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États-Unis

Événements de 2024

Plusieurs femmes et d’autres partisans de la vice-présidente Kamala Harris, candidate démocrate à la présidence, l'écoutaient reconnaître sa défaite à l'élection présidentielle américaine, à l'université Howard, le 6 novembre 2024, à Washington.

© 2024 Brandon Bell/Getty Images

La justice raciale est restée une préoccupation majeure en matière de droits humains aux États-Unis en 2024. Bien qu’ils aient ratifié la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale il y a près de 60 ans, les États-Unis n’ont pas suffisamment mis en œuvre ses dispositions. Les séquelles évidentes de l’esclavage, des massacres et de la dépossession des peuples autochtones restent largement ignorées.

Parmi les problèmes cruciaux de droits humains en 2024 dans ce pays figurent les politiques abusives à la frontière et le déni des droits des migrants et des demandeurs d’asile, la multiplications de contraintes parfois fatales sur les droits reproductifs, de nouvelles menaces pour les droits des LGBT et des restrictions du droit de vote, des abus prenant souvent pour cible ou lésant davantage les communautés de couleur.

Donald Trump a été réélu président des États-Unis en novembre. Le bilan de son précédent mandat et ses promesses de campagne explicites ont suscité de graves inquiétudes quant aux menaces que son second mandat fera peser sur un large éventail de droits humains et sur les institutions démocratiques chargées de les protéger.

Racisme structurel et autres types de discrimination

En juin, la Cour suprême de l’Oklahoma a rejeté une plainte déposée par les deux derniers survivants du massacre raciste de Tulsa en 1921. Qualifiant cette décision d’erreur judiciaire, ils ont demandé l’ouverture d’une enquête fédérale.

Bien que les efforts visant à créer une commission fédérale d’étude des réparations n’aient pas progressé en 2024, les législatures de plusieurs États ont proposé des mesures pour remédier aux injustices historiques qui témoignent des séquelles de l’esclavage pour les communautés afro-américaines.

En juin, un juge fédéral à Oklahoma City a invalidé une partie d’une loi locale qui censure l’enseignement de certains sujets liés au genre et à la race, une lueur d’espoir dans une année marquée par une vague d’efforts visant à empêcher l’enseignement de l’histoire des Noirs dans plusieurs États.

Les étudiants, les parents et les enseignants continuent de s’opposer aux lois qui affaiblissent la démocratie en restreignant les discussions en classe sur les notions de race, d’histoire, d’orientation sexuelle et d’identité de genre, et en interdisant les livres d’auteurs abordant ces questions. Human Rights Watch et ses partenaires ont documenté les effets préjudiciables de ces lois et demandé au gouvernement fédéral d’intervenir pour mettre fin à la censure et à la discrimination à l’école.

Le mois d’avril a marqué le dixième anniversaire de la crise de l’eau à Flint, une catastrophe provoquée par des décisions de l’État du Michigan, qui ont provoqué une hausse spectaculaire des niveaux de plomb dans l’approvisionnement en eau de cet État, contribuant à des dommages généralisés et permanents, en particulier chez les enfants de communautés à peau noire ou brune. Les conduites d’eau de Flint restent contaminées et aucune date-butoir pour leur réhabilitation définitive n’a été fixée.

Dans le Nevada, les organisations autochtones et leurs partenaires ont continué à se mobiliser pour arrêter la construction d’une mine de lithium à Thacker Pass (Peehee Mu’huh). Selon elles, la mine a été forée sur des terres qui revêtent une valeur religieuse et culturelle importante, puisqu’une unité de l’armée américaine y a massacré leurs ancêtres en 1865, et son exploitation portera préjudice à la flore, à la faune et à l’approvisionnement en eau de la région.

En Louisiane, la région connue sous le nom de « Cancer Alley », autrefois dominée par des plantations où travaillaient des esclaves, abrite environ 200 usines de combustibles fossiles et pétrochimiques, soit la plus grande concentration de l’hémisphère occidental.

Ces installations sont la plus grande source d’émissions stationnaires de gaz à effet de serre en Louisiane et rejettent des polluants toxiques mortels, qui nuisent de manière disproportionnée à la santé des résidents noirs, dont beaucoup sont les descendants de ces mêmes communautés d’esclaves. Les personnes vivant dans certaines parties de Cancer Alley ont le risque le plus élevé de cancer dû à la pollution atmosphérique industrielle aux États-Unis, plus de sept fois supérieur à la moyenne nationale. De nouvelles études ont révélé les conséquences de la pollution atmosphérique sur la santé maternelle, reproductive et néonatale, avec des poids insuffisants à la naissance et des naissances prématurées jusqu’à trois fois supérieurs à la moyenne nationale.

En avril 2024, l’Agence de protection de l’environnement a annoncé des réglementations industrielles à l’échelle nationale qui contraindront des centaines de compagnies produisant des combustibles fossiles et des produits pétrochimiques à travers le pays, dont 26 à Cancer Alley, à réduire leurs polluants toxiques et leurs activités de torchage, et à accroître la surveillance de l’air dans les communautés environnantes, notamment en réduisant les émissions des produits chimiques les plus toxiques jusqu’à 80 %. Le gouvernement a également annoncé plus de 150 millions de dollars pour soutenir la transition de la Louisiane vers les énergies renouvelables.

Système judiciaire pénal

Les États-Unis ont l’un des taux d’incarcération les plus élevés au monde, avec environ deux millions de personnes détenues dans des prisons, des pénitenciers et des centres de rétention administrative et des millions d’autres en liberté conditionnelle ou probatoire. De nombreux enfants continuent d’être poursuivis en justice comme des adultes dans les 50 États américains et les États-Unis restent le seul pays au monde à condamner à la peine capitale les mineurs délinquants en prison. Les disparités raciales persistent à chaque étape du système pénal, notamment lors des contrôles de police, des fouilles, des arrestations, des inculpations et des condamnations.

Les États-Unis ont appliqué cette année la peine de mort dans huit États, portant le nombre total d’exécutions à 1605 depuis 1976, un bilan sinistre. L’Alabama a procédé à deux exécutions à l’aide d’azote gazeux, une méthode non testée et inhumaine.

Les taux de criminalité violente, qui avaient reculé en 2023, ont continué de baisser en 2024, mais la désinformation et les récits trompeurs se sont poursuivis, alimentant les appels à l’annulation des réformes et à de nouvelles restrictions à la remise en liberté provisoire. Ces derniers se sont traduits par l’adoption d’une loi dans l’État de Géorgie qui interdit aux organisations à but non lucratif et caritatives de déposer plus de trois cautions en espèces par an ; lesquelles permettent aux personnes accusées d’être remises en liberté à moins qu’elles soient effectivement reconnues coupables d’un crime.

Dans sa décision Grants Pass v. Johnson, la Cour suprêmeautorisé les localités à verbaliser, arrêter et même emprisonner les sans-abri qui dorment dans des espaces publics, notamment à Los Angeles, où ils représentent environ 1 % de la population, mais 38 % de toutes les arrestations et amendes par la police.

En novembre, la police avait tué 1 225 personnes dans tout le pays, dépassant le nombre documenté de 2023.

Immigrants et demandeurs d’asile

Le mois d’août a marqué la trentième année de l’utilisation des tactiques dites de « prévention par la dissuasion », qui orientent les immigrants loin des points de passage établis à la frontière entre les États-Unis et le Mexique vers des zones plus reculées, augmentant ainsi le nombre de décès et de disparitions.

En juin, le président Joe Biden a suspendu le droit de déposer une demande d’asile pour les immigrants entrés sans autorisation à la frontière sud-ouest ; qui ne pouvait être rétabli qu’à condition de remplir certaines conditions. En septembre, il a renforcé celles-ci avant que la suspension ne puisse être levée. Le ministère de la Sécurité intérieure a également publié une règlementation établissant que les demandeurs d’asile qui traversent la frontière sans autorisation « ne seront généralement pas éligibles à l’asile, sauf circonstances exceptionnellement impérieuses ». Ces mesures violent les obligations des États-Unis en vertu du droit international des droits humains et des réfugiés.

En 2023, l’administration a introduit une règlementation qui contraint les demandeurs d’asile à utiliser l’application gouvernementale CBP One, en limitant l’accès à l’asile pour les personnes qui traversent la frontière entre les ports d’entrée ou qui ne demandent pas l’asile dans un pays de transit. Bien que 765 000 personnes, de janvier 2023 à juillet 2024, aient pu prendre rendez-vous à l’aide de l’application, beaucoup n’y ont pas eu accès et d’autres ont signalé des difficultés d’utilisation. Les demandeurs concernés ont attendu des mois au Mexique, une situation qui les a exposées à des abus et à des violences.

L’opération Lone Star au Texas, un programme qui prétend faire respecter les lois fédérales sur l’immigration, a donné lieu à des blessures et à des décès, des discriminations raciales, des conditions de détention abusives et à un effet dissuasif sur les libertés d’association et d’expression. Des membres de la Garde nationale du Texas ont tiré des projectiles de gaz lacrymogène sur des migrants, dont des enfants.

Démocratie et droit de vote

En mai, la Cour suprême a rendu une décision autorisant la discrimination raciale dans l’élaboration ou la révision des cartes électorales, rejetant les voix des électeurs noirs qui contestaient ce découpage. En juin, dans l’affaire Trump v. United States, les juges ont statué que l’ancien président Donald Trump ne pouvait être inculpé pénalement pour au moins certaines de ses actions visant à renverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020. Cette dernière opinion a élargi l’immunité présidentielle aux « actes officiels » pendant l’exercice de ses fonctions, une décision aux conséquences potentiellement dévastatrices pour la démocratie et les droits humains si elle est interprétée comme donnant aux présidents une protection absolue contre les poursuites pour tentatives illégales de renverser les résultats électoraux, violations graves des droits humains ou mauvaise conduite tout aussi flagrante.

Les États-Unis continuent de refuser le droit de vote à de nombreuses personnes en raison de leur passage par le système judiciaire pénal, alors que la plupart des pays du monde ne refusent jamais ou rarement le droit de vote en raison d’une condamnation. En avril, le Nebraska a adopté une réforme qui rétablirait le droit de vote pour au moins 7 000 personnes condamnées pour crime. Cette loi, qui devait entrer en vigueur en juillet 2024, fait actuellement l’objet de contestations en justice.

Plus d’un million de citoyens américains, dont beaucoup sont atteints d’un handicap, ont des droits politiques restreints en raison de leur tutelle. Au moins sept États interdisent aux personnes sous tutelle de voter, en invoquant des lois obsolètes, parfois dénigrantes. Bien qu’elles soient en conflit avec l’Americans With Disabilities Act et d’autres lois fédérales, ces textes ne sont toujours pas contestés devant les tribunaux.

Droits en matière de santé sexuelle et reproductive

La décision de la Cour suprême de 2022 supprimant le droit constitutionnel à l’avortement continue d’avoir des conséquences profondes et souvent dévastatrices sur la santé et la vie.

Au moment de la rédaction de ce chapitre, 13 États avaient interdit l’avortement et d’autres en avaient sévèrement restreint l’accès. Les personnes qui ont besoin de services de santé liés à la grossesse, notamment en cas de fausses couches ou de complications obstétricales, ont été confrontées à des retards et à des refus de soins qui mettent leurs vies en danger. Les lois obligeant les parents à prendre part à l'avortement ont continué de porter préjudice aux mineures.

Les disparités marquées entre États ont entraîné une multiplication des déplacements difficiles et coûteux pour obtenir des soins ailleurs.

Les interdictions et restrictions à l’avortement ont porté préjudice de manière disproportionnée aux Noirs, aux autochtones et aux autres minorités ethniques.

Certains États ont pris des mesures pour protéger et élargir l’accès à l’avortement. Les électeurs de sept États ont approuvé des mesures de vote créant des protections pour l’accès à l’avortement. New York a rejoint plusieurs autres États en autorisant la couverture Medicaid pour les soins dispensés par des doulas.

Les disparités raciales dans l’accès aux soins de santé continuent d’avoir un impact sur les femmes de couleur, et en particulier sur les Noires du Sud, confrontées à un risque disproportionné de mourir d’un cancer du col de l’utérus, une maladie hautement évitable et traitable.

Les inégalités en matière de santé maternelle demeurent un problème grave. Les taux de mortalité maternelle en 2022 étaient significativement plus élevés chez les Noires (49,5 pour 100 000) que chez les femmes blanches (19 pour 100 000). Les taux de naissances prématurées sont également restés plus élevés chez les Afro-Américaines que chez les autres femmes. Le pourcentage de personnes ayant accès aux soins prénataux au cours du premier trimestre de la grossesse a diminué.

Travail des enfants

Des enfants continuent d’être blessés et tués alors qu’ils travaillent dans des conditions dangereuses et abusives dans les sites de transformation de la viande, les usines et d’autres lieux. Le ministère du Travail a signalé une augmentation de 88 % des violations liées au travail des enfants depuis 2019. En novembre, huit États avaient adopté une législation en 2024 affaiblissant les protections contre le travail des enfants. Le Congrès et l’administration Biden n’ont pas réussi à adopter de législation ou à mettre à jour les réglementations pour protéger les enfants travaillant dans l’agriculture, le secteur professionnel le plus meurtrier pour les mineurs.

Droits des personnes LGBT

Dans les États, de nombreux législateurs continuent de s’en prendre aux droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT). Moins de la moitié des États américains disposent de protections statutaires interdisant la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Les États-Unis n’ont pas réussi à promulguer une législation fédérale complète qui protège expressément les personnes LGBT de la discrimination dans des domaines tels que l’éducation, le logement, les lieux publics et les programmes financés par le gouvernement fédéral.

Les droits des personnes transgenres, en particulier des adolescents, ont continué d’être un paratonnerre politique aux États-Unis en 2024 au détriment de leur santé et de leur bien-être. En septembre 2024, 26 États interdisaient au moins certains soins médicaux communément admis pour les personnes transgenres de moins de 18 ans, et six criminalisaient ces soins en tant qu’infraction pénale. Vingt-six États interdisaient aux mineurs transgenres de participer à des sports compatibles avec leur identité de genre et 11 les discussions sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre dans les écoles, tandis que huit États exigeaient que les personnels scolaires divulguent l’identité de genre des élèves à leurs parents. Treize États interdisaient aux personnes transgenres d’utiliser les toilettes compatibles avec leur identité de genre dans les écoles, certaines de ces interdictions englobant également d’autres lieux publics.

Droits des personnes âgées

En avril, les Centers for Medicare & Medicaid Services ont publié des normes minimales de dotation en personnels pour les maisons de retraite. Des recherches menées par l’Université de Pennsylvanie ont montré que leur mise en œuvre pourrait sauver des milliers de vies chaque année. L’American Health Care Association, d’autres prestataires de maisons de retraite et 20 États ont intenté des poursuites pour bloquer la mise en œuvre.

Technologie et droits

Les États-Unis n’ont pas de loi fédérale sur la protection des donnéesexposant les données personnelles aux abus du gouvernement et des acteurs privés.

Les agences fédérales envisagent de réglementer l’intelligence artificielle et la protection des données, notamment son utilisation à des fins de sécurité nationale. Des lois et réglementations contraignantes sont nécessaires et leur élaboration, indépendamment des entreprises privées, devrait bénéficier des contributions de la société civile et du public.

Les agences fédérales ont pris de nouvelles mesures contre les entreprises de surveillance impliquées dans des pratiques abusives. Le département du Commerce a annoncé puis mis fin à des sanctions contre la société canadienne de logiciels de surveillance Sandvine. Celui du Trésor a émis des sanctions ciblées contre Intellexa, une société grecque qui développe le logiciel espion Predator, qui a été utilisé à mauvais escient dans le monde entier contre les journalistes, les défenseurs des droits humains et les politiciens de l’opposition.

Le département de la Sécurité intérieure s’est fourni auprès de la compagnie israélienne de logiciels espions Paragon Solutions pour équiper les services de l’immigration et des douanes. L’administration Biden a ensuite interrompu cette opération pour évaluer sa légalité au regard du décret exécutif de 2023 interdisant l’utilisation de logiciels espions.

Développements importants en matière de politique étrangère américaine

L’administration Biden n’a pas systématiquement inclus les considérations relatives aux droits humains dans sa politique étrangère. Elle a fourni une aide militaire à des gouvernements qui violaient le droit international comme l’Égypte et Israël, vendu des armes à des gouvernements autocratiques comme l’Arabie saoudite et transféré à l’Ukraine des armes à sous-munitions et des mines terrestres antipersonnel qui tuent aveuglément. Le président Biden a accueilli des chefs d’État du Kenya et des Émirats arabes unis, sans condamner publiquement les violations des droits de ces gouvernements, se montrant réticent à user de son influence auprès d’alliés comme le Rwanda et l’Éthiopie pour mettre un terme aux abus auxquels leurs gouvernements se livrent.

Cependant, les sanctions américaines contre un ancien président haïtien, des responsables ougandais, des dirigeants des Forces de soutien rapide qui commettent des crimes au Soudan et des colons israéliens violents en Cisjordanie ont été importantes pour établir les responsabilités et dissuader de nouveaux abus. Les États-Unis ont réussi à obtenir la libération de prisonniers politiques au Nicaragua et au Vietnam, déployé un envoyé spécial au Soudancontribué à empêcher l’annulation des élections de 2023 au Guatemala et pris le leadership de la création d’une mission de protection des civils en Haïti.