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Qatar

Événements de 2022

Un travailleur immigré assoupi sur un banc avant de commencer son travail en tant que membre de l'équipe du matin, près du Stade international de Khalifa, où se sont tenus des matches de la Coupe du monde 2022 de la FIFA, à Doha au Qatar.

© 2022 AP Photo/Nariman El-Mofty 

De novembre à décembre 2022, le Qatar a accueilli la Coupe du monde 2022 de la FIFA. Du fait de cette compétition, la communauté internationale s’est penchée de façon plus insistante sur les graves abus que des travailleurs migrants subissent dans ce pays. Les autorités ont introduit plusieurs réformes dans le domaine du travail, surtout depuis 2018, mais les bénéfices de ces réformes ont été limités étant donné leur faible portée, leur introduction tardive et leur application insuffisante. Les lois du Qatar continuent à discriminer les femmes ainsi que les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT).

Travailleurs migrants

Au Qatar, les travailleurs migrants qui ont contribué à rendre possible la Coupe du monde 2022 ont continué à subir de graves abus, y compris des décès non expliqués, des blessures, des salaires non versés et des honoraires de recrutement exorbitants, en dépit de réformes des lois du travail.

Les bénéfices de ces réformes et d’autres initiatives dans ce domaine ont été limités. Le fonds dédié aux travailleurs (Workers’ Support and Insurance Fund) n’a commencé à fonctionner qu’en 2020. D’après les données du ministère du Travail qatari, en juillet 2022, ce fonds avait dédommagé plus 36 000 travailleurs pour un total de 597 591 986 rials du Qatar (164 millions USD). Les abus salariaux généralisés ont persisté et les travailleurs migrants, pour protester contre les retards de paiement, ont eu recours à des manifestations et des grèves, qui sont interdites au Qatar et pour lesquelles les autorités ont arrêté et expulsé certains travailleurs.

Les travailleurs ont continué à avoir des difficultés à changer de travail. Plusieurs initiatives du Comité suprême qatari, telles que le Système universel de remboursement, grâce auquel les travailleurs sont remboursés de leurs frais de recrutement, sont prometteuses, mais en juillet 2022, elles avaient été appliquées à moins de 50 000 travailleurs, sur une population de plus de 2 millions de migrants travaillant au Qatar.

Certains éléments abusifs du système de kafala (parrainage) sont demeurés intacts. En particulier, la « fuite », c’est-à-dire le fait de quitter un employeur sans permission, reste un crime. Les confiscations de passeport, les honoraires de recrutement élevés et les pratiques de recrutement mensongères demeurent généralisés et largement impunis.

Alors que la Coupe du monde a attiré l’attention sur certains décès non expliqués de travailleurs migrants au Qatar, les autorités n’ont pas publié de données détaillées ou significatives sur le nombre de décès ou leurs causes. Les autorités qataries n’ont pas non plus enquêté sur les causes de décès de milliers de travailleurs migrants, qui pour beaucoup ont été attribués à des « causes naturelles » ou à un « arrêt cardiaque », des motifs non considérés comme dus au travail. Conformément au code du travail du Qatar, seuls les décès considérés comme causés par le travail sont dédommagés. En 2021, le Qatar a introduit de nouvelles mesures pour améliorer les protections vis-à-vis du stress thermique, notamment en interdisant le travail lorsque la température au thermomètre-globe mouillé dépasse 32,1 °C, mais elles ne vont pas assez loin pour protéger correctement les travailleurs.

Human Rights Watch, aux côtés d’autres organisations de défense des droits humains et de syndicats, a lancé en mai la campagne #PayUpFIFA, appelant la FIFA et le Qatar à honorer leurs responsabilités et obligations en matière de droits humains en apportant une compensation, y compris un dédommagement financier, pour les abus commis depuis 2010, comme les décès, les blessures, les salaires impayés et les honoraires de recrutement exorbitants.

Droits des femmes

Human Rights Watch a documenté en quoi les lois, réglementations et pratiques qataries imposaient aux femmes des règles discriminatoires de tutelle masculine, les empêchaient de prendre des décisions autonomes sur leur vie et portaient atteinte à leurs droits. Au Qatar, les femmes doivent obtenir la permission de leur tuteur masculin pour se marier, faire des études supérieures via une bourse d’État, occuper de nombreux emplois publics, voyager à l’étranger jusqu’à un certain âge ou bénéficier de certains soins de santé procréative.

Les femmes célibataires de moins de 25 ans ont besoin de l’autorisation de leur tuteur pour voyager à l’étranger, et les hommes peuvent demander qu'un tribunal interdise à leur épouse ou à d’autres femmes de leur famille de voyager. Les femmes qataries sont également interdites d’entrée dans des bars servant de l’alcool ou d’assister à des événements où de l’alcool est servi ; par ailleurs, les femmes célibataires qataries de moins de 30 ans ne peuvent pas résider dans certains hôtels.

Les femmes célibataires qui dénoncent des violences sexuelles, si les autorités ne les croient pas, peuvent être poursuivies pour relations sexuelles hors mariage : elles risquent une peine de sept ans de prison, ainsi que des coups de fouets si elles sont musulmanes. De plus, les femmes célibataires qui sont enceintes ou victimes de viol ou d’autres violences sexuelles ne peuvent pas recevoir les soins de santé sexuelle et procréative nécessaires puisque les autorités exigent un certificat de mariage pour y avoir accès.

Le code de la famille du Qatar est par ailleurs discriminatoire envers les femmes en matière de mariage, de divorce, de responsabilité légale des enfants et d’héritage. Les femmes sont censées obéir à leur mari et peuvent perdre son soutien financier si elles travaillent ou voyagent alors qu’il s’y oppose. Les hommes ont le droit unilatéral de divorcer, tandis que les femmes doivent demander le divorce au tribunal, pour des motifs restreints. Les femmes sont également privées de l’autorité d’agir comme tutrice de leurs enfants, même lorsqu’elles sont divorcées et qu’elles ont la responsabilité légale principale pour la résidence et la garde de leurs enfants.

Le code de la famille qatari interdit aux maris de porter atteinte à leur épouse physiquement ou moralement, et il existe des dispositions générales du code pénal en matière d’agression. Par contre, il n’existe aucune loi portant sur la violence domestique ni aucune mesure pour protéger les survivantes et poursuivre les auteurs des abus. Aucune loi du Qatar n’interdit explicitement tout châtiment corporel à l’encontre des enfants.

En 2021 et 2022, des femmes qataries ont déclaré à Human Rights Watch qu’elles avaient été obligées de retourner chez elles, ou admises de force à l’hôpital psychiatrique, parce que les autorités refusaient d’appuyer leur souhait de vivre indépendamment de leur famille commettant des abus à leur égard. Une famille peut dénoncer une femme à la police pour « absence » si elle quitte le foyer pour aller vivre ailleurs. La loi de 2016 sur la santé mentale autorise l’hospitalisation involontaire – c’est-à-dire une forme de détention – pendant trois mois renouvelables, notamment à l’initiative du tuteur masculin ou d’autres autorités qataries, sans que la justice n’intervienne d’aucune façon pour examiner le bien-fondé d’une telle détention.

Alors que les enfants et épouses non qataries d’hommes qataris peuvent obtenir la nationalité de ce pays, les enfants et époux non qataris de femmes qataries ne peuvent l’obtenir que dans des conditions très restreintes, ce qui est discriminatoire.

Orientation sexuelle et identité de genre

Les Forces du Département de la sécurité préventive du Qatar arrêtent arbitrairement des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) et leur infligent des mauvais traitements en garde à vue. Les forces de sécurité enlèvent les gens dans la rue et dans les lieux publics en se fondant uniquement sur leur expression de genre et fouillent leur téléphone illégalement lors des gardes à vue.

Human Rights Watch a documenté des affaires récentes où des personnes ont été gravement frappées à plusieurs reprises et harcelées sexuellement en garde à vue. Des agents des forces de sécurité ont également agressé verbalement des personnes détenues, obtenu d’elles des aveux forcés, les ont obligées à signer des promesses de « cesser toute activité immorale » et les ont empêchées d’avoir accès à un avocat, à leur famille ou à des soins médicaux. Les forces de sécurité ont posé des conditions à la libération de certaines détenues transgenres : elles devaient prendre part à des séances de thérapie de conversion dans un centre d’« aide comportementale » appuyé par le gouvernement.

Le code pénal qatari punit les relations sexuelles consensuelles entre hommes ou garçons de plus de seize ans d’une peine de prison allant jusqu’à sept ans (article 285). Il prévoit des peines d’un à trois ans d’emprisonnement (article 296) pour tout homme qui « pousse » ou « incite » un autre homme à « commettre un acte de sodomie ou immoral ». Une peine de dix ans d’emprisonnement (article 288) peut être infligée à toute personne qui se livre à des relations sexuelles consensuelles hors mariage avec une personne de plus de seize ans, ce qui peut s’appliquer aussi bien aux relations homosexuelles consensuelles entre femmes ou entre hommes qu’aux partenaires hétérosexuels.

Liberté d’expression

Le code pénal qatari pénalise le fait de critiquer l’émir, d’insulter le drapeau du Qatar, de dénigrer la religion, y compris par blasphème, et d’inciter à « renverser le régime ». La loi qatarie de 2014 sur la cybercriminalité prévoit un maximum de trois ans de prison, une amende de 500 000 rials du Qatar (environ 137 325 USD) ou les deux peines pour toute personne reconnue coupable d’avoir diffusé des « fausses nouvelles » sur Internet ou publié des contenus en ligne qui « bafouent les valeurs ou les principes de la société » ou qui « insultent ou diffament autrui ». En janvier 2020, le Qatar a amendé son code pénal de façon à ce que la diffusion de « rumeurs » ou « fausses nouvelles » avec l’intention de nuire soit passible de jusqu’à cinq ans de prison, d’une amende de 100 000 rials du Qatar (environ 27 465 USD) ou des deux peines.

Abdullah Ibhais, un ancien directeur chargé des médias et de la communication du Comité suprême pour l’organisation et l’héritage de la Coupe du monde, a été arrêté en novembre 2019. Il purge actuellement une peine de trois ans de prison après avoir été condamné pour corruption en avril 2021. Ibhais assure qu’il a été victime de poursuites malveillantes en représailles des critiques qu’il avait exprimées sur la façon dont avait été gérée une grève de travailleurs migrants au Qatar en août 2019.

Apatrides

La décision du Qatar de dépouiller arbitrairement des familles du clan Ghufran de leur nationalité depuis 1996 a rendu certains de leurs membres apatrides et les a privés de leurs droits au travail, à l’éducation, aux soins médicaux, au mariage ainsi que du droit de fonder une famille, du droit à la propriété et de leur liberté de déplacement. Sans documents d’identité valides, leur accès aux services de base est restreint et ils risquent la détention arbitraire. Ceux qui vivent au Qatar se voient refuser des avantages octroyés par l’État aux citoyens qataris, comme les postes de la fonction publique, les subventions alimentaires et énergétiques et la gratuité des soins médicaux de base.

Politiques et actions en matière de changement climatique

En tant qu’émetteur majeur de gaz à effet de serre, le Qatar contribue à la crise climatique qui affecte de plus en plus les droits humains sur toute la planète. Le pays est classé à la sixième place mondiale des émissions de gaz à effet de serre par habitant, en grande partie dues à la climatisation. Le Qatar a pris très peu de mesures pour se détourner de la production et de la consommation de carburants fossiles, augmentant au contraire sa production de gaz naturel liquéfié (GNL) destiné à l’exportation. Détenant la troisième réserve de gaz fossile du monde, le pays est le deuxième exportateur mondial de gaz. Le Qatar a mis à jour en août 2021 sa première Contribution déterminée au niveau national (CDN), un plan d’action quinquennal national de lutte contre le réchauffement climatique exigé par l’accord de Paris, annonçant un objectif de réduction de ses émissions de 25 % d’ici 2030.

Le Qatar, un des pays les plus chauds du monde, est particulièrement vulnérable aux impacts du changement climatique. Pas moins de 97 % de la population du Qatar vit le long d’une côte exposée, ce qui la rend particulièrement vulnérable à la fois à la montée du niveau de la mer et aux phénomènes climatiques extrêmes. Doha a connu de brutales inondations en juillet.

Principaux acteurs internationaux

Du fait de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la pression exercée sur le Qatar pour accélérer sa production de gaz naturel liquéfié s’est accrue, surtout de la part de l’Europe, qui voit le GNL qatari comme une alternative à l’énergie russe. Le Qatar est en discussion avec l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France, entre autres, en vue d’augmenter leur approvisionnement en gaz.

En novembre, le Parlement européen a appelé la FIFA et le Qatar à compenser les abus généralisés subis par les travailleurs migrants alors qu’ils œuvraient à construire les infrastructures de la Coupe du monde 2022, et a condamné la participation des entreprises européennes à ces abus.