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Burundi

Événements de 2020

Une femme se rend à l’isoloir pour voter lors de l’élection présidentielle du Burundi, à Giheta, dans la province de Gitega, le 20 mai 2020.

© 2020 Berthier Mugiraneza/AP Photo

L’ancien président Pierre Nkurunziza, dont les mandats ont été marqués par de nombreux abus, est décédé au mois de juin, quelques jours après l’arrivée au pouvoir au Burundi d’Évariste Ndayishimiye suite à l’élection présidentielle de mai 2020. Cependant, la gravité de la situation des droits humains dans le pays est restée largement inchangée.

Les élections présidentielle, législatives et communales du mois de mai et les élections sénatoriales et collinaires du mois de juillet se sont déroulées dans un climat hautement répressif, entaché d’allégations d’irrégularités. Le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), qui est aux commandes du pays, a maintenu son monopole sur le pouvoir, et plusieurs groupes de la société civile faisaient état d’une recrudescence des assassinats et arrestations arbitraires après les élections. Une commission d’enquête mandatée par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a documenté en septembre la persistance de violations graves des droits humains, qui dans certains cas pourraient constituer des crimes contre l’humanité, en 2019 et en 2020.

Les Burundais ont voté en pleine pandémie de Covid-19, que le gouvernement a initialement minimisée, notamment en occultant le véritable nombre de morts dans le pays.

La société civile et les médias indépendants n’étaient pas en mesure de fonctionner librement, et plusieurs défenseurs des droits humains ainsi que des journalistes sont restés emprisonnés malgré les appels de la communauté internationale réclamant leur libération.

Abus liés au processus électoral et incidents sécuritaires

Les élections de 2020 se sont déroulées en l’absence de toute mission d’observation internationale et, le jour du scrutin au mois de mai, les autorités ont bloqué l’accès aux réseaux sociaux et aux applications de messagerie dans tout le pays pour limiter la diffusion et le partage d’informations indépendantes. Pendant toute la période préélectorale, des membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, des responsables de l’administration et des membres des forces de sécurité de l’État se sont rendus responsables d’abus généralisés, dans une impunité quasi-totale. Les meurtres, les disparitions forcées, les arrestations arbitraires, les passages à tabac, l’extorsion et l’intimidation, notamment à l’encontre des personnes perçues comme étant opposées au parti au pouvoir, ont persisté. Les élections ont été en partie financées par des « contributions » prélevées de force auprès de la population entre 2017 et 2019.

Depuis les élections, Human Rights Watch a reçu des informations crédibles faisant état de meurtres, de disparitions, d’arrestations arbitraires, de menaces et de passages à tabac de membres réels ou supposés de l’opposition, notamment dans les zones rurales. Les médias locaux ont également fait état d’arrestations de membres de l’opposition accusés d’avoir menacé la sécurité de l’État.

Peu d’informations ont été publiées sur plusieurs incidents majeurs liés à la sécurité, survenus au cours de l’année 2020. En février, des accrochages entre les forces de sécurité et des « criminels » présumés ont été signalés dans la province de Bujumbura Rural, à l’ouest du pays, alors que des photos et des vidéos circulaient en ligne, montrant des personnes détenues et des cadavres entourés par des policiers et des habitants. Après les élections, des attaques perpétrées par des hommes armés non identifiés dans les provinces limitrophes du Rwanda et de la République démocratique du Congo, qui ont fait de nombreuses victimes civiles, ont été signalées par plusieurs groupes de la société civile et par les médias au niveau local. Les autorités n’ont pas donné d’informations sur ces incidents.

Des informations faisant état d’arrestations de dizaines de demandeurs d’asile et de réfugiés banyamulenge, parlant kinyarwanda et venant de l’est de la RD Congo, semblent s’être multipliées après que le porte-parole du ministère burundais de l’Intérieur et de la Sécurité publique a demandé à la population, en octobre, d’informer les autorités de la présence sur le territoire burundais de toute personne parlant le kinyarwanda.

Société civile et médias

La condamnation le 30 janvier, après un procès entaché d’irrégularités, de quatre journalistes du journal Iwacu arrêtés alors qu’ils allaient faire un reportage sur des combats entre les forces de sécurité et le groupe rebelle RED-Tabara en octobre 2019, a souligné les dangers inhérents aux enquêtes sur les incidents sécuritaires. La condamnation des quatre journalistes a été confirmée en appel en juin.

En février, le procès de plusieurs défenseurs des droits humains et journalistes en exil s’est ouvert en leur absence, en l’absence de leur avocat.

Les médias ont été sévèrement entravés dans leur couverture des élections. La loi sur la presse amendée en 2018 et un nouveau Code de conduite pour les médias et les journalistes en période électorale exigent des journalistes qu’ils diffusent des informations « équilibrées » sous peine de poursuites pénales, et les empêchent de publier des informations sur le résultat des élections autres que celles annoncées par la Commission électorale nationale.

La confirmation par la Cour d’appel de la condamnation à 32 ans de prison du militant des droits humains Germain Rukuki, membre de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), a été cassée par la Cour suprême en juin. Germain Rukuki avait été condamné en avril 2018 sur la base de fausses accusations liées à la sécurité de l’État. Nestor Nibitanga, un observateur de l’Association pour la Protection des Droits de l’homme et des Personnes Détenues (APRODH), a été condamné à cinq ans de prison pour « menace à la sécurité de l’État » en août 2018.

Le gouvernement a continué à exercer des pressions sur les agences des Nations unies et les organisations non gouvernementales internationales au Burundi pour contrôler leur travail et leur capacité à partager des informations sur la situation humanitaire dans le pays. Les autorités ont adopté plusieurs décrets créant des comités de recrutement et d’autres mécanismes pour imposer des quotas ethniques dans le recrutement du personnel local par les ONG étrangères et assurer une surveillance accrue de leur travail par le gouvernement.

Situation humanitaire et Covid-19

La situation humanitaire au Burundi, l’un des pays les plus pauvres du monde, était désastreuse, avec environ 1,7 million de personnes en situation d’insécurité alimentaire selon le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA).

En août, le ministre des Affaires étrangères a écrit au Coordinateur résident des Nations unies, lui demandant de partager une note verbale avec toutes les agences des Nations unies et les ONG internationales présentes au Burundi visant à limiter le type de données susceptibles d’être collectées dans le pays. Le ministre leur a demandé de donner une « image positive, réelle et évolutive » du pays ; faute de quoi, seule la collecte de données agréées serait autorisée.

La réponse du gouvernement à la pandémie de Covid-19 a été marquée par la répression et la désinformation. Des responsables gouvernementaux de haut niveau, notamment Nkurunziza et Ndayishimiye, ont minimisé la menace du virus. Le gouvernement de Nkurunziza a refusé de suivre les directives de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour lutter contre la propagation du virus, affirmant que le Burundi était protégé par Dieu, et a déclaré le 12 mai le directeur de pays de l’OMS et trois de ses experts persona non grata. Les professionnels et experts de santé ont déclaré à Human Rights Watch qu’ils étaient préoccupés par le fait que les cas de contamination présumée n’étaient pas pris en compte de manière transparente et que la réponse des autorités de santé publique à la pandémie était inadéquate.

Le 30 juin, Ndayishimiye a déclaré que le Covid-19 était le « pire ennemi » du pays, en s’engageant à accélérer les tests et à réduire le prix de l’eau et du savon, signe d’un changement d’approche du gouvernement face à la maladie. En septembre, le ministre de la Santé a déclaré que l’épidémie de Covid-19 au Burundi était terminée, sans pour autant communiquer des preuves à l’appui.

Réfugiés

Il y a encore plus de 300 000 Burundais réfugiés à l’extérieur du pays. Beaucoup ont fui suite à la décision de l’ancien président Nkurunziza de briguer un troisième mandat en 2015. Pendant les campagnes électorales et depuis son élection, Ndayishimiye a promis à plusieurs reprises que les exilés et les réfugiés politiques seraient autorisés à rentrer au pays en toute sécurité. Entre septembre 2017 et 2020, près de 100 000 réfugiés sont rentrés au Burundi dans le cadre du programme de rapatriement volontaire assisté soutenu par le HCR, l’agence des réfugiés des Nations unies, la plupart d’entre eux en provenance de Tanzanie. Après les élections de mai 2020, le HCR a commencé à faciliter les retours du Rwanda, de la Namibie et de la RD Congo.

Human Rights Watch a reçu des informations crédibles selon lesquelles la police tanzanienne aurait procédé à l’arrestation arbitraire et à la disparition forcée de réfugiés burundais en Tanzanie, dont certains auraient été renvoyés de force au Burundi. Le programme de rapatriement volontaire a suscité des inquiétudes, suite à des informations selon lesquelles des réfugiés rapatriés auraient été la cible d’attaques à leur retour, et à certaines déclarations menaçantes des autorités au sujet des exilés politiques.

Orientation sexuelle et identité de genre

Le Burundi punit les relations sexuelles consensuelles entre adultes du même sexe d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans de prison conformément à l’article 567 du Code pénal. L’article 29 de la Constitution du Burundi interdit explicitement le mariage entre personnes du même sexe, et Ndayishimiye a fait des commentaires désobligeants sur l’avortement et les relations entre personnes du même sexe.

Justice

Lors de son discours inaugural, le président Ndayishimiye a promis de réformer le système judiciaire et de veiller à ce que tous les responsables du gouvernement ou autres qui commettent des délits aient à répondre de leurs actes. Depuis son élection, il y a eu quelques cas isolés d’arrestations et de procès de membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir et des forces de sécurité accusés d’avoir commis des délits.

La nomination du Premier ministre Alain Guillaume Bunyoni et du ministre de l’Intérieur, du développement communautaire et de la sécurité publique Gervais Ndirakobuca, tous deux sous le coup de sanctions internationales pour leur rôle présumé dans les violences de 2015, jette le doute sur la volonté de la nouvelle administration de respecter ses engagements en matière de responsabilité et suscite des inquiétudes quant à l’interférence possible des autorités dans les enquêtes criminelles sur les abus passés.

Principaux acteurs internationaux

La Communauté des Etats d’Afrique de l’Est, dont la mission d’observation électorale ne s’est pas rendue au Burundi dans le cadre de la pandémie de COVID-19, a fait l’éloge, dans une déclaration datée du 26 mai, d’un processus électoral « pacifique et réussi », en déclarant qu’il avait été « conduit par le pays lui-même grâce à ses propres fonds », malgré la collecte forcée de contributions destinées à financer le scrutin.

Le Burundi a refusé de coopérer avec quelque mécanisme international et régional des droits humains que ce soit. La Commission d’enquête sur le Burundi n’a pas eu accès au pays malgré ses demandes répétées.

En janvier, au vu de l’aggravation de la répression dans le pays, le Parlement européen a demandé que l’Union européenne prenne des mesures plus strictes et renforce son soutien à la société civile et aux médias burundais. Suite à l’élection du président Ndayishimiye, l’UE a tenté d’améliorer ses relations avec le Burundi, qui fait actuellement l’objet de mesures restrictives décidées par l’UE, notamment de sanctions à l’encontre de hauts responsables du gouvernement et une suspension de l’aide budgétaire directe au gouvernement. En dépit de certaines divisions entre États membres de l’UE, et face à l’absence de réformes concrètes en matière de droits humains sur le terrain, l’UE a finalement déposé une résolution au Conseil des droits de l’homme des Nations unies pour renouveler le mandat de la Commission d’enquête pour une année supplémentaire. Cette résolution a été adoptée par le Conseil des droits de l’homme en octobre.

Le Conseil de sécurité des Nations unies est resté divisé sur la question de savoir s’il fallait maintenir le Burundi à son ordre du jour. En septembre, Bintou Keita, le Secrétaire général adjoint pour l’Afrique, et Huang Xia, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, ont effectué une mission d’évaluation au Burundi. Michel Kafando, l’Envoyé spécial des Nations unies au Burundi, qui a démissionné en octobre 2019, n’a pas été remplacé. Le Conseil de sécurité a décidé le 4 décembre de mettre fin aux rapports périodiques sur le Burundi, tout en continuant à évoquer la situation dans ce pays lors de ses réunions semestrielles sur la région des Grands Lacs et l’Afrique centrale.

La Cour pénale internationale (CPI) a poursuivi ses enquêtes sur les crimes commis au Burundi depuis 2015.

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