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République centrafricaine : « Sans justice, tout le reste est appelé à faire naufrage »

La Cour pénale spéciale, un instrument décisif pour établir les responsabilités des crimes passés

Une habitante de Bossangoa, dans l'ouest de la République centrafricaine, et d'autres villageois ayant trouvé refuge dans un camp de la Force multinationale de l'Afrique centrale (FOMAC), après avoir fui une attaque menée par des forces anti-balaka contre des combattants ex-Séléka le 5 décembre 2013. © 2013 Marcus Bleasdale/VII pour Human Rights Watch

« Il faut que nos frères qui nous ont attaqués soient traînés devant la justice », m’a dit, la semaine dernière à Bangui, la capitale de la République centrafricaine, une victime des violences.

« La justice aide à s’opposer à la culture de violence… Elle peut changer les comportements, pas seulement ceux des criminels, mais aussi celui de l’État », a expliqué de son côté un défenseur des droits humains.

Pendant la semaine que j’ai passée à Bangui, d’autres victimes, militants et avocats ont fait écho à ces sentiments, tout en se déclarant profondément préoccupés par la possibilité que les vagues dispositions relatives à la reddition de comptes qui figurent dans le récent accord de paix puissent être instrumentalisées pour reléguer au second plan la justice pour les atrocités commises dans le pays.

Les appels à la justice pour les victimes n’ont pas faibli depuis la tenue des consultations nationales dans le cadre du Forum de Bangui, en 2015. Des appels renforcés par la création d’une nouvelle juridiction hybride, qui prend enfin l’élan tant attendu.

La Cour pénale spéciale est unique en République centrafricaine dans la mesure où elle est, selon les termes d’un militant local, « une juridiction nationale qui a une dimension internationale ». Composé de juges, de procureurs et d’administrateurs centrafricains et internationaux, elle bénéficie d’un considérable appui logistique et autre de la part de l’ONU.

La loi organique portant création de cette juridiction a été adoptée en 2015, mais des obstacles juridiques, administratifs et bureaucratiques ont retardé le début officiel de ses travaux jusqu’en octobre 2018.

Mais des enquêtes sont enfin ouvertes. En outre, des activités de sensibilisation aux activités de la Cour ont été lancées à destination de la population, notamment grâce à la radio, au théâtre et à des films d’animation. « On peut enfin voir le début du commencement du travail de la Cour pénale spéciale », nous a dit un défenseur des droits humains.

La conduite d’enquêtes et la protection des témoins seront des défis ardus à relever dans un pays contrôlé à 80% par des groupes armés. La Cour manque également d’un financement sûr et opère à partir d’une infrastructure fragile et limitée.

Cette juridiction n’en reste pas moins la meilleure opportunité pour le pays d’établir les responsabilités s’agissant des crimes atroces qui y ont été perpétrés, en particulier depuis 2013. Le gouvernement centrafricain et ses partenaires internationaux doivent soutenir vigoureusement la Cour pénale spéciale.

Les victimes et les militants avec qui je me suis entretenue m’ont confié que l’avenir du pays dépend de la justice. Comme l’a résumé un défenseur des droits humains : « Sans justice, tout le reste est appelé à faire naufrage. »

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