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Présentation Générale Résumé Normes Iinternationales: les Principes de Paris Facteurs Importants Etat des Lieux Contributions Innovatrices et Positives des Commissions Les Iniatives Régionales Le Role de la Communauté Internationale Conclusion Recommandations Abréviations Remerciements |
Origine et mandat Le Standing Committee on Human Rights1 [Comité permanent des droits de l'homme] est né en réponse à de nombreux rapports d'associations nationales et internationales de défense des droits de l'homme dénonçant depuis des années l'attitude du gouvernement face aux droits de l'homme. Bien que l'on ait assisté à une véritable ouverture depuis que le gouvernement du Président Daniel arap Moi a été forcé d'accepter le multipartisme en 1991, il reste des progrès à faire en termes de démocratisation et de droits de l'homme au Kenya. Le gouvernement continue à se dérober à ses promesses de réformes qui permettraient une plus grande démocratisation. Seuls quelques rares progrès ont été réalisés puisque le pouvoir absolu du président a été réduit. Pour éluder les critiques nationales et internationales sur son attitude en matière de droits de l'homme, le gouvernement Moi recourt souvent à l'une de ses tactiques favorites qui consiste à créer des organes ad hoc tels que des commissions d'enquête ou des comités parlementaires sans aucun pouvoir contraignant ou de réparation pour traiter les affaires de violations des droits de l'homme. Le Comité permanent des droits de l'homme en est un exemple. En juillet 1995, peu avant que les bailleurs de fonds du Kenya ne se retrouvent pour une réunion de consultation à Paris pour discuter de l'aide à apporter au Kenya, le Président Moi a annoncé la constitution d'un comité chargé des droits de l'homme où siègeraient des avocats bien en vue. La réunion des financeurs coïncidait avec la publication de rapports sur les violations des droits de l'homme par deux ONG internationales : Amnesty International et Human Rights Watch. Dans un premier temps, le comité annoncé a été présenté comme un organe national, puis comme un comité du parti dirigeant, et enfin de nouveau comme une instance nationale gouvernementale des droits de l'homme. L'annonce n'a provoqué qu'une réaction mitigée parmi les observateurs locaux, certains accueillant favorablement cette initiative, d'autres y voyant une man_uvre de relations publiques visant à rassurer les bailleurs de fonds.2 L'annonce par le Président Moi n'a pas été suivie de la loi habilitante, ce qui met d'autant plus en cause la légitimité et l'autonomie du Standing Committee on Human Rights. Les défenseurs des droits de l'homme ont exprimé leur inquiétude quant au processus qui a mené à la création de cette instance. En réponse à cette préoccupation, le 21 juin 1996, c'est-à-dire près d'un an plus tard, le gouvernement a publié une note dans le Journal officiel [Kenya Gazette] dans laquelle il annonçait la création du Standing Committee on Human Rights (un mois après que les membres aient été nommés).3 Le 5 juillet 1996, le procureur général lançait officiellement le Comité permanent et précisait dans son discours que le gouvernement kenyan s'engageait à s'attaquer à toutes les violations des droits de l'homme et à établir les mécanismes de réparation et de protection nécessaires pour garantir le respect de ces droits garantis tant dans la constitution que dans les conventions internationales.4 Cependant, l'avis ayant été publié sous forme de note dans le Journal officiel et n'émanant pas d'une législation secondaire [subsidiary legislation] ou d'une loi du parlement, il n'a donc pas fait l'objet d'une sanction législative légitime.5 Les autorités ont tenté de remédier à cette carence juridique en prétendant que le président avait le pouvoir de fonder le Comité permanent en publiant une note au Journal officiel, en vertu de l'Article 23 de la constitution qui autorise le président à nommer ou révoquer toute personne à n'importe quel poste.6 Agissant en vertu de ce pouvoir énorme, le gouvernement a nommé les différents membres du Comité permanent des droits de l'homme. Le contrôle de l'Exécutif sur le comité est allé plus loin encore puisque le gouvernement a défini les fonctions et pouvoirs du comité. Les actes posés par le gouvernement sont juridiquement discutables dans la mesure où l'Article 23 de la constitution ne permet ni la création d'un organe exécutif ni la définition de ses compétences. L'Article 30 accorde au seul parlement le pouvoir de légiférer.7 Les règles procédurales qui ont ensuite été rédigées par le Prof. Mutungi en sa qualité de président du Comité Permanent sont également entachées de vices juridiques.8 Le Parlement n'a pas délégué de pouvoirs au président pour la rédaction de règles qui équivaudraient à des lois secondaires. Ces règles et règlements sont autant de lois qui ne peuvent être adoptées que par le corps législatif dans le respect de l'Article 30 de la constitution. Les règles du comité ont prétendument été rédigées conformément à la note fondatrice du Journal officiel qui stipule que le Comité « devra, en concertation avec le Procureur général, fixer ses propres procédures. »9 Néanmoins, dans la mesure où cette même note n'émane pas du parlement, elle ne peut octroyer aucun pouvoir pour édicter des règles législatives secondaires. Le gouvernement était tout à fait conscient des limites juridiques de ses actes mais les initiatives prises reflètent précisément le dilemme auquel il était confronté à l'époque : d'une part, il devait faire un geste pour répondre aux pressions internes et internationales, d'autre part, il ne souhaitait pas créer d'instance gouvernementale autonome qui pouvait voler de ses propres ailes et s'élever contre les actes posés par l'exécutif. En définitive, le Président Moi a fortement penché en faveur de la seconde solution et conféré à l'exécutif le contrôle total de la nouvelle instance des droits de l'homme, sacrifiant presque totalement la crédibilité et la légitimité de ce nouveau comité, qui n'est autonome que de nom. Le Standing Committee on Human Rights est donc un organe dont la composition est laissée à la discrétion du président. Les membres sont nommés par lui et ne doivent rendre des comptes qu'à lui. Leur action est également décidée par lui et ils ne peuvent être révoqués que par lui. Pourtant, le comité persiste à affirmer qu'il est une instance indépendante. Sa déclaration de mission stipule qu'il est: « une institution indépendante habilitée, en vertu de son mandat, à enquêter sur des plaintes pour injustice, abus de pouvoir et traitements injustes commis à l'encontre de toute personne par un agent public dans l'exercice de ses fonctions. Il enquête sur de possibles violations des droits et libertés fondamentaux garantis par la constitution. Sa mission consiste entre autres à éduquer le public et à le sensibiliser à ses droits privés et collectifs. »10 Ses pouvoirs sont extrêmement réduits. Les règles de procédure ébauchées par le président du comité, Onesmus Mutungi, limitent encore davantage les pouvoirs et l'efficacité du comité en interdisant à ses membres de faire la moindre déclaration publique.11 La seule attribution de cette institution est de faire des recommandations au président. Ses rapports étaient confidentiels jusqu'en 1998 et ils ne pouvaient être publiés. En 1998, le comité a pour la première fois publié un rapport. Interrogé sur la façon dont la population réagirait au travail du Comité permanent s'il ne faisait pas de déclarations publiques, le président, Onesmus Mutungi, a répondu : « En tant que bons Chrétiens, nous espérons qu'elle appréciera nos succès en silence. »12 La polémique à propos du processus irrégulier qui a permis la création du comité ne s'est pas dissipée au fil des ans. Le gouvernement sait pertinemment bien que les fondements juridiques doivent être améliorés. Dans leur premier rapport, les commissaires ont recommandé que soit votée une loi au parlement qui accorderait au comité des pouvoirs et une autonomie suffisants. Début 1998, une proposition de loi a été rédigée par le comité et soumise au procureur général pour qu'il l'étudie en attendant le débat parlementaire. Le Haut Commissariat de l'ONU aux Droits de l'Homme a fourni des avis techniques sur le projet de loi, ce qui indique la sincérité du comité et de ses défenseurs à réellement renforcer sa base juridique et ses pouvoirs. Certains ministres et, plus particulièrement le ministre de la justice, ont préconisé la création d'une instance nationale jouissant d'un certain degré de légitimité. Cependant, le Président Moi s'est montré très réticent à l'idée qu'une unité dépendant de son administration puisse jouir d'autonomie. En fin de compte, après pratiquement quatre ans, un projet de loi parlementaire a été esquissé et devrait être présenté au parlement en 2000. Cette proposition de loi vise à conférer davantage de pouvoirs au comité, comme par exemple, le pouvoir de citer à comparaître, une autonomie financière assurée par le parlement plutôt que par le ministre de la justice et la sécurité des postes pourvus13. En mars 2000, un atelier de concertation, mis sur pied par le PNUD, a été organisé pour discuter du Projet de Loi relatif à la Commission nationale des droits de l'homme. La rencontre a vu la participation des membres du Comité permanent et celle du ministre de la justice et des membres de son ministère, des représentants des ONG locales des droits de l'homme et de juristes, ainsi que du conseiller spécial du Haut Commissariat de l'ONU aux Droits de l'Homme. Lors de cette rencontre, le ministre de la justice aurait déclaré : Nous voulons une Commission kenyane des droits de l'homme instituée par une loi du parlement et répondant aux normes internationales sur le plan de sa composition et de ses activités. Il est essentiel de s'assurer qu'à l'avenir, rien n'empêche le Comité permanent des droits de l'homme de pouvoir exercer ses responsabilités de manière effective. En d'autres termes, il est impératif que le parlement adopte un texte législatif qui pourvoit mieux à l'établissement, aux fonctions et aux pouvoirs de cette institution.14 Il s'agit là d'une avancée positive qui permettrait au comité de ne plus être une `faveur présidentielle' mais de devenir une commission nationale des droits de l'homme plus authentique. On ne sait toutefois pas encore si la nouvelle institution sera réellement indépendante ou si elle ne sera qu'une simple version « remodelée » du Comité permanent. Procédures d'engagement et de nomination L'exécutif exerce un contrôle strict sur la nomination et le mandat des commissaires. Les membres du Comité permanent sont nommés par le Président qui peut également les révoquer à sa discrétion. Tous les membres du comité sont engagés à temps partiel. Dix commissaires ont été nommés par le Président Moi le 22 mai 1996. Le Comité permanent est présidé par le Prof. Onesimus Mutungi, professeur de droit. Les membres, qui représentent une large variété d'ethnies et de milieux différents, sont : Norman Brooks, chef d'une exploitation agricole industrielle et commerciale; le Prof. H.W.O. Okoth-Ogendo, professeur de droit ; Mme Martha Mugambi, assistante sociale et militante des droits de la femme ; Denis Afande, ancien ambassadeur et fonctionnaire à la retraite ; le R.P. John Gichinga, membre actif de la communauté religieuse ; le Prof. Mohammed Bakari, professeur de linguistique ; M. M.Z.A. Malik, avocat ; le Prof. Kamuti Kiteme, professeur d'études africaines ; et Mme Philomena Chelagat Mutai, ancienne parlementaire. M. Thuita Mwangi occupe la fonction de secrétaire. Aucun des commissaires n'avait de véritable expérience ou engagement dans le domaine des droits de l'homme. Le processus de sélection n'a fait l'objet d'aucune concertation ou coopération avec les ONG des droits de l'homme et, plus préoccupant encore, les nouveaux commissaires nommés par le président n'ont pas le pouvoir d'affirmer leur indépendance vis-à-vis du gouvernement. Activités Selon le Comité permanent des droits de l'homme, entre juillet 1996 et février 1998, 394 requêtes/plaintes ont été déposées pour non-respect des droits de l'homme. Le Comité n'a pu enquêter que sur quatre-vingt-sept d'entre elles, en partie par manque de moyens. Il s'agissait notamment de plaintes individuelles pour licenciement abusif des forces de police, emprisonnement arbitraire, torture, procès non équitable, licenciement abusif de la Teacher's Service Commission [Commission d'Aide aux enseignants], non paiement d'arriérés de salaire, harcèlement policier, perte de revenus due à une violation des droits de l'homme, refus du droit à l'éducation et discrimination ethnique.15 Le comité assure qu'il a enquêté sur les diverses plaintes individuelles et a présenté des recommandations au président. Toutefois, le rapport ne précise pas si ces recommandations ont été suivies. Le comité a également visité les différents sièges provinciaux du pays où il a recueilli les plaintes et tenu des séminaires et des réunions publiques sur les droits de l'homme. Fin 1999, le comité permanent avait écrit et soumis au président quatre rapports confidentiels présentant ses enquêtes et recommandations ainsi que deux rapports spéciaux consacrés aux violences politiques qui avaient éclaté dans la province de la Côte en août 1997 et dans celle de la Vallée du Rift au début 1998 ; violences fréquemment qualifiées de conflits ethniques. Le comité a également organisé des programmes d'éducation aux droits de l'homme dans tous les centres provinciaux du pays sous forme de réunions publiques sur les droits de l'homme. Depuis 1997, le comité publie sporadiquement un petit bulletin d'information en anglais intitulé « Haki Zetu. » Il a récemment reçu des fonds pour étoffer ce bulletin et le publier en anglais et en kiswahili. En décembre 1998, le Comité permanent a publié son premier (et jusqu'à présent unique) rapport public qui semble s'être inspiré des rapports confidentiels soumis au président. Ce document de 170 pages est en grande partie un aperçu des lois et définitions des droits de l'homme et ne fait qu'une vague référence aux violations des droits de l'homme commises par les autorités. Les deux premiers chapitres se lisent comme un document théorique rudimentaire sur le concept et la définition des droits de l'homme selon le droit international. Bien que cela constitue un exercice utile et instructif pour les membres du comité, cela n'offre que peu ou pas d'intérêt pour le Kenyan moyen. Les chapitres suivants présentent une synthèse des cas individuels traités par le comité ainsi que des recommandations. Ensuite sont développés des thèmes précis tels que le statut de la femme et de l'enfant ou la distribution des terres. Certaines des recommandations sont bien rédigées mais leur finalité est obscure et elles ne lient pas le gouvernement. Le comité semble ne jouer qu'un rôle marginal dans le processus de prise de décision du gouvernement et ce dernier ne semble pas baser son action sur une coopération ou une concertation avec le Comité permanent des droits de l'homme. Les chapitres sur les violences politiques dans les provinces de la Côte et de la Vallée du Rift sont ceux qui offrent l'examen le plus détaillé et le plus exhaustif de ce grave problème des droits de l'homme que connaît le Kenya. Depuis que le gouvernement a été obligé d'accepter le multipartisme en 1991, quelque 400.000 Kenyans ont été systématiquement pris pour cibles et déplacés en raison des violences promues par les autorités à l'encontre de groupes ethniques accusés de soutenir l'opposition politique. De nombreuses preuves attestent du rôle joué par de hauts fonctionnaires du gouvernement qui ont fomenté, attisé et financé ces violences sans jamais avoir été punis. Ces preuves ont été réunies aussi bien par les ONG nationales et internationales des droits de l'homme que par le Parliamentary Select Committee [Comité parlementaire des sages] (composé uniquement de membres du parti au pouvoir).16 Le chapitre relatif aux violences politiques dans la province de la Vallée du Rift (province dont le président est originaire et qui dispose du plus grand nombre de sièges parlementaires) évite soigneusement d'aborder les questions sensibles au plan politique qui touchent au rôle joué par le gouvernement dans ces violences. Il s'empresse par contre de condamner les reportages des médias indépendants sur les violences, les qualifiant « d'incendiaires, ne faisant pas dans le détail et visant parfois à soutenir et imposer certaines positions politiques sectaires. »17 Il condamne les communautés religieuses et les ONG pour leur « attitude irréfléchie, allant jusqu'à avancer des hypothèses téméraires sur les causes des violences, plus particulièrement sur le rôle du gouvernement dans cette affaire qui a été exagéré, voire même déformé. »18 Néanmoins, lorsqu'il est question du rôle des autorités, le comité se limite à noter que « Le Comité n'est pas convaincu, contrairement à d'autres, d'une quelconque part de responsabilité du gouvernement dans la planification et la poursuite de ces violences... Le gouvernement semble pleinement déterminé à tout au moins contenir la violence, si pas à l'éliminer totalement.»19 Le chapitre traitant des violences dans la province de la Côte évalue la situation avec plus de franchise. La méthode d'investigation du comité y est décrite et ses limites y sont reconnues. Dans cette partie du rapport, le comité présente d'une part la position des autorités à propos des violences, et d'autre part le sentiment général au sein de la population comme quoi: « les violences à la Côte sont orchestrées au niveau politique et les membres du parti au pouvoir ont utilisé la machine d'Etat pour déplacer les électeurs potentiels de l'opposition avant les élections. » Néanmoins, le comité ne va pas jusqu'à approuver cette dernière conclusion. Le président du Comité permanent a par ailleurs témoigné publiquement sur les enquêtes du Comité devant la Presidential Commission on the Ethnic Clashes [Commission présidentielle sur les conflits ethniques].20 Financement Le Comité permanent dispose d'un budget annuel de 20 millions de Kshs (environ 285.000 US$). D'autres financements ont été alloués par le PNUD dans le cadre de l'accord de financement pour bonne gouvernance passé avec le gouvernement kenyan. Des fonds ont aussi été versés par certains gouvernements dont le gouvernement japonais.21 Evaluation Malgré la bonne volonté de certains de ses commissaires, en tant qu'instance collective, la contribution du comité à la protection des droits de l'homme au Kenya est faible, voire insignifiante. La visibilité du Comité permanent dans la société kenyane est pratiquement nulle. Le manque de pouvoirs, l'obligation de faire rapport confidentiel au président, le refus des commissaires de traiter de thèmes sensibles au plan politique qui mettraient en cause le gouvernement, et le manque de coopération avec les ONG des droits de l'homme reconnues au Kenya sont autant de facteurs qui ont entravé son travail. Le comité ne jouit que de très peu de crédibilité ou de légitimité aux yeux du public. Il est clair que l'obligation de ne faire rapport qu'au président a contribué à l'ignorance du public et du parlement quant à ses activités et même à son existence. La publication de son premier rapport en décembre 1998 a constitué un premier pas important visant à rompre le silence qui l'entourait et à améliorer au moins sa visibilité. Néanmoins, pour obtenir une légitimité auprès du public, il ne peut se limiter à la publication de quelques rapports. Les commissaires sont visiblement prudents lorsqu'il s'agit de donner suite à leurs recommandations ou de traiter de sujets politiquement plus délicats tels que les abus perpétrés par le gouvernement. Le manque d'autonomie et de pouvoirs l'a conduit à adopter une approche évitant toute controverse. A la différence de certaines commissions des droits de l'homme d'autres pays, le comité kenyan ne souhaite pas outrepasser les limites qui lui sont imposées et risquer de s'attirer les foudres du président. L'inertie et le manque d'autonomie du comité sont d'autant plus évidents lorsque l'on compare ses initiatives avec celles des ONG de défense des droits de l'homme, très actives au Kenya. De nombreux groupes de défense des droits et beaucoup de médias se sont élevés contre les violations et ont, par la suite, souvent été pris pour cibles par les autorités. Cependant, le Comité permanent des droits de l'homme n'a jamais développé de relations de travail avec ces associations et, qui plus est, il ne leur offre aucune protection. Il a, par exemple, gardé le silence lorsqu'en mars 1998, le Président Moi a menacé de ne plus reconnaître une série d'ONG des droits de l'homme en raison du soutien qu'elles avaient apporté à un vaste mouvement de réforme constitutionnel. Le professeur Mutungi et ses collègues ont adopté une attitude distante vis-vis du monde associatif des droits de l'homme. Les relations du comité avec Human Rights Watch et d'autres ONG internationales se caractérisent par la suspicion et la méfiance. Aux questions soulevées par des associations internationales, le comité a fourni des réponses toutes faites, niant catégoriquement la culpabilité des autorités dans les violations. Par exemple, en réponse à une lettre d'Amnesty International soulevant des préoccupations relatives aux droits de l'homme, le Comité permanent a pris la défense du gouvernement en faisant valoir que : « Le gouvernement n'a adopté aucune ligne ou politique systématique visant à priver les citoyens de leurs droits ou à harceler des individus, des associations ou des groupes professionnels. Quand il y a des problèmes, ils sont en général causés par des agents de l'Etat malhonnêtes et indisciplinés ... A nos yeux, le président et son gouvernement se sont formellement engagés à respecter les droits de l'homme et s'efforcent de punir les personnes qui violeraient les droits d'autrui. Un effort commun est également consenti pour résoudre les problèmes liés à des violations du passé. »22 En avril 1998, Human Rights Watch a participé à une réunion au cours de laquelle le Prof. Mutungi, président du comité, a rejeté la demande d'Amnesty International d'apposer sa signature au bas d'une pétition adressée au secrétaire général des Nations Unies dans le cadre d'une campagne mondiale d'Amnesty où les signataires s'engageaient à respecter la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Le fait que le président du Comité permanent des droits de l'homme refuse de signer une promesse de soutien à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme - alors que c'est pourtant sa tâche - illustre clairement la position et la philosophie de cette instance nationale des droits de l'homme. La rédaction d'une proposition de loi, en concertation avec le Haut Commissariat de l'ONU aux Droits de l'Homme, pour remédier à la faiblesse de la structure juridique est un pas dans la bonne direction. Le comité a aussi annoncé qu'il prévoyait d'organiser une vaste consultation avec d'autres instances des droits de l'homme, le monde juridique et l'opposition politique, notamment sur cette proposition de loi. La réunion de concertation de mars 2000 était un premier pas dans ce sens. S'il ne fait aucun doute que l'adoption de la proposition de loi serait déjà un grand bond en avant et aurait un effet positif, la loi devrait non seulement permettre de dégager le Kenya des carences et des problèmes locaux actuels, mais aussi de le placer plus certainement sur la voie de la mise en _uvre et du respect des normes internationales auxquelles il a accepté de se conformer. Il ne suffit pas d'adopter une loi régissant son existence si la nature de l'organe reste la même. En ce qui concerne l'organisation d'une nouvelle commission, la nouvelle loi doit veiller à ce que les procédures de nomination et de fin de mandat au sein du Comité permanent ne reposent pas uniquement entre les mains du président. Par ailleurs, si les rapports ne doivent être remis qu'au président ou ne passer que par lui, la nouvelle loi ne contribuera ni à une indépendance théorique ni à une autonomie réelle. Il faut envisager de conférer ces pouvoirs de nomination, de fin de mandat et de rapports publics au parlement. Si ces lacunes structurelles ne sont pas comblées, la nouvelle loi ne répondra pas aux exigences des Principes de Paris. Plus important encore, la nouvelle loi doit clairement montrer qu'elle reprend l'esprit des Principes de Paris, et pas simplement leurs dispositions. Il s'agit par conséquent d'analyser en profondeur la nouvelle loi pour s'assurer qu'elle permet au comité de prendre considérablement ses distances par rapport au contrôle, officiel ou non officiel, de l'exécutif. S'assurer aussi qu'elle contribue à accroître l'indépendance du comité par rapport à l'exécutif et qu'elle garantit la présence de facteurs qui lui permettront de fonctionner. Ceci doit également être reflété dans les dispositions de la nouvelle loi relatives aux pouvoirs du comité. Il ne suffit pas que la marge de man_uvre dont jouit le comité pour mener ses enquêtes soit grande. Si ses compétences restent les mêmes en ce qui concerne la réparation des torts, ou si elles ne changent que de façon illusoire, cela n'avancera à rien. Enfin, la nouvelle loi ne constituera qu'un point de départ. Si les amendements à la loi n'améliorent pas l'efficacité, l'autonomie et le fonctionnement du Comité permanent des droits de l'homme, cette nouvelle loi ne servira à rien. Certains signes indiquent qu'il existe une division au sein du comité entre les membres qui font preuve d'une réelle volonté d'exercer les fonctions qui sont propres à une commission nationale des droits de l'homme et ceux qui considèrent encore que leur mission est de protéger le président contre les accusations de violations des droits de l'homme. Ces tensions risquent de persister même après l'adoption de la loi. Il reste à voir quelles en seront les conséquences. 1 Les noms des organisations kenyanes peuvent parfois prêter à confusion : la commission gouvernementale des droits de l'homme s'appelle le Standing Committee on Human Rights [Comité Permanent des Droits de l'Homme] alors que la Kenyan Human Rights Commission (Commission Kenyane des Droits de l'Homme), l'un des fers de lance de la lutte contre les exactions des autorités, est une ONG indépendante qui est basée à Nairobi et qui n'a aucun lien avec le gouvernement. 2 Voici quelques réactions : « J'espère que le projet de comité ne passera pas à la trappe comme la promesse d'amendement de la constitution du 1er janvier » ; « Le comité ne devrait pas être composé de personnes n'ayant jamais travaillé dans le domaine des droits de l'homme. Si tel est le cas, ces personnes seront à la solde du gouvernement, lequel est le plus grand violeur des droits de l'homme » ; « une contradiction dans le principe aussi bien que dans la pratique » ; et le gouvernement a « finalement reconnu que les violations des droits de l'homme sont une réalité. » "Reaction Mixed on Rights Body", Daily Nation (Kenya), le 24 juillet 1995. 3 Kenya Gazette [Journal officiel du Kenya], note n° 3482/1996 (22 mai 1996), publiée le 21 juin 1996 et intitulée : « Appointment of a Standing Committee on Human Rights ». Il y est stipulé que : « Dans l'exercice des pouvoirs conférés par la section 23(1) de la Constitution du Kenya, Moi, Daniel Toroitich arap Moi, Président et Commandant en Chef des Forces armées de la République du Kenya, nomme un Comité permanent des droits de l'homme. » « In exercice of the powers conferred by section 23(1) of the Constitution of Kenya, I, Daniel Toroitich arap Moi, President and Commander-in-Chief of the Armed Forces of the Republic of Kenya, do appoint a Standing Committee on Human Rights. » 4 Standing Committee on Human Rights, « Kenya Government Commitment to Human Rights, » Human Rights/Haki Zetu (bulletin d'information du Standing Committee on Human Rights), n°1, décembre 1997. 5 Le Journal officiel kenyan (Kenya Gazette) est divisé en deux parties : le journal en tant que tel qui publie les notifications gouvernementales, les avis, nominations et fins de mandat. Chacune de ces publications est appelée note au Journal officiel et reçoit un numéro. La loi oblige parfois à publier de telles notes qui annoncent, par exemple, le résultat des élections parlementaires mais ces notes n'ont en aucun cas force de loi. C'est là la fonction de la deuxième partie du Journal officiel qu'on appelle Supplément Législatif [Legislative Supplement]. Il présente les projets de loi et les lois du parlement, si nécessaire dans des éditions hebdomadaires séparées. Il est également important de noter que ce supplément présente ce qui s'appelle « Subsidiary Legislation » [lois subsidiaires], qui sont en fait des lois déléguées telles que les règles et règlements administratifs faits non pas directement par le parlement mais plutôt par un ministre, un comité chargé des règlements ou un organisme délivrant les licences. Ce type de loi subsidiaire a la même force qu'une loi du parlement mais elle ne peut être prise qu'en vertu d'un pouvoir législatif spécifique prévu par une loi du parlement qui délègue son pouvoir législatif à une autre instance ou une autre personne. 6 L'Article 23(1) de la Constitution kenyane stipule que : « le pouvoir exécutif du gouvernement kenyan repose sur le Président et, en vertu de la présente constitution, il peut être exercé par lui directement ou par des agents qui lui sont subordonnés. » « The executive authority of the Government of Kenya shall vest in the President and, subject to this Constitution, may be exerciced by him either directly or through officers subordinate to him." 7 L'Article 30 de la constitution kenyane stipule que : « Le pouvoir législatif de la République repose sur le Parlement kenyan constitué du Président et de l'Assemblée Nationale. » « The legislative power of the Republic shall vest in the Parliament of Kenya, which shall consist of the President and the National Assembly. » 8 Supplément à la Kenya Gazette n°49, Note légale n°266, The Standing Committee on Human Rights (Organization and Procedure Rules), publié le 6 septembre 1996. 9 Note n° 3482/1996 (22 mai 1996) publiée dans la Kenya Gazette le 21 juin 1996. « shall in consultation with the Attorney-General establish its own procedures. » 10 Standing Committee on Human Rights, " Mission Statement," Human Rights/Haki Zetu (bulletin d'information du Standing Committee on Human Rights), n°1, décembre 1997. 11 Le parag. 6 stipule que les membres du comité devront « observer les règles strictes de confidentialité pour toutes les requêtes dont est saisi le Comité; éviter toute discussion sur toute question soumise au comité dans le cadre de son mandat, lors de tout forum public sauf si ce pouvoir lui est conféré par résolution expresse du comité. » Kenya Gazette, supplément n°49, note légale n°266, The Standing Committee on Human Rights (Organization and Procedure Rules) publiée le 6 septembre 1996. "shall observe strict rules of confidentiality in respect of any matter which is the subject of petition before the Committee; refrain from discussin in any manner any matter within its terms of reference which is before the committee, at any public forum, except upon the authority of a resolution of the Committee." 12 "Unlike the NGOs, We Don't Shout. We Act: Interview with Onesmus Mutungi, Chair, Standing Committee on Human Rights, » Expressions Today (Kenya), décembre 1998, p.41. 13 Ibid. 14 "Attorney-General Wants NGO's Name," Daily Nation (Kenya), le 21 mars 2000. 15 Standing Committee for Human Rights, "First Public Report of the Standing Committee on Human Rights" (Kenya), décembre 1998. 16 Voir Republic of Kenya, Report of the Select Parliamentary Committee to Investigate the Ethnic Clashes in Western and other parts of Kenya, (Nairobi : Governement Printer, septembre 1992). 17 Standing Committee on Human Rights, « First Public Report of the Standing Committee on Human Rights (Kenya), » décembre 1998, p.145. 18 Ibid, p.146. 19 Ibid, p.147. 20 En juin 1999, la commission présidentielle sur les conflits ethniques a conclu son travail après onze mois d'auditions de témoins (dont Human Rights Watch) sur les violences qui se sont déroulées entre 1991 et 1998. Au départ, son travail semblait prometteur puisque l'avocat principal avait appelé à la barre des personnes qui ont témoigné à propos du rôle des autorités dans l'instigation et le développement des violences. Cependant, fin 1998, le Président Moi a nommé comme avocat principal Bernard Chunga (nommé ensuite procureur général). Les témoignages ont ensuite été de peu de poids et la Catholic Justice and Peace Commission [Commission catholique Justice et Paix] et d'autres se sont plaints d'avoir été empêchés de témoigner. Au mois de mars 2000, les résultats de la commission n'avaient pas encore été rendus publics. La Law Society du Kenya a entamé des poursuites pour obliger la publication dudit rapport. 21 Fax reçu de Thuita Mwangi, secrétaire du Standing Committee for Human Rights, le 7 février 2000. 22 Lettre de P. Chelegat Mutai, secrétaire du Standing Committee for Human Rights, à Amnesty International, le 16 mars 1998 (copie transmise par le Comité permanent à Human Rights Watch). |
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