Human Rights Watch

Les Commissions gouvernementales des droits de l'homme en Afrique : Protecteurs ou Pretendus Protecteurs?
Contributions Innovatrices et Positives des Commissions








Présentation Générale

Résumé

Normes Iinternationales: les Principes de Paris

Facteurs Importants

Etat des Lieux

Contributions Innovatrices et Positives des Commissions

Les Iniatives Régionales

Le Role de la Communauté Internationale

Conclusion

Recommandations

Abréviations

Remerciements





    Contributions Innovatrices et Positives des Commissions


    Bien qu'il existe d'innombrables façons pour une commission des droits de l'homme de contribuer au renforcement de la culture des droits de l'homme dans son pays, les deux exemples qui suivent, l'Afrique du Sud et le Ghana, mettent en lumière différentes manières adoptées par les commissions des droits de l'homme pour engager et impliquer la société dans la résolution des problèmes des droits de l'homme. Ces deux exemples illustrent aussi comment le manque de ressources peut être surmonté en unissant les forces existantes pour renforcer les moyens. Afrique du Sud : Formation de militants des droits de l'homme Outre son travail d'envergure sur toute une gamme de problèmes des droits de l'homme auxquels est confrontée l'Afrique du Sud, la Commission sud-africaine des droits de l'homme s'est montrée ouverte aux projets de recherche novateurs visant à former des militants potentiels des droits de l'homme et à accroître la capacité de recherche de la commission. L'un des projets les plus intéressants concernait le traitement des réfugiés et des immigrés en situation irrégulière en Afrique du Sud. Les exactions commises à l'encontre des étrangers sans papiers, des demandeurs d'asile et des réfugiés se trouvant sur le territoire sud-africain constituent un problème majeur, alimenté par un regain de xénophobie et de violence à l'égard des étrangers dans le pays. Human Rights Watch et d'autres groupes ont publié des rapports circonstanciés sur les exactions commises contre ces groupes vulnérables, appelant le gouvernement sud-africain à prendre des mesures pour combattre ces exactions.1 Depuis le début, la commission a consacré des ressources considérables à la question des droits de l'homme au sein du système d'immigration, publiant plusieurs rapports concis. C'est aussi elle qui, la première, a développé une stratégie nationale visant à combattre la xénophobie. Deux des violations des droits de l'homme les plus fréquentes et les plus graves commises à l'encontre des immigrés en situation irrégulière étaient les exactions et extorsions policières généralisées et les exactions répétées commises au centre de détention privé de Lindela, à l'extérieur de Johannesburg. Afin d'étayer les accusations d'exactions faites dans les médias et par les associations des droits de l'homme, notamment Human Rights Watch, la commission s'est engagée dans un partenariat créatif avec plusieurs écoles de droit sud-africaines. Travaillant en étroite collaboration avec le Center for Applied Legal Studies [Centre d'études juridiques appliquées], la Law Clinic [Centre de droit] de l'Université de Witwatersrand, et Lawyers for Human Rights, une ONG indépendante, la commission a participé en février 1998 à un projet de recherche sur les atteintes aux droits de l'homme dont sont victimes les étrangers, cette recherche reposant surtout sur le travail d'étudiants en droit supervisés de près. Les étudiants en droit sélectionnés provenaient de l'Université de Witwatersrand et de l'Université de Pretoria. Avec des professionnels du Centre d'études juridiques appliquées, du Centre de droit et de Lawyers for Human Rights, un membre de la commission, Jody Kollapen, a dirigé un atelier de formation approfondie pour les étudiants en droit bénévoles, leur apportant les connaissances élémentaires pour mener des interviews et des recherches. Les étudiants ont ensuite utilisé des questionnaires soigneusement préparés pour mener des entretiens auprès de 151 détenus de Lindela et quarante autres entretiens avec des proches et des amis de détenus en dehors du centre de détention. Les entretiens ont constitué la base d'un rapport circonstancié fort crédible publié par la commission et rédigé en grande partie par les ONG, confirmant toute une série de pratiques abusives contre les immigrés en situation irrégulière lors de leur arrestation et de leur détention. Le rapport de la commission a renforcé les constatations des associations internationales des droits de l'homme qui avaient été la cible d'attaques du Ministre de l'Intérieur, chargé des affaires relatives aux immigrés et aux réfugiés. Comme l'explique la commission dans son rapport, le recours à des étudiants en droit est une innovation qui a offert plusieurs avantages, outre celui d'obtenir un rapport basé sur des recherches approfondies. La formation et l'utilisation d'étudiants bénévoles ont permis d'ajouter de nouvelles ressources humaines à celles de la commission pour les besoins de l'enquête. Elles auront aussi probablement des avantages considérables à long terme en suscitant un intérêt pour les droits de l'homme dans diverses écoles de droit et autres services juridiques et en créant un réseau de travailleurs des droits de l'homme formés et bénéficiant d'un minimum d'expérience. Ghana : Travail avec les ONG et les chefs traditionnels sur les droits de la femme La Commission on Human Rights and Administrative Justice [Commission des droits de l'homme et de la justice administrative] (CHRAJ) du Ghana a mené un travail dynamique sur le plan des pratiques traditionnelles nuisibles aux femmes et aux filles. A cet égard, son travail est non seulement révélateur de sa décision de se pencher sur cette atteinte aux droits humains fréquemment ignorée, mais il montre aussi qu'elle mène une campagne en faveur d'une étroite collaboration avec les deux autorités traditionnelles qui exercent un grand pouvoir sur les affaires locales ainsi qu'avec les ONG locales pour rechercher des solutions. Comme partout ailleurs en Afrique, certaines pratiques traditionnelles en vigueur au Ghana conduisent encore à une énorme discrimination à l'égard des femmes et des filles. Bien que la Constitution ghanéenne et les amendements de 1997 au Code Pénal de 1960 interdisent la discrimination et l'esclavage, les pratiques traditionnelles nuisibles persistent en grande partie à cause de croyances collectives profondément enracinées qui sont peu susceptibles d'être éliminées par la seule interdiction imposée par la loi. C'est précisément pourquoi l'attention portée à ce problème par un organisme de l'Etat, qui peut mener des campagnes et réaliser un travail soutenu d'éducation, est précieuse. En 1995, la commission a entrepris un projet commun avec une ONG locale pour l'abolition de la pratique du trokosi. Le trokosi, une pratique traditionnelle que l'on retrouve chez le groupe ethnique ewe, principalement dans la région de Volta, est une violation des droits des femmes et des enfants. Il s'agit d'un système où une jeune fille, généralement de moins de dix ans, devient esclave dans un lieu sacré pour expier les délits qui auraient été commis par un membre de sa famille. La croyance dit que si quelqu'un de cette famille a commis un crime, par exemple un vol, ses proches pourraient mourir les uns après les autres à moins qu'une jeune fille vierge ne soit offerte au lieu fétiche local pour expier la faute commise. La plupart des filles et des femmes trokosi sont condamnées à une vie de travaux forcés, d'asservissement sexuel, et à des grossesses répétées au service du prêtre du village. On estime à 3.500 le nombre de filles et de femmes attachées aux différents lieux sacrés dans le système trokosi, nombre qui ne comprend pas les enfants des esclaves. Même si elle est libérée, généralement sans qualification ni espoir de mariage, une femme trokosi doit souvent continuer à servir le lieu sacré pendant le reste de sa vie. Dans certains cas, à la mort de l'esclave fétiche, la famille doit la remplacer par une autre jeune fille sur le lieu sacré. Certaines femmes actuellement attachées à des lieux sacrés appartiennent à la cinquième génération successive devant expier un crime.2 Au cours des dernières années, la CHRAJ a mené une campagne de conscientisation auprès des chefs et médecins traditionnels afin d'essayer de mettre fin à cette pratique. Depuis 1997, une nouvelle loi adoptée par le Parlement interdit la pratique de « servitude coutumière » (customary servitude). Les efforts et la campagne menés sur le plan de l'éducation à la fois par la CHRAJ et International Needs Ghana, une ONG locale, pour s'adresser aux autorités villageoises et aux prêtres féticheurs ont été efficaces. Le travail de la CHRAJ et d'autres ONG avait abouti à la libération d'environ 1.200 esclaves à la fin 1998, dont beaucoup ont pu bénéficier d'une guidance et d'une formation pour de nouvelles professions. Un autre abus traditionnel existant au Ghana est la pratique du bannissement et du travail forcé décidés par les autorités villageoises traditionnelles surtout à l'encontre de vieilles femmes du milieu rural soupçonnées de sorcellerie. Des centaines de femmes accusées de sorcellerie ont été envoyées par les autorités traditionnelles dans des villages pénitentiaires de la région du Nord. Selon certaines sources, deux villages abritaient 400 vieilles femmes et un autre abritait 2.000 femmes et des membres de leurs familles, toutes condamnées par un homme du village ou par le chef du village qui prétendait avoir le pouvoir de deviner qui était sorcière. Bien que les femmes ne risquent aucune sanction légale officielle si elles partent, la plupart craignent d'être battues à mort si elles se font prendre. La CHRAJ a publié un rapport sur ses recherches relatives à un camp de « sorcières » dans la région du Nord. Le rapport décrivait de manière détaillée les conditions de vie des femmes dans les camps et proposait des solutions pour les réinsérer dans la société par le biais d'une campagne d'éducation organisée en collaboration avec le Center for National Culture [Centre pour la culture nationale] et la House of Chiefs (Maison des chefs). La CHRAJ et les ONG des droits de l'homme ont mis sur pied une campagne visant non seulement à persuader les partisans de la tradition des maisons de « sorcières » d'abolir cette pratique mais également à éduquer les communautés de façon à permettre aux femmes de rentrer chez elles en toute sécurité.3 La volonté de la CHRAJ de travailler en étroite collaboration avec la communauté des ONG qu'elle considère comme une alliée et les démarches qu'elle entreprend pour promouvoir un dialogue constructif avec les chefs traditionnels, composante souvent oubliée par les militants des droits de l'homme, sont deux approches tout à fait louables. Par ses efforts, la CHRAJ a sensibilisé les chefs et autres autorités traditionnelles aux normes des droits de l'homme, elle a fait comprendre qu'un organe gouvernemental ne fermerait pas les yeux sur des pratiques traditionnelles qui violent la constitution et le droit international, elle a légitimisé et renforcé les efforts des ONG locales en ce domaine et a encouragé les relations de travail constructives avec le mouvement des ONG.
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