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Décombres de trois immeubles à Sanaa, au Yémen, suite à une frappe aérienne menée le 25 août 2017 par la coalition dirigée par l'Arabie saoudite. L'attaque a tué au moins 16 civils, dont 7 enfants, et a blessé 17 autres personnes, dont 8 enfants.  © 2017 Mohammed al-Mekhlafi

Le départ des eaux françaises d'un cargo saoudien sans avoir chargé d’armes françaises est une petite victoire pour la mobilisation publique visant à faire cesser une possible complicité de la France dans les crimes de guerre de l’Arabie saoudite au Yémen. Mais le gouvernement français a redoublé d’insistance pour indiquer qu'il continuera à vendre des armes à l'Arabie saoudite. Aucune des raisons avancées ne justifie cette primauté des profits sur les principes des droits humains.

Les bombardements et le blocus des civils yéménites par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite depuis mars 2015 sont une cause centrale de ce que l’ONU qualifie de pire crise humanitaire au monde. Avec les meilleures armes qu’il est possible d’acheter, les avions de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite ont frappé de manière répétée des marchés, des hôpitaux, des écoles, des funérailles et même un bus scolaire rempli d'enfants.

Pour aggraver la situation, la coalition a instauré un blocus sur l'ouest du pays, ruinant l'économie et laissant des millions de personnes au bord de la famine. Un cessez-le-feu négocié sous l'égide de l'ONU dans le principal port yéménite occidental de Hodeidah ouvre une perspective de répit, mais sa mise en œuvre ne fait que débuter. Jusqu'à présent, trop peu de l'aide humanitaire et des importations commerciales dont le pays a un besoin urgent, y compris la nourriture et le carburant, est acheminé.

Dans ce contexte, la vente d'armes à l'Arabie saoudite suscite une indignation internationale croissante. L'Allemagne, le Danemark, la Finlande et la Norvège ont annoncé la suspension de leurs ventes.

Qu’en est-il de la France ? Dans une récente interview, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a donné plusieurs justifications à la poursuite des ventes d'armes. D'autres responsables ont avancé des arguments supplémentaires. Aucun ne tient la route.

Tout d'abord, le gouvernement français affirme que les forces houthi ont déclenché la guerre, et que la coalition dirigée par l’Arabie saoudite ne fait que défendre le gouvernement yéménite. La France dit aussi vouloir la soutenir dans la lutte anti-terroriste. Mais les arguments justifiant la guerre sont totalement distincts de la manière dont la guerre est menée. Si la coalition militaire saoudienne menait des frappes légales contre des cibles militaires, ceux qui leur vendent des armes n'auraient pas à se soucier de leur complicité dans des crimes de guerre.  Mais il est clair depuis longtemps que ce n'est pas le cas.

Deuxièmement, le gouvernement français affirme que les armes vendues à l'Arabie saoudite le sont en vertu d'anciens contrats, sous-entendant qu'ils ont été conclus avant le début du conflit actuel au Yémen. Mais l’enquête du média Disclose a révélé que le contrat le plus récent a été signé en décembre 2018, alors que l'usage abusif des armes par la coalition était évident depuis des années. Quoi qu’il en soit, les contrats peuvent être rompus, en particulier si leur maintien implique une violation des obligations de la France en vertu du Traité sur le commerce des armes (TCA), qui vise à empêcher que les armes des signataires ne soient utilisées pour commettre des crimes de guerre ou des violations massives des droits humains. Un contrat serait-il plus sacré que la vie des civils ?

Troisièmement, le gouvernement affirme que les armes françaises ne sont utilisées que de manière défensive, et non pour des attaques au Yémen, et qu'"il n'y a pas preuve que des armes ont été utilisées contre des civils". C’est factuellement faux. Les documents récemment divulgués montrent que des canons Caesar de fabrication française ont été utilisés pour "[appuyer] les troupes loyalistes et les forces armées saoudiennes dans leur progression en territoire yéménite" et que "la population potentiellement concernée par de possibles frappes d’artillerie [est] de 436 370 personnes". De plus, des avions de chasse de la coalition sont équipés d'un système de guidage laser appelé pod Damoclès, fabriqué par Thales. Des navires français ont été vendus à la marine saoudienne et à sa partenaire émiratie au sein de la coalition, et utilisés dans le blocus aux conséquences dévastatrices.

En outre, que les armes françaises soient utilisées de manière offensive ou défensive ne devrait pas importer. L'armée saoudienne est responsable de pertes civiles massives au Yémen, en violation du droit international humanitaire. Toute vente d'armes renforce cette force militaire, contribuant ainsi aux abus. La France et toute autre nation soucieuse des droits humains devraient se dissocier de telles ventes.

Quatrièmement, certains disent que les emplois français et l’industrie française de l’armement pèsent dans la balance. Mais combien de civils yéménites doivent mourir dans des frappes aériennes illégales avant que les emplois français générés par ces ventes d’armes deviennent injustifiables ? Combien doivent mourir de faim en raison d'un blocus cruel avant que l'establishment militaire français cesse d'essayer d'en tirer profit ?

Personne ne prétend que ces questions sont faciles. Oui, beaucoup d'armes sont aujourd'hui fabriquées avec des composants provenant de plusieurs pays, mais si la France veut y prendre part, elle devrait insister sur le plein respect du droit international plutôt que sur le plus petit dénominateur commun avant que ces armes ne soient vendues. Oui, si les fournisseurs d'armes européens cessent de se rendre complices des crimes de guerre saoudiens, les fournisseurs russes ou d’autres se glisseront sans doute dans la brèche, mais le mépris de ces derniers pour le droit n'est pas une excuse pour que la France renonce à ses propres principes.

La seule chose acceptable que le gouvernement français puisse faire est de mettre fin à toutes ses ventes d'armes à l'Arabie saoudite - jusqu'à ce que cesse le massacre des civils yéménites.

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