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Thaïlande : Le Royaume-Uni et la France devraient appeler à une transition vers un régime civil

Les visites officielles du chef de la junte à Londres et à Paris fournissent l’occasion de lui demander d’honorer les engagements relatifs aux droits humains et à la démocratie

Manifestation en faveur d'élections libres en Thaïlande, tenue près du Monument de la Démocratie à Bangkok, le samedi 10 février 2018, par des activistes interpellant la junte au pouvoir depuis le coup d'État de mai 2014. © 2018 Reuters/Soe Zeya Tun

(Londres, le 18 juin 2018) – La Première ministre britannique Theresa May et le président français, Emmanuel Macron, devraient exhorter le chef de la junte thaïlandaise à respecter les droits humains et à garantir une transition rapide vers un régime civil démocratique, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch. Le Premier ministre thaïlandais, le général Prayut Chan-ocha, doit rencontrer son homologue britannique le 20 juin 2018 à Londres puis le chef d’État français le 25 juin à Paris.

« La Première ministre Theresa May et le président Emmanuel Macron devraient exprimer leurs profondes inquiétudes quant à la détérioration des droits humains sous le régime militaire en Thaïlande », a déclaré Brad Adams, directeur de la division Asie de Human Rights Watch. « Tous deux devraient faire savoir au général Prayut qu’il n’y aura pas de retour aux affaires habituelles jusqu’à l’organisation d’élections libres et justes en Thaïlande, la formation d’un gouvernement civil démocratique et l’amélioration du respect des droits humains. »

Le Royaume-Uni et la France sont parmi les principaux alliés de la Thaïlande à avoir déclaré à plusieurs reprises que les relations bilatérales ne seraient normalisées que lorsque la démocratie y sera pleinement rétablie grâce à des élections libres et équitables.

Alors que le pays entre dans sa quatrième année depuis le coup d’État de mai 2014, la Thaïlande n’a fait aucun progrès pour devenir le gouvernement démocratique respectueux des droits humains que le général Prayut avait appelé de ses vœux, a déclaré Human Rights Watch. En tant que président du Conseil national pour la paix et le maintien de l'ordre (NCPO), la junte à la tête du pays, le Général Prayut exerce ses pouvoirs en l’absence de supervision administrative, législative ou judiciaire, y compris s’agissant des violations des droits humains. Les ordonnances 3/2015 et 13/2016 accordent aux autorités militaires le pouvoir de détenir secrètement des individus jusqu’à sept jours sans chef d’inculpation et d’interroger des suspects sans leur donner accès à un avocat, ni leur fournir des protections contre les mauvais traitements.

La « feuille de route » tant vantée du général Prayut sur les droits humains et le retour à un régime civil démocratique a perdu toute crédibilité, selon Human Rights Watch. La date promise par la junte pour la tenue des élections ne cesse d’être repoussée, plongeant leur calendrier dans l’incertitude la plus totale, et les raisons qu’elles a fournies sont insuffisantes à donner l’assurance qu’une élection, si elle devait avoir lieu, serait libre et juste. À moins que la junte ne lève ses restrictions draconiennes aux libertés fondamentales, les partis politiques, les médias et les électeurs de la Thaïlande ne seront pas en mesure de participer à un véritable processus démocratique.

La junte a régulièrement imposé la censure et bloqué le débat public sur l’état des droits humains et de la démocratie en Thaïlande. Des centaines d’activistes et de dissidents ont été poursuivis pour des chefs d’inculpation criminels telles que la sédition, les cybercrimes et la lèse-majesté (insulte à la monarchie) pour avoir exprimé pacifiquement leurs opinions. Les rassemblements publics de plus de cinq personnes et les activités en faveur de la démocratie sont interdits.

Une centaine de militants prodémocratie ont récemment fait face à des accusations de rassemblement illégal, certains ayant également été accusés de sédition, pour avoir demandé pacifiquement à la junte de tenir les élections promises dans les meilleurs délais et de lever immédiatement toutes les restrictions aux libertés fondamentales. Au cours des quatre dernières années, l’armée a assigné à comparaître des milliers de personnes pour les exhorter à « ajuster » leurs positions politiques et à cesser leurs critiques.

Juger des civils devant les tribunaux militaires, qui manquent d’indépendance et ne respectent pas les garanties de procédure équitable, demeure un problème majeur. En réponse aux critiques, le général Prayut a révoqué en septembre 2016 les ordonnances du NCPO qui habilitaient les juridictions militaires à juger les civils. Mais cette décision n’est pas rétroactive, et ne s’applique donc pas aux plus de 1 800 procès militaires déjà intentés contre des civils, dont beaucoup sont des militants prodémocratie, des politiciens, des avocats et des défenseurs des droits humains.

La junte n’a pas tenu compte de l’obligation de la Thaïlande de veiller à ce que tous les défenseurs et organisations des droits humains puissent mener leurs activités dans un environnement sûr et propice, a déclaré Human Rights Watch. Les agences gouvernementales ont fréquemment exercé des représailles à l’encontre de ceux qui signalent des allégations d’abus en déposant des chefs d’accusation, y compris pour diffamation criminelle.

La Première ministre May et le président Macron devraient reconnaître que le Royaume-Uni et la France ont beaucoup plus à gagner d’un partenariat avec un pays qui respecte les droits humains et l’état de droit. Ils devraient exhorter le gouvernement thaïlandais à :

  • Mettre fin à l’utilisation de pouvoirs abusifs et irresponsables en vertu des articles 44 et 48 de la constitution provisoire de 2014 ;
  • Mettre fin aux restrictions aux droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique ;
  • Lever l’interdiction des activités politiques ;
  • Remettre en liberté tous les dissidents et autres personnes détenues pour avoir critiqué pacifiquement la junte ;
  • Renoncer aux chefs d’accusation de sédition et autres poursuites pénales en relation avec l’opposition pacifique à l’ordre militaire ;
  • Transférer les affaires civiles actuellement jugées par des tribunaux militaires vers des tribunaux civils tout en veillant au respect des garanties de procédure équitable ; et
  • Garantir un environnement sûr et propice aux activités des défenseurs des droits humains, y compris en abandonnant les poursuites pénales à leur encontre.

« Les affaires ne devraient pas se faire au détriment de discussions sérieuses sur les droits humains et le renforcement de l’emprise de la junte sur le pouvoir », a conclu Brad Adams. « Les gouvernements britannique et français doivent faire pression sur le régime pour qu’il mette fin à la répression, afin que la Thaïlande puisse évoluer vers un régime civil démocratique. »

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