La province canadienne de l’Île-du-Prince-Édouard a rejoint huit autres provinces en empêchant l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) de se servir de prisons provinciales pour incarcérer des personnes migrantes et des demandeurs d’asile pour des motifs administratifs.
Depuis le lancement de la campagne #Bienvenue au Canada en octobre 2021, huit provinces – l’Alberta, la Colombie britannique, la Nouvelle-Écosse, le Manitoba, le Saskatchewan, le Québec, le Nouveau Brunswick et l’Ontario – ont précédemment informé le gouvernement fédéral qu’elles ne prorogeraient pas leur contrat de détention avec l’ASFC. Jusqu’à présent, ces contrats ont expiré dans quatre de ces provinces, et ceux des cinq autres expireront d’ici à octobre 2024.
En 2021, les pratiques de l’ASFC en matière de détention de migrants dans l’Île-du-Prince-Édouard se sont trouvées sous le feu des projecteurs lorsqu’un étudiant étranger de 27 ans a été placé en détention en tant qu’individu présentant un risque de fuite après qu’il eut sollicité des soins en matière de santé mentale dans un hôpital. L’ASFC a alors utilisé son dossier médical établi par l’hôpital pour arguer en faveur de son expulsion, invoquant des « demandes excessives » auprès des services de santé, et recommandant qu’il soit incarcéré en cellule isolée plutôt que remis en liberté au milieu de la communauté.
L’utilisation de prisons provinciales pour incarcérer des migrants est une pratique punitive, non conforme aux normes internationales en matière de droits humains et très préjudiciable à la santé mentale des personnes visées. Dans un rapport de 2021, Human Rights Watch et Amnesty International ont documenté le fait que des personnes identifiées selon leur appartenance raciale, en particulier des hommes noirs, sont confinés dans des conditions plus restrictives et pour des périodes plus longues que les autres détenus dans le système canadien de détention de migrants. Les personnes handicapées font également l’objet d’une discrimination tout au long de ce processus de détention.
Bien que les provinces lui aient donné un préavis d’un an pour la fin de leur contrat de détention, l’ASFC a cherché à prolonger des contrats qui avaient d’ores et déjà été dénoncés. Ainsi, le contrat non renouvelé du Québec devait expirer en décembre 2023 mais les autorités du Québec ont accordé à l’ASFC une extension jusqu’à juin 2024.
Aux termes de ces contrats, l’agence verse aux provinces des centaines de dollars par jour pour chaque migrant détenu dans le cadre de ce système et incarcéré dans une prison provinciale. Selon l’ASFC, pour l’année fiscale 2023 qui se termine en mars, l’agence a versé 615,80 dollars canadiens par jour pour chaque femme détenue dans une prison du Nouveau Brunswick. Lors de la même année fiscale, l’ASFC a dépensé 82,7 millions de dollars canadiens pour ces détentions – un montant plus élevé que les quatre années précédentes.
Au lieu de tenter d’obtenir l’extension de contrats expirés, le gouvernement fédéral devrait cesser d’utiliser les prisons provinciales pour des détentions liées à l’immigration. Il devrait investir dans des solutions autres que la mise en détention, qui soient respectueuses des droits, basées sur les communautés et gérées par des organisations locales à but non lucratif, indépendamment de l’ASFC.
Neuf des dix provinces du Canada ont résisté à l’ASFC, mettant fin à leur complicité dans les violations des droits humains qui se produisent dans les prisons provinciales à l’encontre de migrants et de demandeurs d’asile. Il est temps désormais que le Premier ministre, Justin Trudeau, fasse preuve du même leadership.