Alors que le sommet de l'Union africaine s’est achevé le 31 janvier 2016, les médias kenyans ont fait abondamment état d’informations selon lesquelles cette organisation régionale aurait apporté un soutien massif au retrait des pays africains de la Cour pénale internationale (CPI). Mais la réalité est beaucoup moins digne de faire les gros titres que la source principale – le président du Kenya, Uhuru Kenyatta, lui-même un ancien suspect visé par la CPI – a bien voulu le laisser croire.
Ce que l'UA a effectivement fait, c’est de donner son accord à ce que son Comité à composition non limitée des Ministres africains pour la CPI envisage une feuille de route ouvrant la voie à un éventuel retrait, parmi d’autres activités.
Il est certain que toute action allant dans le sens d’un retrait d’un État membre africain de la CPI est un pas dans la mauvaise direction et bafoue la justice pour les victimes de crimes internationaux.
Mais la décision de l’UA n’est ni un appel à un tel retrait collectif, ni la première occurrence en ce domaine – sans qu’aucune n’ait jamais été suivie d’effet jusqu’à présent.
Il y a de très bonnes raisons à cela. Non seulement la CPI enquête sur les pires atrocités – crimes de guerre, crimes contre l'humanité et de génocide – mais pour la majorité des affaires dont elle est saisie, ce sont des gouvernements africains eux-mêmes – Mali, Côte d'Ivoire, République centrafricaine, Ouganda et République démocratique du Congo (RDC) – qui ont demandé à la CPI d'intervenir. Et c’est par ailleurs en dehors du continent africain – en Géorgie – que ce tribunal avait ouvert sa toute première enquête.
La CPI doit-elle s’améliorer et la portée de sa juridiction s’étendre davantage? Sans aucun doute. Certaines puissances, parmi lesquelles les États-Unis, ne reconnaissent pas son autorité, n’étant pas partie au Statut de Rome, qui définit les règles de fonctionnement de la Cour. En outre, les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies peuvent bloquer les enquêtes dans les pays qui n’ont pas adhéré à ce Statut.
Mais la CPI reste l’ultime recours judiciaire quant tant d'autres options sont épuisées. La CPI peut même tenir des dirigeants pour responsables de leurs actes lorsqu’ils ont pris part à de graves abus. Il n’y a donc rien de surprenant à ce qu’elle se heurte à de vives résistances.
Des États membres africains de la CPI interagissent de manière constructive avec la CPI constamment. Mais, lorsque les débats politiques dont rage à Addis-Abeba ou même à La Haye, ils sont nombreux à garder le silence. C’est un tort causé aux Africains et aux autres victimes, ainsi qu’une violation de l’Acte constitutif de l'Union africaine lui-même, qui rejette l'impunité en vertu de son article 4. Il accroît également le risque de voir un jour couronnés de succès les efforts déployés pour promouvoir le retrait de la Cour.
Des militants à travers toute l'Afrique et d’autres groupes internationaux sont à pied d’œuvre pour combler le vide, faisant campagne pour que les gouvernements africains s’accordent sur le principe d’un soutien à la Cour. Mais la cause de la justice a besoin de davantage de champions, parmi ces mêmes gouvernements, pour garantir aux victimes une chance d’obtenir justice.