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Ouganda : Première condamnation par la CPI d’un ex-chef de la LRA

Dominic Ongwen a été reconnu coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité

Dominic Ongwen, lors de son audience de confirmation des charges dans la salle d'audience I de la Cour pénale internationale à La Haye, le 21 janvier 2016. © 2016 ICC-CPI.

(La Haye) – La condamnation de Dominic Ongwen le 4 février 2021 est un important pas en avant vers la justice pour les nombreuses atrocités commises par la brutale Armée de résistance du Seigneur (LRA) dans le nord de l’Ouganda, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Le verdict de culpabilité rendu par la Cour pénale internationale (CPI) montre que les auteurs de violations des droits humains peuvent être tenus pour responsables de leurs actes, même plusieurs années après leurs crimes.

Dominic Ongwen est le premier dirigeant de la LRA à avoir été jugé par la CPI, et sa condamnation est la première dans le monde pour des crimes commis par ce groupe armé.

Les juges ont reconnu Ongwen coupable de 61 chefs d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, dont : attaques contre la population civile, meurtres, torture, persécution, mariage forcé, grossesse forcée, esclavage sexuel, réduction en esclavage, viol, pillage, destruction de biens, et conscription et utilisation d’enfants de moins de 15 ans pour les faire participer activement aux hostilités. Les juges n’ont trouvé aucune preuve qu’Ongwen aurait commis ses crimes sous la contrainte ou qu’il souffrait d’une maladie ou d’un trouble mental, éléments qui auraient pu remettre en cause sa responsabilité dans les faits qui lui étaient reprochés.

« La LRA a terrorisé la population du nord de l’Ouganda et des pays voisins pendant plus de deux décennies », a déclaré Elise Keppler, directrice adjointe du programme Justice internationale à Human Rights Watch. « Un dirigeant de la LRA a enfin été tenu pour responsable de ses actes à la CPI pour les terribles exactions subies par les victimes. Les potentiels auteurs de violations doivent comprendre qu’ils peuvent être rattrapés par la loi, y compris des années plus tard. »

Le 27 janvier, Human Rights Watch a publié un document questions-réponses et un article de fond sur le procès.

La LRA a été constituée en 1987 dans le nord de l’Ouganda, parmi les communautés de la région d’Acholi, qui ont subi de graves abus de la part des gouvernements ougandais successifs. Leur campagne militaire bénéficiait initialement d’un certain soutien de la population locale, mais il a diminué au début des années 1990 à mesure que la LRA se montrait de plus en plus violente vis-à-vis des civils.

Le groupe, dirigé par Joseph Kony, a enlevé et tué des milliers de civils et mutilé de nombreux autres, les amputant de leurs lèvres, leurs oreilles, leurs nez, leurs mains et leurs pieds.

La brutalité de la LRA contre les enfants a été particulièrement prononcée. Ongwen a été lui-même l’une de ces victimes, après avoir été enlevé par la LRA alors qu’il était âgé de 10 ans en 1990. La CPI n’a pas compétence sur les crimes commis par des mineurs, mais Ongwen a été jugé pour des crimes perpétrés à l’âge adulte. Son enlèvement à un si jeune âge et la brutalité qu’il a pu subir devraient être considérés comme des circonstances atténuantes lors de la détermination de sa peine, selon Human Rights Watch.

La LRA a enlevé plus de 30 000 garçons et filles, en faisant des enfants soldats, ou les soumettant au travail forcé et à l’esclavage sexuel. Ils ont été contraints de brutaliser ou de piétiner à mort d’autres enfants qui tentaient de s’échapper et on leur a répété à plusieurs reprises qu’ils seraient tués s’ils tentaient de fuir. Au début des années 2000, au moment où l’activité de la LRA était la plus nuisible, pas moins de 40 000 enfants, surnommés les « voyageurs de nuit », fuyaient chaque soir leurs foyers à la campagne pour dormir dans la relative sécurité des villes et éviter les enlèvements.

Ongwen est le seul dirigeant de la LRA, parmi les cinq qui ont été inculpés par la CPI, à se trouver en détention. Kony est toujours en fuite, et trois autres personnes inculpées sont déclarées ou présumées mortes.

Plus de 4 000 victimes ont été des « participants » au procès d’Ongwen, indépendamment du rôle joué par les témoins. Les premières décisions rendues dans l’affaire ont toutefois mis en évidence des lacunes pour donner aux victimes voix au chapitre s’agissant du choix de leur représentation juridique. La CPI a également sensibilisé la population locale à la tenue du procès, en invitant des membres des communautés touchées à suivre le procès à la CPI et en organisant dans le nord de l’Ouganda des projections audio et vidéo de certaines audiences.

La décision de la CPI d’ouvrir des poursuites contre Ongwen et d’autres dirigeants de la LRA en 2005 a coïncidé avec une reprise des pourparlers de paix entre le groupe rebelle et le gouvernement ougandais, même si l’accord de paix final n’a jamais été conclu car Kony ne s’est pas présenté pour le signer. Les campagnes militaires pour contrer la LRA l’ont poussée à traverser la frontière vers ce qui était alors le sud du Soudan – désormais le Soudan du Sud – et, en 2005 et 2006, vers la République démocratique du Congo. La LRA s’est ensuite livrée à des incursions en République centrafricaine.

À partir de 2010, le gouvernement américain a fourni une assistance et des conseillers militaires à l’appui des efforts régionaux visant à intercepter Kony et d’autres dirigeants de la LRA, mais en 2017, les États-Unis ont mis fin à ce programme.

Ces dernières années, la LRA s’est scindée en petites factions opérant dans toute l’Afrique centrale. Il semblerait que Kony et un groupe de ses combattants soient basés à Kafia Kingi, une zone contestée à la frontière entre le Soudan et le Soudan du Sud. L’organisation Invisible Children, qui surveille les mouvements des différentes factions issues de la scission de la LRA, a documenté la poursuite des enlèvements et des pillages.

Les gouvernements qui soutiennent la justice pour les victimes des atrocités de la LRA doivent revoir les moyens de garantir l’arrestation de Kony et d’établir ses responsabilités, a préconisé Human Rights Watch. L’ONU, l’Union africaine et la Communauté économique des États d’Afrique centrale devraient soutenir de tels efforts.

Les parties ont 30 jours pour faire appel du verdict rendu dans l’affaire Ongwen. La CPI organisera également des auditions sur la détermination des peines et les réparations possibles pour les victimes.

« Le procès et la condamnation d’Ongwen sont des développements majeurs, mais ils ne doivent pas occulter la nécessité de procéder à l’arrestation et au transfert à la CPI de Joseph Kony », a conclu Elise Keppler. « Les États devraient renouveler leur engagement à ce que Kony soit enfin présenté devant la CPI. »

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