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Élections en République centrafricaine : les défis à venir pour un pays dans la tourmente

Publié dans: Newsweek

Le 13 décembre, le peuple de République centrafricaine, un pays dans la tourmente, s’est rendu aux urnes pour se prononcer, dans le cadre d’un référendum, sur une nouvelle constitution. Comme tant d'autres qu’a connues ce pays déchiré par la guerre au cours des trois dernières années, cette journée a été émaillée de violences. Cinq personnes au moins ont été tuées et 34 autres blessées lors d'affrontements dans la capitale, Bangui, selon Reuters. Les autorités ont été contraintes de prolonger le scrutin pendant la journée suivante. Les électeurs ont soutenu les changements à la constitution, y compris l'imposition d'une limite de deux mandats pour les futurs présidents. Toutefois, cette violence n’augure rien de bon pour les élections présidentielles et législatives, longtemps retardées, et fixées au 27 décembre, et souligne les immenses défis qui guettent le prochain gouvernement.

La République centrafricaine a sombré dans le chaos fin 2012, lorsqu’une coalition de rebelles principalement musulmans, connue sous le nom de Séléka, a renversé le gouvernement du président de l’époque, François Bozizé. Quoique bref, le règne de la Séléka a été marqué par la violence et les violations généralisées des droits humains, suscitant, dès mi-2013, un soulèvement de de miliciens chrétiens et animistes, surnommés « anti-balaka ». Des milliers de personnes ont été tuées et des centaines de milliers d’autres déplacées tandis que les deux parties au conflit s’attaquaient mutuellement, tout en prenant aussi pour cible les civils.

Avec l’effondrement de l'État, et en l’absence d’un président, la communauté internationale s’est efforcée de réinstaurer au plus vite un semblant de gouvernance. Janvier 2014 a vu la formation d’un gouvernement de transition dirigé par l'ancienne maire de Bangui, Catherine Samba-Panza. En l’absence de police, d’armée et d’appareil judiciaire fonctionnels, des forces internationales chargées du maintien de la paix se sont vu confier la tâche d’assurer la sécurité et d’ouvrir la voie à la tenue d’élections. Un calendrier électoral a été défini, mais n’a pas pu être respecté à plusieurs reprises en raison de la violence, du manque de financement et de préparatifs insuffisants. Si aucun candidat présidentiel ne remporte une majorité absolue le 27 décembre, un second tour sera organisé le 31 janvier.

Les élections peuvent être encore interrompues. Le 14 décembre, Noureddine Adam, l'un des dirigeants les plus notoires de la Séléka, a proclamé l’autonomie d’une région située dans le nord-est du pays, un geste immédiatement dénoncé par le gouvernement de transition et par les Nations Unies.

Si les élections se déroulent comme prévu et qu’un nouveau gouvernement est formé, il devra relever  plusieurs importants défis :

1. Répondre à la violence: Le nouveau gouvernement héritera d'un pays profondément divisé où continue de sévir la violence sectaire. À Bangui,  de deptembre à novembre, plus de 100 personnes ont trouvé la mort dans de brutales représailles. Le nouveau gouvernement devra atténuer les tensions et protéger les civils de nouvelles attaques.

2. Mettre fin à l'impunité: L’usage de la force, et son cortège inévitable d’abus, a été la voie la plus rapide pour s’emparer du pouvoir en République centrafricaine. Pourtant, aucun des responsables de violations généralisées des droits de l'homme n'a jamais été poursuivi. Le nouveau gouvernement héritera d'un système judiciaire qui fonctionne à peine, même si un nouveau tribunal pénal spécial apportera un soutien. Formé de juges et de procureurs nationaux et internationaux, le tribunal a été créé par le gouvernement de transition pour juger des crimes graves internationaux commis depuis 2003. Il n’est pas encore opérationnel et, pour être couronné de succès, devra bénéficier d’une assistance technique et financière importante de la part des bailleurs de fonds internationaux. Mais il pourrait lancer un avertissement important aux saboteurs potentiels des élections, à savoir qu’ils peuvent être traduits en justice s’ils se livrent à des crimes. Pour garantir la reddition de comptes pour les crimes les plus graves, le nouveau gouvernement devra également coopérer étroitement avec la Cour pénale internationale, à qui le gouvernement de transition a demandé d’ouvrir une deuxième enquête en septembre 2014.

3. Désarmer les groupes rebelles et les milices: Pour rétablir le contrôle gouvernemental, le désarmement sera déterminant, de même que de nouvelles occupations pour les futurs ex-combattants. Le nouveau gouvernement devra largement compter sur les casques Casques  bleus de l'ONU et d'autres à cette fin, tout en réformant l'armée, la police et les autres forces de sécurité nationales. Imposé par le Conseil de sécurité des Nations Unies en décembre 2013, un embargo sur les armes est toujours en vigueur dans le pays. Tout réarmement de l'armée devra prendre en compte les graves violations des droits de l'homme que certains soldats et commandants ont pu commettre lors des violences de ces dernières années.

4. Faciliter le retour des réfugiés et des personnes déplacées: On estime à 456 000 le nombre de réfugiés, à majorité musulmane, qui se trouvent à l'extérieur du pays, tandis que 469 000 autres sont déplacés à l’intérieur du territoire, y compris près de 36 000 musulmans confinés dans des enclaves. Beaucoup de déplacés vivent dans des conditions épouvantables. Le nouveau gouvernement devra fournir une assistance aux personnes qui redoutent toujours de rentrer chez elles, tout en améliorant les conditions de sécurité pour qu’un tel retour puisse s’effectuer en toute sécurité.

5. S’assurer du soutien des bailleurs de fonds : Pour qu’un nouveau gouvernement réussisse, la communauté internationale devra lui témoigner un soutien important sur les plans financier et sécuritaire.  Maintenir l’engagement des donateurs potentiels dans un monde secoué de crises multiples exigera des compétences diplomatiques considérables et des assurances que des progrès sont possibles. L'ONU a accepté de maintenir une présence non négligeable en 2016, mais la France a déjà réduit sa force de maintien de la paix. Les principaux bailleurs de fonds, comme l'Union européenne et les États-Unis, fournissent une aide financière, mais maintenir, voire augmenter, cette aide sera nécessaire pour le nouveau gouvernement, sur le point d'hériter d'une économie en berne.

Ce qui changera vraiment le cours des événements en République centrafricaine, c’est un gouvernement qui protège les droits de tous les citoyens du pays. Le Pape François l’a clairement dit lors de sa visite officielle en RCA le mois dernier: le temps de la haine, des représailles et de la vengeance est révolu.

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