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Israël : Expulsion d'un chercheur de Human Rights Watch

Un dossier constitué par le gouvernement sur Omar Shakir accuse HRW de soutenir des actions de boycott visant Israël

(Jérusalem, le 9 mai 2018) – Les autorités israéliennes ont révoqué, le 7 mai 2018, le permis de travail d'Omar Shakir, le directeur de recherches de Human Rights Watch pour Israël et la Palestine, et lui ont ordonné de quitter le pays dans un délai de 14 jours, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Le gouvernement a affirmé que la cause de cette décision était le prétendu soutien apporté par Omar Shakir aux mouvements de boycottage d'Israël.

La première page du dossier constitué par le ministre israélien des Affaires stratégiques et de la Diplomatie publique au sujet d'Omar Shakir, chercheur de Human Rights Watch, pour justifier son expulsion d'Israël en mai 2018.

Les autorités ont fondé leur décision sur un dossier constitué par un ministère sur les activités d'Omar Shakir pendant plus d'une décennie, dont la plupart étaient antérieures à son emploi par Human Rights Watch. Cette décision survient un an après que le ministère de l'Intérieur eut accordé à Human Rights Watch l'autorisation d'employer Omar Shakir en tant qu'expert étranger, après lui avoir initialement refusé un tel permis.

« Il ne s'agit pas vraiment de la personne d’Omar Shakir, mais plutôt de museler Human Rights Watch et de faire taire les critiques du bilan d'Israël en matière de droits humains », a déclaré Iain Levine, directeur adjoint de la division Programmes à Human Rights Watch. « Instruire des dossiers sur des défenseurs des droits humains, puis ordonner leur départ est un mode opératoire digne des méthodes des services de sécurité russes ou égyptiens. »

Les autorités israéliennes devraient revenir sur cette décision, a déclaré Human Rights Watch. L'organisation soutient pleinement Omar Shakir et a engagé un avocat, afin de contester la décision devant les tribunaux israéliens.

La lettre du 7 mai souligne que la décision « ne constitue pas une objection de principe ou permanente à ce que l'organisation emploie un expert étranger », mais se rapporte spécifiquement à Omar Shakir. Cependant, la décision prise en février 2017 par le ministère de l'Intérieur de lui dénier un permis de travail visait bien l'organisation, affirmant que ses « activités publiques et ses rapports (étaient) politiquement engagés au service de la propagande palestinienne, sous le prétexte fallacieux de défendre les ‘droits humains.’ » Le ministère avait par la suite changé d'avis, accordant à Human Rights Watch une autorisation en mars 2017 et délivrant à Omar Shakir un visa de travail d'une validité d'un an le 26 avril 2017.

En 2011, les autorités israéliennes ont adopté une loi autorisant les particuliers à engager des procédures judiciaires et à réclamer des dommages et intérêts à quiconque appelle publiquement à des boycottages d'Israël, lesquels sont définis de telle sorte qu'ils incluent les boycottages des colonies de peuplement. En mars 2017, un amendement à la Loi régissant l'entrée sur le territoire, invoqué dans la lettre du 7 mai, habilitait les autorités à refuser l'entrée dans le pays aux activistes qui appellent publiquement au boycottage d'Israël ou se sont engagés à participer à un tel boycottage.

Le 16 novembre 2017, le ministère de l'Intérieur a notifié à Human Rights Watch que, sur la base d'une procédure judiciaire privée engagée devant un tribunal de district de Jérusalem et contestant le permis de travail, il avait entrepris d'examiner le statut d'Omar Shakir en Israël. En décembre, le ministère des Affaires stratégiques et de la Diplomatie publique a fourni un dossier « sur les activités de Shakir dans le domaine du boycottage au cours des années. » Il contenait la recommandation, appuyée par le ministre des Affaires stratégiques et de la Diplomatie publique, Gilad Erdan, que « Shakir soit privé de son visa de travail et se voie refuser toute nouvelle entrée sur le territoire du pays. »

Human Rights Watch a déposé en janvier 2018 une demande de prorogation du visa de travail d'Omar Shakir, qui devait expirer le 31 mars. Le 29 mars, le ministère de l'Intérieur a prorogé ce visa pour une durée d'un mois, en attendant une décision sur son éventuelle révocation.

Ni Human Rights Watch ni son représentant, Omar Shakir, ne font la promotion des boycottages d'Israël, comme Human Rights Watch l'a souligné dans sa réponse au ministère de l'Intérieur. Ce ministère a reconnu, dans sa lettre du 7 mai, qu'« aucune information n'est apparue concernant de telles activités (de boycottage) » depuis que Shakir a rejoint Human Rights Watch. Human Rights Watch a constaté que les entreprises opérant dans les colonies de peuplement bénéficiaient de facto des graves violations du droit international humanitaire et y contribuaient, et, sur cette base et dans le cadre de ses efforts pour exhorter les entreprises à travers le monde à s'acquitter de leurs obligations en matière de droits humains, a appelé les entreprises à cesser d'opérer dans les colonies de peuplement. Human Rights Watch défend également le droit des personnes à exprimer leurs points de vue par des moyens pacifiques, y compris en participant à des boycottages.

Le ministère israélien des Affaires stratégiques, créé en 2006, a consacré d'importantes ressources à la surveillance des détracteurs de la politique d'Israël. Le 29 avril, les autorités israéliennes ont refusé l'entrée sur leur territoire à deux avocats américains spécialisés dans les droits humains, Vincent Warren, directeur exécutif du Centre pour les droits constitutionnels (Center for Constitutional Rights, CCR), et Katherine Franke, présidente du conseil d'administration du CCR et professeure à l'Université de Columbia. Des responsables israéliens ont accusé les organisations israéliennes de défense des droits humains de « calomnie » et de discréditer l'État ou l'armée, et, se basant sur une loi adoptée en 2016, leur ont imposé des contraintes onéreuses qui pèsent sur leur mission de plaidoyer. Les défenseurs des droits des Palestiniens ont reçu des menaces de mort anonymes, se sont vu imposer des restrictions de déplacement et ont même fait l'objet d'arrestations et d'accusations de crimes.

Human Rights Watch est une organisation non gouvernementale indépendante et internationale qui promeut le respect des droits humains et du droit international. Elle surveille les violations des droits dans plus de 90 pays à travers le monde, dont les 19 pays du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord. Basée à New York, Human Rights Watch a des bureaux dûment enregistrés dans 24 pays à travers le monde, dont le Liban, la Jordanie et la Tunisie. En 1997, le prix Nobel de la paix lui a été co-attribué en tant que membre fondateur de la Campagne internationale pour l'interdiction des mines antipersonnel.

Pour mener à bien sa mission, Human Rights Watch s'appuie sur des recherches rigoureuses menées par des chercheurs professionnels sur le terrain et sur un engagement régulier avec des responsables gouvernementaux, ainsi qu’avec d'autres sources d’informations de première main.

Human Rights Watch continue d’avoir un accès direct à la grande majorité des pays au sujet desquels elle fait rapport. Cuba, la Corée du Nord, le Soudan, l'Iran et le Venezuela figurent parmi les rares pays à avoir interdit de séjour les membres du personnel de Human Rights Watch. Human Rights Watch a eu pendant près de trois décennies un accès régulier et sans entraves en Israël et en Cisjordanie. Israël a toutefois refusé aux chercheurs et à d'autres représentants de Human Rights Watch le droit d’accéder à Gaza depuis 2008, à l’exception d'une visite en 2016.

Dans le cadre de son mandat, Human Rights Watch effectue des recherches et se livre à des activités de plaidoyer qui exposent et dénoncent les violations commises par tous les acteurs dans la région, y compris l’Autorité palestinienne et le Hamas. En 2017, outre la documentation des abus liés à l'occupation, Human Rights Watch a examiné la situation en Israël en matière de droits des femmes et a fait rapport sur la détention au secret de deux citoyens israéliens, Avera Mangistu et Hisham al-Sayed, par le Hamas, et a critiqué la loi extrêmement stricte sur la cybercriminalité de l'Autorité palestinienne, qui restreint la liberté d'expression.

« C'est la première fois depuis que Human Rights Watch a commencé à observer Israël et les Territoires occupés il y a 30 ans qu'Israël ordonne le départ du pays d'un membre de son personnel », a affirmé Iain Levine. « Mais ce n'est que la plus récente illustration de l'intolérance croissante dont Israël fait preuve vis-à-vis des personnes qui critiquent son bilan en matière de droits humains. »

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Dans les médias :

France Info / AFP    La Provence   i24News

Libération   Times of Israel    Paris Match   Oumma.com

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