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RD Congo : Il faut arrêter le chef rebelle recherché par la CPI

Le commandant des FDLR Sylvestre Mudacumura est toujours en liberté trois ans après l’émission du mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale

(Goma, le 13 juillet 2015) – Le gouvernement de la République démocratique du Congo et les forces de maintien de la paix des Nations Unies devraient de toute urgence prendre des mesures pour arrêter le chef rebelle Sylvestre Mudacumura et le transférer à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Les forces sous le commandement de Mudacumura continuent d’être impliquées dans de graves exactions contre les civils dans l’est de la RD Congo.


Le 13 juillet 2012, la CPI a émis à l’encontre de Mudacumura, le commandant militaire des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), un mandat d’arrêt basé sur neuf chefs d’accusation pour crimes de guerre commis dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu en RD Congo. Parmi les crimes présumés figurent des attaques contre des civils, des meurtres, des mutilations, des traitements cruels, des viols, des actes de torture, des destructions de biens, des actes de pillage et des atteintes à la dignité de la personne.

« Les combattants des FDLR sous le commandement de Mudacumura ont perpétré certaines des pires atrocités commises dans l’est de la RD Congo, et pourtant peu d’efforts ont été faits pour l’arrêter », a déclaré Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch. « Avec Mudacumura toujours en liberté, les combattants des FDLR continuent de commettre des crimes épouvantables contre une population qui souffre depuis longtemps. »


Lors de recherches menées au cours des trois dernières années, Human Rights Watch a constaté que des combattants des FDLR ont tué au moins 94 civils, violé des dizaines de femmes et de filles, recruté par la force des enfants dans leurs rangs, kidnappé des personnes pour obtenir une rançon et détruit de très nombreuses maisons depuis 2012, quand le mandat d’arrêt de la CPI a été émis. Human Rights Watch a été informé d’allégations de bien d’autres crimes de guerre commis par des combattants des FDLR pendant cette période.

« Les combattants des FDLR sous le commandement de Mudacumura ont perpétré certaines des pires atrocités commises dans l’est de la RD Congo, et pourtant peu d’efforts ont été faits pour l’arrêter. Avec Mudacumura toujours en liberté, les combattants des FDLR continuent de commettre des crimes épouvantables contre une population qui souffre depuis longtemps. »
Kenneth Roth

directeur exécutif de Human Rights Watch


En outre, des personnes qui ont cherché à révéler et dénoncer les crimes persistants des FDLR ont été tuées, torturées ou autrement menacées. Lors d’un incident survenu le 12 janvier 2015, à Ruhanga, dans le territoire de Masisi, des combattants des FDLR ont tué un directeur d’école et son fils adolescent, qu’ils avaient accusés d’avoir donné des informations sur les FDLR à des officiels du gouvernement. Leurs corps ont été découverts plus tard décapités, leurs têtes plantées sur des bâtons.

Les FDLR sont un groupe armé composé principalement de Rwandais appartenant à l’ethnie hutu et basé dans l’est de la RD Congo, dont certains dirigeants ont participé au génocide de 1994 au Rwanda, pays voisin de la RD Congo. Des experts de l’ONU estiment que ce groupe armé compte environ 1 400 combattants actifs en 2015, alors que ce chiffre était estimé à 6 000 en 2008.

Un combattant des FDLR monte la garde dans une région forestière reculée de l’est de la RD Congo en février 2009.  © 2009 Reuters


Les forces des FDLR ont été impliquées dans des atrocités contre des civils congolais depuis la création du groupe en 2000. La CPI recherche Mudacumura uniquement pour des crimes présumés commis entre janvier 2009 et septembre 2010, période durant laquelle l’armée congolaise, en collaboration avec l’armée rwandaise et plus tard avec le soutien de la mission de maintien de la paix de l’ONU, livrait une campagne militaire contre les FDLR.

Durant cette période, Human Rights Watch a documenté les meurtres de plus de 700 civils commis de manière ciblée par des combattants des FDLR, souvent en guise de « punition » pour collaboration présumée avec ses ennemis. La plupart des victimes étaient des femmes, des enfants et des personnes âgées que les rebelles ont tailladé à mort à coups de machettes ou de houes, ou qu’ils ont brûlées vives dans leurs maisons. Ces attaques se sont accompagnées de viols généralisés et autres violences sexuelles. Human Rights Watch a également documenté les abus commis par des soldats rwandais et congolais pendant la campagne militaire.

Au cours des vingt dernières années, le gouvernement congolais a oscillé entre considérer les FDLR et les mouvements qui l’ont précédé comme un allié et considérer le groupe comme un ennemi. Le Groupe d’experts de l’ONU sur la République démocratique du Congo a fait état d’une étroite collaboration à certains moments entre des officiers de l’armée congolaise et leurs homologues des FDLR, laquelle se serait poursuivie en partie au cours des derniers mois. Certains officiers de l’armée congolaise se sont partagé le butin des commerces lucratifs des minerais et du charbon dans lesquels le groupe armé est impliqué, selon les experts de l’ONU.

Une femme de 50 ans dont le bras a été sectionné par des combattants des FDLR lorsqu’ils ont attaqué son village dans l’est de la RD Congo en mai 2012. Au cours de cette attaque, des combattants des FDLR armés de machettes ont tué sa fille, son fils, sa belle-fille et son petit-fils, un nourrisson.  © 2013 Ida Sawyer/Human Rights Watch


Le gouvernement congolais devrait adresser un message clair à ses responsables militaires et civils que toute collaboration avec les FDLR est strictement interdite, et que les personnes impliquées seront passibles d’actions disciplinaires ou de poursuites judiciaires, selon Human Rights Watch.

Fin 2013, après la défaite du M23, un groupe armé soutenu par le Rwanda et actif dans l’est de la RD Congo, le gouvernement congolais et les forces de l’ONU ont subi une pression accrue pour lancer de nouvelles opérations militaires contre les FDLR. Leurs opérations prévues ont été retardées lorsque les dirigeants politiques des FDLR ont annoncé que leurs combattants allaient se rendre volontairement à partir du 30 mai 2014. Dans les mois qui ont suivi, seulement environ 300 combattants des FDLR, de rang inférieur pour la plupart, se sont rendus.

Tout au long de cette période, des responsables de l’ONU, des envoyés internationaux dans la région africaine des Grands Lacs, ainsi que des responsables gouvernementaux congolais en collaboration avec des officiels de l’église et d’autres intermédiaires, ont tenté de convaincre Mudacumura de se rendre, mais sans succès.

En février 2015, l’armée congolaise a entamé contre les FDLR une opération militaire connue sous le nom de « Sokola 2 » (sokola signifie « nettoyage » en lingala et swahili). Les forces de maintien de la paix de l’ONU étaient étroitement impliquées dans la planification de la campagne militaire et étaient censées se joindre aux opérations, mais elles ont fini par retirer leur soutien à la suite de la désignation de dernière minute du général Bruno Mandevu en tant que commandant de l’armée congolaise pour l’opération, et du général Sikabwe Fall comme commandant régional de l’armée pour la province du Nord-Kivu. L’implication présumée de Mandevu et de Fall dans des violations passées des droits humains a empêché les forces de maintien de la paix de l’ONU de fournir un soutien à une opération dans laquelle étaient impliqués ces deux commandants.

Depuis le début de l’opération, l’armée congolaise indique avoir capturé plus de 250 combattants des FDLR. L’opération ne semble pas inclure d’efforts pour appréhender Mudacumura, dont on pense qu’il se cache dans la région reculée à la frontière entre les territoires de Walikale et de Lubero au Nord-Kivu.

Le gouvernement congolais et les forces de maintien de la paix de l’ONU devraient faire de l’arrestation de Mudacumura une priorité essentielle, selon Human Rights Watch. En avril 2013, le gouvernement des États-Unis a annoncé une récompense financière pouvant atteindre 5 millions de dollars US pour toute information menant à son arrestation, à sa traduction en justice, ou à sa condamnation dans le cadre de son Programme de récompense pour informations concernant les crimes de guerre (« War Crimes Rewards Program »).

« L’arrestation de Mudacumura serait cruciale pour mettre fin aux attaques contre les civils dans l’est de la RD Congo, et représenterait une avancée pour la justice internationale », a conclu Kenneth Roth. « Qu’il s’agisse du président soudanais Omar el-Béchir ou du commandant des FDLR Sylvestre Mudacumura, aucune personne visée par un mandat d’arrêt de la CPI ne devrait jamais penser pouvoir échapper à son arrestation. »

Forces démocratiques pour la libération du Rwanda
Les FDLR sont un groupe armé composé principalement de Rwandais appartenant à l’ethnie hutu. Ce groupe est basé dans l’est de la RD Congo et il recourt à la force militaire pour obtenir un changement politique et une représentation plus importante des membres de l’ethnie hutu au Rwanda. Il a des liens forts avec des extrémistes hutus qui ont organisé ou appuyé le génocide de 1994 au Rwanda, ainsi qu’avec les anciennes forces armées rwandaises et les Interahamwe, les milices rwandaises qui ont participé activement au génocide. Certains dirigeants des FDLR auraient pris part au génocide, même si la grande majorité de ses combattants aujourd’hui sont peu susceptibles de n’avoir joué aucun rôle étant donné qu’ils étaient trop jeunes à l’époque et que plusieurs combattants sont des recrues congolaises.

Au cours des vingt années qui se sont écoulées depuis le génocide, des milices rwandaises hutus basées dans l’est de la RD Congo se sont réorganisées sur les plans politique et militaire, en passant par divers changements de noms et de dirigeants. La configuration actuelle du groupe rebelle, les FDLR, a été mise en place en 2000. Mudacumura est responsable des opérations militaires des FDLR depuis 2003. Pendant le génocide au Rwanda, il était commandant de bataillon à Rutare.

Le gouvernement congolais s’est régulièrement tourné vers les FDLR et les mouvements qui ont précédé le groupe pour l’appuyer dans son combat contre les groupes rebelles congolais soutenus par le Rwanda et contre l’armée rwandaise. Pendant la guerre de 1998-2003 en RD Congo, les milices rwandaises hutus bien entraînées figuraient parmi les troupes de première ligne les plus importantes pour le gouvernement national congolais du président alors en fonctions, Laurent Désiré Kabila, se battant aux côtés de l’armée congolaise et de ses autres alliés tout au long de la guerre. Les FDLR et les mouvements qui ont précédé ce groupe ont mené des attaques sporadiques en pénétrant au Rwanda, mais celles-ci ont diminué notablement ces dernières années. Le gouvernement rwandais a utilisé à maintes reprises les incursions des FDLR pour justifier ses propres opérations militaires et son soutien pour des groupes armés en RD Congo.

Dans le cadre de l’accord mettant fin à la guerre de la RD Congo en 2003, le gouvernement congolais a pris un engagement symbolique de démanteler les FDLR et de faciliter le retour de leurs membres au Rwanda, mais ses efforts ont souvent été timides et ont abouti à un succès limité. L’armée congolaise a continué de recourir aux FDLR lorsqu’elle avait besoin de soutien militaire pour combattre les groupes armés dirigés par des membres de l’ethnie tutsi dans l’est de la RD Congo, comme le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), et plus tard le M23. Cet appui aux FDLR a constitué une source importante de tension entre la RD Congo et le Rwanda.

Opérations militaires contre les FDLR en 2009 et 2010
En janvier 2009, en échange de l’aide du Rwanda pour vaincre le CNDP, le Président Joseph Kabila a permis aux troupes rwandaises d’entrer dans l’est de la RD Congo pour participer à des opérations conjointes contre les FDLR. Cette opération, connue sous le nom de « Umoja Wetu », a duré 35 jours. Elle a été suivie quelques semaines plus tard par une autre opération militaire connue comme « Kimia 2 », menée par l’armée congolaise avec un soutien de la mission de maintien de la paix de l’ONU en RD Congo.

Les FDLR ont répondu à ces offensives en attaquant délibérément des civils congolais afin de les « punir » pour les opérations militaires du gouvernement. Le mandat d’arrêt de la CPI à l’encontre de Mudacumura est basé sur des crimes commis durant cette période.

Au cours du pire incident perpétré par les FDLR, au moins 96 civils ont été massacrés dans le village de Busurungi, dans la région de Waloaluanda, au Nord-Kivu, les 9 et 10 mai 2009. Les combattants des FDLR ont ligoté certaines des victimes avant de « leur trancher la gorge comme à des poulets », ainsi qu’un témoin a déclaré à Human Rights Watch peu après l’attaque. Ils ont délibérément enfermé d’autres victimes dans leurs maisons avant d’y mettre le feu et de les réduire en cendres.

Les exactions commises par les FDLR et par l’armée congolaise au cours des opérations militaires de 2009 sont détaillées dans le rapport de Human Rights Watch de décembre 2009 intitulé  « Vous serez punis ».

Exactions persistantes des FDLR
Depuis l’émission du mandat d’arrêt de la CPI contre Mudacumura, les combattants des FDLR ont continué à commettre des exactions, parfois conjointement avec d’autres groupes armés congolais comme l'Alliance du peuple pour un Congo libre et souverain (APCLS) et les « Nyatura », une alliance informelle de groupes armés congolais hutus.

Exécutions sommaires
Human Rights Watch a documenté les meurtres délibérés d’au moins 94 civils perpétrés par des combattants des FDLR entre mai 2012 et avril 2015. La majorité de ces victimes ont été tuées entre mai et août 2012 dans les territoires de Kalehe et de Walikale. Durant cette période, les « Raia Mutomboki », une alliance de groupes de défense locaux prétendant protéger les populations locales contre les FDLR, ont mené des attaques brutales contre des familles de membres des FDLR et d’autres civils hutus. Les FDLR ont répliqué en attaquant des communautés qu’elles accusaient de soutenir les Raia Mutomboki.

Par exemple, le 5 mai 2012, les FDLR ont attaqué le village de Lumendje, dans le territoire de Kalehe, tuant au moins 14 civils, dont 5 femmes et 5 enfants. Les assaillants ont laissé un message sur les lieux, déclarant que ce n’était que leur première opération et avertissant que d’autres attaques suivraient. Le 14 mai 2012, les FDLR ont mis leur menace à exécution, attaquant le village de Kamananga, également dans le territoire de Kalehe, tuant 36 civils, dont 17 enfants, et incendiant des dizaines de maisons. Certaines des victimes ont été abattues par balle, nombre d’entre elles ont été tuées à coups de machette, et d’autres ont été brûlées vives dans leurs maisons.

Un pasteur de 40 ans originaire de Kamananga rentrait chez lui le jour de l’attaque :

Nous avons vu des maisons au toit de chaume en flammes. Nous avons vu le cadavre d’une femme gisant dans une mare. Quelques mètres plus loin, l’enfant de ma voisine avait été coupé en deux. J’ai découvert que ma tante avait été tuée. Par terre à côté de son corps, gisait son petit-fils, mort lui aussi. Quand je me suis dirigé vers ma propre maison, j’ai vu le cadavre de mon beau-frère. À proximité, j’ai vu le corps de la sœur de mon beau-frère. Elle avait été tuée d’une balle dans la tête ; sa tête était complètement fracassée. Quand je suis arrivé chez moi, tous mes enfants pleuraient. Ils m’ont dit que leur mère avait été tuée. Son corps ne se trouvait pas dans la maison, mais dans le champ de manioc derrière chez nous. Elle avait été poignardée en plein cœur et le couteau ressortait dans son dos. Quand je l’ai vue là, je me suis mis à pleurer avec les autres.

En juillet 2012, après une série de confrontations militaires avec les Raia Mutomboki, les FDLR ont attaqué le village de Mundjuli, dans le territoire de Walikale, tuant 39 civils et incendiant 93 maisons.

Enlèvements
Les FDLR ont également kidnappé des personnes pour obtenir une rançon. Un éleveur de vaches de Bwito, dans le territoire de Rutshuru, a expliqué à Human Rights Watch que son fils de 17 ans avait été kidnappé puis tué par des combattants des FDLR début avril 2015 après que le père n’a pas payé à temps les 3 000 dollars US qu’ils exigeaient. Il a découvert plus tard le corps de son fils décapité.

Des combattants des FDLR volent et extorquent fréquemment de l’argent aux civils vivant dans les régions se trouvant sous leur contrôle. Ils enlèvent et maltraitent ou torturent les personnes qui sont dans l’incapacité de payer les « taxes » qu’ils réclament. Un ancien enfant soldat des FDLR a confié à Human Rights Watch qu’il avait vu des combattants des FDLR attacher leurs victimes par les mains à un arbre et par les pieds à un autre arbre avant de les battre jusqu’à ce qu’elles soient « à moitié mortes ». Une femme enceinte âgée de 25 ans a été si grièvement blessée par des combattants des FDLR qu’elle a fait une fausse couche.

Un défenseur congolais des droits humains a déclaré à Human Rights Watch en novembre 2013 que trois combattants des FDLR étaient venus chez lui et l’avaient emmené jusqu’à leur base à Buleusa, dans le territoire de Walikale, parce qu’il avait signalé leurs exactions aux autorités gouvernementales locales. Les combattants des FDLR l’ont torturé pour lui faire dire les noms des personnes qui lui donnaient des informations. Comme il s’y refusait, ils l’ont jeté dans un trou creusé dans le sol qu’ils utilisaient comme prison de fortune. Ils l’y ont gardé pendant huit jours. « Quand il pleuvait, toute la pluie entrait dans ce trou », a expliqué cet activiste. « J’ai passé les nuits là dans la boue comme un cochon. »

Violences sexuelles
Comme d’autres forces ayant commis des exactions dans l’est de la RD Congo, des combattants des FDLR ont violé des milliers de femmes et de filles dans toutes les zones d’opérations, en ont kidnappé un grand nombre et les ont forcées à servir d’esclaves sexuelles pour leurs commandants. Le rapport annuel du Secrétaire général de l’ONU sur les violences sexuelles liées aux conflits cite les FDLR dans son annexe sur les parties suspectes plausibles de commettre ou d’être responsables d’actes de viol ou autres formes de violence sexuelle.

Le 7 mai 2012, des combattants des FDLR ont capturé et violé plus de 30 femmes et filles du village de Kipopo, dans le territoire de Masisi. Trois fillettes, âgées de 7 à 11 ans, sont mortes après avoir subi des viols collectifs. En novembre 2012, les FDLR ont attaqué le village de Kipopo de nouveau, enlevant cette fois trois femmes et un bébé. Une jeune femme de 28 ans mère de cinq enfants a indiqué à Human Rights Watch qu’elle avait été emmenée avec les autres jusqu’au camp des FDLR et violée à maintes reprises : « Je ne sais pas combien d’hommes m’ont violée en tout, mais probablement au moins 10 hommes chaque jour. » Elle a été délivrée ainsi que les autres femmes trois jours plus tard, lorsque des jeunes de son village ont attaqué les FDLR.

Des combattants des FDLR ont violé une agricultrice de 30 ans de Bukonde, un village reculé du territoire de Masisi, le 28 septembre 2013, alors qu’elle se trouvait dans son champ avec son jeune enfant et la gardienne de celui-ci, âgée de 15 ans :

Tout d’un coup j’ai vu trois hommes armés vêtus d’uniformes militaires et chaussés de bottes noires. Ils se trouvaient sur le chemin qui traverse mon champ. Ils se sont approchés de moi et m’ont dit en kinyarwanda [la langue parlée au Rwanda]: « Tu vas voir comment nous souffrons ici. » Alors ils m’ont poussée brutalement et je suis tombée par terre. Ils ont immédiatement commencé à tirer sur ma jupe et à déchirer mes sous-vêtements avec un couteau. L’un d’eux m’a violée et je me suis mise à hurler, et puis l’autre est venu sur moi après lui. Ensuite, ils ont pris la gardienne, jeté le bébé sur le côté, et ils lui ont fait des choses très graves à elle aussi. Ils sont partis en disant : « Ce n’est pas fini. Nous allons faire des choses horribles dans votre village. » Le même soir vers 22heures, ils [FDLR] sont venus dans notre village piller et incendier des maisons.

Recrutement forcé d’enfants
Des combattants des FDLR ont recruté par la force dans leurs rangs des centaines d’enfants, notamment de nombreux garçons réfugiés rwandais de l’ethnie hutu ainsi que d’autres membres des familles des FDLR, et des enfants congolais hutus également, entre autres. Le Secrétaire général de l’ONU a identifié les FDLR comme un « coupable persistant » de recrutement d’enfants, et depuis plus de dix ans, a mentionné les FDLR pour graves violations contre les enfants dans ses rapports annuels au Conseil de sécurité. Des responsables de l’ONU chargés de la protection des enfants ont documenté le recrutement par les FDLR d’au moins 123 enfants en 2012, 47 en 2013, 63 en 2014, et 27 pour les trois premiers mois de 2015. Les chiffres réels sont probablement beaucoup plus élevés.

Bon nombre de ces enfants ont été enlevés pendant les attaques des FDLR contre leurs villages. D’autres ont été enlevés au marché ou en s’y rendant, en rentrant de l’école, ou alors qu’ils travaillaient dans les champs. Certains étaient des membres de la famille de combattants des FDLR.

Un ancien combattant des FDLR a expliqué à Human Rights Watch que les FDLR avaient attaqué l’Institut Bumbasha, une école secondaire de Rutshuru, en juillet 2013, enlevant 13 élèves (10 garçons et 3 filles) ainsi que deux autres filles du village. Les combattants ont forcé tous les enfants à rejoindre les FDLR et à servir en tant que combattants ou travailleurs forcés. Ils ont violé au moins l’une des filles. À peu près au même moment, le même groupe de combattants des FDLR a attaqué une église protestante à Kivumo, dans le territoire de Rutshuru, pendant l’office du dimanche, et a kidnappé cinq personnes.

Des enfants au sein des FDLR ont été forcés de participer dans des combats armés, de garder des camps, de mener des expéditions de pillage et de collecter des « taxes » le long des routes. Les enfants les plus jeunes – certains ayant à peine 9 ans – sont surtout utilisés comme porteurs, espions et cuisiniers.

Un garçon de 14 ans recruté de force par les FDLR a évoqué les violences subies par certains enfants. Il a affirmé avoir vu un haut commandant des FDLR faire entrer de force un garçon de 13 ans dans des latrines où il l’a abattu d’une balle dans la tête parce qu’il était accusé d’avoir révélé des informations sur les FDLR.

Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, que la RD Congo a ratifié en 2001, interdit tout recrutement ou utilisation des enfants de moins de 18 ans par des groupes armés non étatiques.

Efforts internationaux pour traduire les dirigeants des FDLR en justice
Le mandat d’arrêt de la CPI contre Mudacumura porte sur les crimes présumés commis en RD Congo. Bien que Mudacumura soit un citoyen rwandais, et qu’il était officier militaire dans l’armée rwandaise pendant la période du génocide, il n’a pas été inculpé par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), le tribunal géré par l’ONU et mis en place pour mener des poursuites contre les personnes responsables de génocide et autres graves violations du droit humanitaire international au Rwanda en 1994. Le TPIR, qui s’est concentré sur les poursuites contre les personnes accusées d’avoir joué un rôle de premier plan dans le génocide au Rwanda, a presque achevé ses activités.

En septembre 2010, la CPI avait émis un mandat d’arrêt scellé à l’encontre du secrétaire exécutif des FDLR, Callixte Mbarushimana, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui auraient été commis dans l’est de la RD Congo en 2009. Mbarushimana a été arrêté en France en octobre 2010, mais les juges de la Chambre préliminaire I de la CPI ont refusé de confirmer les charges contre lui pour insuffisance de preuves. Il a été remis en liberté en décembre 2011. Mbarushimana fait également l’objet d’une enquête de la part d’une unité française chargée des crimes de guerre, en lien avec des crimes présumés commis pendant le génocide au Rwanda.

Deux dirigeants politiques des FDLR, l’ancien président Ignace Murwanashyaka et le vice-président Straton Musoni, ont été arrêtés le 17 novembre 2009, en Allemagne – où ils vivaient depuis de nombreuses années – et doivent répondre de 26 chefs de crimes contre l’humanité et 39 chefs de crimes de guerre qui auraient été commis par les membres des FDLR en RD Congo entre janvier 2008 et novembre 2009. Ils ont également été accusés d’appartenance à un groupe terroriste. Leur procès devant un tribunal pénal local à Stuttgart, en Allemagne, s’est ouvert le 4 mai 2011. Le procès tire maintenant à sa fin, le verdict étant attendu dans les prochains mois.

Trois Rwandais accusés de diriger un réseau de la diaspora ayant apporté un important soutien financier aux FDLR – Bernard Twagiramungu, Félicien Barabwiriza et Jean Bosco Uwihanganye – ont également été arrêtés en Allemagne, en décembre 2012, et mis en accusation pour appartenance ou soutien à une organisation terroriste. Ils ont été reconnus coupables par un tribunal local à Düsseldorf le 5 décembre 2014 après avoir fait des aveux. Ils ont été condamnés à des peines allant de deux à quatre ans d’emprisonnement.

Dix dirigeants des FDLR sont mentionnés sur une liste de sanctions de l’ONU et font l’objet d’une interdiction de voyager et de gels d’avoirs : Ignace Murwanashyaka, Straton Musoni, Callixte Mbarushimana, Sylvestre Mudacumura, Gaston Iyamuremye, Léodomir Mugaragu, Léopold Mujyambere, Félicien Nsanzubukire, Pacifique Ntawunguka et Stanislas Nzeyimana. Le 31 décembre 2012, le comité des sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU a ajouté les FDLR en tant qu’organisation à la liste des personnes et des entités faisant l’objet de sanctions.

Les pays membres de la CPI reconnaissent de plus en plus souvent qu’il ne peut y avoir de justice tant que les personnes sous le coup de mandats d’arrêt de la CPI, comme Mudacumura, ne sont pas appréhendées. Des discussions sont en cours entre Etats membres au sein de l’Assemblée des États parties, qui fournit une surveillance de l’administration de la CPI, au sujet de l’adoption d’un plan d’action sur des stratégies d’arrestation.

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