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Des attaques de groupes armés séparatistes contre des élèves, des enseignants et des écoles dans les régions anglophones du Cameroun ont eu un impact dévastateur sur le droit des enfants à l’éducation.
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Ces attaques criminelles ne causent pas seulement des dommages physiques et psychologiques immédiats, mais mettent aussi en péril l’avenir de dizaines de milliers d’élèves.
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Les partenaires régionaux et internationaux devraient exhorter les autorités camerounaises à enquêter sur les attaques contre l’éducation, à engager des poursuites et à fournir un soutien médico-légal et judiciaire.
(Nairobi) - Des attaques systématiques et généralisées des groupes séparatistes armés contre des élèves, des enseignants et des écoles dans les régions anglophones du Cameroun depuis 2017 ont eu un impact dévastateur sur le droit des enfants à l’éducation, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui.
Le rapport de 141 pages, intitulé « "Ils détruisent notre avenir" : Attaques des séparatistes armés contre des élèves, des enseignants et des écoles dans les régions anglophones du Cameroun », documente des dizaines d’attaques contre l’éducation en général, menées par des groupes séparatistes armés dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest entre mars 2017 et novembre 2021. Ces groupes ont tué, battu, enlevé, menacé et terrorisé des élèves et des professionnels de l’éducation, harcelé et intimidé des familles pour qu’elles retirent leurs enfants de l’école, et brûlé, détruit, endommagé et pillé des établissements scolaires.
« Les dirigeants des groupes séparatistes devraient immédiatement annoncer la fin du boycott scolaire et veiller à ce que leurs combattants mettent un terme à toutes leurs attaques contre les écoles, les enseignants et les élèves », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior à Human Rights Watch et auteure du rapport. « Ces attaques criminelles ne causent pas seulement des dommages physiques et psychologiques immédiats aux victimes, elles mettent aussi ? en péril l’avenir de dizaines de milliers d’élèves ».
Entre novembre 2020 et novembre 2021, Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques avec 155 personnes, dont 29 élèves et anciens élèves, 47 professionnels de l’éducation, ainsi que d’autres témoins d’attaques, des parents d’élèves, des membres des familles des victimes, des leaders communautaires, des travailleurs humanitaires nationaux et internationaux, des membres d’organisations de la société civile camerounaise, des avocats, des médecins, des journalistes et des diplomates.
Le 22 septembre 2021, Human Rights Watch a partagé ses conclusions préliminaires avec les dirigeants des quatre principaux groupes séparatistes : le président du Ambazonia Interim Government (Sisiku), Sisiku Ayuk Tabe ; le porte-parole du Ambazonia Interim Government (Sako), Christopher Anu ; le président du Ambazonia Governing Council, Ayaba Cho Lucas ; et le président du African People’s Liberation Movement, Ebenezer Derek Mbongo Akwanga.
Leurs réponses qui, à des degrés divers, contestent la responsabilité de leurs groupes, peuvent être consultées sur le site Internet de Human Rights Watch. Human Rights Watch a aussi envoyé une lettre avec un résumé des conclusions du rapport et des questions qu’il soulève au Premier ministre camerounais Joseph Dion Ngute le 21 septembre. Celui-ci n’a pas encore répondu.
La crise dans les régions anglophones a commencé fin 2016, lorsque les forces de sécurité camerounaises ont fait un usage excessif de la force contre des manifestants pacifiques conduits par des enseignants et des avocats qui protestaient contre ce qu’ils percevaient comme une marginalisation des systèmes éducatif et juridique de la minorité anglophone du pays et leur assimilation aux systèmes francophones. Depuis lors, des groupes séparatistes armés, cherchant à obtenir l’indépendance des deux régions anglophones, ont émergé et se sont développés. L’éducation est rapidement devenue un champ de bataille primordial.
Dès le début de l’année 2017, les combattants séparatistes ont commencé à ordonner et à faire appliquer un boycott des écoles, invoquant certes leur opposition à l’éducation francophone imposée par le gouvernement central, mais révélant aussi une stratégie perverse visant à faire pression sur le gouvernement pour obtenir une reconnaissance politique. Les groupes séparatistes se sont mis à attaquer des dizaines d’écoles dans les régions anglophones. Ces attaques, la peur qui en résulte et la détérioration de la situation sécuritaire ont entraîné des fermetures d’écoles, jusqu’à deux sur trois dans les régions anglophones, privant plus de 700 000 élèves de l’accès à l’éducation.
Des élèves et des enseignants ont raconté avoir été battus, mutilés, menacés et harcelés. « Quand je vais à l’école, je ne porte pas mon uniforme scolaire », a déclaré une lycéenne de Bamenda, dans la région du Nord-Ouest. « J’ai peur d’être repérée par les amba [combattants séparatistes]. Pour aller à l’école, je dois faire environ un kilomètre à pied, et je ne me sens jamais en sécurité ».
Au moins 70 écoles ont été attaquées depuis 2017, selon plusieurs rapports des agences des Nations Unies, de la Banque mondiale, des organisations de la société civile camerounaise et internationale, et les informations fournies par les médias. Human Rights Watch a documenté par de manière détaillée 15 attaques au cours desquelles des combattants séparatistes ont ordonné la fermeture d’établissements et détruit les infrastructures et les biens d’écoles.
Human Rights Watch a documenté le meurtre de 11 élèves et de 5 enseignants dans la région du Sud-Ouest. Sept élèves ont été tués lors d’une attaque contre leur école à Kumba, et trois élèves et un enseignant lors d’une attaque contre leur école à Ekondo Titi. Les autres victimes ont été tuées chez elles ou sur le chemin de l’école.
Les groupes séparatistes ont également procédé à des centaines d’enlèvements. Human Rights Watch a documenté 268 enlèvements d’élèves et de professionnels de l’éducation depuis 2017. Dans la région du Nord-Ouest, lors de deux incidents seulement, l’un en 2018 et l’autre en 2019, des combattants ont réussi à enlever pas moins de 78 et 170 élèves dans leurs écoles respectives.
Un lycéen enlevé avec quatre autres élèves alors qu’il se rendait à l’école le 22 septembre 2018 à Bafia dans la région du Sud-Ouest a déclaré : « Ils m’ont battu, ils nous ont frappés, moi et mes amis, avec des bâtons et des machettes sur la plante des pieds, sur les bras et dans le dos. Ils m’ont coupé la main droite. Je saignais et j’étais gravement blessé. »
Les combattants séparatistes ont également utilisé des établissements scolaires comme bases pour stocker leurs armes et leurs munitions et pour retenir et torturer des otages. Human Rights Watch a documenté l’utilisation par des combattants séparatistes d’au moins sept écoles dans les deux régions anglophones, une pratique qui peut avoir pour conséquence la dégradation ou la destruction d’infrastructures éducatives vitales.
Les attaques contre l’éducation ont eu des répercussions considérables sur les élèves et les enseignants, notamment en provoquant des déplacements, des traumatismes et des troubles de santé mentale, ainsi que des abandons scolaires.
En 2018, le Cameroun a approuvé la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, un accord politique qui engage les pays qui le signent à prévenir les attaques contre l’éducation et à y répondre. Mais les attaques se sont poursuivies, la plupart du temps sans relâche, dans un contexte d’impunité quasi totale. En novembre, Human Rights Watch n’avait connaissance que de 23 arrestations, dont 12 personnes poursuivies pour l’attaque contre la Mother Francisca International Bilingual Academy à Kumba en octobre 2020, dans le cadre d’un procès profondément inéquitable tenu devant un tribunal militaire.
Les partenaires régionaux et internationaux du Cameroun devraient exhorter les autorités camerounaises à s’assurer que la police et les autorités judiciaires puissent enquêter sur les auteurs des attaques contre l’éducation et les poursuivre efficacement. Ces partenaires devraient aussi offrir de fournir un soutien ciblé et surveillé pour renforcer les capacités de la police et des autorités judiciaires camerounaises en matière de médecine légale et de procès civils, a déclaré Human Rights Watch.
Le Cameroun est un État partie aux traités africains et internationaux relatifs aux droits humains. À ce titre, il a l’obligation de protéger le droit à la vie, à l’éducation et à la sécurité personnelle des élèves, des enseignants, des universitaires et de l’ensemble du personnel éducatif. Le Cameroun a notamment l’obligation de prendre des mesures pour empêcher que les combattants séparatistes ne portent atteinte à ces droits protégés par la Constitution et le droit international, et de demander des comptes aux responsables de ces attaques.
« Les autorités camerounaises devraient enquêter de manière impartiale sur toutes les attaques contre l’éducation, poursuivre les responsables dans le cadre de procès équitables et apporter un soutien rapide aux victimes », a conclu Ilaria Allegrozzi. « L’avenir des enfants des régions anglophones est en jeu, et les autorités devraient se montrer à la hauteur de leur responsabilité en leur garantissant un accès sûr à l’éducation et une protection contre les atteintes à leur intégrité physique ».
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