers à majorité chiite. Ces attaques ont tué au moins 1 500 civils et blessé des milliers d'autres personnes, pour la plupart des membres de minorités religieuses.
Des attaques de l'ISKP ont été perpétrées à Kaboul, à Jalalabad, à Herat et dans d'autres villes. Certaines attaques ont ciblé non seulement les Hazaras, mais aussi les minorités religieuses hindoues et sikhes. L'ISKP a également tué des journalistes, des activistes de la société civile et des professionnels de la santé. Le groupe armé a aussi ciblé des établissements scolaires, notamment des écoles de filles comme celles qui ont été attaquées dans la province de Nangarhar en 2018. Les attaques commises par l’ISKP ont d'abord augmenté en 2016-2018, puis ont diminué après que le groupe a subi des revers militaires en 2019. Depuis 2020, ces attaques se sont à nouveau intensifiées.
Les autorités talibanes, qui ont pris le contrôle de Kaboul et de la majeure partie du pays en août, ont déclaré qu'elles fourniraient davantage de protection aux mosquées chiites et à d'autres installations. Toutefois, les talibans ont eux-mêmes commis de graves exactions contre les Hazaras, notamment des meurtres à grande échelle lors d’affrontements à Mazar-e Sharif et à Bamiyan en 1998-99. Plus récemment, des membres des forces de sécurité talibanes ont arbitrairement détenu et battu des journalistes y compris des Hazaras, et les autorités ont procédé à de nombreuses expulsions forcées de membres de communautés hazaras.
Le concept juridique de « crimes contre l'humanité » remonte au moins à 1915, et figurait dans la Charte du Tribunal militaire international chargé des procès de Nuremberg à l’encontre de dirigeants nazis, en 1945-46. Selon l’Article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), les crimes contre l'humanité comprennent de graves crimes comme le meurtre et la déportation, « commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile » par un État ou par un groupe non étatique.
Le 15 mai 2019, le Comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies contre l'Etat islamique, Al-Qaïda et les individus associés a ajouté l'ISKP à sa liste de sanctions et a établi un gel des avoirs, un embargo sur les armes et une interdiction de voyager pour le groupe armé par les États membres.
Le Procureur de la CPI a récemment demandé aux juges de la Cour d’autoriser la reprise d’une enquête en Afghanistan, qui est un État partie au statut de la CPI. Le Procureur a indiqué son intention d’« accorder la priorité aux crimes commis par l'État islamique de la province du Khorasan et par les talibans », reléguant au second plan les crimes présumés commis par d'autres acteurs. Cette approche risque toutefois de perpétuer l'impunité pour des crimes graves présumés qu’auraient commis les anciennes forces gouvernementales afghanes, ou dans lesquels des forces américaines pourraient avoir été impliquées, a observé Human Rights Watch.
Communiqué complet en anglais : en ligne ici.
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