Human Rights Watch

Les Commissions gouvernementales des droits de l'homme en Afrique : Protecteurs ou Pretendus Protecteurs?
Rwanda








Présentation Générale

Résumé

Normes Iinternationales: les Principes de Paris

Facteurs Importants

Etat des Lieux

Contributions Innovatrices et Positives des Commissions

Les Iniatives Régionales

Le Role de la Communauté Internationale

Conclusion

Recommandations

Abréviations

Remerciements




    Commission Nationale des Droits de l'Homme

Origine et mandat

La Commission Nationale des Droits de l'Homme rwandaise a été établie en vertu d'une loi adoptée par l'Assemblée Nationale en mars 1999 et les sept commissaires ont été élus en mai 1999.

La création d'une commission nationale des droits de l'homme avait déjà été prévue en août 1992 dans le protocole établissant un Etat de droit au Rwanda par le gouvernement rwandais et le Front Patriotique Rwandais qui lui faisait la guerre à l'époque. Ce protocole a ensuite été intégré aux Accords de paix d'Arusha, signés un an plus tard, en août 1993. Après sa victoire contre le gouvernement rwandais en juillet 1994, le Front Patriotique Rwandais a formé un nouveau gouvernement qui a accepté de prendre les Accords d'Arusha et la constitution rwandaise existante comme loi fondamentale du pays. Cependant, la loi no. 04/99 relative à la création de la commission n'a été adoptée par l'assemblée nationale que cinq ans plus tard, le 12 mars 1999. Le gouvernement avait d'abord envisagé d'instituer cet organe par décret présidentiel, mais suite aux efforts faits par le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, il a accepté qu'elle soit établie par une loi après un débat parlementaire à l'assemblée nationale.

Le mandat de la Commission est précisé brièvement et en des termes généraux à l'article 3 de la loi no. 04/99 : « D'examiner et de poursuivre les violations des droits de l'Homme commises par qui que ce soit sur le territoire rwandais, particulièrement par les organes de L'Etat et par des individus sous le couvert de l'Etat ainsi que par toute organisation oeuvrant au Rwanda. »  En vertu de l'article 4, les fonctions de la commission sont : « Sensibiliser et former la population rwandaise en matière des Droits de l'Homme » et « Déclencher éventuellement des actions judiciaires en cas de violations des Droit de l'Homme par qui ce soit. » On ne sait toutefois pas si la Commission doit uniquement informer les autorités qui vont alors entamer des poursuites judiciaires, ou si elle peut entamer elle-même cette procédure judiciaire. Interrogé à ce propos par Human Rights Watch, le président de la Commission a répondu que cette question n'avait pas encore été résolue.1

L'Article 5 charge la commission de rapporter « à la Présidence de la République, au Gouvernement, à l'Assemblée Nationale et à la Cour Suprême sur tous les cas de violations de Droits de l'Homme constatés», et l'Article 6 précise en outre que la commission doit soumettre un rapport annuel de ses activités au Président, avec copies adressées au gouvernement, à l'Assemblée Nationale et à la Cour Suprême. Il n'est pas stipulé que les rapports de la commission doivent être rendus publics. Aux termes de l'Article 2, la commission est indépendante mais elle n'est pas nécessairement permanente. L'article précise uniquement qu'elle est établie pour une « durée indéterminée. »

En octobre 99, la commission a convoqué une conférence réunissant des représentants d'autres commissions nationales des droits de l'homme ainsi que des représentants d'organisations locales et internationales des droits de l'homme. A cette occasion, il a été recommandé que la loi 04/99 soit révisée afin de renforcer les pouvoirs de la commission en l'habilitant à convoquer et à interroger des témoins et à les contraindre à témoigner. Il a également été proposé que la commission soit explicitement habilitée à recevoir et enquêter sur les plaintes individuelles ou autres relatives à des violations des droits de l'homme, à visiter les prisons et autres lieux de détention et à rendre publics ses rapports. Par ailleurs, il a été constaté qu'il existait quelques variations entre les versions de la loi en kinyarwanda, en français et en anglais et il a été recommandé que les traductions soient adaptées pour être conformes à l'original kinyarwanda. En décembre 1999, ces changements n'avaient pas encore été opérés.

Dans son plan de travail d'octobre 1999, la commission a précisé qu'outre l'investigation des abus actuels, elle consacrerait l'année 2000 à enquêter sur les violations perpétrées entre 1990 et 1999, et l'année 2001 à l'investigation des abus commis avant 1990. Etant donné que le génocide de 1994 et d'autres massacres perpétrés par des acteurs étatiques et non étatiques ont eu lieu pendant ces périodes, il semble que cela requerrait la mise en _uvre de moyens considérables. Interrogé par Human Rights Watch au sujet de la façon dont le personnel de la commission répartirait le temps entre les enquêtes concernant le passé et celles portant sur le présent, son président a répondu que cela n'avait pas encore été défini.2

Procédures d'engagement et de nomination

Le gouvernement a proposé dix candidats pour les sept postes de la commission et l'Assemblée Nationale a procédé à leur élection.

Parmi les sept personnes élues, l'une - le président de la Commission - avait précédemment été à la tête d'une petite organisation des droits de l'homme basée en Belgique, et une autre avait dirigé une association de femmes au Rwanda qui avait effectué un important travail en matière de droits de l'homme. Les autres avaient occupé des postes gouvernementaux ou des positions liées au Front Patriotique Rwandais. L'un des commissaires avait notamment été officier supérieur dans l'Armée patriotique rwandaise et lui avait servi pendant un certain temps d'agent de liaison avec la presse étrangère avant de devenir rédacteur en chef d'un journal semi-officiel.

Le président de la commission a rang de ministre et les autres commissaires sont considérés comme l'équivalent des secrétaires généraux des ministères. Le chef du secrétariat de la commission aura aussi le rang de secrétaire général d'un ministère. Bien que personnellement responsables de leurs actes, les commissaires ne peuvent pas être maintenus en détention préventive et ils peuvent comparaître en justice par procuration. Ils ne peuvent être poursuivis ou faire l'objet d'un procès pour les opinions exprimées dans l'exercice de leurs fonctions et ils ne doivent comparaître que devant la Cour Suprême, et non devant des tribunaux ordinaires. (Cette dernière disposition a été critiquée à la conférence d'octobre, les commissaires étant ainsi placés au-dessus des autres citoyens par rapport à la loi.) Tant qu'ils siègent à la commission, les commissaires ne peuvent occuper aucun autre poste et ils sont rémunérés par le gouvernement.

Chaque commissaire est chargé de l'une des divisions de la commission : droits civils et politiques ; droits économiques, sociaux et culturels et droit au développement ; législation et conflits ; recherche et développement ; éducation et conscientisation ; partenariats et relations avec les autres institutions. Le président supervise le travail de l'ensemble des six divisions. La commission a engagé treize employés en 1999 et elle envisage d'en recruter vingt-six de plus au cours de l'année 2000.

Activités

La commission n'existe pas depuis suffisamment longtemps pour qu'un bilan puisse être dressé. Les commissaires ont commencé par suivre une formation d'un mois à l'Université de Strasbourg et ils se sont ensuite occupés de questions de finances, de logistique et de recrutement de personnel. En octobre, la commission a accueilli une table ronde publique réunissant des représentants de commissions similaires du Burundi, du Canada, du Ghana et d'Ouganda, ainsi que des associations de la société civile du Rwanda. Le Représentant spécial de l'ONU pour le Rwanda et le conseiller spécial du Haut Commissaire de l'ONU aux Droits de l'Homme étaient également présents. A la fin de cette table ronde et avec l'assistance de l'ONU, un Groupe d'Amis de la Commission, composé de bailleurs de fonds internationaux implantés à Kigali, a été mis sur pied afin de maintenir un dialogue ouvert avec la commission et de lui apporter le soutien nécessaire pour lui permettre de fonctionner efficacement et de façon autonome. Depuis octobre 1999, ce groupe s'est réuni à quatre reprises et a été présidé respectivement par le représentant du PNUD au Rwanda, les ambassadeurs du Royaume-Uni et d'Allemagne, et le chef de la mission suisse. En septembre et octobre, les commissaires ou des membres du personnel ont rencontré les Rwandais dans neuf des douze préfectures du pays, recherchant des avis sur les priorités que la commission devait se fixer. Les personnes consultées incluaient des fonctionnaires et autres agents de l'Etat, ainsi que des représentants d'organisations non gouvernementales locales.

Dans un rapport préparé à la fin de sa première année d'activités, la commission signalait que son département de droits civils et politiques avait enregistré vingt-huit plaintes pour violation des procédures judiciaires, torture physique ou psychologique, et violation du droit de la défense. Quatre de ces cas ont été réglés. Son département des droits économiques, sociaux et culturels a enquêté à propos de huit cas et en a réglé trois, tandis que son département des affaires légales a enregistré cinq plaintes et en a réglé une. Par ailleurs, la commission a organisé un grand nombre d'activités éducatives et de formations à travers le pays et les membres de la commission ont effectué des missions à l'étranger au Haut Commissariat de l'ONU aux Droits de l'Homme ainsi qu'en Belgique, en Chine, en Ethiopie, en Allemagne et au Royaume-Uni.3

Parmi les plaintes reçues, deux ont été portées à son attention par Human Rights Watch. Le premier cas concernait un homme d'affaires fort respecté qui avait été enlevé de son lieu de travail au centre de Kigali le 31 août 1999, et qui avait été détenu par les services de renseignements militaires (DMI). En octobre 1999, les chercheurs de Human Rights Watch ont rendu visite au DMI pour demander des informations sur cette affaire. Après une première réponse disant que le DMI n'était pas au courant de l'affaire, l'un des officiers a reconnu que la personne en question y était détenue. Human Rights Watch a discuté de ce cas avec le président de la commission qui a apparemment fait pression discrétement sur le DMI pour que cette personne soit déférée au bureau du procureur militaire. A la fin 1999, elle était détenue dans une prison militaire, ouvertement mais illégalement.4

Le second cas est celui d'une jeune femme qui avait survécu au génocide et qui avait été emmenée de chez elle sous la contrainte par un soldat ou ancien soldat de l'Armée patriotique rwandaise. Apparemment, il agissait de concert avec des personnes qui souhaitaient prendre le contrôle d'une petite église où la jeune femme jouait un rôle important. Le ravisseur avait menacé la jeune femme de la rouer de coups et de la faire emprisonner et il a ensuite menacé les chercheurs de Human Rights Watch lorsqu'ils ont tenté d'obtenir sa libération. Grâce au soutien d'amis et de collègues de la radio nationale et de la gendarmerie nationale, le ravisseur a pu garder la jeune femme pendant un jour avant que d'autres interventions n'aient finalement permis de la libérer. La jeune femme a déposé une plainte écrite auprès de la commission.5

Financement

Pour sa première année d'activités, la commission a reçu 250 millions de francs rwandais [environ 660.000 US$] du gouvernement et elle en a dépensé environ 206 millions [55.000 US$]. La commission doit être financée par le gouvernement rwandais et par les contributions d'autres sources. A l'heure actuelle, elle demande l'aide de bailleurs de fonds étrangers. Le Haut Commissariat de l'ONU aux Droits de l'Homme, le PNUD, le gouvernement suisse et le gouvernement belge ont soutenu certaines de ses activités initiales, notamment la conférence d'octobre 1999.

Evaluation

Il est beaucoup trop tôt pour dire si la commission fonctionnera de façon suffisamment indépendante pour contribuer considérablement à l'amélioration de la situation des droits de l'homme au Rwanda. Certains de ses membres ont des liens étroits avec le gouvernement et pourraient préférer adopter une approche discrète et travailler en coulisses plutôt que de s'opposer au gouvernement et critiquer ouvertement les atteintes aux droits de l'homme. Si c'était le cas, même si une telle approche peut s'avérer utile dans certains cas individuels, elle risque de ne pas contribuer beaucoup à un réel respect des droits de l'homme au Rwanda.

1 Entretien de Human Rights Watch avec M. Gasana Ndoba, Président de la Commission Nationale des Droits de l'Homme, Kigali, Rwanda, le 7 octobre 1999. 2 Ibid. 3 Commission nationale des Droits de l'Homme, « Raporo ya Komisiyo y'Igihugu ishinzwe Uburenganzira bw'Ikiremwamuntu, Kamena - Ukiboza 1999, » Kigali, mai 2000. 4 Entretien de Human Rights Watch avec M. Gasana Ndoba, président de la Commission Nationale des Droits de l'Homme, Kigali, Rwanda, le 7 octobre 1999. 5 Ibid.
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