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UE : Les dirigeants esquivent leurs responsabilités vis-à-vis des réfugiés

Ils mettent l’accent sur le contrôle aux frontières et l’endiguement des afflux

(Bruxelles, le 24 septembre 2015) – Le sommet du 23 septembre rassemblant les dirigeants de l’Union européenne s’est concentré sur les manières d’endiguer le flux de demandeurs d’asile au lieu de penser à établir des stratégies de réponse humaine et responsable à la crise qui se tient à ses frontières, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui.

« À écouter les dirigeants de l’Union européenne, on pourrait presque penser qu’il n’y a pas de crise de réfugiés », a expliqué Judith Sunderland, directrice adjointe de la division Europe et Asie centrale au sein de Human Rights Watch. « Au lieu de mesures collectives audacieuses pour remplir les obligations de l’Union européenne vis-à-vis des réfugiés, l’ordre du jour était tourné vers le renforcement des frontières dans le but d’empêcher les migrants d’avancer et de renvoyer ceux qui tentent de passer. »

Au bout de sept heures, le sommet a débouché sur une déclaration de deux pages faisant allusion à l’application complète du Régime d’asile européen commun, ensemble de lois obligatoires établissant des procédures harmonisées, des taux de reconnaissance et des conditions d’accueil. Or la réalité est toute autre : c’est la loterie pour les demandeurs d’asile venus chercher la protection de l’Union européenne à cause d’écarts importants entre les critères et les conditions, a expliqué Human Rights Watch.

Au lieu de traiter ces questions, la déclaration propose des « orientations » vers des « décisions opérationnelles » pour les réunions suivantes et se concentre principalement sur le renforcement des frontières externes, sur la limitation des arrivées et sur l’accélération des retours. Elle suggère de travailler ardemment avec les pays africains pour gérer la migration irrégulière et de renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l’Union européenne en offrant des ressources supplémentaires à Frontex, agence européenne de gestion des frontières extérieures, à Europol, office européen de police, et à l’EASO, Bureau européen d’appui en matière d’asile.

La déclaration envisage également d’accroître l’aide aux pays des Balkans occidentaux, désormais principal couloir de transit des demandeurs d’asile et des migrants, afin de gérer les flux de réfugiés. Bénéficiant de l’appui général, la Commission européenne a proposé d’établir une liste des pays européens « sûrs » pour favoriser un retour rapide des demandeurs d’asile provenant des pays des Balkans occidentaux. Elle n’a toutefois pas pensé à suggérer une liste de pays non sûrs, tels que la Syrie et l’Irak, qui simplifierait et accélérerait les procédures de reconnaissance des besoins de protection des migrants venus de ces pays. La Hongrie a déclaré que la Serbie était un « pays tiers sûr » pour les demandeurs d’asile venus d’ailleurs, bien qu’elle n’ait pas été capable de gérer les flux existants, même temporairement.

Les dirigeants de l’Union européenne ont accepté d’aider intensément l’aAgence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), le Programme alimentaire mondial et d’autres organismes, ainsi que les pays accueillant de grands nombres de réfugiés syriens. Ils se sont aussi engagés à fournir un milliard d’euros aux agences des Nations unies et aux organisations humanitaires.

« L’apport d’une aide supplémentaire pour contribuer à l’amélioration de la vie des réfugiés en dehors de l’Union européenne est précieux et ces agences doivent recevoir cet argent rapidement », a ajouté Judith Sunderland. « Mais rien ne saurait remplacer la garantie que ceux qui atteignent l’Union européenne soient traités humainement et reçoivent la protection dont ils ont besoin, ou l’expansion des voies sûres et légales pour entrer dans l’Union. »

Le sommet extraordinaire des chefs d’État européens a suivi de près une réunion conflictuelle entre les ministres de l’Intérieur, le 22 septembre, lors de laquelle un vote à majorité qualifiée a validé le plan de relocalisation proposé par la Commission européenne pour transférer de l’Italie et de la Grèce 120 000 demandeurs d’asile de plus que les 40 000 déjà décidés. Ce plan a été approuvé malgré l’opposition de la Hongrie, de la Slovaquie, de la République tchèque et de la Roumanie.

Le Royaume-Uni a exercé son droit de dérogation conformément aux traités de l’Union européenne tandis que l’Irlande et le Danemark ont accepté d’accueillir quelques demandeurs d’asile même s’ils disposent du même droit. La Slovaquie a annoncé son intention de remettre la décision en cause devant la Cour de justice de l’Union européenne. Le plan de relocalisation pourrait être un premier pas crucial vers une réponse efficace si son application se fait rapidement et dans le respect des droits des demandeurs d’asile, a déclaré Human Rights Watch.

Plus tôt ce jour-là, la Commission européenne annonçait 40 procédures d’infraction pour non-respect des lois d’asile de l’Union européenne en matière de procédures, de qualifications au statut de réfugié et de conditions d’accueil. Ce nombre se monte désormais à 75 pour un total de 23 États membres. Ces infractions peuvent mener à des actions en justice par la Cour de justice de l’Union européenne et à des amendes importantes.

« Le Régime d’asile européen commun perd toute sa raison d’être lorsque sur les 28 membres de l’Union européenne, 23 pays ne traitent pas convenablement les demandeurs d’asile », a conclu Judith Sunderland. « Il est crucial que la Commission européenne s’engage à lancer des poursuites contre les pays qui ne respectent pas la loi de l’Union européenne. »

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