Skip to main content

Ukraine

Événements de 2024

Des secouristes dégagent des décombres et recherchent des survivants sur le site de l'hôpital pour enfants Okhmatdyt, touché par des missiles russes, à Kiev, en Ukraine, le 8 juillet 2024. 

© 2024 AP Photo/Evgeniy Maloletka.

La guerre de la Russie contre l'Ukraine continue de causer d'immenses souffrances aux civils. Depuis leur invasion à grande échelle en février 2022, les forces russes ont commis des crimes de guerre et d'autres exactions généralisées et ont maintenu un climat de peur dans les zones ukrainiennes occupées par la Russie. En 2024, les attaques coordonnées à grande échelle de la Russie contre le réseau électrique ukrainien ont considérablement réduit la capacité de production d’électricité du pays, provoquant des pannes d’électricité dans tout le pays. La Cour pénale internationale (CPI) a émis quatre mandats d’arrêt à l’encontre de hauts responsables russes pour leur rôle dans ces attaques.

De février 2022 à novembre 2024, 12 162 civils ukrainiens ont été tués et 26 919 blessés, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. Au moins 6,7 millions d'Ukrainiens ont fui  et se trouvent encore à l’étranger. Des millions d’autres personnes sont toujours déplacées à l’intérieur du pays. Tout au long de l’année 2024, des dizaines de milliers de personnes ont fui les villes en première ligne dans les régions de Kharkiv et de Donetsk vers d’autres parties du pays en raison de la progression militaire continue de la Russie.

En juin, l’Union européenne a ouvert les négociations d’adhésion avec l’Ukraine et a présenté à l'Ukraine un cadre de négociation qui inclut l'État de droit, les droits fondamentaux et les institutions démocratiques comme questions prioritaires dans la prochaine étape du processus d'adhésion.

En août, l’Ukraine a pris des mesures pour devenir membre à part entière de la Cour pénale internationale, une étape importante dans la promotion de la justice mondiale.

En juin, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a tranché en faveur d’une plainte interétatique de la part de l’Ukraine contre la Russie, accusant la Russie d'être responsable d'une série de violations des droits humains en Crimée. La Cour a estimé que les autorités russes avaient mené une série de « poursuites de représailles » contre les opposants à l’occupation de la Crimée par la Russie, qui a débuté en 2014.

En avril, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a prorogé le mandat de la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine, établie en 2022, pour une nouvelle période d’un an.

En août, l’Ukraine a lancé une incursion dans la région de Koursk en Russie. Au moment où nous écrivons, les forces ukrainiennes y contrôleraient approximativement 800 km2, dont la ville de Soudja, où elles ont établi une administration militaire.

Armes explosives dans les zones peuplées 

Les forces russes ont mené de nombreuses attaques contre des zones densément peuplées en 2024, provoquant des ravages et des souffrances dans toute l'Ukraine. La plupart des pertes civiles ont été causées par des armes explosives à large rayon d’impact, qui ont également endommagé des bâtiments résidentiels, des hôpitaux, des écoles, des sites du patrimoine culturel, et d’autres infrastructures civiles.

Au moins 219 civils ont été tués et 1 018 blessés en juillet, ce qui en fait le mois le plus meurtrier pour les civils au cours des deux dernières années. Les frappes des forces russes sur plusieurs villes le 8 juillet ont tué au moins 43 civils, dont cinq enfants, et en ont blessé au moins 190. Les attaques ont également causé des dommages importants à des infrastructures civiles vitales, notamment à l'hôpital pour enfants Okhmatdyt de Kiev, le plus grand hôpital pour enfants du pays. Les autorités ukrainiennes ont indiqué que la frappe sur Okhmatdyt et un autre hôpital de Kiev, a tué neuf patients et personnels de santé et blessé 16 patients, dont des enfants. Human Rights Watch et d’autres ont demandé que la frappe sur Okhmatdyt fasse l'objet d'une enquête comme crime de guerre.

Les frappes russes du 4 mars sur Odessa ont tué 12 personnes, dont 5 enfants, et en ont blessé 20 autres, selon les autorités régionales.

À mesure que l'offensive terrestre russe progressait dans la région de Kharkiv, les attaques contre la ville de Kharkiv et ses environs se sont intensifiées. Les attaques de mai utilisant des bombes et des missiles largués par voie aérienne ont tué, blessé et déplacé un grand nombre de civils et endommagé des infrastructures civiles. Le 25 mai, une attaque dans un centre commercial très fréquenté a fait 19 morts et 54 blessés, selon les autorités ukrainiennes. Une attaque le 30 août, selon des rapports officiels, a tué six civils et en a blessé 97 autres, et a endommagé ou détruit 82 bâtiments résidentiels dans cinq zones différentes de Kharkiv. 

Le 4 septembre, des attaques aériennes russes ont touché un district résidentiel historique à Lviv. L'attaque a fait sept morts, dont quatre membres de la même famille, et 66 blessés. L'attaque a également endommagé sept établissements scolaires, dont une école primaire et trois écoles secondaires, interrompant la scolarité de 1 456 enfants.

Une attaque en septembre contre un site de distribution d'aide à Viroliubivka, dans la région de Donetsk, a tué trois employés du CICR et en a blessé deux autres. Entre janvier et octobre, neuf travailleurs humanitaires ont été tués.

De janvier à décembre, il y a eu au moins 459 attaques enregistrées contre les infrastructures et le personnel de santé, dont 349 attaques ayant touché des établissements de santé, avec 119 membres du personnel et 50 patients blessés. Entre le 24 février 2022 et décembre 2024, l’Organisation Mondiale de la Santé a documenté 2 195 attaques contre des établissements de santé en Ukraine, qui ont tué ou blessé au moins 900 professionnels de santé et patients.

Entre mars et août, les forces russes ont mené au moins 101 attaques contre des infrastructures électriques ukrainiennes dans 17 régions. Les attaques ont considérablement réduit l’approvisionnement en électricité de la population civile. Des coupures quotidiennes, durant parfois jusqu’à 14 heures, mettent en danger des millions d’Ukrainiens, notamment des personnes handicapées et souffrant de problèmes de santé graves, ainsi que des personnes âgées qui dépendent ou ont besoin de services alimentés en électricité et de technologies d’assistance.

Mines terrestres et armes à sous-munitions

Les attaques répétées de bombes à fragmentation russes ont tué et blessé des centaines de civils ukrainiens depuis 2022. Une attaque du 29 avril contre Odessa a tué sept civils et en a blessé des dizaines d'autres. Selon des autorités ukrainiennes, le 26 août, les forces russes ont utilisé des armes à sous-munitions pour attaquer des infrastructures électriques. Les forces ukrainiennes ont également utilisé des armes à sous-munitions et ont reçu six transferts d'armes des États-Unis entre juillet 2023 et septembre 2024.

Les forces russes ont également fait un usage intensif des mines terrestres, causant des dommages aux civils et contaminant les terres agricoles. En juin, l’Ukraine a annoncé qu’elle avait ouvert une enquête préliminaire sur « l’utilisation de mines antipersonnel par des militaires non identifiés », à la suite de rapports de Human Rights Watch sur l'utilisation par l'Ukraine de mines terrestres tirées par roquettes à Izium et dans ses environs en 2022, lorsque la ville était sous contrôle russe.

Abus commis sous l'occupation russe

Les autorités russes dans les zones occupées de l'Ukraine ont continué à imposer législation, structures administratives et contrôle judiciaire russes, notamment par la nomination de juges fédéraux, en violation du droit international humanitaire. Les autorités d’occupation russes ont également fait pression sur les habitants pour qu’ils obtiennent des passeports russes, en les harcelant, les intimidant, en les détenant arbitrairement et en restreignant leur accès aux services sociaux essentiels pour leurs droits, tels que les soins de santé.

Les autorités russes ont continué de supprimer la langue et le programme d'enseignement ukrainiens et d’imposer le programme scolaire russe et le russe comme langue d'enseignement dans les écoles des régions occupées de l'Ukraine.

Tout au long de l’année, les autorités russes dans les zones occupées ont sévèrement réprimé les droits fondamentaux, notamment les droits à la liberté d’expression, d’association, de réunion et de religion. Elles ont détenu arbitrairement journalistes, bénévoles et dirigeants communautaires et religieux qui ont refusé de coopérer avec les autorités d’occupation.

Les autorités russes ont continué d’enrôler des civils ukrainiens dans les zones occupées ou de tenter de toute autre manière de les enrôler de force dans l’armée russe, y compris les civils en détention, ce qui constitue un crime de guerre. 

En mars, les autorités de facto des régions de Donetsk, Lougansk, Zaporijia et Kherson occupées par la Russie ont adopté de nouvelles mesures autorisant la saisie des biens « inutilisés » dans ces régions. Les motifs pour lesquels les propriétés sont considérées comme « inutilisées » sont vagues et permettent aux autorités de saisir arbitrairement des maisons et des appartements privés. Ces mesures affectent particulièrement les habitants qui ont fui ces zones et ont eu du mal à entretenir leurs propriétés à distance.

Crimée

En Crimée, les autorités d'occupation russes ont continué à harceler et à détenir arbitrairement des membres politiquement actifs de la communauté tatare de Crimée, des journalistes et d’autres personnes critiques à l’égard des actions de la Russie en Crimée. Entre décembre 2023 et septembre 2024, les tribunaux de Crimée ont condamné 254 personnes pour « discrédit des forces armées russes ».

Les autorités d'occupation russes ont fait pression sur les avocats travaillant sur des affaires politiques. En juillet, Alexey Ladin, un avocat de la défense représentant les Tatars de Crimée et d'autres personnes dans des affaires politiques, s'est vu retirer sa licence d'avocat en raison de violations présumées de l'éthique juridique. C’était le quatrième cas de ce type en Crimée depuis que la Russie a occupé la péninsule en 2014.

Les autorités ont persisté à refuser des soins médicaux adéquats aux Tatars de Crimée et à d’autres personnes détenues pour des motifs politiques. Iryna Danylovych est restée en détention dans une colonie pénitentiaire du sud de la Russie sans accès à une aide médicale adéquate. En septembre 2024, les autorités ont emprisonné Olexandr Sizikov, affecté par un handicap, malgré les protections légales que la loi russe accorde aux personnes handicapées. Sizikov était assigné à résidence depuis 2020 sur la base d’accusations de terrorisme fabriquées liées à son affiliation présumée au Hizb ut-Tahrir, un groupe religieux interdit en Russie mais pas en Ukraine. En 2023, Sizikov et deux hommes tatars de Crimée ont été condamnés à des peines de prison de 12 et 17 ans, respectivement. La cour d’appel a confirmé ces peines en septembre 2024.

En 2024, les autorités ukrainiennes ont obtenu la libération de la détention russe, grâce à des échanges de prisonniers, de deux militants tatars de Crimée : Nariman Dzelial, vice-président du Mejlis, arrêté en Crimée en 2021 sur la base de fausses accusations de sabotage, libéré en juin ; et Leniye Umerova, une militante de Solidarité de Crimée arrêtée en Russie en 2022 sur la base de fausses accusations d'espionnage, libérée en septembre.

Prisonniers de guerre

Selon les autorités russes, plus de six mille prisonniers de guerre ukrainiens sont toujours détenus en Russie.

Les forces russes semblent avoir exécuté sommairement au moins 15 soldats ukrainiens et peut-être six autres alors qu'ils tentaient de se rendre entre décembre 2023 et février 2024. À la date du mois de novembre, les autorités ukrainiennes menaient 53 enquêtes criminelles sur l'exécution extrajudiciaire de 177 prisonniers de guerre ukrainiens depuis 2022. De décembre 2023 à août 2024, la Mission de surveillance des droits de l'homme de l'ONU en Ukraine (UN Human Rights Monitoring Mission in Ukraine, HRMMU) a documenté l'exécution de 34 Ukrainiens hors de combat.

Les forces russes ont continué de torturer et de maltraiter les prisonniers de guerre et les civils ukrainiens détenus par la Russie. La plupart des détenus sont maintenus dans des conditions de détention déplorables, sans accès à une nourriture et à des soins médicaux adéquats. En octobre, la Commission internationale indépendante d'enquête de l'ONU a conclu que « les autorités russes ont commis des actes de torture contre des civils et des prisonniers de guerre ukrainiens, ce qui constitue un crime contre l’humanité. » Environ 80 % des anciens prisonniers de guerre ont fait état de violences sexuelles alors qu'ils étaient en captivité russe.

La HRMMU a documenté des cas de torture et de mauvais traitements infligés aux prisonniers de guerre russes au cours des premières étapes de leur captivité, qui, à quelques exceptions près, ont cessé à leur arrivée dans les centres d'internement officiels. Les conditions d'internement des prisonniers de guerre russes dans les centres de détention provisoire ukrainiens et dans trois camps dédiés étaient « généralement conformes aux normes internationales. » Les prisonniers ont pu maintenir le contact avec leurs familles, avoir accès à un avocat et recevoir des visites régulières d'observateurs indépendants.

Entre décembre 2023 et décembre 2024, en violation des lois de la guerre, les autorités russes ont condamné, sous prétexte d’accusations de terrorisme et d'extrémisme, au moins 120 prisonniers de guerre ukrainiens pour avoir participé aux hostilités. Les peines variaient de 12 ans à la réclusion à perpétuité. 

Depuis 2022, 59 échanges de prisonniers entre l'Ukraine et la Russie ont abouti au retour de 3 956 militaires et civils.

Détenus civils liés au conflit

Les autorités ukrainiennes ont estimé qu’en date de juillet, la Russie détenait illégalement plus de 14 000 civils ukrainiens.

En avril, un rapport publié dans le cadre d'un mécanisme de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a largement documenté les abus commis par la Russie contre les civils ukrainiens détenus arbitrairement par les autorités russes depuis 2022. Le rapport fait état d’exécutions extrajudiciaires, de torture, de violences sexuelles et de déni des garanties d’un procès équitable. Il conclut qu’il existe « des preuves crédibles permettant d’affirmer que certaines de ces violations pourraient, si les personnes responsables étaient identifiées, constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. »

La HMRUU en octobre a déclaré que les autorités d’occupation continuaient de détenir des personnes pour « ce qui semblait être un exercice légitime » du droit à la liberté religieuse. Entre décembre 2023 et mai 2024, la Mission a documenté 81 cas de détention arbitraire de civils. Elle a également documenté la mort en détention d'un prêtre de l'Église orthodoxe d'Ukraine, dont le corps a été retrouvé dans une morgue locale en février. Il a été vu pour la dernière fois deux jours avant d'être appréhendé par trois hommes armés en uniformes militaires dans la partie occupée par la Russie de la région de Kherson.

La HMRUU a continué de documenter des cas de torture et de mauvais traitements contre des civils en détention dans des zones occupées et dans des centres de détention en Russie, de nombreux cas ayant eu lieu en 2022 et 2023.

Près de 55 000 Ukrainiens sont répertoriés dans le registre d’état unifié comme disparus. Au moins 16 000 sont répertoriés comme civils, dont 1 700 ont disparu depuis 2014.

Violences sexuelles et sexistes

En date du mois de décembre, les procureurs ukrainiens avaient ouvert 335 affaires de violences sexuelles liées au conflit (VSLC) perpétrées par les forces russes dans des centres de détention et dans les territoires occupés depuis février 2022. Les femmes et les filles constituent la majorité des victimes signalées. Le nombre réel de cas de violence sexuelle est probablement plus élevé, car la stigmatisation, la peur des représailles et le manque de connaissance et d’accès à des mécanismes de signalement sûrs empêchent les survivantes de demander de l’aide.

Les autorités ont enquêté sur 88 cas de VSLC contre des militaires russes et ont porté devant les tribunaux 28 affaires impliquant 40 auteurs. Trois d'entre eux ont été condamnés à 12 ans de prison et deux autres à 11 et 10 ans, tous par contumace. Les autres affaires étaient en cours au moment de la rédaction du présent rapport. Les procureurs ukrainiens ont établi un centre de coordination visant à fournir aux victimes et aux témoins de crimes de guerre, y compris ceux touchés par les VSLC, un soutien psychologique, social et juridique tout au long du processus pénal.

Les personnes survivantes de violences sexuelles ont été confrontées à des obstacles importants pour accéder aux services médicaux, psychosociaux et juridiques. Pour couvrir leurs besoins urgents, elles peuvent demander une aide ponctuelle de €3 000 par le biais d’un projet de réparations provisoires, lancé en 2024. En date du mois de novembre, 308 personnes survivantes avaient reçu une aide financière selon la Commissaire ukrainienne à l’égalité des genres. 

Si les violences sexuelles contre les Ukrainien·ne·s détenu·e·s en Russie ont touché de manière disproportionnée les femmes détenues, les prisonniers de sexe masculin, y compris les prisonniers de guerre, ont également été victimes de violences sexuelles.

Les anciens prisonniers de guerre en Ukraine ont droit à quatre à huit semaines de rééducation avant de retourner au service actif. Les organisations ukrainiennes estiment qu'ils ont besoin de plus de temps pour se rétablir et d'un meilleur accès à des services de soutien spécialisés.

En novembre, le parlement ukrainien a adopté une loi qui a codifié la définition des VSLC dans la législation nationale et établi des mécanismes pour fournir des réparations provisoires aux personnes survivantes.

Malgré les efforts de plaidoyer de la société civile, le Parlement n'a pas encore adopté d'amendements à la législation pénale concernant les enquêtes et le jugement des affaires de VSLC. Un projet de loi, qui autorise la police à enquêter sur ces crimes et vise à garantir la confidentialité des données des personnes survivantes à toutes les étapes de la procédure pénale, était toujours en suspens au moment de la rédaction du présent rapport.

En plus des VSLC, la guerre a augmenté les risques de violence conjugale, notamment de la part d'hommes revenant du combat. Le nombre de cas de violence domestique a augmenté de 36 % en 2024 et environ 60 % des auteurs étaient des hommes qui revenaient du combat ; les organisations de défense des droits des femmes soutiennent que les tribunaux sont réticents à poursuivre les soldats qui servent leur pays.

Orientation sexuelle et identité de genre

Au premier semestre 2024, les organisations de défense des droits ont documenté 39 cas de violences homophobes et transphobes dans les zones sous contrôle ukrainien et un cas dans le territoire occupé par la Russie. Le nombre réel de cas dans les zones occupées est probablement plus élevé, mais difficile à documenter en raison de l'accès limité à la zone et des conditions extrêmement répressives qui empêchent de signaler les faits.

Deux projets de lois, proposant des amendements à la législation pénale visant à lutter contre les crimes motivés par la haine ou la discrimination et introduisant les partenariats entre personnes de même sexe, sont restés en suspens au Parlement. Le soutien du public aux changements proposés par les projets de loi a augmenté en dépit de l’opposition des communautés religieuses, selon des sondages publics. En juin, une enquête a montré que plus de la moitié des Ukrainiens soutiennent les unions homosexuelles et plus de 70 % croient en l'égalité des droits pour les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les transgenres.

État de droit

Les autorités ont continué d'appliquer vigoureusement les lois anti-collaboration, adoptées en 2022, que les organisations ukrainiennes et internationales ont critiquées pour leur caractère trop large et vague. Les autorités ont imposé des sanctions sévères et arbitraires aux bénévoles, aux employés municipaux, au personnel médical et aux enseignants qui travaillaient dans des zones contrôlées par les forces d'occupation russes, malgré l'absence de preuve qu'ils commettaient des actes hostiles et au mépris du cadre du droit international humanitaire qui protège les civils vivant sous occupation.

Tout au long du premier semestre 2024, le nombre de poursuites judiciaires a régulièrement augmenté, dans un contexte d'inquiétudes concernant la partialité des poursuites et la compromission du droit à la défense des accusés. Au cours du second semestre, le nombre de nouvelles enquêtes aurait diminué suivant les instructions du Bureau du Procureur général de se conformer au droit international. Le taux de condamnation pour les cas de collaboration est resté proche de 100 %.

Les autorités ont pris des mesures pour imposer des restrictions supplémentaires liées à la sécurité sur l'accès du public à l'information. En mai, le parlement a adopté en première lecture un projet de loi qui, s’il est adopté, restreindrait l’accès aux décisions judiciaires dans les cas « d’intérêt public particulier », notamment les cas de sécurité nationale, pendant toute la période de la loi martiale et un an après. Plus de 30 organisations de défense des droits humains ukrainiennes ont appelé le parlement à rejeter ce projet de loi.

En août, le parlement a adopté une loi régissant les organisations religieuses qui est trop large et qui pourrait avoir de lourdes conséquences sur le droit des Ukrainiens à la liberté religieuse. La loi interdit l'Église orthodoxe russe en Ukraine et toute organisation religieuse en Ukraine qui lui est liée. Cette loi pourrait de fait interdire le fonctionnement de l'Église orthodoxe ukrainienne (Ukrainian Orthodox Church, UOC), l'une des plus grandes organisations religieuses d'Ukraine, entraînerait de graves conséquences pratiques pour les paroisses de l'UOC et des millions de paroissiens. Les conséquences pourraient inclure : des restrictions sur la propriété et l’exploitation des biens religieux ; des obstacles à l’accès aux lieux de culte ; et des risques accrus de surveillance et de poursuites par les services de sécurité.

Liberté de la presse

Des journalistes et des médias indépendants critiques à l'égard du gouvernement ont été victimes de harcèlement. En janvier, des assaillants inconnus ont tenté de faire irruption dans l'appartement du journaliste anti-corruption Youri Nikolov. Une campagne de diffamation contre Nikolov a suivi sur plusieurs chaînes Telegram pro-présidentielles, le traitant d'agent russe et l'accusant de refus d'enrôlement et de tentative de discréditer le président ukrainien Volodymyr Zelensky.

En janvier également, le site d'investigation Bihus.info, connu pour ses enquêtes sur les forces de l’ordre, a rapporté que son personnel avait été surveillé par vidéosurveillance et écoutes téléphoniques pendant des mois. Une enquête sur la surveillance illégale des journalistes initiée par les services de sécurité ukrainiens était en cours au moment de la rédaction du présent rapport. 

Début 2024, des dizaines d’employés d’Ukrinform, la seule agence de presse nationale gouvernementale d’Ukraine, ont démissionné, invoquant une pression croissante pour suivre les directives du gouvernement en matière d’information. Après le limogeage du directeur d’Ukrinform, le président Zelensky a publié en mai un décret, nommant un officier militaire au poste de directeur général de l'agence. L’organisme indépendant de surveillance des médias ukrainiens, l’Institut d’information de masse, a critiqué cette décision comme une menace pour la liberté de la presse.

En octobre, le média Ukraïnska Pravda a accusé la présidence d'exercer une « pression systématique et à long terme » sur sa rédaction et ses journalistes. Cette pression comprenait l'interdiction pour les représentants du gouvernement de communiquer avec le média et la pression exercée sur les entreprises pour qu'elles cessent de faire de la publicité auprès d’eux.

Justice internationale

Après des années de campagne menée par des organisations nationales et internationales de défense des droits humains, l’Ukraine a pris des mesures importantes pour ratifier le Statut de Rome, fondateur de la CPI. Le Parlement a adopté une loi pour ratifier le traité, mais celle-ci comprend des restrictions qui, si elles sont appliquées, pourraient soustraire les criminels de guerre à la justice. Pour devenir membre à part entière de la CPI, l'Ukraine doit encore adopter une loi visant à intégrer les dispositions du Statut de Rome dans le droit national et en informer officiellement les Nations Unies.

Des organisations de victimes et des organisations non gouvernementales ont continué de déposer des requêtes en matière de compétence universelle dans des pays tiers pour répondre aux crimes commis par les forces russes en Ukraine, notamment une affaire de violences sexuelles liées au conflit en Autriche et un cas de torture en Argentine.