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Yémen : Les civils sous la menace du blocus imposé par la coalition

L’ONU devrait prendre des sanctions à l’encontre des dirigeants saoudiens

 

(Beyrouth) – Les restrictions considérables imposées par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite à l’aide humanitaire et aux biens de première nécessité destinés à la population civile yéménite aggravent la catastrophe humanitaire dans ce pays, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. À moins que la coalition ne lève immédiatement ce blocus qui empêche l’aide et les biens commerciaux de parvenir aux civils des territoires placés sous le contrôle des Houthis, le Conseil de sécurité de l’ONU devrait imposer des interdictions de voyager et des gels d’avoirs aux dirigeants de la coalition, y compris au prince héritier saoudien et au ministre de la Défense, Mohammed ben Salman.

Depuis le début du conflit en mars 2015, en violation du droit international humanitaire, la coalition a imposé un blocus naval et aérien au Yémen, lequel a sévèrement restreint la livraison de vivres, de carburant et de médicaments aux civils. La coalition a fermé tous les points d’entrée au Yémen à la suite d’un tir de missile par les forces Houthi-Saleh contre l’aéroport de Riyad, le 4 novembre 2017. Si la coalition a assoupli certaines des restrictions fin novembre, elle continue toutefois d’empêcher une grande partie de l’aide humanitaire et la quasi-totalité des importations commerciales de parvenir aux zones portuaires contrôlées par les forces houthistes, avec un impact disproportionné sur l’accès des civils aux articles de première nécessité.

« La stratégie militaire de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite au Yémen est de plus en plus axée sur le fait d’empêcher l’aide humanitaire et les biens de première nécessité de parvenir à des civils qui en ont désespérément besoin », a dénoncé James Ross, directeur des affaires juridiques et politiques à Human Rights Watch. « Le Conseil de sécurité devrait de toute urgence sanctionner les dirigeants saoudiens et les autres dirigeants de la coalition responsables du blocage de l’accès à la nourriture, au carburant et aux médicaments, provoquant ainsi la famine, la maladie et les pertes humaines. »

Le Yémen, le pays le plus pauvre du Moyen-Orient, dépend fortement de vivres, de médicaments et de carburant importés à hauteur de 80 à 90% pour répondre aux besoins de la population. En novembre, sept millions de personnes devaient leur survie à l’aide alimentaire extérieure et près d’un million pourraient être atteintes de choléra. La diphtérie, une maladie évitable, se propage et a déjà fait plus de 20 victimes et infecté près de 200 personnes. On estime à deux millions le nombre d’enfants souffrant de malnutrition aiguë. La moitié des hôpitaux du pays ont été fermés et près de 16 millions de personnes sont privées d’accès à l’eau potable.

Une employée d'un hôpital gouvernemental à Sanaa, au Yémen, photographiée le 16 août 2017 devant des étagères pratiquement vides d’une pièce ou sont normalement stockés divers médicaments. © 2017 Reuters/Khaled Abdullah

La réouverture de tous les ports terrestres, aériens et maritimes du Yémen aux biens commerciaux, qui représentaient 80% de toutes les importations avant novembre, est cruciale pour tout effort visant à résoudre ce que l’ONU considère comme la « pire crise humanitaire » au monde.

Arguant de la nécessité de renforcer les procédures de contrôle, la coalition a suspendu tous les vols et livraisons humanitaires au Yémen pendant plusieurs jours après l’attaque du 4 novembre dernier et fait de même en direction des ports contrôlés par les Houthis pendant environ trois semaines. Le 22 novembre, la coalition a annoncé qu’elle autoriserait les vols humanitaires vers la capitale, Sanaa, et que des « articles humanitaires d’urgence et de secours » seraient acheminés au port de Hodeïda, contrôlé par les Houthis.

Selon Human Rights Watch, des restrictions majeures à la livraison de biens essentiels à la population civile demeurent. Alors qu’un nombre limité d’expéditions de produits alimentaires ont atteint les ports de Houthi-Saleh sur une base ad hoc depuis le 22 novembre, la coalition n’a pas indiqué si elle permettrait la réouverture de ces ports aux expéditions commerciales, y compris de carburant et de médicaments. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a estimé que même avec une levée partielle du blocus, 3,2 millions de personnes supplémentaires souffriraient de la faim et 150 000 enfants malnutris pourraient mourir dans les mois à venir.

Le 2 décembre, les dirigeants de sept agences humanitaires ont publié une déclaration conjointe dans laquelle ils appellent la coalition à lever les restrictions: « En l’absence d’une reprise immédiate des importations commerciales, en particulier de vivres, de carburant et de médicaments, des millions d’enfants, de femmes et d’hommes risquent la famine, la maladie et la mort », ont-ils prévenu.

Le 1er décembre, des combats ont éclaté à Sanaa entre les Houthis et les anciennes forces alliées, fidèles à l’ex-président Ali Abdullah Saleh, qui a dirigé le pays pendant de très nombreuses années. Des dizaines de personnes, y compris des civils, ont été tuées et blessées dans les affrontements. Le 4 décembre, les Houthis ont tué Saleh dans des circonstances qui restent à déterminer. Lors de ces combats, les civils déjà confrontés à des pénuries auraient, selon certaines sources, très rapidement manqué de vivres, de carburant et de médicaments. Les organisations humanitaires ont été incapables de parvenir à rallier leurs entrepôts pour prêter assistance aux personnes en détresse.

Les jambes décharnées d’un jeune garçon souffrant de malnutrition, photographié sur son lit dans un centre médical à Sanaa, au Yémen, le 21 novembre 2017. © 2017 Reuters

Les actions militaires de la coalition ont violé le droit de la guerre en limitant l’aide humanitaire et en détruisant des articles essentiels pour la survie de la population. Ces violations, ainsi que le mépris de la coalition pour les souffrances endurées par les civils, accréditent la thèse selon laquelle la coalition pourrait également avoir enfreint l’interdiction de recourir à la famine comme arme de guerre, ce qui constitue un crime de guerre.

Le Conseil de sécurité de l’ONU devrait imposer une interdiction de voyager et un gel des avoirs aux plus hauts responsables de la coalition, dont Mohamed bin Salman, pour leur rôle dans les violations du droit humanitaire international au Yémen, selon Human Rights Watch. En vertu de la résolution 2216 du Conseil de sécurité, le Comité des sanctions applicables au Yémen peut désigner des « personnes ou entités » pour des sanctions ciblées si elles « s’engagent dans des actes qui entravent la fourniture de l’aide humanitaire au Yémen ou l’accès ou la distribution de l’aide humanitaire au Yémen. »

Le Comité des sanctions a déjà imposé des sanctions – y compris un gel des avoirs et des interdictions de voyager – à cinq dirigeants des forces précédemment affiliées à Houthi-Saleh, dont Saleh. Aucun membre de la coalition n’a été désigné pour des sanctions, en dépit des informations réunies par le Groupe d’experts de l’ONU - qui surveille l’état de mise en œuvre des dispositions de la résolution - relatives aux violations répétées commises par la coalition, y compris l’obstruction de l’aide.

« Les membres du Conseil de sécurité de l’ONU, en particulier les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et d’autres alliés de la coalition, ont préservé l’Arabie saoudite d’un examen sérieux de la part de la communauté internationale, bien que la coalition ait commis de nombreuses atrocités au Yémen », a conclu James Ross. « Le Conseil de sécurité doit agir de toute urgence contre les dirigeants de la coalition qui ont aggravé la catastrophe humanitaire du Yémen ou en portent partiellement la responsabilité. »

Communiqué complet en anglais, avec davantage d'informations:

www.hrw.org/news/2017/12/07/yemen-coalition-blockade-imperils-civilians

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