(Dakar, le 4 septembre 2015) – Le procès de l'ancien dictateur tchadien Hissène Habré, poursuivi pour crimes contre l'humanité, crimes de guerre et torture va reprendre pour de bon le 7 septembre 2015.
Lorsque le procès historique devant les Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises s'est officiellement ouvert le 20 juillet, Habré a dû être sorti du tribunal après avoir déclenché des échauffourées. Ses avocats ont ensuite refusé de venir à l’audience et le procès a été ajourné pour donner aux nouveaux avocats commis d’office le temps de prendre connaissance du dossier.
« Après une lutte de 25 ans et après avoir patiemment attendu 45 jours, les survivants vont enfin pouvoir se faire entendre devant un tribunal », a déclaré Reed Brody, conseiller juridique à Human Rights Watch, qui travaille avec les victimes depuis 1999. « Hissène Habré peut toujours essayer de provoquer d’autres perturbations, il ne dispose pas d’un veto sur l'opportunité de son jugement ou sur le droit des victimes à obtenir justice. »
Habré a refusé de communiquer avec les avocats commis d'office et il est presque certain qu’il essaiera de les récuser. Le président de la Cour, Gberdao Gustave Kam, a cependant clairement indiqué que conformément au droit sénégalais et à la pratique internationale, les avocats sont nécessaires à la sauvegarde des droits de l’accusé et au bon déroulement de la procédure.
Habré est accusé de dizaines de milliers d’assassinats politiques et de torture systématique sous son régime entre 1982 et 1990. Avec le procès de Hissène Habré, pour la première fois, les tribunaux d’un État jugent l’ancien dirigeant d’un autre État pour des supposées violations de droits humains.
Habré est jugé par les Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises pour crimes contre l’humanité, torture et crimes de guerre. Ces Chambres ont été inaugurées par le Sénégal et l’Union africaine en février 2013 afin de poursuivre « le ou les principaux responsables » des crimes internationaux commis au Tchad entre 1982 et 1990, quand Hissène Habré était au pouvoir. Le président Kam, du Burkina Faso, siégera aux cotés de deux juges sénégalais expérimentés.
Le procès devrait durer deux mois, au cours desquels environ 100 témoins et victimes sont attendus à la barre.
« Si on me donne la possibilité de regarder Hissène Habré dans les yeux, je le ferai, et je n’aurai pas peur », a déclaré Fatimé Sakine, une secrétaire âgée de 53 ans qui a été torturée par électrochocs et battue pendant les 15 mois qu’elle a passés en détention de 1984 à 1986. « Je veux savoir pourquoi on nous a laissé pourrir en prison, pourquoi mes amis ont été torturés et tués. »
« Cette affaire est un tournant dans la lutte pour que les auteurs d’atrocités rendent compte de leurs crimes, en Afrique et dans le monde », a déclaré Reed Brody. « Après des années de campagne et de péripéties, un groupe de survivants tenaces a montré qu’il était possible de traduire un dictateur en justice. »