(Nairobi) – Au Soudan du Sud, les personnes handicapées ainsi que les personnes âgées sont davantage vulnérables aux hostilités et font face à des défis considérables pour obtenir l’aide humanitaire dont elles ont besoin, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.
Un an après l’adoption, lors du Forum humanitaire d’Istanbul, de la Charte pour l’inclusion des personnes handicapées dans l’action humanitaire, les Nations Unies et les organisations humanitaires devraient se mobiliser davantage pour répondre aux besoins spécifiques des personnes handicapées et des personnes âgées dans le cadre des efforts déployés pour atténuer la crise et combattre la famine qui règnent au Soudan du Sud.
« Souvent négligées pendant les attaques, les personnes handicapées et les personnes âgées sont exposées à un risque accru de famine ou de violations de leurs droits », a souligné Shantha Rau Barriga, directrice de la division Droits des personnes handicapées au sein de Human Rights Watch. « Ce problème est particulièrement aigu au Soudan du Sud, où des décennies de guerre civile ont provoqué une hausse du nombre de personnes handicapées et où les forces armées des deux côtés s’en prennent en toute impunité aux civils. »
En février et mars 2017, Human Rights Watch a mené des entretiens avec plus de 45 personnes handicapées ou âgées dans des camps de de personnes déplacées situés à Juba et Malakal, ainsi que dans le comté de Panyijar, dans l’ancien État d’Unité, où la famine a été déclarée par l’ONU dans deux comtés en février dernier. Human Rights Watch s’est également entretenu avec des organisations humanitaires et avec la Commission sud-soudanaise des droits de l’homme.
Le conflit actuel au Soudan du Sud a éclaté le 15 décembre 2013, lorsque les forces loyales au Président Salva Kiir – de l’ethnie Dinka – et celles de son ex-vice-président, Riek Machar – de l’ethnie Nuer – se sont affrontées à Juba, la capitale. Incapables de fuir les attaques, les personnes handicapées et âgées ont été prises pour cible, victimes de violations de la part des belligérants. Depuis le début de ce conflit, Human Rights Watch a documenté de nombreux incidents au cours desquels celles-ci ont été tuées, mutilées à mort ou brûlées vivantes dans leurs maisons par les belligérants.
Une femme âgée, récemment contrainte avec sa famille à fuir Mayendit pour le comté de Panyijar, situé dans l’ex-état d’Unité, a déclaré qu’aucun civil n’avait été épargné dans les attaques perpétrées contre son village : « La première fois que les soldats et milices du gouvernement se sont rendues dans mon village en 2015, les hommes et les femmes âgées qui ne pouvaient pas prendre la fuite ont été tués », a-t-elle déclaré à Human Rights Watch. « Parmi eux, Gatpan Mut, par exemple, qui était un peu âgé, ou Gatkui Jich, qui ne pouvait pas se déplacer, et beaucoup, beaucoup d’autres noms dont je ne me rappelle plus. »
Au cours des attaques perpétrées en 2016 sur les sites de protection des civils administrés par l’ONU à Malakal et à Juba, le sort des personnes handicapées et des personnes âgées, qui se heurtent à des difficultés pour échapper à leurs assaillants, a également été négligé.
Lors d’une attaque brutale lancée par les forces gouvernementales sur le site de Malakal en février 2016, trois membres de la même famille atteints de handicap ont été tués.
« Lorsque les combats ont éclaté, nous avons fui le complexe de l’ONU et abandonné notre mère et notre beau-frère parce qu’ils ne pouvaient pas marcher et que nous ne pouvions pas les porter », a confié une femme Nuer âgée de 45 ans. « Le fils de mon beau-frère, qui souffrait de troubles mentaux, ne voulait pas abandonner son père, ils sont morts tous les deux dans les flammes. »
Les personnes handicapées et les personnes âgées ayant réussi à échapper aux violences font souvent face à des problèmes qui leur sont spécifiques pour accéder à l’aide humanitaire cruciale, qu’il s’agisse de la possibilité d’utiliser les toilettes ou d’accéder aux centres de distribution de rations alimentaires. Les personnes à mobilité réduite ne sont pas toujours en mesure de se rendre aux centres d'aide situés parfois loin des camps pour personnes déplacées, et ne peuvent pas toujours compter sur leurs proches ou amis pour les aider ou transporter.
« Mes enfants ne sont pas sur l’île et parfois, certains abandonnent leurs parents plus âgés parce que nous ne pouvons rien leur offrir en retour », a expliqué un homme âgé de 80 ans, père de trois enfants atteints de paralysie des membres inférieurs et qui ne possèdent pas de fauteuils roulants. « Maintenant que je suis enregistré pour les distributions de rations alimentaires, je ne sais pas comment je peux m’y rendre, sauf si j’ai quelqu’un pour me porter, parce que sinon, je dois ramper partout où je vais. »
De nombreux programmes d’aide humanitaire desservent en priorité les sites de protection des civils des Nations Unies où sont regroupées plus de 200 000 personnes, mais des millions d’autres civils vulnérables qui se trouvent ailleurs sont privés d’une telle aide.
Les organisations humanitaires, qui s’efforcent de répondre aux besoins d’environ 1,9 million de Sud-Soudanais déplacés dans le pays en raison du conflit et de l’insuffisance alimentaire, se heurtent également à de graves problèmes de sécurité et d’accès. Les forces gouvernementales comme de l’opposition pillent les articles de secours, s’en prennent aux personnels humanitaires et entravent l’accès. Pour s’acquitter de leur mandat, ils doivent en faire davantage pour répondre aux besoins des personnes handicapées et des personnes âgées, selon Human Rights Watch.
Les travailleurs humanitaires et les bailleurs de fonds devraient s’assurer que les personnes handicapées ont accès aux services humanitaires à pied d’égalité avec les autres et qu’il n’y a pas de discrimination en matière d’assistance et de distributions liée à l’absence de services adéquats répondant aux besoins spécifiques de ces groupes. Ils devraient également s’assurer de la participation des personnes handicapées et des personnes âgées à l’élaboration des programmes qui leur sont destinés et des stratégies et des plans d’action visant à éliminer les obstacles physiques, communicationnels et comportementaux à leur inclusion.
Les personnels humanitaires au Soudan du Sud font déjà beaucoup avec très peu, mais les besoins des personnes handicapées et des personnes âgées – trop souvent négligés – doivent être mieux pris en compte dans la planification.
« La lutte pour la survie des personnes handicapées et des personnes âgées au Soudan du Sud souligne l’ampleur dévastatrice des abus à l’encontre les civils », a conclu Shantha Rau Barriga. « Les organisations humanitaires devraient fournir une aide vitale à ceux qui ont réussi à prendre la fuite. »
Communiqué intégral en anglais, avec davantage d'informations détaillées :
www.hrw.org/news/2017/05/31/south-sudan-people-disabilities-older-people-face-danger
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