Le 5 mai, la Cour constitutionnelle du Burundi a affirmé que la décision du président Pierre Nkurunziza de se présenter à l'élection présidentielle pour un troisième mandat n'était pas contraire à la constitution du pays. Cet arrêt – controversé depuis que le vice-président de la Cour a révélé que les autorités avaient exercé des pressions et des menaces – a levé un obstacle juridique à la tentative du président Nkurunziza de briguer un troisième mandat. Mais ses efforts pour se maintenir au pouvoir ont déclenché une vague de manifestations publiques, suscitant une riposte du gouvernement qui semble rapidement dégénérer.
Quels que soient les mérites ou les défauts liés à la « question du troisième mandat », les Burundais ont le droit d'exprimer des opinions au sujet de leurs dirigeants et de manifester pacifiquement sans crainte d'être abattus par la police.
Après une brève accalmie pendant le weekend, les manifestations ont repris pour une seconde semaine dans la capitale, Bujumbura. Au cours des deux derniers jours, au moins deux personnes sont mortes et plusieurs autres ont été hospitalisées avec des blessures causées par des balles et des éclats de grenade – s'ajoutant à la hausse constante du nombre de morts et de blessés graves enregistrés depuis que des affrontements entre manifestants et policiers ont éclaté le 26 avril. Si les autorités burundaises ne prennent pas immédiatement des mesures pour réfréner l'usage disproportionné de la force par la police et les abus commis par les membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, ce bilan pourrait continuer à s'alourdir.
Il est difficile de vérifier les détails des affrontements qui se sont produits dans les quartiers les plus touchés de Bujumbura. Des incidents éclatent au même moment dans des lieux différents et il est devenu difficile de se déplacer – même pour les journalistes burundais. Plusieurs d'entre eux ont été menacés, passés à tabac ou arrêtés, simplement pour avoir fait du reportage ou pris des photos. La police a pratiquement bouclé certains quartiers les plus sensibles et a repoussé les manifestants qui tentaient de se diriger vers le centre-ville.
Au fur et à mesure que la tension continue de monter, les esprits s'échauffent. Certains manifestants semblent devenir agressifs eux aussi; plusieurs policiers ont été blessés. Les habitants de certains quartiers décident de rester chez eux, soit parce qu'ils sont bloqués par les manifestants qui ne leur permettent pas de quitter leur quartier, soit parce qu'ils craignent de se retrouver pris dans les violences.
Les affrontements dans les rues suscitent une large couverture de la part des médias, mais leurs images frappantes ne montrent pas les centaines de personnes qui ont été arrêtées depuis le début des manifestations. La plupart de ces personnes seraient entre les mains de la police et, selon des informations non confirmées, certaines auraient été maltraitées. D'autres sont détenues par les services de renseignement, sans souci du principe de régularité des procédures.
Le Premier vice-président burundais a annoncé que les personnes arrêtées pourraient être remises en liberté – mais à la condition que les manifestants cessent leur mouvement de protestation. Les normes internationales et les règles fondamentales de l'État de droit n'autorisent pas que des personnes soient détenues dans le but d'être utilisées de la sorte comme monnaie d'échange. En fait, de telles détentions sont par essence arbitraires et illégales. Et pourtant, c'est ce que le gouvernement semble vouloir offrir.
Le gouvernement a d'ores et déjà suspendu les émissions d'une des stations de radio les plus écoutées du pays et a imposé de sévères restrictions à deux autres. Recourir à la menace de détentions illégales pour faire appliquer une interdiction des manifestations représenterait une nouvelle atteinte grave à la liberté d'expression, qui risquerait de compromettre les gains démocratiques difficilement acquis par les Burundais au cours des dernières années.