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Soudan : Les civils en butte aux attaques dans la lutte confuse pour le Darfour

L’ONU devrait imposer des sanctions si Khartoum poursuit ses attaques et sa politique d’obstruction

(New York) - Alors que les Nations Unies et l'Union africaine se préparent à déployer au Darfour la plus vaste mission de maintien de la paix jamais mise sur pied dans le monde, les forces gouvernementales soudanaises, les milices « janjawids » alliées, les rebelles et ex-rebelles ont le champ libre pour attaquer les civils et les travailleurs humanitaires, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd'hui.

La situation au Darfour qui, au départ, était un conflit armé entre des rebelles et le gouvernement s'est muée en une lutte violente et confuse pour le pouvoir et les ressources, mettant aujourd'hui en présence forces gouvernementales, milices janjawids, rebelles, ex-rebelles, et bandits. Cette situation complexe ne devrait toutefois pas faire oublier la responsabilité de Khartoum dans les attaques aériennes et terrestres menées aveuglément, sa complicité dans les attaques perpétrées par les Janjawids contre les civils, le fait qu'il ne réclame pas de comptes aux violateurs des droits humains, et son refus de mettre sur pied une force de maintien de l'ordre capable de protéger les civils.

« La nouvelle mission de maintien de la paix au Darfour aura besoin de moyens et d'un soutien politique pour protéger les civils », a déclaré Peter Takirambudde, directeur à la division Afrique de Human Rights Watch. « Des sanctions ciblées devraient être imposées à l'encontre du Soudan s'il entrave les opérations de paix et autorise les attaques contre les civils ».

Le rapport de 76 pages, intitulé « Darfur 2007: Chaos by Design - Peacekeeping Challenges for AMIS and UNAMID » (Darfour 2007 : Un chaos délibéré - Les défis de l'AMIS et de l'UNAMID pour maintenir la paix), décrit la situation actuelle des droits humains au Darfour. Des études de cas réalisées récemment sur tout le territoire du Darfour illustrent comment la prolifération des acteurs armés et l'incapacité du gouvernement à renforcer l'autorité de la loi - en particulier de la police -contribuent aux exactions.

Après avoir été déplacés de chez eux, les civils se retrouvent bloqués dans des camps pour personnes déplacées à l'intérieur du pays. S'ils se hasardent à en sortir pour mener une activité agricole, ramasser du bois à brûler ou rentrer chez eux, ils risquent d'être battus, violés, dévalisés ou tués - généralement par les Janjawids et les ex-rebelles. Les étrangers qui occupent aujourd'hui leurs terres paralysent toute perspective de paix durable et de retour des déplacés. Des combats entre tribus arabes ont causé des centaines de morts supplémentaires et déplacé des milliers de personnes.

Le rapport décrit les moyens cruciaux que doivent employer la nouvelle mission de maintien de la paix, la Mission conjointe des Nations Unies et de l'Union africaine au Darfour (UNAMID) et la communauté internationale pour procurer une meilleure protection aux civils et remédier aux lacunes qui ont entravé la mission actuelle de l'Union africaine, l'AMIS (Mission de l'Union africaine au Soudan).

Human Rights Watch a appelé les Nations Unies et l'Union africaine à déployer l'UNAMID sur une grande échelle et de façon stratégique et à lui octroyer une grande capacité de réaction rapide. L'UNAMID devra effectuer des patrouilles régulières de jour comme de nuit (notamment le jour au moment du marché et du ramassage du bois), employer des unités de maintien de l'ordre bien entraînées et bien équipées, et compter en son sein des inspecteurs des droits humains qui pourront rendre compte publiquement de leurs conclusions (dont des experts spécialisés dans la violence sexuelle et basée sur le genre ainsi que dans les droits des enfants).

Le plein déploiement de l'UNAMID pourrait prendre de nombreux mois. Dans l'intervalle, le soutien promis par la communauté internationale à l'AMIS doit être fourni. Les forces de maintien de la paix au Darfour doivent reprendre immédiatement leurs activités de protection, notamment les patrouilles lors du ramassage du bois. Ces patrouilles peuvent contribuer à décourager les exactions mais en de nombreux endroits, elles sont suspendues depuis plus d'un an.

Human Rights Watch a appelé le Conseil de Sécurité de l'ONU, l'Union africaine et l'ensemble de la communauté internationale à imposer des sanctions ciblées à l'encontre du gouvernement soudanais et d'autres parties au conflit s'ils se mettent en défaut de respecter certaines conditions essentielles pour une amélioration de la situation des droits humains au Darfour.

En l'occurrence, toutes les parties au conflit devraient mettre fin aux attaques perpétrées contre les civils. Le gouvernement soudanais devrait s'abstenir d'utiliser illégalement les couleurs ou les emblèmes de l'ONU et de l'AMIS sur ses avions. Il devrait également cesser de soutenir les milices janjawids qui commettent des violences et mettre en place des programmes en vue de les désarmer.

Khartoum devrait faciliter le déploiement rapide de l'AMIS et de l'UNAMID et toutes les parties au conflit devraient faire en sorte que les forces de maintien de la paix puissent mener à bien leur mandat sans encombre. Le gouvernement, les milices, les rebelles et ex-rebelles devraient permettre un meilleur accès à l'aide humanitaire et Khartoum devrait mettre un terme à sa politique de consolidation du nettoyage ethnique par l'occupation et l'utilisation des terres.

Enfin, les autorités soudanaises devraient mettre fin à l'impunité en coopérant pleinement avec la Cour pénale internationale (CPI), notamment en exécutant les mandats d'arrêt. Elles devraient promouvoir la responsabilisation des criminels en entreprenant des réformes juridiques et d'autres mesures visant à renforcer le système judiciaire du pays.

Début septembre, le gouvernement soudanais a pourtant eu l'impudence de nommer une personne soupçonnée de crimes de guerre internationaux à la co-présidence d'un comité chargé d'entendre les plaintes liées aux violations des droits humains au Darfour. Ahmed Haroun, qui est également secrétaire d'État aux affaires humanitaires, est l'un des deux hommes faisant l'objet d'un mandat d'arrêt émis par la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

« Partout au Darfour, les gens qui vivent dans les camps nous ont confié leur sentiment qu'ils ne pouvaient rentrer chez eux en toute sécurité », a ajouté Takirambudde.

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