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Protéger les droits des personnes handicapées face au COVID-19

Il faut garantir aux personnes les plus exposées aux risques l’accès aux informations et aux services essentiels

Un homme en fauteuil roulant se lave les mains à un point d’eau public à Nairobi, au Kenya, le 22 mars 2020, suivant les consignes sanitaires recommandées par les autorités dans le cadre de la lutte contre le COVID-19. Toutefois, ce geste vital est rendu plus difficile pour lui, en raison de son handicap. © 2020 Dennis Sigwe/SIPA via AP Images

(New York, le 26 mars 2020) – La pandémie de COVID-19 expose de nombreuses personnes en situation de handicap du monde entier à des risques particulièrement élevés, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Dans le cadre de leur lutte contre la pandémie, les gouvernements devraient faire des efforts complémentaires pour protéger les droits des personnes handicapées.

« Même dans des circonstances normales, les personnes en situation de handicap sont parmi les plus marginalisées et stigmatisées au monde », a déclaré Jane Buchanan, directrice adjointe de la division Droits des personnes handicapées au sein de Human Rights Watch. « Si les gouvernements n’agissent pas rapidement pour intégrer les besoins des personnes handicapées dans leurs réponses au COVID-19, celles-ci resteront exposées à un fort risque d’infection et de décès, alors que la pandémie se propage. »

Dans le monde, plus d’un milliard de personnes – environ 15 % de la population de la planète – vivent avec une forme de handicap. Les personnes âgées et celles qui présentent des pathologies chroniques ou certains handicaps – affectant leur capacité respiratoire par exemple – peuvent être exposées à un risque particulier de morbidité ou de mortalité en cas d’infection par le virus COVID-19.

Pour les autres, le fait d’avoir un handicap ne les expose pas en soi à un risque d’infection plus élevé, les met en danger du fait de la discrimination et des obstacles qu’elles rencontrent pour avoir accès aux informations, aux services sociaux, aux soins médicaux, à l’inclusion sociale et à l’éducation.

Dans cette pandémie à l’évolution rapide, l’information est essentielle pour que les personnes puissent prendre des décisions sur la façon de se protéger et d’accéder aux produits et services de première nécessité pendant la quarantaine et le confinement volontaire. Les gouvernements, à tous les niveaux, devraient fournir des informations précises, accessibles et actualisées sur la maladie, les méthodes de prévention et les services.

Afin de garantir que les personnes handicapées ne soient pas privées d’informations d’importance vitale, les stratégies de communication devraient prévoir une interprétation professionnelle en langue des signes pour les annonces télévisées, des sites Internet accessibles à des personnes ayant différents handicaps et des services téléphoniques dotés de fonctions texte pour les personnes sourdes ou malentendantes. Les campagnes de communication devraient employer un langage simple pour favoriser la compréhension.

Human Rights Watch a mené un entretien avec Karen McCall, qui est aveugle au sens de la loi et volontairement confinée chez elle, dans l’Ontario au Canada, après être potentiellement entrée en contact avec une personne testée positive au COVID-19. Elle a confié qu’elle avait eu du mal à accéder à des informations du ministère de la Santé de l’Ontario, dont le diaporama en ligne expliquant comment rester en bonne santé face à la pandémie de COVID-19 n’était pas compatible avec les technologies de lecture d’écran ou de grossissement dont elle se sert.

Les gouvernements devraient également tenir compte des besoins spécifiques des personnes en situation de handicap lorsqu’ils mettent en place leurs stratégies de prévention. Par exemple, il faudrait mettre en place des directives complémentaires sur le lavage des mains pour les personnes handicapées qui ne peuvent pas se laver les mains souvent, qui vivent seules ou qui n’ont pas accès à une source d’eau suffisante pour l’hygiène.

La propagation rapide du COVID-19 menace particulièrement les personnes qui vivent dans des lieux fermés, en proximité étroite avec autrui. Des millions d’adultes et d’enfants handicapés vivent internés dans des centres où règnent la ségrégation et souvent la surpopulation et où ils peuvent subir des négligences, des abus et les effets de soins inadéquats. Or Human Rights Watch a décrit des traitements abusifs et des mauvaises conditions de vie dans des institutions privées et publiques du Brésil, de Croatie, du Kazakhstan, d’Inde, de Russie et de Serbie. Des dizaines de milliers d’autres personnes sont même enchaînées ou enfermées dans des établissements religieux ou publics au Ghana, en Indonésie, au Nigeria ou au Somaliland.

Les gouvernements devraient prendre de toute urgence des mesures pour réinstaller les personnes handicapées – celles qui peuvent être déplacées sans répercussion sur leur santé – hors des institutions fermées et des centres du même type, tout en gelant toute nouvelle arrivée de patients. Les enfants en situation de handicap qui sont internés dans des institutions devraient être ramenés dans leur famille lorsque c’est possible.

Les gouvernements devraient fournir aux adultes handicapés un soutien et des services sociaux pour leur permettre de vivre au sein de la communauté. Au sein des institutions, les autorités devraient suivre des règles strictes d’hygiène et de distanciation physique. Elles devraient mettre en place des politiques destinées aux visiteurs qui respectent aussi bien la protection des patients internés et du personnel que le besoin de voir sa famille et de se connecter à autrui.

Les personnes handicapées qui vivent chez elles dépendent souvent de services sociaux communautaires pour leurs besoins fondamentaux quotidiens, comme les repas et l’hygiène. Les groupes de défense des droits des handicapés craignent grandement que ces services ne soient interrompus. Le personnel apportant les services d’aide à la personne manque d’équipements personnels de protection permettant de minimiser l’exposition ou la propagation de l’infection, ou bien est graduellement contaminé lui-même et placé en quarantaine.

Du fait des politiques exigeant l’isolement social afin de juguler la propagation du coronavirus, les personnes présentant des handicaps psychosociaux comme l’anxiété ou la dépression peuvent se trouver particulièrement en détresse et il peut leur être bénéfique de recevoir des services de soutien psychiatrique supplémentaires. De façon générale, en fait, le confinement volontaire et la mise en quarantaine peuvent être pénibles pour la plupart des gens. Les politiques des gouvernements devraient veiller à ce que les services communautaires perdurent et à ce que les programmes de soutien psychologique de crise soient accessibles à tous. L’interruption des services communautaires ne devrait pas déboucher sur l’internement des personnes handicapées et des personnes âgées.

Dans de nombreux pays, les enfants handicapés rencontrent des obstacles pour accéder à une éducation inclusive et de qualité. Alors que les gouvernements ferment les établissements scolaires, beaucoup mettent en place un enseignement à distance. Les enfants présentant divers handicaps peuvent en être exclus si l’enseignement en ligne ne leur est pas accessible, notamment à travers des supports et stratégies de communication adaptés et faciles d’accès. Les gouvernements devraient également veiller à ce que des supports et programmes pédagogiques accessibles soient mis à la disposition des élèves qui n’ont pas accès à Internet. Sans le soutien du gouvernement, les parents ou les soignants peuvent avoir du mal à apporter tout l’éventail de services dont leurs enfants peuvent bénéficier dans les établissements scolaires.

Au Liban, par exemple, les établissements publics et privés ont fermé, tandis que les cours ont migré sur Internet. Amer Makarem, de l’Association de la jeunesse des aveugles, a déclaré à Human Rights Watch que les cours en ligne et la distribution des devoirs n’étaient généralement pas accessibles aux élèves aveugles ou malvoyants.

Le COVID-19 pourrait s’avérer catastrophique dans des lieux comme les camps de réfugiés ou d’autres camps temporaires où les gens vivent dans une étroite proximité et souvent sans accès aux services fondamentaux. Les personnes handicapées vivant dans de tels endroits ont beaucoup de mal à accéder aux services de base que sont l’abri, l’eau, l’assainissement et les soins médicaux, par exemple dans des pays comme le Bangladesh, le Cameroun, la République centrafricaine, la Grèce, la Syrie et le Yémen.

En vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), les gouvernements doivent garantir les droits à l’information, à la santé, à l’éducation et à des conditions de vie correctes. La CDPH exige des gouvernements qu’ils garantissent l’accessibilité et un logement correct pour les personnes handicapées et qu’ils veillent à ce qu’elles puissent vivre de façon indépendante au sein de la communauté, avec un soutien si nécessaire.

« L’une des mesures les plus importantes que les gouvernements puissent prendre pour protéger les personnes handicapées tout au long de la durée de la pandémie de coronavirus est de les consulter régulièrement pour veiller à ce que les mesures mises en place répondent à leurs besoins », a conclu Jane Buchanan. « Si des millions de personnes sont laissées de côté dans la lutte contre le COVID-19, ce sont d’autres catastrophes qui se profilent. »

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