Le président Emmanuel Macron a déclaré aujourd’hui lors d’un conseil de défense, qu’il chercherait le soutien du parlement pour étendre jusqu’au 1er novembre l’état d’urgence en cours dans le pays. Il a ainsi balayé les espoirs que le nouveau chef d’Etat pourrait lever ces mesures d’urgence qui ont conduit à des pratiques abusives.
Macron a aussi annoncé, à la suite de l’attentat de Manchester, que son gouvernement rédigerait une nouvelle loi anti-terroriste dans les prochaines semaines, en dépit du fait que la France dispose déjà d’une série de lois permettant aux autorités de mener des investigations, de détenir et de poursuivre des personnes soupçonnées de terrorisme.
Déclaré pour la première fois après les terribles attaques de novembre 2015, et prolongé cinq fois depuis, l’état d’urgence devait expirer en juillet.
Pendant la campagne présidentielle, en réponse à un questionnaire de Human Rights Watch, Macron avait dit que, s’il était élu, il s’entretiendrait avec les services de renseignement pour évaluer la menace terroriste avant de prendre ou non la décision de lever l’état d’urgence.
Le nouveau premier ministre Edouard Philippe a écrit dans un tweet aujourd’hui que la prolongation permettrait l’examen d’un projet de loi pour renforcer l’arsenal législatif anti-terroriste français. En d’autres termes, prolonger l’état d’urgence est devenu une tactique de procrastination politique.
Les mesures d’urgence, comme Human Rights Watch et d’autres l’ont documenté, et comme des instances parlementaires et des experts de l’ONU l’ont vivement critiqué, ont conduit à des abus contre des gens ordinaires et ont eu « un impact limité » dans la lutte contre le terrorisme. Elles ont été utilisées pour interdire à des militants écologistes et à des activistes pour les droits des travailleurs de manifester pacifiquement.
Un état d’urgence ne devrait être imposé que lorsqu’il existe une menace pour « la vie de la nation », et devrait remplir de stricts critères de nécessité et de proportionnalité. La seule existence d’un risque est insuffisante. Le premier objectif de tout état d’urgence devrait être d’assurer les conditions pour permettre un retour au fonctionnement normal, soumis au contrôle judiciaire. Des prolongations successives –au seul argument que le risque de sécurité resterait élevé – font l’inverse : elles normalisent l’état d’urgence.
Les dirigeants politiques français –de gauche comme de droite- et leur appareil de sécurité sont devenus accros à l’usage permanent de l’état d’urgence. La réunion de cette semaine était de fait un test pour l’habilité de Macron, en tant que président, de penser autrement la politique française. Le verdict semble au contraire refléter une tactique politique habituelle, et l’installation de l’exception comme la norme.
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