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Burundi : La campagne débute dans un contexte de répression

Les médias et la société civile sont muselés et l’opposition est prise pour cible

Le président du Burundi, Pierre Nkurunziza, assiste à un congrès extraordinaire du Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD), dans la province de Gitega, au Burundi, le 26 janvier 2020, durant lequel le candidat du parti au pouvoir aux prochaines élections présidentielles a été sélectionné. © 2020 Evrard Ngendakumana/Reuters

(Nairobi) – Les autorités burundaises et les membres du parti au pouvoir ont eu recours à la peur et à la répression contre l’opposition politique et les derniers médias et groupes indépendants à l’approche des élections générales dans le pays. L’impunité quasi totale prévaut pour les autorités locales, les forces de sécurité et les membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure, alors que la campagne s’ouvrira le 27 avril 2020 pour les élections devant commencer le 20 mai.

Les élections auront lieu malgré la confirmation le 31 mars des premiers cas de Covid-19 dans le pays. Le 7 avril, le porte-parole du président a annoncé, en référence à la pandémie, que les élections se tiendront comme prévu car « [les Burundais sont] un peuple béni par Dieu ». Les autorités de santé ont empêché des journalistes d’accéder à une conférence de presse sur le Covid-19, ce qui pourrait indiquer une tentative du gouvernement de dissimuler des informations sur la pandémie.

« Les violences et la répression sont le signe distinctif de la politique au Burundi depuis 2015, et tandis que les élections approchent et que la pandémie de Covid-19 se propage, les tensions montent », a déclaré Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch. « Il ne fait guère de doute que ces élections s’accompagneront d’autres abus, dans un contexte où les autorités burundaises et les membres des Imbonerakure utilisent la violence avec une impunité quasi totale pour permettre au parti dirigeant de consolider sa mainmise sur le pouvoir. »

Human Rights Watch a mené des entretiens téléphoniques entre novembre 2019 et avril 2020 avec plus de 25 personnes, dont des victimes, des témoins, des membres de la société civile, et des sources au sein de la police et du parti au pouvoir, qui ont décrit des abus dans 6 des 18 provinces que compte le Burundi. Human Rights Watch a également documenté des meurtres, des disparitions, des arrestations arbitraires et des menaces et du harcèlement à l’encontre d’opposants politiques réels ou présumés au cours des six derniers mois.

Des rapports des médias ou des défenseurs des droits humains ont confirmé les abus. Plusieurs observateurs des droits humains ont indiqué à Human Rights Watch que ces types d’abus ne se limitent pas à ces six provinces. Entre janvier et mars, la Ligue Iteka, une organisation de défense des droits humains burundaise en exil, a signalé 67 meurtres, dont 14 exécutions extrajudiciaires, 6 disparitions, 15 cas de violences basées sur le genre, 23 cas de torture et 204 arrestations arbitraires. Quoique dans une bien moindre mesure, des violences contre des membres et des jeunes du parti au pouvoir – y compris des meurtres – ont aussi été rapportées.

Depuis que la décision du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat controversé a déclenché une crise grave des droits de l'homme il y a cinq ans, confirmer les abus est devenu de plus en plus difficile. La peur a frappé le pays et les autorités ont intensifié leurs efforts pour réduire au silence les médias et les activistes, a expliqué Human Rights Watch.

Le 11 avril, deux représentants du ministère de la Santé ont empêché quatre journalistes d’assister à une conférence de presse sur le Covid-19. « Ils nous ont dit que nous étions des ennemis de la nation et que nous n’avions pas le droit de rentrer », a raconté un journaliste à Human Rights Watch. Il a ajouté que les représentants leur ont indiqué que seuls les médias RTNB (Radio Télévision Nationale du Burundi), Rema FM et Mashariki TV – tous proches du parti au pouvoir – étaient autorisés à entrer. Selon l’Union Burundaise des Journalistes, le 9 avril, un journaliste de la Radio Isanganiro enquêtant sur une attaque contre un membre de l’opposition et son chauffeur ont été « malmenés » par des Imbonerakure, qui ont dégonflé les pneus de leur véhicule.

Le 2 avril, un observateur des droits humains a raconté à Human Rights Watch qu’il a été contraint de se cacher après avoir enquêté sur le meurtre d’un représentant du parti d’opposition Congrès national pour la liberté (CNL) le 16 mars dans la province de Bujumbura Rural. « Les membres du parti au pouvoir m’ont accusé d’avoir communiqué les informations à des défenseurs des droits humains exilés et ont incité le procureur [de la province] à émettre de multiples convocations... donc j’ai dû me cacher », a-t-il expliqué. Il a été informé le 8 avril qu’un mandat d’arrêt avait été émis à son encontre.

Dans la commune de Nyamurenza, dans la province de Ngozi, un homme a raconté que le soir du 9 février, il a été passé à tabac par un groupe d’Imbonerakure armés de matraques et de bâtons, alors qu’il tentait d’intervenir quand le groupe harcelait son voisin. « J’ai crié, je suis tombé et j’ai senti le sang couler de ma tête », a-t-il décrit. « J’ai pensé que j’allais mourir... Ils ne m’ont pas donné d’eau... Je les ai entendus dire : “Ne l’amenez pas à l’hôpital, laissez-le mourir.” »

Ses voisins ont en fin de compte convaincu les jeunes de les laisser l’amener à l’hôpital, mais lorsque la victime et sa femme ont voulu porter plainte contre le chef des Imbonerakure local le lendemain, le commissaire de police a arrêté sa femme et plusieurs autres témoins au lieu de prendre la plainte.

Human Rights Watch, des médias locaux et d’autres organisations de défense des droits ont documenté la découverte de cadavres dans différentes régions du pays, qui présentaient souvent des signes de violences et qui ont été enterrés par les autorités locales et les membres des Imbonerakure avant qu’ils ne soient identifiés.

Le 15 novembre 2019, Marie-Claire Niyongere, la dirigeante adjointe de la ligue des femmes du CNL dans la commune de Kiganda, dans la province de Muramvya, a été retrouvée morte dans une forêt avec des blessures au cou et aux parties génitales, d’après les médias. Un administrateur local a indiqué qu’elle avait été agressée sexuellement avant d’être tuée.

Plusieurs incidents de sécurité majeurs ont eu lieu au cours des derniers mois, mais peu d’informations ont été publiées à leur sujet. Entre le 19 et le 23 février, des rapports d’échauffourées entre forces de sécurité et « criminels » présumés dans la province occidentale de Bujumbura Rural sont apparus tandis que des photos et des vidéos ont circulé en ligne montrant des personnes arrêtées et des corps sans vie entourés par des policiers et des résidents. La police a déclaré que 22 « criminels armés » ont été tués et 6 ont été arrêtés, et que 2 policiers ont été tués. Plusieurs enquêtes suggèrent que de nombreuses victimes ont été tuées après leur capture. Le 22 février, une source policière a informé Human Rights Watch que des Imbonerakure et des soldats démobilisés d’autres régions du pays comptaient simuler une attaque afin de préparer le terrain pour une mesure de répression et justifier ensuite une vague d’arrestations de membres du CNL.

La condamnation le 30 janvier à l’issue d’un procès entaché d’irrégularités de quatre journalistes d’Iwacu, qui ont été arrêtés alors qu’ils allaient faire un reportage sur les affrontements entre les forces de sécurité et le groupe rebelle RED-Tabara en octobre, souligne les dangers encourus par ceux qui enquêtent sur les incidents de sécurité, a expliqué Human Rights Watch.

Outre les déclarations publiques menaçantes des hauts responsables du gouvernement, la loi sur la presse de 2018 restrictive et un nouveau code de conduite pour les journalistes pendant les élections ont restreint la capacité des médias à publier des informations d’intérêt public.

Même si la Communauté d’Afrique de l’Est enverra une mission d’observation des élections, le gouvernement n’a toujours pas signé d’accord d’intervention avec les observateurs des droits humains mandatés par l’Union africaine. Au cours des dernières années, le gouvernement a tenté de se protéger de la surveillance internationale en empêchant le travail des observateurs indépendants, en refusant l’accès à la Commission d’enquête sur le Burundi des Nations Unies et en fermant le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU au Burundi.

Les autorités burundaises devraient immédiatement et publiquement ordonner aux responsables et aux membres des Imbonerakure de cesser les intimidations, les passages à tabac, les détentions illégales et les mauvais traitements. Elles devraient mener des enquêtes sur les crimes documentés et traduire en justice leurs auteurs. Elles devraient également veiller à créer les conditions nécessaires pour des élections libres et équitables, ce qui inclut de garantir aux médias et à la société civile la possibilité de travailler librement, a indiqué Human Rights Watch. Toute personne détenue illégalement, y compris les défenseurs des droits humains et les journalistes, devrait être libérée immédiatement et sans conditions. Les tensions pouvant être exacerbées par la pandémie, des informations exactes devraient être fournies sur les mesures visant à contenir le virus.

Le 10 avril, Human Rights Watch a envoyé les conclusions principales de ses recherches au ministre des Relations extérieures et de la Coopération internationale, avec les ministres de l’Intérieur et de la Formation patriotique, de la Justice, des Droits de la personne humaine, des Affaires sociales et du Genre, et de la Sécurité publique en copie. Cette correspondance est restée sans réponse.

« Les responsables du gouvernement, par leurs actions et leurs déclarations, envoient un message clair aux médias avant les élections indiquant que les atteintes aux droits humains doivent être dissimulées, et non révélées », a conclu Lewis Mudge. « Les bailleurs de fonds et les partenaires du Burundi devraient adopter une position publique ferme face aux mesures du gouvernement qui répriment la liberté d’expression et étouffent la dissidence. Les Nations Unies, entre autres, devraient annoncer clairement que cela aura des conséquences, notamment par des sanctions ciblées. »

Cinq années de répression

Le Burundi a glissé dans une situation de non-droit en avril 2015, après que le président Pierre Nkurunziza a annoncé son intention de briguer un troisième mandat contesté, malgré la limite de deux mandats prévue par l’Accord d’Arusha. Ce cadre politique, signé en 2000, était le premier d’une série d’accords de partage du pouvoir destinés à mettre fin à la guerre civile au Burundi.

Une Commission d’enquête de l’ONU a conclu en septembre 2017 qu’elle avait « des motifs raisonnables de croire que des crimes contre l’humanité ont été commis depuis avril 2015 au Burundi ». Dans un rapport datant de septembre 2019, la commission a appliqué le Cadre d’analyse des atrocités criminelles du Bureau du conseiller spécial de l’ONU pour la prévention du génocide et la responsabilité de protéger et a constaté que les huit facteurs de risque courants pour les atrocités criminelles étaient présents au Burundi. La Cour pénale internationale a ouvert sa propre enquête en 2017, un an après que le Burundi a annoncé son intention de quitter la Cour.

Depuis 2015, les membres des Imbonerakure sont devenus de plus en plus puissants dans de nombreuses régions du pays, tuant, torturant, arrêtant, frappant et attaquant les opposants au gouvernement réels ou supposés, souvent en collaboration avec la police, les autorités locales et les services de sécurité.

En mai 2018, un référendum constitutionnel a eu lieu sur fond d’abus généralisés commis par les autorités locales, la police et les membres des Imbonerakure. Les modifications de la Constitution ont étendu la durée du mandat présidentiel à sept ans, ont effacé le compteur des mandats présidentiels effectués, ont démantelé les arrangements de partage du pouvoir ethnique qui étaient fondamentaux dans l’Accord d’Arusha, et ont conféré plus de pouvoirs au président.

La période suivant le référendum a été marquée par des abus à l’encontre de personnes suspectées d’avoir voté contre le référendum ou d’avoir encouragé d’autres personnes à faire de même. Dans son rapport de décembre 2015, la mission d’établissement des faits au Burundi de la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples concluait déjà que les actes contraires à l’Accord d’Arusha, s’ils étaient menés sans processus consultatif, transparent et inclusif, pourraient « faire dérailler la paix dans le pays ».

Depuis février 2019, lorsque le leader d’opposition Agathon Rwasa a enregistré son nouveau parti, le CNL, des administrateurs locaux et des Imbonerakure ont commis des abus généralisés à l’encontre des membres du CNL, alors que les autorités pour la plupart ferment les yeux. Le CNL est issu des Forces nationales de libération (FNL), un groupe armé transformé en parti politique en 2009. Agathon Rwasa a fait campagne lors des élections présidentielles de 2015 en tant que chef d’une coalition et a enregistré le CNL après que les modifications de la Constitution l’ont empêché de se présenter en 2020 comme candidat indépendant.

Le candidat de l’opposition Agathon Rwasa lors d’un meeting du Congrès national pour la liberté à Bujumbura, au Burundi, le 16 février 2020. © 2020 Berthier Mugiraneza/AP

Le 26 janvier, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD) a désigné Évariste Ndayishimiye, le secrétaire général du parti, comme candidat à la présidence. Quelques jours plus tôt, le parlement avait adopté une loi octroyant des privilèges exorbitants au président Pierre Nkurunziza, notamment un versement exceptionnel de 500 000 USD, une villa de luxe, six voitures et une allocation à vie au terme de son mandat. Une loi a été adoptée en mars lui donnant le statut officiel de « Guide suprême du patriotisme ».

En décembre, Human Rights Watch a constaté que les autorités locales et les membres des Imbonerakure avaient extorqué des « dons » pour financer les élections de 2020, dans de nombreux cas par la menace ou la force, et avaient empêché l’accès aux services publics de base pour ceux qui ne pouvaient pas fournir une preuve de paiement, dans un contexte de crise humanitaire désastreuse.

Depuis 2015, des centaines de milliers de Burundais ont fui le pays et, d’après le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), en février 2020, il y avait plus de 335 000 réfugiés burundais dans les pays voisins. Entre septembre 2017 et avril 2020, 80 000 réfugiés étaient rentrés au Burundi dans le cadre d’un programme de rapatriement volontaire soutenu par le HCR, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés. Ces rapatriements continuent malgré la pandémie.

Violence, peur et intimidation

Les autorités administratives locales et les membres des Imbonerakure ont renforcé leur contrôle sur la population à l’approche des élections. Un Imbonerakure a raconté à Human Rights Watch que les leaders locaux de la ligue des jeunes donnent des récompenses financières à leurs membres qui tuent, arrêtent ou frappent des membres du CNL. Selon des informations, certains membres des Imbonerakure opèrent dans le cadre des Comités mixtes de sécurité (CMS), établis pour fournir une assistance à la population et aux institutions de sécurité.

Si les cas documentés par Human Rights Watch ne représentent très probablement qu’une petite fraction des abus qui ont lieu au Burundi, ils montrent comment les tensions continuent à s’amplifier dans un contexte de violence, de peur et d’intimidation entretenu par les jeunes du parti au pouvoir, la police et les autorités locales qui agissent en toute impunité.

Plus de 80 membres du CNL ont été arrêtés dans la province de Ngozi depuis octobre, d’après des entretiens de Human Rights Watch avec des représentants du CNL, des témoins et des membres des familles, ainsi que des reportages des médias locaux. Le meurtre signalé d’un membre des Imbonerakure, qui a été trouvé mort dans la commune de Busiga le 5 octobre et les échauffourées entre les Imbonerakure et des membres du CNL au début du mois de novembre, dans les communes de Marangara et de Nyamurenza, semblent avoir déclenché les arrestations.

La vaste majorité des personnes arrêtées ont été transférées à la prison centrale de Ngozi, où beaucoup ont été jugées pour tentative de meurtre, agression et destruction de biens. D’après des sources impliquées dans les cas, 4 personnes ont été libérées, 41 membres de plusieurs communes de la province ont été condamnés et font appel des jugements, et plus d’une dizaine sont actuellement détenus dans les prisons dans leurs communes locales.

Le 7 novembre, Évariste Nyabenda, un membre du CNL, est mort, apparemment des suites de ses blessures, après avoir été passé à tabac quelques semaines plus tôt par des Imbonerakure lors d’un rassemblement public à Burenza, dans la commune de Marangara. Plusieurs voisins ont raconté à Human Rights Watch que les Imbonerakure ont attaqué Évariste Nyabenda après qu’il a défendu une personne qui avait affirmé lors d’une réunion locale qu’il n’y avait pas de paix au Burundi. Evariste Nyabenda a été détenu après le passage à tabac et conduit plus tard à l’hôpital de Kiremba, où il serait mort de lésions internes.

Des témoins ont expliqué que des membres des Imbonerakure avaient dansé devant la maison de la victime pendant la veillée funèbre, le 11 novembre. Selon un témoin, ils ont chanté en kirundi : « nous devons les forcer à comprendre, mais ils sont sourds et ne comprennent rien. »

Ce soir-là, des Imbonerakure ont lancé des pierres sur la maison d’Évariste Nyabenda et sur au moins une autre maison dans la localité, et les ont endommagées. Sa veuve et ses deux enfants sont partis se cacher. Une voisine a raconté à Human Rights Watch : « [Le lendemain,] deux policiers sont venus chez moi, cherchant mon mari. Cinq Imbonerakure avaient encerclé notre maison. Ils nous ont menacés et nous ont dit d’aller au Rwanda, que le CNDD-FDD ne veut pas d’opposants dans le pays. » Plusieurs sources dans la région, membres du CNL, ont indiqué que 17 membres ont été arrêtés dans les jours qui ont suivi et ont été conduits à la prison centrale de Ngozi. Ils sont jugés pour des chefs d’accusation incluant tentative de meurtre, agression et destruction de biens.

Depuis janvier 2020, Human Rights Watch a reçu plus d’une dizaine de signalements crédibles de disparitions dans les provinces de Cibitoke et de Bubanza. Le 24 mars, Fabien Banciryanino, un membre local du parlement, a adressé un courrier au procureur général de Bubanza demandant une enquête sur 21 cas de disparitions et de meurtres dans sa province depuis 2016.

Des attaques à la machette commises par des membres des Imbonerakure ou des assaillants inconnus ont récemment été rapportées dans plusieurs régions du pays par des organisations de défense des droits exilées et des médias locaux. Le 5 janvier, un membre de l’opposition de la commune et province de Kirundo, a été attaqué à la machette alors qu’il rentrait chez lui le soir. Il a raconté qu’il a été entaillé à 11 reprises et a passé deux semaines à l’hôpital après l’attaque, mais que les autorités ont refusé d’ouvrir une enquête.

Le 20 novembre, des membres des Imbonerakure locaux ont peint des croix rouges sur plus de 100 maisons de membres du CNL dans la commune de Busiga, dans la province de Ngozi. Un habitant local a expliqué à Human Rights Watch : « Vers 1 h 15 du matin, nous avons vu un groupe d’environ 15 Imbonerakure arriver dans le village et peindre des croix rouges sur nos maisons. Nous leur avons crié d’arrêter et au final, ils sont partis, mais pas avant d’avoir peint ma porte d’entrée. »

Le 20 novembre 2019, des Imbonerakure ont peint des croix rouges sur plus de 100 maisons de membres de l’opposition dans la commune de Busiga, dans la province de Ngozi, au Burundi. © 2020 Human Rights Watch

Un représentant du CNL a indiqué qu’au moins 180 maisons de membres du CNL avaient été prises pour cible dans la zone. Ces actes d’intimidation revêtent une signification particulière dans la région des Grands Lacs – des maisons ont été marquées avec le mot « Tutsi » pendant le génocide rwandais de 1994. D’autres actes d’intimidation envers des opposants politiques supposés signalés à Human Rights Watch incluent la destruction de cultures et l’abattage de bétail.

Musellement des groupes indépendants et des médias

Des poursuites pénales, des menaces et des intimidations ont contraint de nombreux activistes et journalistes burundais à cesser de travailler sur des questions politiques ou de droits humains sensibles, ou à quitter le pays. Plusieurs défenseurs des droits humains et journalistes sont en prison, condamnés pour des chefs d’inculpation liés à la sécurité. La dernière organisation indépendante de défense des droits, PARCEM, a été suspendue en juin 2019 pour avoir « terni l’image du pays et de ses dirigeants ».

Pression croissante sur les organisations internationales

Les organisations internationales opèrent dans un environnement fortement limité et sont régulièrement confrontées aux tentatives du gouvernement de contrôler le récit sur tous les aspects allant de la santé et la sécurité alimentaire aux droits humains et à la politique et de s’ingérer dans leurs activités tout en les freinant par des obstacles bureaucratiques.

Le 1er octobre 2018, les autorités ont suspendu les activités des groupes non gouvernementaux étrangers pendant trois mois pour les forcer à se ré-enregistrer, notamment en présentant une nouvelle documentation indiquant l’origine ethnique de leurs employés burundais. Cette mesure découle d’une loi de 2017 sur les groupes non gouvernementaux étrangers exigeant d’eux qu’ils se conforment aux quotas ethniques instaurés au départ pour les institutions étatiques et l’armée dans l’Accord d’Arusha. Beaucoup d’organisations craignent que ces informations n’exposent leur personnel à un risque de ciblage ethnique.

En mars 2019, environ 93 groupes internationaux sur environ 130 étaient ré-enregistrés, même si on ignore dans quelle mesure ils respectaient les exigences. Certains ont refusé de s’y conformer et ont quitté le pays. Une commission a été créée pour jouer un rôle de surveillance du recrutement de personnel national par les groupes étrangers et pour contrôler le respect des quotas ethniques. Le 13 février, un courrier du ministre de l’Intérieur Pascal Barandagiye a de nouveau demandé aux groupes internationaux de fournir des informations personnelles détaillées sur tous les employés, y compris leur origine ethnique dans le cas des Burundais.

Dans le contexte du Covid-19, Human Rights Watch a établi que les autorités n’ont pas fourni d’aliments, de soins de santé, ni de conditions hygiéniques et sanitaires appropriés dans certains sites de quarantaine et ont empêché les organisations d’aide d’entrer sur ces sites et d’apporter une assistance aux personnes en quarantaine.

Répression de la liberté des médias

Alors que les élections approchent, le gouvernement a intensifié ses efforts pour intimider ou suspendre les médias indépendants restants. Depuis mars 2019, Voice of America (VOA) et la BBC ne sont plus autorisées à travailler au Burundi et il a été interdit aux journalistes de « fournir des informations directement ou indirectement qui pourraient être diffusées » par la BBC ou VOA.

La loi sur la presse amendée en 2018 et un nouveau « Code de conduite des médias et des journalistes en période électorale de 2020 » exigent des journalistes qu’ils diffusent des informations considérées comme « équilibrées » sous peine d’encourir des poursuites pénales et leur interdisent de publier des informations sur les élections ou les résultats qui ne viennent pas de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). D’après les reportages des médias, tous les représentants des médias ont signé le code de conduite sur place lorsqu’il a été présenté lors d’une réunion en octobre organisée par le président du Conseil national de la Communication (CNC), qui a déclaré que le code s’appliquerait à tous les médias.

Iwacu, le dernier journal indépendant du Burundi, a particulièrement fait les frais du courroux du gouvernement, avec un procès entaché d’irrégularités et la condamnation de quatre de ses journalistes : Christine Kamikazi, Agnès Ndirubusa, Egide Harerimana et Térence Mpozenzi. Les rapporteurs spéciaux des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, et sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, ainsi que le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire ont condamné les poursuites à l’encontre des journalistes, qui sont toujours en prison.

Une déclaration d’Iwacu, le 29 mars, indiquait que le député Anglebert Ngendabanka avait menacé d’« écraser la tête » d’un de ses journalistes après que le journal a publié un article le mettant en cause dans les récentes attaques contre des membres du CNL dans la commune de Cendajuru, dans la province de Cankuzo.

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