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Liban

Événements de 2024

Le professeur Ahmed Awada inspecte son école endommagée par une frappe aérienne Israélienne à Dahiyeh, Beyrouth, Liban, le 29 novembre 2024.

© 2024 AP Photo/Bilal Hussein

Les hostilités transfrontalières entre Israël et des groupes armés libanais et palestiniens, dont le Hezbollah, se sont considérablement intensifiées en 2024. Entre octobre 2023 et le cessez-le-feu du 27 novembre 2024, les frappes israéliennes ont tué plus de 3 961 personnes au Liban, dont 736 femmes, 222 personnels soignants et secouristes et 248 enfants, selon le ministère libanais de la Santé.

Human Rights Watch a documenté des violations des lois de la guerre et des crimes de guerre commis par l’armée israélienne, notamment des attaques apparemment délibérées ou indiscriminées contre des journalistes, des civils, des personnels soignants, des institutions financières et des Casques bleus, ainsi que l’utilisation généralisée bien qu’illégale de phosphore blanc dans des zones densément peuplées, entre autres violations. Au moment du cessez-le-feu de novembre, plus de 1,2 million de personnes avaient été déplacées, des milliers de bâtiments et de maisons détruits et des villages frontaliers entiers réduits en ruines.

Pendant les hostilités, le Hezbollah a tiré des milliers de munitions sur le nord d’Israël et le plateau du Golan syrien occupé, tuant au moins 30 civils. Le 27 juillet, une attaque attribuée au Hezbollah par Israël contre la ville de Majdal Shams, sur le plateau du Golan occupé, a tué 12 enfants. Le Hezbollah a nié toute responsabilité.

Au moins 562 000 personnes, dont au moins 354 000 Syriens, ont franchi la frontière entre le Liban et la Syrie après l’escalade des hostilités en septembre 2024.

Conduite des hostilités

En mars, l’armée israélienne a frappé illégalement un centre de secours d’urgence dans le sud du Liban, en utilisant une bombe de fabrication israélienne d’environ 230 kilogrammes équipée d’un kit de guidage « Joint Directed Attack Munition »  (JDAM – Munition d’attaque dirigée conjointe) fabriqué aux Etats-Unis, qui a tué sept bénévoles des services de secours d’urgence.

L’utilisation généralisée et continue du phosphore blanc par Israël a contribué au déplacement de civils et a causé de grandes souffrances à la population en général. Human Rights Watch a constaté que des munitions au phosphore blanc avaient été utilisées dans au moins 17 municipalités, y compris illégalement dans cinq d’entre elles, au-dessus de zones résidentielles peuplées. Israël a également utilisé des armes américaines lors d’une attaque illégale qui a tué des travailleurs humanitaires dans le sud du Liban.

Les 16 et 17 septembre, les hostilités entre le Hezbollah et Israël se sont fortement intensifiées après l’explosion de milliers de bipeurs et de talkies-walkies utilisés par les employés de diverses unités et institutions du Hezbollah, qui ont tué 37 personnes, dont des enfants et des personnels soignants, et blessé plus de 2 800 autres, au cours d’une attaque indiscriminée qui a violé l’interdiction de droit international humanitaire coutumier d’utiliser des engins piégés. Des responsables américains et d’anciens responsables israéliens ont déclaré aux médias qu’Israël était responsable de l’attaque, mais l’armée israélienne n’a pas fait de commentaires.

Le 23 septembre, au moins 558 personnes, dont 50 enfants, ont été tuées et plus de 1 835 ont été blessées lors de frappes israéliennes dans tout le pays. Entre septembre et octobre 2024, Israël a mené plusieurs frappes dans la banlieue sud de Beyrouth. Ces frappes ont tué de hauts responsables du Hezbollah, notamment le Secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, le chef du Conseil exécutif du Hezbollah, Hachem Saffieddine, le chef du Conseil central du Hezbollah, Nabil Qaouk, et les commandants militaires Ibrahim Akil, Ahmad Wehbe et Ali Karaki, entre autres.

Le 4 octobre, des frappes aériennes israéliennes menées contre le principal poste-frontière entre le Liban et la Syrie ont empêché les civils de s’enfuir et perturbé des opérations humanitaires. L’armée israélienne a attaqué à plusieurs reprises des personnels soignants et des installations médicales au Liban. Human Rights Watch a documenté trois attaques, qui constituent des crimes de guerre manifestes, au cours desquelles les forces israéliennes ont illégalement frappé des membres du personnel soignant, des moyens de transport et des installations, notamment des ambulanciers dans un centre de défense civile au centre de Beyrouth le 3 octobre 2024, ainsi qu’une ambulance et un hôpital dans le sud du Liban le 4 octobre, tuant 14 membres du personnel paramédical.

L’armée israélienne a par ailleurs mené des attaques répétées contre les missions de maintien de la paix des Nations Unies dans le sud-ouest du Liban, en violation manifeste des lois de la guerre, ainsi que des attaques délibérées contre des institutions financières affiliées au Hezbollah, qui constituent des crimes de guerre.

Human Rights Watch a également vérifié qu’une bombe larguée par avion et équipée d’un kit de guidage JDAM fabriqué aux Etats-Unis a bien été utilisé lors d’une frappe israélienne illégale qui a tué trois journalistes dans la ville de Hasbaya, dans le sud du Liban, et qui a très probablement constitué une attaque délibérée contre des civils, ainsi qu’un crime de guerre manifeste.

Selon le gouvernement libanais, plus d’1,2 million de personnes ont été déplacées en raison des hostilités entre octobre 2023 et le cessez-le-feu du 27 novembre 2024. Au moins 100 000 habitations ont été partiellement ou entièrement détruites, selon une étude de la Banque mondiale.

 

 

Justice et obligation de rendre des comptes

En mai 2024, le gouvernement libanais a annoncé sa décision de donner à la Cour pénale internationale (CPI) compétence pour enquêter et poursuivre les crimes graves commis sur le territoire libanais depuis le 7 octobre 2023, avant de revenir sur sa décision un peu plus d’un mois plus tard.

En novembre, plus de 20 organisations de défense des droits humains, dont Human Rights Watch, ont appelé le Liban et d’autres États membres des Nations Unies à convoquer une session spéciale du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (CDH) afin d’ouvrir une enquête internationale sur toutes les violations des droits humains commises par toutes les parties impliquées dans le conflit au Liban.

Le mois d’août 2024 a marqué le quatrième anniversaire de l’explosion du port de Beyrouth, qui a fait au moins 220 morts, plus de 7 000 blessés et d’importants dégâts matériels. Les autorités libanaises n’ont toujours pas demandé de comptes à qui que ce soit au sujet de cette explosion.

Le 17 janvier 2024, le procureur général du Liban à la Cour de cassation, le juge Sabbouh Sleiman, a suspendu un mandat d’arrêt à l’encontre de l’ancien ministre des Travaux publics, Youssef Fenianos, qui avait été émis par le juge Tarek Bitar en septembre 2021. La suspension du mandat est intervenue quelques mois après la suspension par la Cour de cassation d’un mandat d’arrêt à l’encontre d’un autre suspect, l’ancien ministre des Finances Ali Hassan Khalil.

Les familles des victimes et les organisations de défense des droits aux niveaux local et international ont continué à demander au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies d’ouvrir une enquête internationale, indépendante et impartiale sur cette explosion.

Le 10 décembre, deux jours après le renversement du gouvernement de Bachar el-Assad en Syrie, le ministre libanais de l’Intérieur, Bassam al-Mawlawi, a déclaré que neuf Libanais qui avaient été détenus dans des prisons syriennes étaient rentrés au Liban.

Les familles des quelque 17 000 personnes enlevées ou « disparues » pendant et après la guerre civile meurtrière de 1975-1990 au Liban continuent d’attendre des informations sur le sort de leurs proches.

Refugiés

En 2024, les autorités libanaises ont détenu arbitrairement, torturé et renvoyé de force des Syriens en Syrie, parmi lesquels figuraient des activistes de l’opposition ainsi qu’un déserteur de l’armée syrienne. L’armée libanaise et les autorités chypriotes ont collaboré dans le but d’empêcher des réfugiés de rejoindre l’Europe.

Des Syriens qui ont fui le Liban pour se rendre en Syrie, et notamment des hommes, ont été victimes de détentions arbitraires et de mauvais traitements de la part des autorités syriennes. Aucun Syrien ne devrait être renvoyé de force tant que des conditions garantissant des retours volontaires, sûrs et dignes, conformes aux normes internationales, n’auront pas été mises en place. Human Rights Watch adocumenté des détentions arbitraires, des cas de torture et des meurtres de réfugiés à leur retour au pays depuis 2017. Au moins deux hommes syriens expulsés du Liban et de Turquie vers la Syrie depuis 2023 sont morts en détention aux mains du gouvernement syrien en 2024 dans des circonstances suspectes, tandis que deux autres personnes arrêtées au Liban ont disparu de force.

La Direction générale de la sûreté générale du Liban a déclaré avoir détenu ou renvoyé 821 Syriens qui ont tenté de quitter le Liban à bord de 15 bateaux entre janvier 2022 et août 2024.

En mai 2024, la Commission européenne a annoncé un programme d’aide financière d’un milliard d’euros (environ 1,048 milliards de dollars) pour le Liban. Une partie des fonds a été allouée à l’armée libanaise pour la « gestion des frontières et des migrations ». Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), les autorités libanaises ont expulsé au moins 1 763 Syriens entre janvier et juin 2024.

Selon les Nations Unies, près de 520 000 réfugiés palestiniens, dont plus de 31 000 sont originaires de Syrie, vivent au Liban, où ils continuent de faire l’objet de restrictions, notamment en ce qui concerne leur droit au travail et à la propriété.

À la suite du meurtre d’un responsable d’un parti politique local en avril, qui, selon l’armée libanaise, aurait été perpétré par un groupe de ressortissants syriens, des ministres et des responsables politiques libanais ont réitéré leurs appels en faveur du retour des Syriens qui sont au Liban. À la suite de cet incident, des Syriens au Liban auraient été brutalisés et se seraient vus demander de quitter leur domicile dans tout le pays. Des gouvernorats et des municipalités ont aussi imposé des couvre-feux discriminatoires, qui restreignent illégalement le droit des Syriens à la liberté de circulation.

Crise économique et droits

En 2024, les frappes aériennes de l’armée israélienne dans tout le pays et leurs impacts humanitaires ont considérablement aggravé la crise économique déjà existante.

La plupart des Libanais n’ont pas été en mesure de garantir leurs droits économiques, sociaux et culturels dans le contexte de la crise économique actuelle et des hostilités entre le Hezbollah et Israël, et les ménages à faibles revenus ont payé le plus lourd tribut à la crise. Les chiffres de la Banque mondiale révèlent que, même avant le début des hostilités, plus de 70 % de la population connaissait déjà une pauvreté à caractère multidimensionnel.

Le coût des dommages et pertes économiques de la guerre est estimé à 8,5 milliards de dollars, avec environ 166 000 personnes ayant perdu leur emploi à cause de la guerre, et des pertes et dommages agricoles estimés à environ 1,2 milliard de dollars, selon la Banque mondiale.

Le système de sécurité sociale libanais souffre d’importantes lacunes en matière de couverture et seuls 20 % environ de la population a accès à une forme ou une autre de sécurité sociale. Les programmes d’assistance sociale existants, financés en partie par la Banque mondiale, ciblent très étroitement les ménages en situation d’extrême pauvreté, de sorte que de larges segments de la population sont exposés à la faim, ne peuvent se procurer des médicaments et sont sujets à d’autres privations qui portent atteinte à leurs droits.

Les autorités libanaises ne sont pas parvenues à fournir un accès fiable et durable à l’électricité après des décennies de mauvaise gestion dans ce secteur, qui ont culminé avec une panne nationale en août 2024 après que la compagnie d’électricité publique, Electricité du Liban (EDL), a été confrontée à une pénurie de carburant. Cette panne a privé les habitants et les grandes institutions publiques des services d’électricité fournis par l’État pendant plus de 24 heures.

En septembre, le procureur général du Liban, Jamal Hajjar, a ordonné l’arrestation de l’ancien gouverneur de la banque centrale, Riad Salameh, pour des délits financiers présumés, notamment pour détournement de fonds publics.

Liberté d’expression

Les journalistes, activistes et artistes libanais ont continué à se heurter à des restrictions croissantes de la part des autorités libanaises et d'autres groupes politiques. En mai, les plus hautes autorités religieuses sunnites et chiites du Liban ont engagé des poursuites contre la comédienne Shaden Fakih, l'accusant de blasphème et d'incitation aux conflits sectaires à la suite d'une plaisanterie faite lors d'un spectacle de stand-up.

En janvier 2024, le journaliste Riad Tawk a été convoqué au Département central des enquêtes criminelles à la suite d'une plainte pour diffamation déposée contre lui par le juge Sabouh Sleiman, procureur général du Liban. Tawk avait critiqué la décision de Sleiman de suspendre le mandat d'arrêt émis contre l'ancien ministre des Travaux publics, Youssef Fenianos, dans l'affaire de l'explosion du port de Beyrouth. Selon Amnesty International, des responsables libanais, dont le Premier ministre intérimaire Najib Mikati et l'ancien ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk, ont intenté plusieurs procès en diffamation en 2024 contre des organismes de surveillance de la lutte contre la corruption.

Plusieurs personnes, notamment des journalistes, ayant publiquement critiqué le Hezbollah,  y compris sur les réseaux sociaux, auraient été victimes d'agressions physiques de la part de partisans de ce groupe.

Droits des femmes

Au 28 novembre, 736 femmes avaient été tuées par des frappes israéliennes au Liban depuis octobre 2023. ONU Femmes a mis en garde contre l’aggravation des inégalités entre les sexes, car avant le conflit, les femmes et les ménages dirigés par des femmes au Liban « souffraient déjà d’une plus grande insécurité alimentaire, avaient du mal à satisfaire leurs besoins fondamentaux et à vivre de leur participation au marché du travail », en comparaison avec les ménages dirigés par des hommes.

Plusieurs lois sur le statut personnel s’appuient sur la religion et sont discriminatoires à l’égard des femmes. Elles permettent aux tribunaux religieux d’exercer un contrôle sur les questions liées au mariage, au divorce et à la garde des enfants. La loi libanaise sur la nationalité interdit aux femmes libanaises, mais non aux hommes, de transmettre la nationalité à leurs enfants et à leurs conjoints étrangers.

En avril 2024, plusieurs membres indépendants du parlement ont présenté une proposition de loi qui renforcerait la protection des femmes victimes d’abus.

Selon l’ONG locale de défense des droits numériques SMEX, 80 % des personnes victimes de menaces et de harcèlement numériques entre 2020 et 2023 au Liban étaient des femmes.

Travailleurs migrants        

Le statut juridique de milliers de travailleurs domestiques migrants au Liban, notamment ceux qui sont originaires d’Éthiopie, des Philippines, du Bangladesh et du Sri Lanka, est déterminé par un régime restrictif et abusif de lois, règlements et pratiques coutumières connu sous le nom de système de la kafala (parrainage).

Après l’escalade des hostilités entre Israël et le Hezbollah, de nombreux travailleurs migrants auraient été abandonnés par leurs employeurs et se seraient vu refuser l’accès à des abris partout dans le pays. Les agences de recrutement ont été accusées d’abus à l’égard de ces travailleurs, ainsi que de violations du droit du travail et de traite d’êtres humains.

Orientation sexuelle et identité de genre

Les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) continuent de faire l’objet d’une discrimination systémique au Liban. L’article 534 du code pénal punit « tout rapport sexuel contraire à l’ordre de la nature » d’une peine pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement, et ce malgré une série de décisions de justice rendues entre 2007 et 2018 selon lesquelles les relations consensuelles entre personnes de même sexe ne sont pas illégales.