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Sénégal : Obama soutient le tribunal en charge du dossier Hissène Habré

Le président américain a aussi promis un soutien matériel des Etats-Unis pour le tribunal

(Dakar, le 27 juin 2013) – Le soutien apporté par le président Barack Obama aux efforts déployés par le Sénégal pour que l’ancien dictateur du Tchad Hissène Habré puisse rendre des comptes illustre l’importance de cette affaire pour la justice en Afrique, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

D’après deux sources présentes lors de la rencontre le 27 janvier à Dakar entre les présidents Obama et Macky Sall,  Obama a félicité le Sénégal pour la mise en place des  Chambres africaines extraordinaires, inaugurées en février 2013 pour juger les crimes les plus graves du régime Habré. Obama a aussi promis un soutien matériel des Etats-Unis pour le tribunal.

« Le Sénégal mérite d’être félicité pour avoir ouvert aux victimes de Hissène Habré, qui souffrent depuis trop longtemps, une voie vers la justice », a déclaré Reed Brody, conseiller juridique de Human Rights Watch qui travaille avec les victimes de Hissène Habré depuis 1999. « Le procès de Hissène Habré, s’il est juste et équitable, pourrait marquer un tournant pour la justice en Afrique. »

Habré est accusé de milliers d’assassinats politiques et de l’usage systématique de la torture pendant son régime, de 1982 à 1990, lorsqu’il a été renversé par l’actuel président Idriss Déby Itno et a fui au Sénégal. Il y vit en exil depuis alors que ses victimes mènent depuis 22 ans une longue campagne pour le traduire en justice. Malgré son inculpation par un juge sénégalais en 2000, l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade a trouvé un prétexte après l’autre pour éviter que Habré rende des comptes, transformant l’épopée des victimes en ce que l’archevêque Desmond Tutu, Prix Nobel de la Paix, a qualifié d’ « interminable feuilleton politico-judiciaire ».

L’administration Obama a soutenu la campagne des victimes pour traduire Habré en justice. En septembre 2011, la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton a écrit au président de l’époque, Abdoulaye Wade, recommandant la tenue rapide d’un procès. Dans un rapport au Congrès américain rendu public en juin 2012, la Secrétaire d’Etat Clinton a déclaré qu’après vingt ans, « les victimes méritent justice et de pouvoir faire valoir leur cause devant un tribunal » et a exhorté le Sénégal à prendre des « mesures concrètes » afin de poursuivre Habré. Ce rapport faisait suite à la  demande en décembre 2011 du Congrès de préparer un rapport sur « les dispositions prises par le gouvernement sénégalais en faveur de la traduction de Hissène Habré en justice ».  

Après l’élection de Macky Sall à la présidence du Sénégal en avril 2012 et la décision de la Cour internationale de Justice du 20 juillet 2012, ordonnant au Sénégal de poursuivre Habré en justice « sans autre délai » ou d’extrader l’ancien dictateur, le Sénégal a réagi rapidement pour parvenir à un accord avec l’Union africaine sur la création d’un tribunal spécial inauguré le 8 février 2013 et composé de juges sénégalais et de juges ressortissants d’autres Etats africains. Le Procureur général des Chambres s’est rendu au Tchad du 8 au 16 juin 2013 et est supposé saisir les juges d’instruction pour les poursuites contre Hissène Habré sous peu.

« En un peu plus d’un an, le gouvernement de Macky Sall a fait plus pour récompenser la persévérance et la ténacité des victimes de Habré que ne l’a fait le gouvernement sénégalais en l’espace de deux décennies », a déclaré Reed Brody.

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Contexte
Le régime à parti unique de Habré a été marqué par des atrocités commises à grande échelle, y compris des vagues d’épuration ethnique. Des documents de la DDS, la police politique de Habré, récupérés par Human Rights Watch en 2001, ont révélé les noms de 1208 personnes exécutées ou décédées en détention, et de 12 321 victimes de violations des droits de l’homme.

Habré a été inculpé une première fois au Sénégal en 2000 mais les tribunaux sénégalais ont statué qu’il ne pouvait pas y être jugé et ses victimes ont alors déposé une plainte en Belgique. En septembre 2005, après quatre années d’enquête, un juge belge a inculpé Habré et la Belgique a demandé son extradition.

Après le refus du Sénégal d’extrader Habré vers la Belgique et trois années de négociations pointilleuses au sujet d’une demande de l’Union africaine de juger Habré au Sénégal, la Belgique a porté plainte contre le Sénégal devant la Cour internationale de Justice qui a ordonné au Sénégal, le 20 juillet 2012, de poursuivre Habré « sans autre délai » à défaut de l’extrader.

Après l’élection de Macky Sall à la présidence du Sénégal en avril 2012, le Sénégal et l’Union africaine se sont mis d’accord sur le projet de création des Chambres africaines extraordinaires en vue de mener le procès au sein du système juridique sénégalais. Les chambres sont habilitées à « poursuivre et juger le ou les principaux responsables des crimes et violations du droit international » commis sur le territoire tchadien durant la période allant du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990.

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