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Les abus liés aux chaînes d’approvisionnement en aluminium, angle mort du secteur automobile

Les constructeurs d’automobiles devraient agir pour améliorer les normes dans les mines, les raffineries et les fonderies

  • Les constructeurs d’automobiles devraient faire beaucoup plus d’efforts pour aider à régler des violations des droits humains commises le long de leurs chaînes d’approvisionnement en aluminium.
  • La transition vers des véhicules électriques laisse présager que les constructeurs d’automobiles vont doubler leur consommation d’aluminium d’ici à 2050.
  • Les impacts de l’extraction et du raffinage des matières premières nécessaires à la production d’aluminium incluent la destruction à grande échelle des terres de communautés locales et la pollution de leurs sources d’eau. Le fait que l’industrie de l’aluminium repose pour une large part sur le charbon signifie qu’elle est également responsable de 2% des émissions annuelles de gaz à effet de serre dans le monde.
  • Les constructeurs d’automobiles devraient se servir de leur pouvoir économique accru pour protéger les communautés affectées par l’industrie de l’aluminium et faire pression sur les compagnies minières, les raffineries et les fonderies pour qu’elles respectent les droits humains.

(Washington) – Les constructeurs d’automobiles devraient renforcer leurs actions face aux violations des droits humains commises le long de leurs chaînes d’approvisionnement en aluminium et dans les mines de bauxite qui en fournissent le minerai, ont déclaré Human Rights Watch et Inclusive Development International dans un rapport. Les constructeurs d’automobiles ont utilisé près d’un cinquième de l’aluminium consommé dans le monde en 2019 et l’on prévoit qu’ils doublent leur consommation d’aluminium d’ici à 2050, alors qu’ils effectuent leur transition vers des véhicules électriques.

Ce rapport de 75 pages, intitulé « L’aluminium, angle mort du secteur automobile : Pourquoi les constructeurs automobiles devraient se soucier des conséquences de la production d’aluminium sur les droits humains », décrit les chaînes d’approvisionnement mondiales qui relient les constructeurs d’automobiles à des mines, à des raffineries et à des fonderies dans des pays comme la Guinée, le Ghana, le Brésil, la Chine, la Malaisie et l’Australie. Le rapport s’appuie sur des entretiens et sur de la correspondance avec neuf grands constructeurs d’automobiles : BMW, Daimler, Ford, General Motors, PSA (qui appartient désormais au groupe Stellantis), Renault, Toyota, Volkswagen et Volvo. Human Rights Watch et Inclusive Development International ont évalué comment l’industrie automobile fait face aux impacts de la production d’aluminium en matière de droits humains, de la destruction de terres agricoles et de la pollution de sources d’eau causées par les mines et les raffineries aux importantes émissions de gaz à effet de serre dues à l’électrolyse de l’aluminium. Trois autres constructeurs – BYD, Hyundai et Tesla – n’ont pas répondu à nos demandes d’informations.

« Les constructeurs d’automobiles considèrent l’aluminium comme une matière première essentielle pour la transition vers des véhicules plus économes en carburant », a déclaré Jim Wormington, chercheur senior sur l’Afrique de l’Ouest à Human Rights Watch. « Ils devraient se servir de leur pouvoir économique accru pour protéger les communautés dont les terres et l’environnement subissent les effets négatifs de l’industrie de l’aluminium. »

L’aluminium est un métal léger mais résistant produit à partir de la bauxite, un minerai de couleur rouge. La bauxite est raffinée en alumine, qui est un produit intermédiaire, puis fondue pour en extraire de l’aluminium. L’aluminium est facilement recyclable, mais plus de la moitié de ce métal utilisé par l’industrie automobile consiste en de l’aluminium primaire dérivé de la bauxite.

Bien que bon nombre des principaux constructeurs d’automobiles du monde se soient engagés publiquement à s’occuper des violations des droits humains commises le long de leurs chaînes d’approvisionnement, ils ont pris peu de mesures pour évaluer l’impact réel de la production d’aluminium sur ces droits et pour y remédier. Ils ont plutôt donné la priorité à des procédures de diligence raisonnable le long de leurs chaînes d’approvisionnement en d’autres matières premières essentielles pour la construction de véhicules électriques, comme le cobalt qui est nécessaire aux piles électriques.

Du fait qu’elles impliquent une extraction de surface, les mines de bauxite s’étendent sur de vastes zones, entraînant souvent la destruction de terres agricoles qui assuraient la subsistance de communautés locales. Les mines de bauxite peuvent également avoir un impact dévastateur sur les rivières, les ruisseaux et les sources souterraines dont dépendent ces communautés pour leur consommation d’eau et pour l’irrigation de leurs terres.

En Guinée, pays d’Afrique de l’Ouest qui recèle les plus importants gisements de bauxite au monde, une étude gouvernementale publiée en 2019 a prédit qu’au cours des 20 années suivantes, un boom de l’extraction de bauxite aboutirait à la destruction de 858 kilomètres carrés de terres agricoles et de plus de 4 700 kilomètres carrés d’habitat naturel, soit une zone six fois plus vaste que la ville de New York. Environ 80 % des habitants de la région de Guinée qui recèle les gisements de bauxite dépendent de l’agriculture pour leur subsistance.

Kounssa Bailo Barry, un agriculteur et activiste guinéen, a estimé en janvier 2021 qu’une mine de bauxite, propriété conjointe de trois géants multinationaux de l’industrie minière, Rio Tinto, Alcoa et Dadco, avait détruit 80 % des terres arables de son village. « Tout ce qui faisait de Fassaly un village a disparu, et nous ne profitons même pas de ce qui causé sa destruction », a-t-il dit. Le village de Barry et 12 autres communautés participent à un processus de médiation avec la compagnie minière, pour tenter de trouver des solutions aux dégâts qu’elle a causés.

Le raffinage de la bauxite en alumine produit de grandes quantités de boue rouge, matière très dangereuse qui, à moins d’être traitée et stockée de manière appropriée, peut polluer les cours d'eau et contaminer les personnes qui la manipulent. Dans l’État de Pará au Brésil, une organisation non gouvernementale, représentant plus de 11 000 personnes, a intenté des procès contre une mine de bauxite, une raffinerie et une fonderie d’aluminium suspectées d’avoir contaminé des cours d’eau dans le bassin de l’Amazone.

La production d’aluminium nécessite une forte consommation d’énergie et la plupart des producteurs ont recours au charbon, source d’énergie à haute teneur en carbone et très polluante. En Chine, pays qui domine l’activité mondiale d’électrolyse de l’aluminium, 90 % de l’aluminium a été produit avec de l’électricité tirée de centrales à charbon en 2018. La production d’aluminium est responsable de plus d’un milliard de tonnes d’équivalent CO2 chaque année – soit environ 2 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.  

Trois constructeurs allemands – Audi, BMW et Daimler – ont tenté de promouvoir un sourçage responsable de l’aluminium en encourageant leurs fournisseurs à se joindre à un programme de certification conduit par l’industrie, l’Aluminum Stewardship Initiative (ASI). Ce programme utilise des audits réalisés par des tierces parties pour évaluer le fonctionnement des mines, des raffineries et des fonderies au regard des normes en matière de droits humains et d’environnement et par rapport à d’autres bonnes pratiques industrielles.

Des voitures garées dans un parking mécanisé à Wolfsburg, en Allemagne. © 2016 Stefan Boness/Visum/Redux

Cependant, les normes de l’ASI en matière de droits humains sont insuffisamment détaillées et ne fournissent pas de critères spécifiques pour évaluer comment les compagnies réagissent à certains problèmes cruciaux de droits humains, tels que la réinstallation des communautés déplacées par les opérations minières. L’ASI devrait également fournir des garanties plus solides aux communautés pour qu’elles participent au processus d’audit et offrir davantage de transparence sur les résultats de ces audits.

Certains constructeurs, depuis qu’ils ont été contactés par Human Rights Watch et Inclusive Development International, ont pris des mesures pour accorder une plus haute priorité à un approvisionnement responsable en aluminium. Drive Sustainability, une coalition de 11 constructeurs comprenant BMW, Daimler, Ford, Toyota, Volkswagen et Volvo, a lancé en mai un projet visant à évaluer les risques en matière de droits humains inhérents à la production d’aluminium et neufs autres matériaux bruts, ce qui pourrait ouvrir la voie à un engagement collectif de la part des constructeurs d’automobiles, conjointement avec les producteurs d’aluminium.

En janvier, Drive Sustainability a également écrit à The Aluminum Association, qui réunit des dizaines de producteurs d’aluminium, « pour exprimer [ses] préoccupations au sujet de la situation en Guinée », solliciter des informations sur les efforts de ses membres pour appliquer le principe de diligence raisonnable en matière de droits humains et exprimer son soutien à la médiation entre les communautés locales et la mine de bauxite exploitée par Rio Tinto, Alcoa et Dadco.

« Ces mesures positives devraient n’être que le début d’un effort plus global de la part de l'industrie automobile pour faire face à l’impact de la production d’aluminium en matière de droits humains », a déclaré Natalie Bugalski, directrice juridique et stratégique à Inclusive Development International. « Les constructeurs automobiles devraient exiger des mines, des fonderies et des raffineries qu’elles respectent des normes strictes en matière de droits humains et d’environnement et faire en sorte qu’il y ait des conséquences si elles s’en abstiennent. »

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