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Comment la France peut redoubler d’efforts pour soutenir les défenseurs de l’Amazonie

Publié dans: Mediapart
La rivière Pindaré fait partie du territoire indigène de Caru (État du Maranhão), dans le nord-est du Brésil. Cette zone de l’Amazonie est de plus en plus déboisée, car des bûcherons traversent la rivière afin d'extraire illégalement du bois de la forêt tropicale, selon des membres de la communauté indigène. Juin 2018.  © 2018 Brent Stirton/Getty Images pour Human Rights Watch

Au cours de l’année écoulée, la France a dénoncé avec vigueur la crise qui ne cesse de s’aggraver en Amazonie brésilienne, appelant l’attention de la communauté internationale sur les politiques environnementales désastreuses du président Jair Bolsonaro. Mais si la France espère vraiment aider les Brésilien.ne.s à sauver la plus grande forêt tropicale du monde, elle peut et devrait aller plus loin.

De nombreux Brésilien.ne.s, parmi la société civile, les communautés autochtones, le secteur privé et les agences gouvernementales sont résolu.e.s à préserver l’Amazonie. En fait, le Brésil a longtemps joué un rôle de premier plan dans la conservation. Mais aujourd’hui, ses défenseurs de la forêt sont confrontés à un président qui s’oppose à leurs efforts et sabote l’aptitude du pays à faire respecter ses lois sur la protection de l’environnement.

La France et le monde entier, ont véritablement intérêt à soutenir les défenseurs de la forêt agissant au Brésil. L’Amazonie joue un rôle déterminant dans l’atténuation du changement climatique en absorbant le dioxyde de carbone de l’atmosphère. Elle stocke autant de gaz à effet de serre que le monde entier en produit en 10 ans. La déforestation au contraire, la pousse vers un point de bascule irréversible au-delà duquel d’immenses portions pourraient irrémédiablement sécher et dégager des milliards de tonnes de carbone capturé.

En 2019, première année du mandat présidentiel de Bolsonaro, la déforestation a augmenté de 85 pour cent par rapport à l’année précédente. Un total de 9 000 kilomètres carrés a été défriché en Amazonie, soit une surface supérieure à 85 fois la superficie de Paris. Cette année, de janvier à fin octobre, près de 8000 kilomètres carrés ont déjà été rasés.

En août 2019, alors que la violence des incendies de forêt mettait en évidence la gravité de la crise en Amazonie, le Président Emmanuel Macron a exhorté Bolsonaro d’agir. Bolsonaro a rejeté avec colère cette interpellation qu’il considérait comme un affront à la souveraineté brésilienne. La France a réagi de façon judicieuse, par l’annonce d’un partenariat destiné à promouvoir la préservation de la forêt tropicale avec les gouverneurs des neuf états de l’Amazonie brésilienne, montrant ainsi que ses préoccupations était largement partagées dans le pays.

C’est en septembre dernier que la France a annoncé sa décision la plus significative : qu’elle ne soutiendrait pas la ratification de l’accord commercial conclu entre l’Union européenne et le Mercosur, le bloc sud-américain, en l’absence d’assurances que les parties respecteront les objectifs de l’Accord de Paris et que l’accord de libre-échange ne conduira pas à un accroissement de la déforestation.

Cette annonce a fait écho à des inquiétudes soulevées par un nombre croissant de responsables européens craignant que l’administration de Bolsonaro ne respecte pas les dispositions environnementales de l'accord, qui comprennent des engagements à lutter contre l'exploitation forestière illégale et à respecter l'Accord de Paris, mais ne prévoient pas de sanctions en cas de non-respect. Elle a de plus suscité des demandes grandissantes pour que soient négociées des précisions supplémentaires visant à renforcer ces dispositions.

Plusieurs idées ont été émises depuis, concernant de tels ajouts, lesquelles méritent de sérieux débats. Mais ces derniers risquent de détourner l’attention du besoin urgent de s’attaquer dès maintenant à la crise de l’Amazonie. Après tout, l’accord ne sera sans doute pas ratifié et mis en œuvre avant des années. Pendant ce temps, Bolsonaro peut continuer à démanteler la capacité du Brésil à respecter ses engagements environnementaux et précipiter le « point de bascule » au-delà duquel ces engagements seront effectivement impossibles à tenir.

Au lieu de se focaliser uniquement sur ce qui pourrait advenir de l’Amazonie après la mise en place de l’accord, l’Union européenne devrait insister sur la nécessité de voir des progrès en matière de réduction de la déforestation dès maintenant, alors que la ratification est encore à l’étude, et avant que Bolsonaro ne puisse causer des dommages potentiellement irréversibles à la forêt tropicale. L’UE devrait également chercher à soutenir les Brésilien.ne.s qui luttent contre la déforestation.

La déforestation est essentiellement le fait de réseaux criminels violents qui menacent, attaquent, et tuent les protecteurs de la forêt qu’ils trouvent en travers de leur chemin. Ces mafias déclenchent des incendies pour défricher les terres en vue d’établir des pâturages pour les troupeaux et des terrains agricoles. Ce faisant, elles empoisonnent l’air que respirent des millions de personnes et entraînent des milliers d’hospitalisations pour maladies respiratoires. Ces mafias n’ont quasiment jamais à répondre de ces crimes. Tant que cette impunité sera de mise, il est à craindre que la déforestation se poursuivra hors de tout contrôle.

La France est fondée dans sa réticence de ratifier l’accord commercial en l’absence de garanties que le Brésil honorera ses engagements environnementaux. Pour s'assurer que ces engagements seront toujours réalisables lorsque l'accord entrera en vigueur, il est essentiel d'établir des critères concrets que le Brésil devrait respecter avant que la ratification ne puisse être envisagée.

L’un des critères devrait être une diminution suffisante des taux de déforestation pour permettre au pays d’atteindre ses propres objectifs de l’Accord de Paris, c’est-à-dire, éliminer la déforestation illégale d’ici 2030. Le second devrait consister en la réalisation de progrès substantiels pour mettre fin à l’impunité pour les violences contre les défenseurs de la forêt, mesurés par le nombre de cas faisant l’objet d’une enquête, de poursuites judiciaires et de procès, ainsi que la fin des violations des lois sur l’environnement, mesurée par la proportion de sanctions réellement appliquées dans le domaine de la protection de l’environnement.

En fin de compte, ce sont les Brésilien.ne.s qui sauveront leur forêt tropicale. Mais ils ont besoin de conditions favorables pour y arriver. Grâce à l’accord UE-Mercosur, la France et l’Union européenne peuvent donner au gouvernement Bolsonaro une puissante incitation à créer ces conditions. Cela doit débuter dès maintenant, pas après l’éventuelle mise en place de l’accord.  

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