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Face à la pandémie, les services de santé mentale sont encore plus cruciaux

Lors du sommet qui se tiendra à Paris, les gouvernements devraient s’engager à développer les services communautaires

Richard Boland, travailleur de TANDEMplus, discute avec Zaher Amiri dans l’appartement de ce dernier. Zaher Amiri est un demandeur d’asile qui souffre de dépression. Bruxelles, Belgique. © 2019 Stephanie Hancock pour Human Rights Watch

(Paris) – Les gouvernements et les donateurs devraient prendre des mesures concrètes pour accroître les services de santé mentale à assise communautaire et veillant au respect des droits humains, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch dans une lettre adressée aux gouvernements, à l’approche du 3ème Sommet mondial sur la santé mentale, qui se tiendra les 5 et 6 octobre 2021 à Paris.

« La pandémie mondiale a eu de lourdes répercussions sur la santé mentale des personnes », a déclaré Shantha Rau Barriga, directrice de la division Droits des personnes handicapées à Human Rights Watch. « Les gouvernements devraient faire de la santé mentale une priorité, pas seulement dans leurs discours, mais aussi dans leurs actions. »

Ce sommet, qui sera accueilli par le ministre français des Solidarités et de la Santé ainsi que par le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, réunira des responsables politiques, des organisations internationales, des professionnel·le·s de santé, des expert·e·s et des membres de la société civile. Regroupées cette année autour du thème « Mind Our Rights, Now! » (« Respectez nos droits, maintenant ! »), les personnes participantes étudieront la question de savoir comment renforcer les services de santé mentale pendant et après la pandémie de Covid-19, et comment promouvoir des pratiques innovantes veillant au respect des droits humains en santé mentale.

Les gouvernements et les donateurs devraient adopter une approche globale des services communautaires en finançant le logement, l’éducation, l’emploi et le soutien psychosocial pratiqué avec le consentement libre et éclairé de la personne concernée, a précisé Human Rights Watch.

Les gouvernements ont longtemps négligé de financer les services de santé mentale. Les pays consacrent en moyenne moins de 2 % de leur budget de santé à la santé mentale. Dans les pays à faible revenu, ce pourcentage passe à moins de 1 % ; ils dépensent chaque année moins de 1 USD par personne pour la santé mentale, contre 80 USD dans les pays à revenu élevé.

La pandémie de Covid-19 a eu des effets sur la santé mentale des personnes et les conséquences risquent de persister encore plusieurs années. Des enquêtes nationales ont démontré que le nombre de personnes présentant des symptômes d’anxiété et de dépression a augmenté depuis le début de la pandémie. Par ailleurs, la crise sanitaire a perturbé les services de santé mentale dans 93 % des pays du monde, selon une enquête de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Dans le village de Banjarsari, dans l’ouest de l'île de Java en Indonésie, ces deux travailleuses de la santé présentaient à un villageois des informations au sujet de questions de santé mentale. Leur démarche s’inscrivait dans le cadre d’un plan de sensibilisation approuvé par le gouvernement. © 2018 Andrea Star Reese pour Human Rights Watch

Plus de 40 % des pays ont connu une suspension totale ou partielle de leurs services communautaires. En outre, trois quarts des services de santé mentale dans les établissements scolaires et sur les lieux de travail ont été perturbés, ainsi qu’environ 60 % de l’ensemble des thérapies et psychothérapies.

Le prix de la négligence de la prise en charge de la santé mentale est considérable. D’après des études, le poids de la mauvaise santé mentale sur l’économie mondiale en 2010 était estimé à 2,5 milliards USD et, selon les prévisions, il pourrait atteindre 6 milliards USD en 2030. L’OMS a révélé que chaque dollar investi dans les services de santé mentale se traduit par un gain de 4 dollars en matière de santé et de productivité.

Le plus inquiétant est que, dans les pays à revenu élevé ou moyen, 80 % des dépenses de l’État pour la santé mentale vont aux hôpitaux psychiatriques, et non aux services communautaires. D’après les recherches menées par Human Rights Watch à travers plus de 25 pays, les personnes en situation de handicap psychosocial placées dans des hôpitaux psychiatriques peuvent être exposées à plusieurs types d’abus : détention arbitraire, traitements imposés (notamment le traitement par électrochocs), isolement forcé, ainsi que violences physiques et sexuelles.

Dans de nombreux pays, en raison de la stigmatisation généralisée et du manque de services de santé mentale communautaires, les personnes ayant un handicap psychosocial se retrouvent enchaînées, attachées ou enfermées dans des espaces confinés. Human Rights Watch a constaté que, dans une soixantaine de pays d’Asie, d’Afrique, d’Europe, du Moyen-Orient et des Amériques, des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants – parfois de dix ans seulement – ont été enchaînées.

« Les gouvernements devraient aborder la question de la santé mentale dans sa globalité au niveau communautaire », a observé Shantha Rau Barriga. « Sans accès à ces services de soutien, les personnes risquent de subir des abus et d’être isolées. Il existe des initiatives locales innovantes, par exemple le programme TANDEMPlus à Bruxelles ou des groupes d’entraide au Kenya et au Nigéria, qui encouragent les personnes en situation de handicap psychosocial à vivre à leur domicile en toute autonomie et leur évitent l’hôpital. Il faut développer ces modèles d’action, qui placent les droits humains au cœur de leurs préoccupations. »

Pour savoir quelles lignes directrices suivre, les gouvernements devraient s’inspirer du programme QualityRights de l’OMS et de ses Orientations relatives aux services de santé mentale communautaires, qui donnent des conseils clairs et pratiques pour adopter une approche de la santé mentale respectant les droits humains. L’un des principes fondamentaux de ce programme est que les personnes devraient pouvoir exercer un contrôle sur leur vie. Par exemple, les actions collaboratives innovantes menées par l’ONG USP Kenya (Users and Survivors of Psychiatry Kenya) et par She Writes Woman au Nigéria sont la preuve qu’il est possible d’offrir un soutien aux personnes en situation de handicap psychosocial dans leur communauté, au lieu de les obliger à rentrer à l’hôpital ou à prendre des médicaments contre leur volonté.

« Les services à assise communautaire protégeant les droits humains manquaient déjà de financements avant la pandémie de Covid-19 », a déclaré Shantha Rau Barriga. « Il est fondamental que les gouvernements prennent des mesures rapidement afin de développer les services de santé mentale communautaires, pour éviter aux personnes ayant un handicap psychosocial de se retrouver enchaînées ou de subir d’autres abus, ainsi que pour les aider à vivre de manière autonome »

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