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Vietnam

Événements de 2024

Quatre activistes vietnamiens injustement condamnés. De gauche à droite : (1) Nguyen Chi Tuyen, tenant une banderole No-U (signifiant « Non aux revendications territoriales de la Chine »). (2) Nguyen Vu Binh. (3) Phan Van Bach (tenant un message appelant à la libération de Tran Huynh Duy Thuc, qui était alors un prisonnier politique). (4) Hoang Viet Khanh. 

© 2024 Human Rights Watch

Une âpre lutte de pouvoir interne a abouti au départ de cinq membres du politburo vietnamien, et To Lam, l’ancien chef du tristement célèbre ministère de la Sécurité publique, a fini par obtenir le poste suprême de Secrétaire Général du Parti communiste vietnamien en juillet. Sous la houlette de To Lam, la police vietnamienne a emprisonné de nombreux détracteurs ces dix dernières années, réduisant ainsi à néant la société civile vietnamienne émergente. Cette répression s’est poursuivie jusqu’en 2024, ciblant les journalistes, les activistes du droit du travail et les défenseurs des droits humains.

Le Vietnam réprime les droits fondamentaux des citoyens à la liberté d’expression, d’association, de réunion pacifique, de mouvement et de religion. Les syndicats indépendants, les organisations de défense des droits humains, les médias et les partis politiques indépendants restent interdits. L’indépendance du système judiciaire est inexistante et les tribunaux refusent régulièrement aux accusés le droit à une procédure régulière. La police surveille Internet et arrête les personnes qu’elle juge menaçantes pour le monopole du Parti communiste sur le pouvoir. 

Le Vietnam, qui est actuellement membre du Conseil des droits humains de l’ONU pour la période 2023-2025, a annoncé en février qu’il comptait briguer un nouveau mandat. Lors du quatrième cycle de l’Examen périodique universel des Nations Unies, le Vietnam a rejeté 49 recommandations visant à garantir les droits civils et politiques fondamentaux et à réformer des lois qui posent problème.

Prisonniers et détenus politiques

Les tribunaux contrôlés par le parti ont condamné des défenseurs de la liberté d’expression en ligne et des activistes de la société civile à de longues peines de prison en invoquant de fausses accusations telles que la « propagande » ou « l’atteinte aux intérêts » de l’État. En 2024, les tribunaux ont condamné au moins 43 défenseurs des droits humains à de longues peines de prison, notamment les défenseurs des droits humains Nguyen Chi TuyenNguyen Vu Binh et Phan Van Bach, ainsi que l’activiste écologiste Ngo Thi To Nhien.

Plusieurs experts des Nations Unies ont exhorté le gouvernement vietnamien à mettre fin aux condamnations et aux conditions de détention déplorables des défenseurs des droits humains. 

Au moment de la rédaction du présent rapport, la police maintenait au moins 19 autres dissidents en détention provisoire pour des motifs politiques, notamment le blogueur Truong Huy San et l’avocat spécialisé dans les droits humains Tran Dinh Trien. À la fin de l’année 2024, plus de 170 activistes des droits humains et blogueurs purgeaient des peines de prison.

Liberté d’association et de réunion

Le Vietnam n’autorise pas les syndicats indépendants. Les dirigeants de la Confédération générale du travail du Vietnam (CGTV) sont nommés par le gouvernement. Les travailleurs ne choisissent pas leurs dirigeants ou représentants susceptibles de négocier pour fixer leurs salaires en leur nom. Lorsque la CGTV négocie avec la direction ou avec l’État, elle le fait dans l’intérêt du gouvernement et du Parti communiste vietnamien, et non au nom des travailleurs ni en une quelconque qualité d’organisation représentative de leurs droits.

En avril, la police a arrêté Nguyen Van Binh et Vu Minh Tien, des hauts fonctionnaires au sein du ministère vietnamien du Travail et de la CGTV qui avaient plaidé en faveur de réformes plus ambitieuses du droit du travail. En août, les États-Unis ont rejeté la demande de reclassement du Vietnam en tant qu’économie de marché, en partie à cause de son incapacité à faire respecter les droits des travailleurs.

Droit à un procès équitable

Les autorités traitent les suspects d’infractions pénales de manière différente selon que le crime est considéré comme politique ou non politique. Que ce soit dans les affaires politiques ou non politiques, la police, les procureurs et les tribunaux violent le principe juridique fondamental qui sous-tend le droit à un procès équitable, à savoir la présomption d’innocence jusqu’à ce que la culpabilité soit établie. 

Dans les affaires qui impliquent ce que les autorités considèrent comme des « infractions à motivation politique », le gouvernement restreint les droits des accusés en leur refusant l’accès à un avocat, en empêchant les visites des membres de la famille pendant la détention préventive et en interdisant aux membres de la famille, aux activistes et aux amis d’assister à leur procès. Le journaliste indépendant Truong Huy San, arrêté par la police le 1er juin 2024, n’a pas été autorisé à voir son avocat pendant plus de trois mois.

Pour les affaires pénales non politiques par lesquelles les autorités cherchent à faire passer un message aux communautés locales, les procureurs et les tribunaux organisent des procès publics afin de désigner et humilier les accusés (et indirectement leurs familles) et d’« éduquer » le public. Ces « procès mobiles » (« xet xu luu dong ») ont recours à des tribunaux improvisés dans des espaces publics tels que des stades, des espaces communautaires au niveau local, des écoles et des universités, ou des installations du gouvernement pour juger les personnes soupçonnées d’infractions pénales. Dans la quasi-totalité des cas, les tribunaux avaient déjà statué sur la culpabilité des accusés, et ce avant même le début de ces audiences publiques à caractère spectaculaire.

En janvier, un tribunal de Dak Lak a ouvert un procès itinérant contre 100 accusés – pour certains en leur absence – qui étaient soupçonnés de « terrorisme » à la suite d’un attentat perpétré contre des bureaux du gouvernement qui a fait neuf morts en juin 2023. Au bout de trois jours, le tribunal a reconnu les 100 accusés coupables et les a condamnés à des peines allant de neuf mois de prison à la perpétuité, l’audience de chaque accusé n’ayant duré que 15 minutes maximum.

Liberté de mouvement

Les autorités vietnamiennes empêchent systématiquement les activistes des droits humains, les blogueurs, les dissidents et les membres de leur famille de voyager à l’intérieur à l’intérieur du pays ou à l’étranger, notamment en les arrêtant dans les aéroports et aux frontières, et en leur refusant les passeports ou autres documents qui leur permettraient de quitter le pays ou d’y entrer. Les activistes sont régulièrement assignés à résidence lors d’événements jugés politiquement sensibles par les autorités.

En mars et avril, les autorités locales de la province d’An Giang ont bloqué des routes et assigné à résidence des disciples bouddhistes Hoa Hao pour les empêcher de commémorer l’anniversaire de la mort de Huynh Phu So, le fondateur bouddhiste de Hoa Hao. En avril, la police du poste frontière de Moc Bai, dans la province de Tay Ninh, a interdit à Pham Thi Lan, l’épouse du prisonnier politique Nguyen Tuong Thuy, de quitter le Vietnam pour un voyage personnel au Cambodge, en invoquant des questions de « sécurité ». En juin, la police de l’aéroport de Tan Son Nhat a interdit à l’activiste Nguyen Thi Bich Hanh et à ses jeunes fils d’entrer au Vietnam pour rendre visite à sa mère malade. Hanh et ses fils auraient été agressés et détenus, avant d’être embarqués de force dans un avion pour les États-Unis via Séoul deux jours plus tard. En juillet, les autorités ont refusé de délivrer un passeport à l’ancien prisonnier politique Huynh Thuc Vy, en invoquant la « sécurité nationale ». En septembre, la police de l’aéroport international de Noi Bai à Hanoi a interdit au blogueur Bui Thanh Hieu (connu sous le nom de « Wind Trader ») d’entrer au Vietnam pour rendre visite à sa mère malade.

Liberté de religion et de croyance

Le gouvernement impose des restrictions à la pratique religieuse par le biais de la législation, de l’obligation d’enregistrement et de la surveillance. Les groupes religieux doivent obtenir l’approbation du gouvernement, s’enregistrer auprès de lui et opérer sous l’égide de conseils de gestion contrôlés par le gouvernement. Les groupes religieux non reconnus par le gouvernement sont qualifiés de « mauvaises religions » (ta dao). Dans sa contribution à l’Examen périodique universel, le Vietnam a rejeté une recommandation visant à « mettre immédiatement fin à la pratique consistant à forcer des membres de groupes religieux non enregistrés à renoncer à leur foi ».

La police surveille, harcèle et réprime parfois violemment les groupes religieux opérant en dehors des institutions contrôlées par le gouvernement. Les adeptes de groupes religieux indépendants sont victimes de harcèlement, d’intimidation, de surveillance intrusive, de critiques publiques, de renoncement forcé à la foi, de détention provisoire, d’interrogatoire, de torture et d’emprisonnement. La pagode Phuoc Buu à Ba Ria-Vung Tau, qui appartient à l’Église bouddhiste unifiée (non reconnue par le gouvernement vietnamien), a fait l’objet d’actes de vandalisme répétés pour lesquels personne n’a été tenu de rendre des comptes. 

En mars 2024, les autorités de la province de Dak Lak ont poursuivi et condamné l’activiste montagnard Y Krec Bya à 13 ans de prison, et ont arrêté le défenseur des droits des Montagnards Y Po Mlo en août. Les deux hommes ont été accusés de « porter atteinte à la grande unité nationale » en vertu de l’article 116 du Code pénal. Cet article est fréquemment utilisé par les autorités pour punir les activistes des minorités ethniques pour leur affiliation à des groupes religieux indépendants interdits par le gouvernement.

Des experts de l’ONU ont exprimé leur inquiétude quant à l’utilisation abusive et discriminatoire des lois antiterroristes à l’encontre des peuples autochtones Montagnards et des minorités religieuses chrétiennes dans la région des Hauts Plateaux du Vietnam.