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États-Unis : Le programme « Rester au Mexique » nuit aux enfants des familles affectées

Des familles demandeuses d’asile sont exposées à des risques de violence, de maladie et de traumatisme

Une famille salvadorienne photographiée au refuge pour migrants Buen Pastor à Ciudad Juárez, au Mexique, en juin 2019. La famille y séjournait en attendant que leur demande d'asile soit examinée par les services d'immigration américains. Comme des dizaines d'autres familles, ils dormaient sur des matelas installés entre les bancs de la chapelle de ce centre. © 2019 AP Photo/Cedar Attanasio

(Washington) – Un programme appliqué par le gouvernement des États-Unis a pour effet d’exposer des enfants demandeurs d’asile, ainsi que leurs parents, à de graves risques d’agression, de mauvais traitements et de traumatisme pendant qu’ils attendent que leur dossier soit examiné, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui dans un rapport d’enquête conjoint.

Human Rights Watch, en collaboration avec le Programme des Droits humains liés au traumatismes et à la santé mentale (Human Rights in Trauma Mental Health Program) de l’Université de Stanford et avec le Laboratoire de plaidoyer pour l’enfant et la famille (Child and Family Advocacy Clinic) de l’Université Willamette, a constaté que ce programme du gouvernement américain, intitulé « Protocoles de protection des migrants » (« Migrant Protection Protocols », MPP) et parfois surnommé « Rester au Mexique » (« Remain in Mexico »), oblige des familles avec enfants à attendre au Mexique pendant des mois dans des conditions peu sûres. Des parents ont affirmé que la longueur des procédures judiciaires d’immigration, la crainte d’être détenu et l’incertitude quant à l’avenir avaient eu un impact négatif sur la santé, la sécurité et le bien-être de leur famille. Beaucoup ont décrit des changements dans le comportement de leurs enfants, précisant qu’ils étaient devenus plus angoissés ou déprimés, après que les autorités américaines les eurent renvoyés au Mexique dans l’attente de l’examen de leur dossier.

« Les conditions de vie, les menaces pour leur sécurité et le sentiment d’incertitude auxquels les demandeurs d’asile sont confrontés alors qu’ils attendent au Mexique sont la cause de stress psychologiques graves et chroniques pour les enfants et leurs familles », a déclaré Dr. Ryan Matlow, professeur adjoint au Département de psychiatrie et de science du comportement à la Faculté de médecine de l’Université de Stanford. « Nous savons que ces formes de traumatisme complexe généralisé et non résolu peuvent avoir d’importantes conséquences négatives à long terme pour le développement de l’enfant et le fonctionnement de la famille. »

Les chercheurs de Human Rights Watch et des deux institutions ont mené des entretiens avec des parents et des enfants appartenant à 60 familles demandeuses d’asile entre novembre 2019 et janvier 2020. La plupart de ces familles étaient originaires du Salvador, du Honduras et du Guatemala, et quelques-unes de Cuba, de l’Équateur et du Pérou. Les enquêteurs se sont aussi entretenus avec des avocats, des médecins, des fournisseurs de refuge, des chefs spirituels et des responsables mexicains.

En vertu du programme MPP, les responsables de l’immigration américains ont imposé à la plupart des demandeurs d’asile hispanophones arrivant aux États-Unis via le Mexique de retourner au Mexique le temps que leur dossier soit examiné. Des parents ont affirmé que pendant qu’ils attendaient au Mexique, leurs enfants ou eux-mêmes avaient été battus, harcelés, agressés sexuellement ou enlevés. Certains ont affirmé que la police mexicaine les avait intimidés ou leur avait extorqué de l’argent. La plupart ont déclaré qu’ils vivaient dans la crainte en permanence et étaient facilement identifiés comme cibles d’actes de violence.

Les directives du Département américain de la Sécurité du territoire suggèrent que certains groupes particulièrement vulnérables ne devraient pas être placés dans ce programme, mais ces directives sont vagues et les agents de l’immigration les interprètent de manière variable. Les responsables des douanes et de la protection des frontières américaines renvoient régulièrement au Mexique des familles avec des bébés et de jeunes enfants; des familles indigènes et des Brésiliens dont la langue maternelle n’est pas l’espagnol; ainsi que des enfants et des adultes atteints de graves problèmes de santé.

Les audiences de tribunal en vue de l’octroi de l’asile dans le cadre des Protocoles de protection des migrants soulèvent diverses questions relatives à la régularité des procédures, a affirmé Human Rights Watch. Pour se rendre à une de ces audiences aux États-Unis, les familles doivent se présenter à un point de passage désigné pour passer la frontière, ce qui exige parfois qu’elles arrivent dès 3h00 du matin dans des zones peu sûres. Celles qui sont envoyées à Mexicali ou à Piedras Negras doivent faire des trajets de 160 à 550 kilomètres (de 100 à 340 miles) pour atteindre le point de passage frontalier qu’on leur a désigné.

Tous les membres de la famille, y compris les jeunes enfants, doivent être présents et rester assis en silence pendant chaque audience. Des familles interrogées ont affirmé qu’elles avaient souvent dû attendre des heures pour une courte audition, et que des agents avaient dit à des parents qu’ils risquaient d’être renvoyés au Mexique sans être présentés au juge si leurs enfants faisaient du bruit ou ne pouvaient pas se tenir tranquilles.

Des familles ont indiqué qu’après chaque audience, elles avaient été enfermées dans des cellules de rétention administrative glaciales, souvent surpeuplées, où les hommes et les garçons adolescents étaient détenus séparément, parfois toute une nuit, voire plus longtemps, avant d'être reconduites au Mexique par des responsables américains. Certaines familles ont déclaré qu’elles envisageaient d’abandonner leur demande d’asile car leurs enfants avaient peur d’être de nouveau incarcérés.

Une femme de 27 ans originaire du Honduras a décrit comment elle avait été détenue dans une cellule de rétention à El Paso avec sa fille. « J’ai demandé une couverture pour ma fille. Ils ont répondu non », a-t-elle dit, précisant que le gardien ne lui avait pas donné la raison de son refus.

Les gardiens séparent les garçons de moins de 18 ans les plus âgés de leur mère et de leurs frères et sœurs plus jeunes, et les placent en compagnie d’adultes sans liens de parenté avec eux. Une femme originaire de Cuba a affirmé que la séparation de son fils de 13 ans « avait eu un effet traumatisant sur lui. » Un autre demandeur d’asile a ainsi décrit l’effet de la séparation des familles sur les garçons qu’il a vus dans sa cellule après son audition: « C’est tout à fait inhumain. Les gardiens ne traitent pas ces garçons comme des enfants, mais comme des adultes. Ce n’est pas logique. »

« Enfermer des familles dans des cellules glaciales et surpeuplées et séparer les garçons de leur mère a un effet traumatisant », a déclaré Michael Garcia Bochenek, conseiller juridique senior après de la division Droits de l’enfant à Human Rights Watch. « Le gouvernement américain ne devrait jamais infliger de traitements cruels à des enfants, et surtout pas comme prix à payer pour pouvoir être entendu par un juge. »

Tous les gouvernements sont tenus de respecter le principe de droit international coutumier du non-refoulement – c’est-à-dire l’interdiction de renvoyer une personne dans un pays où elle risque d’être persécutée, torturée ou de subir des traitements cruels ou inhumains. Ils sont également tenus d’offrir des protections particulières aux enfants, qu’ils voyagent seuls ou en famille, notamment en prenant principalement en compte l’intérêt bien compris de ces enfants.

Le gouvernement américain devrait immédiatement mettre fin au programme MPP et cesser tout refoulement de demandeurs d’asile non mexicains vers le Mexique. À la place, il devrait revenir à la norme mondiale qui consiste à autoriser les demandeurs d’asile à rester dans le pays où leur demande est examinée. Le gouvernement devrait protéger le droit des demandeurs d’asile à une audition équitable dans des délais raisonnables, en créant un système de tribunaux d’immigration indépendants, dotés de ressources adéquates et prévoyant une représentation juridique commise d'office pour les demandeurs d’asile appartenant à des groupes particulièrement vulnérables.

« Le programme ‘Rester au Mexique’ fait courir des risques à des familles qui sont déjà dans une situation désespérée », a déclaré Dr. Nancy Wang, professeure de médecine d’urgence au Centre médical de l’Université de Stanford. « Il est inexcusable de la part du gouvernement américain de soumettre des enfants et des familles à des conditions de vie déplorables en des lieux surpeuplés et insalubres, sans protection adéquate contre les maladies infectieuses – que ce soit dans un centre de détention administrative aux États-Unis ou dans des refuges surchargés au Mexique. »

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Tweets
2022
2020

#ÉtatsUnis : La dure politique à l'égard des demandeurs d'asile à la frontière mexicaine – surnommée «Stay in Mexico» («Rester au Mexique») – est particulièrement nuisible pour les #enfants de ces familles, selon une étude conjointement menée par HRW. https://t.co/e1GST2uCDb

— HRW en français (@hrw_fr) February 12, 2020
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L'une des trois finalistes pour l'attribution du prix Martin Ennals 2020 est l'activiste #mexicaine Norma Ledezma @Norma_Ledezma, mère de Paloma, tuée en 2002 à l’âge de 16 ans. Depuis, elle lutte pour la #justice liée au crime de #féminicide. #JusticiaParaNuestrasHijas https://t.co/vgQwDjf05v

— HRW en français (@hrw_fr) February 19, 2020

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