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La CPI face aux menaces des États-Unis

Les États membres devraient s’opposer aux tentatives de discréditer ce « tribunal de dernière instance »

Le siège de la Cour pénale internationale, à La Haye, aux Pays-Bas. © 2016 UN Photo/Rick Bajornas

(La Haye) – Les pays membres de la Cour pénale internationale (CPI) devraient réaffirmer son mandat face aux États-Unis qui menacent d’affaiblir le rôle essentiel qu’elle joue pour la justice internationale, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. La 17e session de la réunion annuelle de la Cour, l’Assemblée des États parties, se tiendra à La Haye du 5 au 12 décembre 2018.

L’administration du président américain Donald Trump a cherché à porter atteinte à la légitimité de la Cour et menacé de contrecarrer les enquêtes impliquant les États-Unis ou leurs alliés. Le 10 septembre, le conseiller américain à la sécurité nationale, John Bolton, a déclaré que les États-Unis ne coopéreraient pas avec la CPI. Au cas où la Cour enquêterait sur des citoyens des États-Unis ou de pays alliés, il a menacé de lancer une série de mesures de représailles, y compris contre des magistrats de la Cour et des gouvernements coopérant avec elle. Trump a également fait des commentaires critiques à l’Assemblée générale des Nations Unies.

« Les menaces adressées à la CPI sont un affront à toutes les victimes qui viennent demander justice devant ce tribunal », a déclaré Elizabeth Evenson, directrice du programme Justice internationale à Human Rights Watch. « Lors de leur réunion annuelle, les pays membres de la CPI devraient manifester leur détermination à contrer tout effort visant à nuire aux enquêtes et aux poursuites judiciaires menées par la Cour. »

La requête de la Procureure de la CPI d’ouvrir une enquête sur l’Afghanistan, qui pourrait se pencher sur des crimes commis par les forces des Talibans et le gouvernement afghan, mais aussi par des agents de la CIA et des militaires américains, est en attente auprès de la Cour. Une enquête de la CPI en Afghanistan ferait progresser l’établissement des responsabilités et permettrait aux victimes de demander justice, tout en avertissant les responsables de crimes graves qu’ils peuvent faire l’objet de poursuites judiciaires, a déclaré Human Rights Watch.

Les pays membres de la CPI ont réagi aux menaces des États-Unis par des déclarations fortes en soutien à cette institution. Par le passé, des tentatives similaires de porter atteinte au travail du tribunal avaient déjà rencontré une ferme résistance de la part de ses membres, notamment lors d’une campagne hostile des États-Unis lancée par l’administration de George W. Bush.

Vu la pression qui s’exerce de façon plus générale sur l’application du droit international, il est d’autant plus important que les pays membres défendent le mandat de la CPI par des déclarations et des actions limpides, a déclaré Human Rights Watch. Les membres de la CPI devraient saisir les opportunités qui se présenteront lors du débat général de leur réunion, notamment lorsqu’ils discuteront de la formulation des résolutions adoptées et de la coopération entre États, pour montrer qu’ils sont déterminés à faire en sorte que la Cour puisse faire son travail.

Les membres marqueront les 20 ans du traité fondateur de la CPI (le Statut de Rome) lors du débat qui lui sera dédié lors de cette rencontre, couronnant ainsi une année de commémorations de cet anniversaire. Ils évoqueront aussi les droits des victimes. Les gouvernements et les responsables de la CPI devraient utiliser ces discussions pour trouver des solutions aux problèmes rencontrés par la Cour – notamment les moyens d’améliorer ses enquêtes, d’accroître son impact sur les communautés affectées et de garantir que ses mandats d’arrêt soient suivis d’arrestations effectives, puisqu’elle dépend de ses pays membres pour arrêter les suspects. Le 17 novembre, Alfred Yékatom, alias « Rombhot », a été remis aux mains de la CPI dans le cadre d’une affaire découlant d’une enquête menée par la Cour en République centrafricaine – c’était pour la CPI la deuxième arrestation de l’année 2018. Mais, au grand dam des victimes et de leurs familles, 17 mandats d’arrêt restent en attente.

« La CPI a eu du mal à répondre aux attentes », a déclaré Elizabeth Evenson. « Cest précisément parce que le rôle de ce tribunal est si vital pour rendre la justice que ses responsables se doivent dêtre plus performants et que les États membres doivent lappuyer davantage. »

En prévision de la réunion, Human Rights Watch a publié une note d’information avec des recommandations aux États parties de la CPI, y compris pour l’élection du prochain Procureur de la Cour. Le mandat de la Procureure actuelle, Fatou Bensouda, expire en juin 2021. Il est nécessaire de s’y préparer à l’avance et d’adopter une approche strictement fondée sur le mérite, a déclaré Human Rights Watch.

Les négociations autour du budget annuel du tribunal, qui provient de fonds alloués par ses pays membres, sont inscrits à l’ordre du jour. Certains pays membres ont exigé une « croissance nulle » du budget de la Cour, tandis que d’autres soulignent de plus en plus qu’elle devrait disposer des ressources dont elle a besoin pour venir à bout de sa charge de travail croissante. Au cours de l’année 2018, la Procureure de la CPI a ouvert trois enquêtes préliminaires – portant sur la situation aux Philippines, au Bangladesh et en Birmanie et au Venezuela – et a été saisie à deux reprises par des pays membres pour examiner la situation en Palestine et au Venezuela.

La CPI est le premier tribunal mondial permanent dont le mandat permet de traduire en justice les personnes responsables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide lorsque les tribunaux nationaux ne le peuvent ou ne le veulent pas. C’est un tribunal de dernière instance, fort de 123 pays membres. Outre la demande d’ouvrir une enquête en Afghanistan, la Procureure de la CPI a ouvert des enquêtes sur la République centrafricaine, la Côte d’Ivoire, la région du Darfour au Soudan, la république démocratique du Congo, la Géorgie, le Kenya, la Libye, le Mali et le nord de l’Ouganda. La Procureure examine également des allégations de crimes commis en plusieurs lieux afin de déterminer s’il convient d’ouvrir une enquête. En plus du Venezuela, du Bangladesh/de la Birmanie et des Philippines, on compte parmi ces dossiers la Colombie, la Guinée, le Nigeria, la Palestine, l’Ukraine et les abus supposés des forces armées britanniques en Irak.

« La Cour est une composante cruciale, mais vulnérable, de lordre mondial fondé sur les règles de droit, et à ce titre a un rôle vital à jouer pour soutenir laccès des victimes à la justice », a conclu Elizabeth Evenson. « À la moindre occasion, ses membres devraient énoncer clairement quils lui apporteront lappui dont elle a besoin. »

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